Thread Rating:
  • 0 Vote(s) - 0 Average
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes
#3
DOSSIER #5<!--/sizec-->


LA VIE D'HOMMES INFÂMES<!--/sizec-->

SHC 3 - RUS 3 - IEI 0

Les clients, surpris, étaient gentiment poussés vers la sortie. Les plus récalcitrants se voyaient offrir par la maison un dernier verre pour la route.
- Je suis désolé, messieurs dames, nous fermons… Désolé, vraiment désolé…
Le petit homme grassouillet qui était le patron se frottait nerveusement les mains, pendant que le vigile répétait, laconique, inlassable :
- Bonne soirée, messieurs dames. Nous fermons… Bonne soirée…

Quand on réussit à mettre le dernier poivrot dehors, le patron, adossé à la porte d’entrée, soupira et faillit s’asseoir là, par terre.
Il se fit servir un remontant au comptoir, qu’il avala d’une gorgée, avant de reposer le verre et de partir vers les coulisses.

Les deux policiers examinaient le corps de la danseuse.
- Evidemment, ce n’est pas très joli à voir, dit le patron, comme pour s’excuser.
L’air vaguement ennuyé, l’inspecteur Maréchal se roulait une cigarette. A l’intérieur de la loge, le corps de la jeune femme pendait au crochet, la gorge serré autour du bas nylon qui l’étranglait, et qui menaçait de se déchirer.
- C’est solide, ces bas-là ? demanda Portzamparc.
- Que voulez-vous dire ?
Portzamparc fit décrocher la danseuse. On put enfin la mettre sous un drap. Le détective examinait toujours le bas.
- Peut-être que la Scientifique a des archives sur les tests de résistance du nylon, ricana Maréchal, qui avait envie de rentrer.

Une danseuse retrouvée pendue à la Dentelle Rose. Appel du patron, qui dérangeait Maréchal dans son bureau. Descente des deux policiers. On faisait évacuer en avance le cabaret.
Bien sûr, personne n’avait touché à rien.

Portzamparc sentait qu’un détail clochait, à propos de ce bas. Maréchal se demandait si Madame de Portzamparc portait les mêmes…
- Moi je vous dis, affirma le détective, inquiet, qu’elle n’a pas pu être pendue avec ça… Pas assez résistant.
- Elle s’appelait donc… « Juliana » ? demanda Maréchal, routinier.
- C’était son nom de scène, oui… souffla le patron.
Etait-il triste de la mort de sa danseuse vedette ? Ou triste du manque à gagner pour ce soir ?
Feuillantin était déjà en route. C’est lui qui était d’astreinte ce soir. On savait que Gaston Rainier, l’officier de la Scientifique, aimait multiplier les heures supplémentaires pour ses stagiaires.
- Bon, qui pouvait lui en vouloir ? demanda l’inspecteur.
- Mais enfin, c’est absurde…
- Oui, oui… Depuis combien de temps était-elle votre employée ?
Le réceptionniste vint annoncer qu’on demandait la police au parlophone. L’inspecteur y alla, pendant que Portzamparc, un bloc à la main, posait les questions d’usage.

- Ca a l’air urgent, dit le réceptionniste, un petit homme malingre à la voix éraillée.
- Maréchal, j’écoute.
Il n’entendit d’abord qu’un lourd vacarme. Il crut que la ligne était détraquée. Il secoua le combiné, comme si cela pouvait réparer le réseau.
- Maréchal à l’appareil ! cria-t-il.
Il distingua une voix, presque complètement recouverte par le bruit sourd de derrière.
- Maréchal ?
- Oui, c’est moi…
La voix était inquiète.
- Maréchal, écoute-moi…
Il avait reconnu, cette fois, la voix de l’inspecteur Boncousin.
- Maréchal…
L’angoisse montait.
- Je t’écoute ! Où es-tu ?
- Ecoute, Maréchal…
C’était presque des pleurs maintenant. Et un halètement.
- Ecoute, vieux… Souviens-toi…
- De quoi ?
- C’est l’homme à la tête de rat, Maréchal !
Il avait terminé sa phrase par un cri.
Puis une détonation.
- Boncousin !
Plus que le vacarme.
- Boncousin !...
On raccrocha.

L’inspecteur dut s’asseoir. Il avait pâli.
Il alla se faire servir un remontant au bar, qu’il avala d’une gorgée.
- Je viens d’avoir un appel de Boncousin, cria-t-il à Portzamparc en se précipitant en coulisses.
- Alors ?
- Ca a l’air malsain…
- J’allais vous dire ! fit le patron, presque guilleret. Votre collègue était avec nous ce soir ! Ce monsieur Boncousin, je l’ai reconnu…
- J’y vais, dit Maréchal. Je crois que je sais d’où il appelait.
- Je reste ici, dit Portzamparc.
- Oui, et tu attends l’arrivée de la Scientifique.

L’inspecteur se rua dehors.
Dans le cabaret, on se regardait, gêné.
- Bien, reprenons, toussota Portzamparc.

*

Un lieu où puisse retentir, en plein milieu de la nuit, un bruit assourdissant comme celui qu’il avait entendu, Maréchal n’en connaissait pas deux.

L’inspecteur vérifia dan sa course que son révolver était bien chargé et, au passage, il recruta un Pandore qui faisait le planton rue Croulebarbe.
Il fallut courir dix bonnes minutes, à en perdre haleine. C’était Maréchal, maigre et fumeur, qui accusa le coup en premier. Mais on était arrivés !
Les usines Vanstrupp, mobilier industriel. Un gardien faisait une ronde avec son chien, derrière une grande grille surmontée de barbelés.
- Sûreté ! cria Maréchal en se précipitant à l’intérieur, en évitant le chien qui lui aboyait dessus.

On entra dans l’usine qui vibrait du vacarme qui régnait à l’intérieur.
Oui, c’était bien le même bruit que celui entendu au parlophone. Les deux policiers entrèrent dans l’immense hall de montage, où les équipes de nuit s’affairaient, sous les cris des contremaîtres.
Des pièces passaient sur les tapis roulants, d’autre au plafond sur les rails et on voyait des ouvriers alignés à leur poste, jusqu’au fond indiscernable de l’usine. Des machines étaient assemblées, qui partaient vers d’autres usines où elles feraient marcher les chaînes de montage.
- Vous avez le parlophone ici ? cria Maréchal à un responsable.
- Oui là-haut !
L’inspecteur, mort d’inquiétude, monta l’escalier en fer et arriva sur la coursive. Il repéra tout de suite une porte qui avait été enfoncée. C’était le bureau du sous-directeur.
Maréchal se jeta dans la pièce, le révolver braqué.
Personne.
Il fit de la lumière. Il jeta un œil derrière le bureau, le fauteuil. Personne.
- Personne n’est entré ici depuis la fin de la journée, dit le superviseur.
- Ah non, dit Maréchal, coléreux, le front en nage, et ça ?
Des gouttes de sang sur le bureau. On avait mal essuyé.
La fenêtre à guillotine était mal refermée. L’inspecteur, furieux, l’ouvrit. Deux mètres plus bas, le toit ondulé de l’usine, une grande plaque sous une grande étendue de nuit.
Et les autres usines, noires, silencieuses. Maréchal enjamba le rebord, assura son appui sur la corniche et sauta sur le toit. Il enfonça légèrement la tôle.
Juste à côté d’où il avait atterri, un autre impact, plus gros que le sien.

Le vent soufflait. Maréchal sentit le désespoir s’abattre sur lui. Il voulait crier à Boncousin de sortir de cette nuit d’acier et de hurlement, de donner signe de vie… Le brouillard s’épaississait. On ne voyait presque plus au loin.
Maréchal erra au hasard, sur le toit, sentant peu à peu son inutilité, son impuissance. C’était trop grand par ici, trop grand… Et il ne voulait l’aide de personne.

Boncousin…
Il courut dans un sens, puis dans un autre…
Il put descendre du toit, plus loin, à l’échelle. A l’autre bout de l’allée passait un canal d’évacuation des eaux industrielles.
Maréchal courut dans ce petit univers vide, sur le pavé entre les silhouettes noires, gigantesques des usines.
Il s’arrêta pour souffler.

Au bout d’une petite rue, il aperçut une silhouette étrange. Un obèse. Fermement posé sur ses jambes arquées, avec son énorme manteau et son petit chapeau melon. Une canne à la main. Il disparut derrière un bâtiment.
- Hé vous !
Enragé, Maréchal lui courut après. Quand il arriva au coin de la rue, c’était trop tard : un tram venait de démarrer. Dans la lumière crue de la rame, l’inspecteur vit nettement l’obèse, accroché à la main courante.

L’inspecteur revint vers l’usine. Il retourna dans le bureau du sous-directeur, où le Pandore ne savait comment occuper sa grande carcasse. Il appela la Dentelle Rose. Au bout de quelques minutes, il eut le cabaret :
- Vous direz au détective que je le retrouve à la « maison ».
Puis le commissariat :
- Les usines Vanstrupp… Cette fois, Rainier, j’ai peur qu’il faille venir vous-même…


Reply


Messages In This Thread
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 17-11-2007, 11:39 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 17-11-2007, 11:40 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 17-11-2007, 11:40 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 21-11-2007, 04:08 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by sdm - 22-11-2007, 02:19 AM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 26-11-2007, 01:01 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 28-11-2007, 03:53 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 02-12-2007, 01:07 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by sdm - 03-12-2007, 01:19 AM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by sdm - 06-12-2007, 06:40 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 08-12-2007, 07:20 PM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by sdm - 10-12-2007, 02:13 AM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 19-12-2007, 01:12 AM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 19-12-2007, 01:16 AM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by Guest - 19-12-2007, 01:35 AM
Dossier #5 : La vie d'hommes infâmes - by sdm - 19-12-2007, 10:57 AM

Forum Jump:


Users browsing this thread: 1 Guest(s)