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Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur
#22
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Les deux samuraï et l’Ize-Zumi ne virent rien pendant longtemps ; ce ne fut que lorsqu’ils aperçurent la silhouette fantômatique de la plage qu’ils découvrirent le mur de végétation qui se dressait : l’entrée d’une épaisse forêt. Elle était bien plus dense que celles des deux autres îles. Malgré le brouillard, il faisait très chaud ; les armures pesaient lourd. Sasuke mit pied à terre le premier. Il serrait contre lui le sac où il transportait ses parchemins. L’un à côté de l’autre, les deux samuraï se mirent en marche, résolus, implacables. Rien n’arrêterait leur marche, sinon la fin de tous leurs ennemis ou leur propre mort.
Ils entrèrent dans la forêt qui sembla s’ouvrit sur eux comme une gueule et se refermer quand ils eurent fait quelques pas. Maya restait en arrière et observait. On rencontra bientôt une pente raide, glissante, qu’il fallut gravir, en s’accrochant aux racines et aux branches, presque à plat ventre. Rien qui pût décourager les deux samuraï, animés d’une volonté inébranlable.
Enfin on atteignit un plat, où clapotait une petite mare, pleine de gros moustiques. Sasuke avait dû finir la montée à genoux, en se hissant grâce aux lianes solides qui pendaient. Il releva la tête et vit alors un pied qui pendait devant lui. Il recula d’un pas et se mit debout : un pendu !
Il avait été mis à nu, écorché sur une partie du torse. Mitsurugi reconnut un des travailleurs. On continua et bientôt, d’autres pendus apparurent, au milieu des branchages. Ils avaient subi le même traitement : torturés puis pendus, comme des voleurs de poules.
- « Ils » les ont mis là pour nous, dit Mitsurugi, de derrière son masque.

Face à ce spectacle, les deux samuraï se sentirent prîs d’une torpeur implacable. Perdus dans cette forêt, observés par les yeux exorbités des pendus et les mille créatures tapis autour d’eux, ils avançaient au ralenti, de plus en plus lourds, impotents, dans ce monde étrange, qui révélait pas après pas ces recoins intestinaux.
Après avoir passé la mare et les arbres aux pendus, Mitsurugi découvrit un spectacle encore pire, si répugnant qu’il se demanda s’ils n’étaient pas arrivés dans la demeure d’un démon. Les soldats de l’équipage étaient là, empalés sur d’autres arbres. Les pieux affûtés leur avaient brisé la poitrine. Ils étaient défigurés, brûlés et entaillés.
La colère et le dégoût, brûlants, envahirent les deux samuraï, tandis que Maya, impassible en apparence, priait ses Ancêtres de l’aider à sortir de cet enfer.

Samurai

Du moins étaient-ils sur la bonne piste. Les pendus montraient le chemin. Après avoir écarté de grandes fougères pleines de pucerons, Sasuke vit une bâtisse, après la forêt. Les trois explorateurs s’accroupirent pour l’observer. Un avant-poste fortifié, avec des fondations en pierre et des palissades de bois. Deux tours d’observation. Sasuke sortit ses parchemins de sort les plus destructeurs et les glissa dans sa manche, à portée de main.
- Combien peuvent-ils être là-dedans ?
- Une dizaine, peut-être plus, murmura Mitsurugi. Et nous ne sommes que trois.
- Les kamis du Feu peuvent nous venir en aide. Une fois qu’ils seront invoqués sur ce bâtiment, nous pouvons l’investir et semer la mort en un rien de temps.
- Oui, nous n’avons rien à craindre à y mettre le feu, dit le bushi. Maintenant qu’ils ont tué tout l’équipage… L’honneur exige quand même que nous leur disions qui nous sommes…
- Je te suis. A ton signal, je déchaînerai les enfers.
- Hajime !

Les deux Phénix se relevèrent et sortirent de la forêt. Ils se trouvaient sur une pente gris noir, de pierre épaisse. Une puante fumée transpirait du sol –à croire qu’un kansen avait pondu ses œufs dans le sous-sol !
- Sortez de là ! cria Mitsurugi.

Pas de réponse. Il y avait des cendres dans l’air, qui retombaient lentement.
- Sortez, hurla encore le Phénix.

Au sommet du fort apparut un homme en armure d’ashigaru, un mempo grimaçant sur le visage.
- Partez d’ici !
- Mon nom est Shiba Mitsurugi !... J’étais à la tête de cet équipage !
- Nous les avions emmenés, samuraï ! Ils étaient nos prisonniers !
- Maudits ! Vous les avez tués comme des chiens !
- Ils n’étaient pas assez loquaces à notre goût ! Maintenant, partez ou vous subirez le même sort !
- Venez vous battre ! Appelez votre seigneur ! Vous m’entendez !... Appelez-le ! Je le défie en duel sur le champ !
- Pauvre fou ! Tu ne mesures pas la portée de tes paroles ! Pars d’ici tant que tu as encore ta vie !
- Je ne partirai pas sans vos têtes !... Sasuke !
Le shugenja déplia son parchemin et courut vers le fort. Soudain, des archers surgirent en haut des remparts et lancèrent une volée de flèches. Mitsurugi se précipita : il arriva à la hauteur du shugenja, qui avait évité les traits meurtriers ; il commença la lecture de son parchemin. Les archers rencochèrent et visèrent. Mitsurugi se jeta devant Sasuke et reçut à sa place une flèche, qui se ficha en sifflant dans sa poitrine. Le bushi tomba à terre. Maya courut vers lui.
- Terminez-en, ordonna Mitsurugi, en crachant du sang.

Sasuke, fermement, lut jusqu’au bout le rituel et quatre météores crépitants partirent vers le fort, comme catapultés de la main du shugenja. Ils atterrirent et explosèrent de l’autre côté de la palissade. On entendit des hommes hurler ; deux tombèrent hors du fort, tandis que les rondins s’embrasaient.
- Allez-y, gémit Mitsurugi.

Sasuke rangea son parchemin et invoqua son katana enflammé, et courut à la porte. Maya l’enfonça d’un coup de pied et le shugenja se lança à l’intérieur, cerné d’une aura de flammes. Ce fut la curée. Les occupants du fort, la moitié d’entre eux réduits à l’état de torches humaines, couraient en hurlant pour échapper aux assaillants. Sasuke trancha à vif ceux qui passaient, tandis que sa lame brûlait tout ce qu’elle touchait ; les hurlements des bandits se joignaient au ronflement du braiser. Maya reçut un mauvais coup de lame et recula, pendant que Sasuke achevait le travail en jetant une dernière boule de feu, dont l’explosion fit craquer la palissade arrière, qui s’effondra sur les fuyards. Puis il sortit de cet enfer ; dans son dos, les flammes prenaient partout et atteignaient une taille gigantesque.
Appuyé sur l’épaule de Maya, Mitsurugi redescendait la pente. Ce fut ensuite Sasuke qui le porta jusqu’à l’entrée de la forêt. L’air, plus humide, était aussi plus respirable, tandis que sur la pente, on sentait l’œuf pourri et la chair grillée…
On allongea le bushi à terre : la flèche, ralentie par l’armure, ne s’était pas enfoncée trop profondément dans la poitrine. Maya, qui avait appris l’art médical dans son temple, put extraire la pointe. Mitsurugi recracha, mais parvint à se remettre debout, aidé par le shugenja.
- Ils sont presque tous morts, dit Sasuke ; quelques-uns ont pu s’enfuir. Deux ou trois, pas plus…
- L’essentiel est fait, dit le bushi. Nos camarades sont vengés…
- Et nous ne savons même pas qui ils sont, dit Maya.

La descente fut pénible. Maya avait l’épaule douloureuse. Chaque pas coûtait à Mitsurugi, mais avec de fréquentes étapes, on put rejoindre la plage. En chemin, on nettoya la blessure du bushi et on but dans un bassin d’eau claire.
Sur la plage battue par le vent, nos héros retrouvèrent la barque. Sasuke la poussa à l’eau, tandis que Maya aidait Mitsurugi à s’y allonger. Du brouillard surgit la Muraille : Yojiro l’avait amené aussi près que possible des côtes. A la barre, il manoeuvra pour aider à l’approche de la barque. On hissa lentement Mitsurugi à bord grâce à trois solides cordes. Il poussa un cri de soulagement en arrivant à bord.
Sur l’île, les flammes s’élevaient de plus en plus haut. On entendait le craquement sinistre du fort. Au loin, un navire prenait la mer.
- Malédiction, dit Yojiro, ils sont parvenus à prendre la mer…
- Nous ne sommes plus en état de les poursuivre, cela nous emmènerait trop loin, dit Sasuke.
- Oui, rentrons vite, dit le Crabe.

Yojiro dégagea le navire des dangereux parages des récifs et mit le cap plein ouest.
- J’ignore où exactement nous arriverons, mais dans cette direction, nous ne pourrons qu’arriver vite !

Samurai

On installa Mitsurugi dans la cabine la plus confortable. Maya recousut comme elle put la blessure. Yojiro apporta au blessé la réserve d’urgence de saké ; abruti par la boisson, Mitsurugi sombra dans le sommeil. Le jour d’après, il en eut de la fièvre à délirer ; mais Maya assura que ce feu du corps était nécessaire pour chasser les démons.
- Si tu le dis, grogna le Crabe.

L’Ize-Zumi se remettait doucement de sa blessure. Elle avait une vilaine entaille, qu’elle referma elle-même. La Muraille profita des vents qui soufflaient vers Rokugan pour rentrer. Mais il y eut encore une journée d’attente, monotone, interminable. Le soleil était revenu, mais il était accablant de puissance. La mer était devenu miroir, éblouissante, et la force insupportable de cette lumière terrassait qui l’observait.
- Nous avons dérivé, dit Yojiro, c’est évident, car nous devrions déjà voir la terre…
Il craignit un moment d’être le jouet de quelque démon, qui aurait emmené, par un sortilège puissant, la Muraille dans un voyage sans retour. On racontait ainsi des histoires, d’équipages navigant jusqu’à la mort, tournant en rond sur le grand océan.
- Non, regarde, s’écria Sasuke, terre !
Oui, c’était bien les côtes !
- C’est trop grand pour être une de ces maudites îles, hurla le Crabe. Nous revoilà chez nous !
Le navire avança et on discernait de mieux en mieux la côte : de riches cités, et de grands navires, luxueux, flottant paresseusement. De grands drapeaux claquant, glorieux, aux vents marins. Les terres du clan de la Grue.
- Allons, nous n’avons pas tant dévié que ça ! dit Sasuke.
Yojiro s’alluma une pipe, goguenard :
- Il va falloir demander l’hospitalité à ces efféminés du clan de la Grue !
- Je le crains, sourit Sasuke.
- Comment va Mitsurugi ?
- Mieux, il se repose. La fièvre est retombée. La plaie n’a pas pris une vilaine tournure.

Un bâtiment des garde-côtes s’approcha du navire pour les identifier.
- Vas-y, dit Yojiro, car si c’est moi qui leur parle, ça va mal se passer !
Les Crabes et les Grues étaient en effet en guerre depuis plusieurs années ; la famille marchande des Yasuki avait quitté le clan du bras droit de l’Empereur pour rejoindre les défenseurs de la Muraille. Depuis, les relations s’envenimaient et les batailles faisaient rage dans le sud de l’Empire.
C’est donc Isawa Sasuke qui expliqua la situation aux douaniers de la Grue.
- Nous allons vous accompagner, dirent-ils.

Nos samuraï furent cordialement accueillis en terre Asahina. Mais de mémoire de samuraï, on n’avait jamais vu ensemble deux Phénix, un Ize-Zumi et un ingénieur Crabe sur un bateau. Cela ressemblait au début d’une plaisanterie…
Les soigneurs Asahina procurèrent des soins magiques à Mitsurugi, dont la blessure se referma. Sa douleur même disparue, et il en ressentit un immense bien être. Mais on fit poliment comprendre à nos héros qu’ils ne pouvaient séjourner trop longtemps. Leur histoire sentait le roussi, et les pacifiques Asahina souhaitaient moins que tout des ennuis. Ils étaient trop honorés, bien sûr, d’aider leurs amis Phénix et leurs invités mais…

- Mais vous nous aimez mieux loin de chez vous, hein, bande d’hypocrites, maugréa Yojiro, alors que la Muraille reprenait la mer.
- Allons, nous rentrons à la Cité, dit Mitsurugi, le pire est derrière nous.
En quoi il se trompait…
Les Asahina avaient prêté un équipage pour le navire. Yojiro fixa un cap sûr, le long des côtes.
- Ça prendra le temps que ça prendra, dit-il, mais au moins, comme ça, on sait où on va !

A suivre...Samurai
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Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur - by Darth Nico - 21-01-2008, 03:09 PM

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