27-12-2007, 11:46 PM
(This post was last modified: 28-12-2007, 12:32 AM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Le vieux senseï s'assit, pendant qu'un de ses disciples lui mettait un manteau sur les épaules et s'asseyait à son tour.
- Alors, Shiba-san, pourquoi as-tu fait ce si long chemin pour venir dans ce modeste temple ?...
- Je te remercie infiniment pour ton hospitalité. Je me nomme Shiba Satoru. Je viens de la Cité de la Forêt des Ombres, envoyé par mon maître, le gouverneur Shiba Otondo. J'ai fait ce chemin avec mes hommes pour découvrir votre sagesse.
- Notre sagesse ? sourit le vieux Togashi.
- Oui, pour découvrir votre savoir ancestral, dit le gunso, maladroit, empressé.
- Je peux déjà t'apprendre une chose, dit le senseï en buvant son thé.
- Je serai honoré de l'apprendre.
- C'est que la sagesse consiste d'abord à savoir que l'on ne sait pas. Car celui qui ne sait pas sait déjà une chose, tandis que le savant ignore son ignorance...
Le pauvre Shiba peina à se remémorer la phrase au-delà des sept premiers mots ! Elevé dans les principes de son clan, c'était un samuraï honorable, avec ses convictions.
Mais on l'avait prévenu que, s'il était prêt à se battre contre les Lions, il n'était pas prêt à comprendre la sagesse des mystérieux hommes tatoués !
- Certainement, senseï... Merci pour cette leçon... J'y penserai autant que...
- Allons, viens-en au fait.
- Ah, oui... Voilà. Je sais que nos deux clans sont amis depuis toujours. Et que récemment, des shugenja de la famille Isawa ont reçu une invitation de ta famille. Et depuis, s'est scellé un accord, qui disait que nous vous donnerions des parchemins et en échange, nous aurions accès à une partie de votre savoir.
Shiba Satoru eut conscience aussitôt de s'être exprimé grossièrement, surtout devant un sage, mais le vieil homme souriait de ses maladresses.
- Je suis au courant de cet accord, Satoru-san. Mon daimyo m'a prévenu. C'est donc bien volontiers que je vais te donner ce que tu es venu chercher.
Le Togashi se leva et se rendit avec le gunso au dojo, où les élèves continuaient leurs exercices. Tous avaient un tatouage de campanule à l'épaule, et certains, plus âgés, en avaient d'autres. Satoru savait que ces dessins étaient imprégnés de magie : ils donnaient des facultés exceptionnelles à celui qui en était marqué.
Le vieux senseï fit signe à ses disciples de s'arrêter.
- Mes amis, cessez un moment, je vous prie.
Tous obéirent comme un seul homme et s'agenouillèrent.
- Mes amis, voici le gunso Shiba Satoru, qui nous vient des terres du Phénix, pour découvrir notre art.
Le vieil homme observa les moines, comme un grand-père observe ses enfants, fier d'eux, satisfait d'être le chef de famille.
- Togashi Maya, approche.
Il parlait à une jeune femme, l'air sévère et d'une très grande beauté. Shiba Satoru le nota tout de suite et se dit que le vieux senseï n'avait pas perdu complétement le sens des réalités ! Que chez les Togashi, un canon restait un canon !
- Togashi Maya est l'une de mes meilleures élèves, dit le senseï. A seize ans, elle est l'une des plus douées d'entre nous. C'est une grande fierté pour moi.
Le gunso s'inclina devant la jeune femme, qui ne paraissait pas se rendre compte de l'effet qu'elle produisait déjà sur les samuraï Phénix. A peine vêtue, juste de quoi être décente, elle était encore plus attirante avec son tatouage.
- Viens avec nous, Maya-san, nous avons à parler.
Le vieil passa devant, les Phénix suivirent. Satoru échangea un regard avec ses hommes : en fait, ils n'étaient pas venus pour rien !

- Qu'elle parte avec nous ?
- Oui, dit le vieil homme.
Shiba Satoru ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux. Il fit semblant d'être surpris à cause du grand honneur qui lui était fait. Et déjà il sentait ses rêves les plus fous, nés quelques instants avant dans le dojo, devenir réalité. Le vieil homme le savait-il ?
- Maya-san, dit-il gravement, je sais que tu es jeune. Mais la sagesse ne se trouve pas, loin de là, que dans notre temple. Shinsei a dit que chaque chose est porteuse de sagesse. Il faut avoir un grand nombre de choses pour comprendre le Tao. Alors je souhaite que tu partes avec ces samuraï. Que tu ailles dans leur pays, que tu observes, que tu apprennes. Que tu leur parles de notre sagesse, et que tu apprennes de la leur. Te sens-tu prète à cela, Maya-san ?
- Oui.
Elle n'avait pas seize ans, et elle était belle comme un coeur !
- Nous la protégerons, senseï ! dit Satoru-san, martial et viril comme jamais. Il ne lui arrivera rien !
Quatre jours plus tard, il eut à regretter ces paroles bravaches !
- Je te fais confiance, Phénix-san, lui avait dit le senseï. Maya est jeune et naïve. Je vous la confie, car je sais que vous êtes des hommes d'honneur. Que vous lui ferez découvrir votre culture, si différente de la nôtre.
- N'aie crainte, avait encore dit Satoru, je t'assure qu'elle passera de merveilleux jours dans nos terres. Et dès qu'elle le souhaitera, elle reviendra ici... et je l'escorterai moi-même.
- Je n'en doute pas.
Le voyage s'était bien passé. Les Phénix avaient rapidement découvert que Maya-san n'était pas bavarde. Même pas du tout. Elle ne devait pas prononcer quatre phrases par jour.
- Gunso, avait dit un soldat, un soir que Maya était déjà couchée, pensez-vous que ce soit cela la sagesse ?
- Par Isawa, je l'ignore, avait dit Satoru. Mais ce soir, je suis fatigué. Alors, comme a dit Shinseï, allons dormir !
En arrivant au bas des montagnes, les Phénix retrouvaient avec émotion leurs terres natales. Ils étaient euphoriques, de revenir dans ces terres harmonieuses, paisibles, de quitter ce monde aérien de pierres dénudées. Ils retrouvaient les jardins méditatifs et les ruisseaux chantants.
- Voici notre pays, dit Shiba Satoru.
- Très bien.
- Maya-san sait dire l'essentiel en peu de mots, nota le nikutaï.
Le gunso lui lança un regard noir :
- Sache que Shinseï a dit que le plus sage est parfois celui qui en dit le moins.
Le nikutaï baissa les yeux.
- Et s'il ne l'a pas dit, ajouta Satoru, il aurait très bien pu le dire !
La petite troupe reprit sa marche.
- Nous allons maintenant traverser une grande forêt, Maya-san, dit Satoru, un peu inquiet. Elle s'appelle la Forêt des Ombres. Mais que ce nom ne t'inquiète pas ! Il y a sans doute bien des esprits qui y vivent, mais ils ne s'en prendraient jamais à des samuraï du clan du Phénix... ni à leurs invités !
- Entendu.
C'était quand même rageant. Même Satoru devait en convenir. Une femme comme elle, qui ne faisait aucun effort pour être charmante, c'était à s'arracher les cheveux ! Elle passait, indifférente, comme si elle planait dans une réalité supérieure, ne consentant à fouler le sol de ce monde changeant que le moins possible. Satoru fut donc le premier à vivre ce que, presque huit cent ans après, vécurent ceux qui croisèrent le chemin de la réincarnation de Maya, alias Mirumoto Ryu !:baton:
Satoru ne s'en faisait pas. Ces légendes sur la Forêt des Ombres, ses démons, esprits malfaisants et autres mauvaises rencontres, ce ne devait être que racontars de paysans trouillards...
Finalement, les Phénix n'étaient pas fâchés d'être de retour. Revenir avec cette jeune Togashi était une fausse bonne nouvelle. Après la forêt, on arriverait au sanctuaire de Shinsei. Puis, par la grande route, on filerait plein est vers la côte.
Par cette belle après-midi, où le soleil coulait entre les arbres, la troupe traversa la Forêt, remplie de bruits charmants ou inquiétants. Maya avait-elle jamais vu un endroit pareil, plein d'arbres et de végétation ? Etait-elle jamais sorti de son temple perdu dans les sommets ?
- Hmmm...
Maya s'était arrêtée, et avait marmonné quelque chose.
- Qui y-a-t-il ? demanda Satoru.
- J'ai entendu du bruit dans les fourrées.
- Du bruit ?
- Là ! cria le nikutaï.
Il prit son arc, encocha et visa. On vit passer une silhouette trapue. Un grognement sourd, des branches qui cassent.
- Arrêtez-vous ! dit le nikutaï.
- Attends, dit le gunso en abaissant l'arc. Vous deux, alle voir par là !
Les deux samuraï obéirent et enjambèrent des arbustes.
C'était bien la guigne ! Une présence hostile, au beau milieu de Morikage !
Satoru vit passer à quelques mètres de lui un être velu, poilu comme un singe. Un barbare yobanjin ! Ils sévissaient depuis des semaines ! Il vit rouge et tira son sabre.
Maya se retrouva un moment seul. Elle se mit en position de défense, comme lui avait appris son maître. Elle ne vit pas venir un des barbares, caché derrière un tronc. Pendant ce temps, on se battait dans la forêt. Le barbare surgit, son gourdin à la main et en asséna un fort coup sur le crâne de la Togashi !
Satoru avait abattu son arme sur le crâne d'un barbare et se retourna. Il vit Maya tomber, la tête en sang. Et le sang de Satoru ne fit qu'un tour ! Il imagina déjà le pire ! "Seigneur, j'accompagnais une Ize-Zumi et les yobanjin l'ont tuée... Oui, elle était sous ma garde..."
Il se rua sur le barbare et lui fracassa le crâne de son katana !
Pendant que les hommes, commandés par le nikutai en terminaient avec les autres créatures velus.
- Maya-san, Maya-san !
La blessure était plus impressionnante que profonde. La Togashi avait du sang plein le visage. Appuyée contre un arbre, elle voyait mille étoiles et les choses vibrer. Satoru lui essuya le visage. On était presque à la sortie du bois. Le sanctuaire de Shinsei n'était plus loin. Là-bas, on trouverait de quoi remettre d'aplomb la malheureuse Ize-Zumi.

Pendant que ces évènements dramatiques se déroulaient dans Morikage, non loin de là, deux autres groupes étaient toujours à la recherche des barbares. Le groupe de yorikis emmené par Isawa Sasuke, ainsi que les bushis de Shiba Mitsurugi avaient, chacun de leur côté, passé une journée à traquer les yobanjin, sans succès. C'est dans le bois appelé La clairière d'argent que les deux groupes entrèrent, chacun de leur côté, en cette chaude fin d'après-midi.
L'ardeur première des bushis venus de la Cité de l'Or Bleu commençait sérieusement à s'émousser. Mitsurugi en prenait un coup dans sa fierté d'être tenu en échec par ces barbares assimilés à des animaux enragés. Des pisteurs avaient orienté les recherches vers ce bois et, à l'heure qu'il était, les samuraï cherchaient sur les rives de l'étang du bois.
- Ils sont partis par là-bas ! Ils ont trouvé refuge dans la clairière d'argent.
Voilà ce qu'on leur avait dit.
Mais Shiba Mitsurugi commençait à desespérer. On entendit alors du bruit, venu de l'autre côté de l'étang. Les samuraï, à l'affût du moindre indice, en firent le tour en vitesse. Et on vit sortir du bois un groupe de paysans armés, avec, à leur tête, un shugenja Isawa.
Mitsurugi, surpris, s'avança. Il se présenta et reçut les présentations du jeune shugenja.
- Konnichi-wa. Mon nom est Isawa... Sasuke.
- Enchanté de te connaître.
Les deux hommes apprirent qu'ils étaient ici pour la même raison.
- Très bien, alors maintenant, nous avons deux fois plus de chance de les retrouver !
Mitsurugi n'osait dire que s'ils échouaient, deux fois plus cuisant serait l'échec...

La journée se terminait, quand les bushis et les yorikis ressortirent du bois.
Toujours personne !
Les yobanjin avaient dû passer par là, mais en repartir avant l'arrivée de leurs poursuivants.
- Nous jouons de malchance depuis deux jours, dit le soir Mitsurugi.
- Ils sont très forts, ces barbares, concéda Isawa Sasuke.
Les deux samuraï eurent le temps de mieux faire connaissance. Le gunso expliqua qu'il était envoyé par le gouverneur de sa Cité. Le shugenja dit qu'il avait été envoyé par son temple, sur la demande du gouverneur de Morikage Toshi.
Il se faisait déjà tard, et il fallait reprendre le lendemain, à la première heure, les recherches.
Le soleil perçait à peine à l'horizon quand les samuraï prirent leur collation du matin. Isawa Sasuke ordonna aux yorikis de rentrer dans leur village. Ils ne pourraient maintenant que gêner les samuraï.
Alors qu'on arrivait au prochain village, aux abords de Morikage, un autre yoriki vint avertir les deux samuraï qu'un drame s'était produit : un groupe de Phénix avait été attaqué par les barbares !
- Où sont-ils maintenant ?
- Ils se sont arrêtés au sanctuaire de Shinsei, car ils ont des blessés !
- C'en est trop, dit Mitsurugi. Allons-y en vitesse et finissons-en avec ces chiens de yobanjin !
Le groupe partit à marche forcé jusqu'au lieu de pélerinage, où Shinseï avait séjourné voici bientôt quatre siècles. En arrivant, ils se rendirent aux bâtiments pour les malades, où ils rencontrèrent un gunso, visiblement pas fier de lui.
- Konnichi-wa, samuraï. Mon nom est Shiba Satoru, de la Cité de la Forêt des Ombres.
Il expliqua de quel périple dans les montagnes Togashi il revenait.
- J'escortais une Ize-Zumi et elle a été blessée par un des barbares qui nous ont attaqué ! Les Ancêtre ne me le pardonneront jamais ! Sans parler du Gouverneur Otondo !
- Rien n'est perdu, affirma Mitsurugi. Je vais aller parler à cette Ize-Zumi.
La première impression du gunso fut la même que celle de Satoru. D'où venait une pareille beauté ?... Comment Satoru avait-il pu être assez béni par les Ancêtres pour escorter une telle créature de rêve ?... Et qu'avait-il fait, lui, dans ses vies antérieures, pour la rencontrer à son tour ? L'Illumination était proche !...
- Konnichi-wa, Togashi-san...
Malgré le coup qu'elle avait reçu à la tête, elle ne perdait rien de sa beauté. Et même, la voir dans cet état de fragilité, lui donnait encore plus d'attrait. Elle avait besoin d'un homme, d'un vrai, pour la protéger !
Mitsurugi ressortit, circonspect.
- Elle n'est pas bavarde, dit-il à son corréligionnaire.
- Par Shiba, non !
- Je propose que tu laisses deux hommes ici pour veiller sur elle. Pendant que nous réunirons nos hommes pour organiser une chasse à courre !
- Entendu ! Tout cela n'a qu'assez duré !
Maintenant, on se battait pour l'honneur ! Et il y avait une femme en danger !
Comme des coqs qui se dressent sur leurs ergots, Mitsurugi et Satoru revinrent, le torse bombé et annoncèrent la décision qu'ils venaient de prendre.
- En avant, samuraï !
Encouragés, les soldats poussèrent un cri de guerre collectif et en milieu de journée, les samuraï quittaient le sanctuaire de Shinseï.
A suivre...
