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Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur
#26
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

La Muraille mit quatre bonnes journées à remonter jusqu’aux terres du Phénix. Ils allaient en avoir des choses à raconter au Gouverneur ! Mitsurugi s’inquiétait d’abord de ce qu’on croyait d’eux : les pensaient-on morts ?
Quand ils arrivèrent en vue du port de la Cité de la Forêt des Ombres, ils constatèrent qu’il y avait un nombre anormal de navires en rade.
- Zakennayo, grogna Yojiro, qu’est-ce que cela veut dire ?

La Muraille approcha. On discernait les pavillons des navires. De grands bâtiments.
- L’un d’eux appartient au clan… du Scorpion, annonça Sasuke, de plus en plus inquiet. Et le second arbore un pavillon de famille impériale !
- J’espère qu’ils ne sont quand même pas venus exprès nous accueillir, dit Mitsurugi.
En quoi il espérait mal.
Sur la plage, une forte troupe de bushi Phénix s’étaient réunis. A leur tête, le gunso Shiba Satoru.
- Konnichi-wa, tenta, faussement joyeux, Mitsurugi, content de revoir son camarade.
- Konnichi-wa, fit Satoru, martial. Veuillez me suivre, samuraï.
On ne dit plus un mot. Satoru était venu avec une dizaine d’hommes. Il emmena les rescapés chez le Gouverneur. Dans la cour du noble palais se tenaient quatre Scorpions, dans leurs armures rouge et noir, qui fixèrent en ricanant les arrivants. Mitsurugi et Sasuke les défièrent du regard, mais les Scorpions ne baissèrent pas les yeux.
En entrant dans la salle du conseil, nos héros surent que le pire était au rendez-vous. Très pâle sur son trône, le Gouverneur Shiba Otondo accueillit Shiba Satoru. Et aux côtés du Gouverneur, un seigneur Bayushi richement vêtu. Et un dignitaire impérial de la famille Otomo.
- A genoux, dit le Gouverneur, autoritaire.
Shiba Satoru s’agenouilla le premier, sans hésitation. Surpris, nos héros firent bientôt de même.
- Samuraï, voici le juge Otomo Kempô, venu spécialement pour vous !
Et il s’adressait bel et bien à nos quatre héros.
Le juge s’avança et cria :
- Est-ce bien vrai, samuraï, que vous étiez à bord du navire la Muraille ?
- Oui, répondirent-ils en chœur !
- Qui commandait cette expédition ?
- C’est moi, dit Shiba Mitsurugi. En ma qualité de gunso, j’étais le plus gradé à bord.
- Vous êtes-vous bien rendus sur les îles sous le vent, y prendre du bois ?
- Oui, seigneur.
- Avez-vous ramené ce bois ?
- Non, cria Mitsurugi, la tête inclinée, humilié.
- Pourquoi ?
- Nous avons été attaqués !
- Par qui ?
- Je l’ignore ! Des pillards des mers !
- Allons donc ! Etes-vous restés sur l’île où vous alliez ?
- Non, nous sommes allés voir l’île voisine.
Le juge laissa un temps. Le dignitaire Scorpion, silencieux, hocha la tête, satisfait.
- Bien, et ensuite, que s’est-il passé ?
- Nos hommes ont été tués ou capturés par un navire de ces pillards, répondit Mitsurugi. Alors nous l’avons suivi pour retrouver nos hommes !
- Où êtes-vous allés ?
- Nous avons suivi le navire jusqu’à une autre île !
- Une autre île, tiens donc !
- Oui…
- Et alors ?
- Alors nous avons débarqué ! Nous avons retrouvé nos hommes pendus ou empalés !
Le dignitaire Scorpion hocha la tête, en émettant un petit rire, mi-choqué, mi-amusé, signifiant qu’il ne fallait rien croire de ces élucubrations.
- Et ensuite, dit le juge, nous savons ce que vous avez fait ! Vous avez pris d’assaut un fortin ! Et vous l’avez réduit en cendres, après avoir massacré ses occupants !
- Nous voulions venger nos compagnons, hurla Mitsurugi.
- Savez-vous où vous vous trouviez au moins ?
- Non !
- Et pourtant, toi, gunso Mitsurugi, tu as défié en duel le chef de ces hommes, c’est bien cela ?
- Oui.
- Malheureux, savais-tu à qui tu t’adressais ? Ces gens étaient des hommes du clan de la Tortue !
- Je l’ignorais.
- Toi, Isawa Sasuke, as-tu suivi volontairement Shiba Mitsurugi ?
- Oui.
- Toi, Togashi Maya ?
- Oui aussi.
- Et toi, ingénieur Hiruma Yojiro ? Etais-tu sur cette île ?
- Tout comme, car je gardais le navire.
- Alors quand Mitsurugi parlait, c’était au nom de vous tous ! Pauvres fous !... Mitsurugi a défié le chef des hommes du clan de la Tortue ! Et ces samuraï recevaient à ce moment d’honorables membres du clan du Scorpion ! Vous les avez tous tués ! Sans en avoir reçu l’ordre, comme de vulgaires pillards !
- Ils ont tué nos hommes, seigneur !
Le Scorpion s’avança alors et pointa un terrible doigt accusateur sur les samuraï. D’une voix glaçante, il dit :
- Ces hommes se sont aventurés sur nos terres, sans y être autorisés. Nous recevions l’aide de nos amis de la Tortue et mes hommes ont dû vouloir éloigner ces samuraï trop curieux ; au lieu de s’en aller, ils ont persisté et déclenché un massacre.

Mitsurugi, Sasuke et Maya revoyaient les corps décharnés, écorchés, pendus… Mensonges, mensonges de Scorpion !
- Vous avez compris, samuraï ? dit alors le Gouverneur.
D’entendre cette voix, c’en était presque rassurant.
- Oui, j’ai compris, dit Mitsurugi. Et je ne faillirai pas.
Il se redressa et enleva son armure. Puis il défit ses vêtements et se mit torse-nu. Et posa son wakizashi devant lui. Sasuke fit de même, imité par Yojiro. Le Gouverneur devenait de plus en plus blanc.
- Je ne faillirai pas, fit Mitsurugi.
- Ce comportement vous ferait presque honneur, dit le juge, s’il n’y avait le plus abominable… Fous, pauvres fous… Lorsque vous avez, par la bouche de Mitsurugi, défié le chef des Tortues, vous avez défié le daimyo de ce clan… Et ce daimyo, samuraï, c’est le divin fils du Ciel, l’Empereur lui-même !

Abasourdis, nos héros plaquèrent le front à terre en entendant ce nom. Ils ne connaissaient les Tortues que de nom, et jamais n’auraient imaginé que ce fût l’Empereur à sa tête !
- Vous avez défié l’Empereur, tonna le juge. Défié le divin Hanteï en personne !

Il aurait fallu une immense salle pour profiter pleinement de l’effet. Le Gouverneur se cramponnait au bras de son trône.
Mitsurugi releva la tête un instant : il croisa alors le regard effrayé de Shiba Satoru… Shiba Satoru !
- Aussi, reprit le Juge, le sacrifice de votre vie est inutile ! Dérisoire ! En comparaison du crime que vous avez commis !... Ah, vous avez voulu défier l’Empereur ! Merveilleux !...
- Pourquoi alors, cria Maya, le clan du Scorpion se fait-il aider par des crapules de la Tortue !
- Silence, fit, solennel, le dignitaire Scorpion. Dénies-tu au divin Empereur le droit d’aider l’un de ses clans !
Maya revoyait la poudre noire, les caisses pleines de poudre…
- Allons, finissons-en vite, dit le Juge, car cela devient peu ragoûtant à voir !
Nos héros prirent une inspiration, prêts pour accomplir l’acte du sacrifice.
- Inutile de vous ouvrir le ventre, samuraï ! Relevez-vous !
Etonnés, nos héros relevèrent la tête.
- Oui, relevez-vous… et partez !... Partez comme vous êtes ! C'est-à-dire plus rien ! Aujourd’hui, vous n’êtes plus rien ! Oui, laissez vos armures, laissez votre passé, votre honneur, vos terres, votre nom ! Quittez les terres du Phénix au plus vite ! Partez sur les routes, et puissiez-vous y trouver une mort rapide ! Cela serait votre châtiment le plus doux !

Sasuke releva la tête. Il fixa le Gouverneur, qui soutint son regard, mais comme un parent jette un dernier regard à un mourant. Sasuke regarda de nouveau à terre. Il avait ce qu’il voulait. Il sentait que Shiba Otondo désapprouvait ce simulacre de justice.

Shiba Satoru n’osait plus regarder.
Il y eut un long moment de silence. Plus personne ne parlait.
Alors, lentement, le premier, assumant jusqu’au bout l’infamie, Mitsurugi se leva. Il faillit être secoué par un sanglot, mais il se retint. Il se leva, torse nu, et remit son daisho à sa ceinture. Il ramassa ses quelques habits et partit, pas après pas, se sentant mourir un peu plus à chacun d’eux.
Yojiro se releva lui aussi, puis Sasuke et Maya.
Tous les quatre, ils quittèrent le palais. Plus personne ne parlait.

Dans ce silence de mort, les trois samurai et l’Ize-Zumi traversèrent le palais. Le temps et la vie étaient suspendus à leurs pas.
La porte du palais se referma sur eux, et, comme des cadavres animés, ils continuèrent à marcher.

Seuls ! Seuls…

Ils quittèrent la ville, sans se retourner, sans parler, en respirant à peine. Ce n’est que longtemps après leur départ qu’on se remit à vivre dans la Cité. Rapidement, le dignitaire Scorpion retourna sur son navire, de même que le Juge.
Blanc comme un linge le Gouverneur les raccompagna et les salua. De retour dans son palais, avec Shiba Satoru à ses côtés, il se prit la tête dans les mains et pleura comme un enfant. Satoru s’agenouilla devant lui et ne dit rien.
- Des rônins, murmura le Gouverneur, ils les ont réduits à l’état de rônins… Et ils s’en vont ainsi, sans rien ajouter…
- Des rônins, répéta Satoru, la voix blanche, des rônins…

Samurai

Le soir, nos héros trouvèrent refuge dans une misérable cabane, à la lisière des bois. Ils allumèrent un feu, et mangèrent un lièvre qu’ils avaient attrapé. Devant les flammes crépitantes, ils restèrent sans rien dire. Dans ces flammes, il y avait les flammes du navire, et du fortin. Et leur passé qui partait en cendres.

- Où irons-nous ? dit seulement Yojiro.
- Nous avons reçu l’ordre de quitter les terres du Phénix, dit Mitsurugi. Nous devons partir vers le sud. Là-bas, ce sont les terres du Lion. Si nous nous mettons à leur service, si nous sommes prêts à mourir pour eux, ils peuvent nous accepter…
- Oui, c’est vrai, dit Sasuke. Les Lions apprécient les combattants…
- Tu as bien de l’assurance, dit Yojiro.
- Il faut aller de l’avant, dit Sasuke, ne pas se désespérer.
- Mais nous avons tout perdu, dit le Crabe… Déjà, moi, j’avais perdu toute ma famille et le château de mes Ancêtres… Le château des Hiruma, détruit par un monstrueux oni… On m’avait confié une lame ancestrale de notre famille… Je suis l’un des seuls à pouvoir rouvrir le dojo de mon clan… J’étais !... J’étais l’un des derniers de notre dojo ! Maintenant je ne suis plus rien, rien…
- Il ne faut pas se désespérer, répéta Sasuke, emporté par son ardeur juvénile.
- Moi, je ne suis pas une rônin, dit Maya, car je n’étais pas samuraï, je ne suis qu’un moine après tout.
- Cela revient au même, dit Mitsurugi. Tu n’as plus de famille, plus le droit de retourner sur tes terres !
- Toi qui voulais voir du pays, ricana Yojiro.

On écouta le feu crépiter.

- On nous a chassés, reprit Mitsurugi, on a détruit notre nom de samuraï, mais pas notre honneur. Cela je le jure ! Là où nous irons, nous ne nous laisserons pas abattre comme des chiens ! Il faudra se battre pour en finir avec nous !
- Je suis d’accord, dit Sasuke. Nous sommes encore en état de nous battre, et capables de le prouver… D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls dans notre cas. D’autres samuraï ont été déchus… Peut-être certains se sont-ils réunis… Dans ce cas, il faudra les retrouver…
- Alors nous avons du chemin, ricana Yojiro.
- Moi je ne suis pas rônin, répéta Maya.
- Nous ne nous laisserons pas faire, affirma Mitsurugi.

Samurai

Le lendemain matin, les gardes Shiba qui veillaient sur la frontière sud-ouest des terres du Phénix virent arriver trois samuraï sans armure et une femme tatouée. Les trois hommes étaient mal rasés, et tous marchaient la tête basse, l’air sombre, comme des spectres affaiblis par l’éclat de la lumière de midi. Des ombres errant dans la campagne.

Nos héros craignirent un moment qu’on ne leur fasse des difficultés, mais quand ils approchèrent pour passer la frontière, les gardes Shiba leur tournèrent ostensiblement le dos et du manche de leur naginata, frappèrent par terre trois coups, comme pour conjurer ces mauvais esprits.



Samurai<span style="color:green">FORCE ET HONNEUR, SAMURAI !<!--sizec--></span><!--/sizec-->Samurai
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Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur - by Darth Nico - 24-01-2008, 11:16 AM

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