Thread Rating:
  • 0 Vote(s) - 0 Average
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur
#15
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Après quatre jours de grande chaleur, l'orage grondait. Les nuages avaient l'air à peine plus haut que les toits des maisons et pesaient lourd sur les épaules. De grandes rafales de vent passaient dans l'air gris ; on attendait pour bientôt de lourdes gouttes et une pluie diluvienne. Les paysans guettés le ciel, anxieux. Ils espéraient que "ça" éclaterait bientôt : car à ce moment, ils n'auraient plus qu'à cesser le travail et se reposer en attendant que les fortunes de l'Eau arrosent leurs champs.
Le groupe de samuraï, lui, avançait contre le vent, les kimonos frappés par les bourrasques. En pleine après-midi, il commençait à faire nuit, tant les nuages noircissaient.

Au bout d'un chemin boueux, on apercevait un hameau. Une fumée noire s'en dégageait. Des flammes.
Les samuraï observèrent attentivement :
- Une tannerie qui brûle... Il y a des chevaux...
- Ce sont les pillards ! cria Satoru.
Seul Isawa Sasuke était à cheval. Il partit au galop, pendant que les bushis partaient en courant. Le shugenja arriva dans le village au moment où les barbares s'en allaient. Il n'en restait, qui fermait la marche. Une ferme brûlait. Une famille avait été égorgée : elle gisait dans la rue. Les voisins s'étaient enfuis au loin.
Le barbare, de son regard fou, toisa le shugenja. Il tenait une grande massue recouverte de pointes sanglantes. Ces grandes mains avaient dû démembrer les deux fillettes de la maison.
Révulsé par son aspect, Sasuke descendit de cheval et voulut dégainer, mais le barbare partit au galop en poussant un cri de défi.
Les bushi Phénix arrivèrent sans tarder, essoufflés.
- Quelle horreur, dit Satoru, en contemplant les victimes. Nous savons que ces barbares ont l'habitude, avant de tuer, de torturer leurs victimes, rien que pour le plaisir, en leur brisant les os les uns après les autres. Ce sont des monstres, on dirait qu'ils se nourrissent de la douleur de leurs victimes.
- Ils ne sont pas loin maintenant, dit Shiba Mitsurugi. Nous allons les rattraper !

Laissant derrière eux cette scène de carnage, les samuraï reprirent leur marche. Ils furent ralentis par le chemin qui virait au marécage. L'orage continuait de gronder, de plus en plus menaçant, mais il n'éclatait pas. Il s'était mis à tomber une vilaine pluie fine, qui vous trempe insidieusement jusqu'aux os. Ils suivaient les traces des chevaux.
- Je connais la région, dit Satoru, s'ils continuent par là, ils passeront forcément par le bois du chant oublié ; c'est le seul endroit par où on peut franchir la rivière Nangsi.
- Alors, c'est là-bas qu'il faudra les trouver. Espérons qu'ils n'y arrivent pas trop vite !
- Je pense qu'ils vont se "heurter" à la rivière. Ils vont ensuite chercher un passage. Leurs chevaux ne passeront pas le courant, eux non plus. Fatalement, ils vont remonter vers le bois. Et ils ne l'auront pas trouvé immédiatement, parce qu'il n'est pas sur le chemin. S'ils font le détour, même avec leurs chevaux, ils arriveront après nous.
- Bien, alors ne perdons pas de temps, dit Mitsurugi.

Samurai

Alors que les samuraï arrivaient devant le bois, un nuage se creva comme un abcès et l'eau se mit à dégringoler, tandis qu'une lame de feu, brièvement contenu dans un sombre nuage, éclater et fendre le ciel.
Les samuraï se postèrent sur le chemin principal, relativement abrités du déluge qui noyait la campagne. Ce fut long et le chant de l'eau du ciel devint vite monotone. Le bois s'alourdit de tout le poids de la pluie et les arbres se déversèrent sur la tête des samuraï.
- Ils ne peuvent que passer par là, répétait Satoru.
D'autres éclairs illuminaient les cieux. Le roulement du tonnerre était effrayant. C'est comme si un char de guerre roulait sur la tête des samuraï.

L'orage faiblit enfin. Il s'éloignait vers l'intérieur des terres, poursuivant un voyage commencé au-dessus du grand Océan.
Dans le calme relatif qui suivait cette colère de la nature, on entendait des hennissements de chevaux, et des cris barbares.
- Ils arrivent...
Les samuraï se mirent en position de combat, armes à la main. Satoru leur ordonna de se mettre en marche.
Des fourrées craquèrent, les hennissements se rapprochèrent : deux montures affolées surgirent, se cabrèrent devant les samuraï et d'autres arrivèrent au galop. Les samuraï s'écartèrent au dernier moment.
Les chevaux sautèrent, se rentrèrent les uns dans les autres... Une monture, puis deux, puis cinq, le mors aux lèvres, hurlant, la crinière folle, qui bondirent et s'écrasèrent dans la boue !
Sasuke n'avait pas réagi à temps et faillit avoir l'épaule démise d'un coup de sabot. L'animal ne fit que le frôler mais il le blessa quand même. Le shugenja roula à terre, tandis que la chevauchée infernale se terminait, lamentable. Les autres samuraï s'étaient remis debout.
Pas le temps de venir au secours des animaux !
- Ils ont osé nous envoyer leurs montures sur nous !
Furieux, les bushi crièrent en choeur : Sasuke se releva. Aux côtés de Mitsurugi et du caporal, il monta au-devant du groupe. On se sépara pour ratisser tout le bois.
C'est le groupe de Mitsurugi qui débusqua les barbares, au moment où ceux-ci franchissaient le pont. On ne venait pas pour les arrêter, mais pour la curée. Mitsurugi en taillada un, qui tentait de passer le pont ; le caporal fit de même, tranchant le visage poilu de son adversaire. Sasuke invoqua rapidement les esprits du Feu : dans la pluie noire, il se mit à luire d'une aura de feu et un katana ardent se forma dans sa main. Il en asséna un coup à un troisième combattant, qui fut brûlé vif par cette torche !
Mitsurugi en tua un autre, qui partit rougir l'eau de la rivière.
Les samuraï n'attendirent pas le groupe de Satoru et franchirent le pont sur la rivière Nangsi. Après une course éprouvante, ils ressortirent du bois.

On apercevait la côte. L'océan, houleux, gris, se gonflait, enflait, s'agitait et ronflait. Dans le vent pluvieux, plein de mugissements, les barbares détalaient comme des lapins. L'épaule douloureuse, Sasuke continuait sa course, le long de la pente qui menait vers la plage. Fatigué par le combat, il se prit les pieds dans le sable et roula par terre, de même que le caporal.
Au large mouillait un navire aux formes barbares. Et les yobanjin, qui atteignaient l'eau, avaient mis une barque à la mer. De l'eau jusqu'aux genoux, ils la poussaient et montaient dedans.
C'était sans compter sur la fureur de Mitsurugi, qui n'avait pas chuté et qui rentra dans l'eau, sabre au clair, au moment où les barbares donnaient leurs premiers coups de rame. Le gunso lança un coup rageur dans la barque, qui fit craquer le bois à l'avant et, au passage, entailla le mollet d'un des occupants !
Celui-ci recula, fou de douleur, tandis que la barque s'éloignait. Mitsurugi voulut avancer encore, mais il allait perdre pied. Face aux flots dangereux, il recula sur la plage, épuisé. Il s'allongea sur le sable dur. Le shugenja et le caporal arrivaient. Les barbares atteignaient leur navire, avant que leur barque ne coule et parvenaient à y monter. On levait les voiles et, malgré le vent contraire, le navire parvint à prendre le large.

Samurai

Deux jours plus tard, trempés comme des soupes, les samuraï étaient de retour à Morikage Toshi.
Ils étaient retournés au sanctuaire de Shinseï, y chercher Togashi Maya. Grâce aux soins des moines, elle était remise du coup reçu.
Tous furent félicités par Shiba Otondo pour leur bravoure. Shiba Satoru et ses hommes avaient tué six autres yobanjin dans le bois. Cette victoire faisait oublier la blessure de l'Ize-Zumi.
Le soir, celle-ci acceptait une invitation dans le meilleur restaurant de la ville. Elle prit même un petit verre de saké, encouragée puis félicitée par les samuraï.
D'un oeil narquois, Isawa Sasuke observait le manège des deux gunso, qui rivalisaient d'attitude pour séduire la belle Togashi. Ils racontaient leurs exploits passés, plus ou moins romancés.
On reprenait un verre, mais cette fois, Maya-san refusa poliment. L'ambiance était montée, à mesure que le saké arrivait. On avait aussi décidé la Togashi à manger un peu plus qu'un bol de riz, son alimentation habituelle dans les montagnes. Elle découvrait à vitesse accélérée la culture Shiba !
Les samuraï plaisantaient, et les têtes s'échauffaient. Alors qu'on terminait le repas, Satoru proposa discrétement qu'on se rende ailleurs en ville, continuer la soirée.
C'est ainsi que, pour la première fois de son histoire, les dames du quartier réservé virent arriver une Ize-Zumi chez elles ! Les lieux ne manquaient habituellement pas de femmes tatouées, ni de moines du reste, mais pas les deux à la fois !
- Entrez, messieurs, entrez, dit la patronne du Dragon rutilant, l'adresse préférée de Satoru.

Cette fois, en compagnie d'accortes geishas, on commença au soshu. Maya-san y trempa les lèvres, effarée de ce qu'elle découvrait. Les deux gunso riaient, dans les bras des filles, chantaient, dansaient, pendant que, stoïque, elle observait. Même le shugenja était de belle humeur et ne rechignait pas sur la boisson !
La nuit avançait joyeusement, et tout le monde s'enivrait gaiement. Le shugenja finit par s'éloigner derrière un panneau, en compagnie de deux filles dénudées, et l'heure était venu de l'affrontement direct entre les deux gunso.
- Si Maya-san est lassée de cet endroit, je peux l'emmener ailleurs, proposa Mitsurugi.
Il ouvrait les hostilités.
- Par Shiba, dit Satoru, je peux l'emmener ailleurs, je connais un coin très bien...
Il voulut se lever, mais n'y parvint pas. Vaincu, il retomba dans les bras d'une fille hilare. C'était la fin pour lui. Triomphant, Mitsurugi se leva, jeta un dernier regard à son compagnon, qui finirait la nuit là.
Il partit en compagnie de la belle Togashi.
- Je connais une autre maison très agréable, dit-il.
- J'aimerais mieux aller me promener au bord de la mer, répliqua Maya.
Surpris, Mitsurugi hoqueta et accepta la proposition.

Le ciel était dégagé et on voyait toutes les constellations. Le gunso s'en voulut d'avoir oublié ce que lui racontait sa grand-mère, car l'occasion aurait été trop belle de s'approcher de Maya pour lui montrer les étoiles et lui expliquer leurs significations...
- Vos yeux sont aussi beaux que ces étoiles, dit-il, timidement.
Un grand souffle montait de l'océan noir ; les étoiles scintillaient, froides, innombrables.
- Vous savez, dit la Togashi, vos intentions à mon sujet ne m'ont pas échappé...
Dégrisé, Mitsurugi se tut. La veille encore, il s'était excusé d'avoir été négligent envers elle : s'il avait débusquer plus tôt les yobanjin, elle n'aurait pas été attaquée. Poliment, l'Ize-Zumi avait affirmé que ce n'était pas grave.
- Je m'excuse envers vous si j'ai été grossier...
- Je dis juste que je vois bien où vous voulez en venir, Mitsurugi-san...
- Veuillez me pardonner...
- Je me demande juste si vous feriez un homme bien. Mais je ne crois pas que vous seriez un bon père pour mes enfants.Tacle
Cette fois, tout l'effet des nombreux saké avait disparu !
Rarement Mitsurugi avait pris une telle douche froide, même de la part de son gouverneur, un matin qu'il revenait d'avoir festoyé bruyamment dans la Cité de l'Or Bleu !
- Bien, n'en parlons plus, fit-il, rouge de honte.
- Je pense qu'il est l'heure de rentrer.

Vaincu, piteux, le pauvre samuraï reconduisit la Togashi jusque chez elle. Il aurait voulu à ce moment se transformer en scarabée et se terrer au plus profond des trous de l'univers, car il lui semblait que le monde entier et toutes les étoiles étaient avertis du rateau monumental qu'il venait de prendre !
Il pensa à Satoru et Mitsurugi qui devaient bien s'amuser à cette heure-là ! A Satoru surtout ! Il avait perdu une bataille mais gagné la guerre ! Bien au chaud avec les filles, tandis que lui, Mitsurugi, était seul dans la nuit noire et terrible !

Samurai

Alors qu'il repartait vers ses quartiers, Mitsurugi distingua, sur l'océan, une grande lueur rouge. Un incendie au loin ? Il n'y avait pourtant pas d'île. Intrigué, il redescendit vers le port. Des soldats de garde avaient aussi aperçu ce phénomène.
- Un bateau qui brûle, dit l'un d'eux.
- Je vais aller voir le capitaine du port, dit le gunso.
Mitsurugi remonta à la capitainerie. Il se fit conduire dans la salle des registres et consulta le livre de navigation. Le dernier bateau qui avait pris la mer, la veille, était la Muraille, dont le capitaine était l'ingénieur Crabe Hiruma Yojiro.
Il était trop tard pour aller dormir.
A l'horizon, le ciel, par degrés, commençait à bleuir. Mitsurugi se frotta le visage et descendit sur la plage.
On voyait maintenant un bateau approcher. Le feu avait pris à la poupe.
- On met une barque à l'eau, dit un soldat. Je n'aperçois pas de couleur de clan...
- Ce ne sont quand même pas ces barbares qui reviendraient ?
- Malheur au Crabe s'il a croisé les yobanjin en mer ! Il a pu rencontrer ceux que nous avons mis en fuite ! dit Mitsurugi.
- Je crois qu'il n'avait qu'un équipage restreint à bord, dit un soldat.

La barque approchait du rivage.
- Quatre hommes à bord.
On souquait ferme.
Derrière, le soleil perçait la ligne d'horizon. L'éclat doré envahit le ciel, obscurcissant la barque et ses occupants. Ce furent des minutes mortelles. Les soldats se tenaient prêts, leurs armes à la main, si c'était les yobanjin qui revenaient. Puis l'embarcation se détacha du doré éblouissant, et un fort personnage descendit dans l'eau, puis sortit sur le sable. Il portait un grand kimono aux couleurs du Crabe. Robuste, les traits durs, fatigué, c'était bien l'ingénieur Hiruma Yojiro.
- Tout va bien, dit un sous-officier de la ville.
Le Crabe s'approcha des Phénix et les salua.
- Nous avons croisé des barbares, expliqua-t-il d'une voix rocailleuse. Ils ont tenté de nous aborder, et qui ont mis le feu à mon navire. Nous avons pu leur échapper.
- Par Shiba, recevez mille excuses, Hiruma-san ! Nous allons immédiatement avertir le gouverneur !

Le soleil était maintenant complétement sorti de derrière l'horizon.
Pour Mitsurugi, il était l'heure de rentrer se coucher.

A suivre...Samurai
Reply


Messages In This Thread
Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur - by Darth Nico - 28-12-2007, 04:44 PM

Forum Jump:


Users browsing this thread: 1 Guest(s)