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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme
#5

DOSSIER #8<!--sizec--><!--/sizec-->

Maréchal s'ennuyait ferme, resté seul dans les bureaux de la Financière. L'endroit était étroit, ennuyeux. Il n'avait plus ses repaires, comme dans son bureau avant. Il redevenait un simple petit stagiaire à qui on confiait de la paperasse. Il reprit un café et se remit devant un dossier, qu'il ouvrit à une page au hasard. Il voyait des paquets des chiffres et des colonnes de statistiques, mêlées à des rapports de surveillances et à des documents bancaires. Il fallait donc un si volumineux dossier pour arrêter un administrateur en col blanc !

Par la vitre fumée du bureau, Maréchal vit alors une silhouette dans le couloir, qui s'asseyait sur un banc.
L'inspecteur alla ouvrir, trop heureux d'avoir de la compagnie. Peut-être un témoin, ou un suspect, qu'il allait pouvoir cuisiner ?

C'était un petit homme entre deux âges, l'air grave. Il était vêtu d'un costume gris, sans un seul pli, son chapeau bien à plat sur les genoux. Des chaussures cirées. Il avait l'allure d'un veuf qui ne s'est jamais résigné à cesser son deuil. Des cheveux presque blancs. Des yeux bleu clair.
- Bonjour, vous désirez ?
En apparence, il aurait ressemblé à un petit employé, le genre à se laisser tyranniser par son patron et à se contenter, pour toute vie amoureuse, de passades avec des prostituées. Mais son visage effaçait nettement cette impression. Il était dur, mais bien vivant, surtout la flamme glacée qui perçait de ses yeux.
Le petit homme se leva, sûr de lui :
- Bonjour, commissaire Weid. J'aurais souhaité parler à votre commissaire.
- Commissaire ?... Euh, pardonnez-moi, mais le commissaire n'est pas là.
- Très bien. Alors je repasserai.
Tout d'un coup, Maréchal se sentait mal et l'autre le savait : il avait regardé cet homme comme un suspect potentiel, et c'était un commissaire !
Il en avait tout sauf l'allure qu'on lui attribue dans l'imaginaire populaire : bien en chair, l'air d'un bon père de famille, sûr de lui. En l'occurrence, il ressemblait davantage à un employé de pompes funèbres. De quelle brigade pouvait-il être commissaire ?
Il serra rapidement la main de Maréchal et s'en alla. L'inspecteur se trouva mal à l'aise... Si l'autre allait dire qu'il avait été mal reçu par un petit stagiaire !...

Troublé, Maréchal se remit au travail.

En début d'après-midi, Portzamparc découvrait ce que Lanvin lui avait promis : le coeur de leur territoire, l'endroit où ils allaient opérer, le plus grand magasin de la Cité, le Bazar Moderne !
Les deux policiers rentrèrent par la grande porte et arrivèrent dans ce temple de la marchandise, une véritable caverne aux trésors !
Sous une grande coupole qui ressemblait à une lampe en verre multicolore, s'étalaient les rayonnages d'objets fabuleux, sur six étages qui semblaient s'élever vers un indéfinissable paradis, depuis les rayons de parfumerie au rez-de-chaussée jusqu'aux jouets en haut et aux cafés qu'on y avait aménagé, avant la terrasse où l'on trouvait le matériel de jardinage.
- Bienvenue dans le plus grand repaire de voleurs de la Cité !

Surveiller tout ça ! Des milliers de clients, des dizaines de pickpockets professionnels et des larrons occasionnels.
Portzamparc rencontra le directeur et les hommes de la sécurité du magasin.
- Je tiens à vous rappeler, messieurs, leur dit le directeur, que très prochainement, nous aurons le lancement de notre grande collection de bijouteries. Il y aura une réception à laquelle assisteront des personnalités du Tout-Exil, ainsi que la plupart des meilleurs pickpockets de la Cité !

Le directeur était du genre collet-monté, très propre sur lui.
Il essuya ses lunettes et dit, avec un air de reproche à peine dissimulé à ses hommes et à la police :
- Et nous n'avons toujours pas réglé le problème le Penthésilée.
Lanvin écrasa sa cigarette dans le cendrier.
- Si elle se pointe, et elle se pointera, on ne la loupera pas.
Le directeur remit ses lunettes :
- J'ignore si monsieur de Portzamparc sait de qui nous parlons.
Lanvin alluma une autre cigarette.
La brigade des rues n'était pas très fière de cette histoire.
- En deux mots, Penthésilée est le nom de guerre d'une voleuse qui sévit dans la Cité depuis plusieurs mois. Elle s'est attaquée à la plupart des grands magasins, à des galeries d'art. Elle vise à chaque fois de plus en plus gros. Elle laisse des cartes de visite à son nom.
- Et maintenant, ajouta le chef de la sécurité, elle vient chez nous.
- Comment le savez-vous ? demanda Portzamparc.
- Elle nous a envoyé un message, soupira le directeur.
- L'examen de ce message n'a rien donné, dit Lanvin. Tapé à la machine, envoyé depuis un grand bureau de poste. Et cætera et cætera...
- Seulement, ajouta le directeur, cette demoiselle ne vient pas seulement pour notre bijouterie, qui comptera tout de même des pièces d'une valeur inestimable, des créations uniques !... Non, nous aurons d'autres bijoux bien plus précieux : une grande collection d'androïdes domestiques.
- Vous ne vous attendez quand même pas, dit Lanvin, à ce qu'elle parte avec un androïde sous le bras ?
Il commençait à s'agacer du ton de douce ironie du directeur, qui le faisait gentiment passer pour incompétent.
- Sans aller jusque là (encore que, avec elle, on ne sait jamais...), elle pourrait vouloir dérober nos parures de diamant pendant que tout le monde assistera au défilé de mode des androïdes. Personne ne voudra rater cela, car nous présenterons des modèles Confection "64-300" dernier cri.
Portzamparc soupira. Il n'allait pas chômer pour son stage.

*

Le lendemain midi, les deux stagiaires venus de Mägott-Platz trouvaient le temps de se retrouver au restaurant habituel des fonctionnaires du Quai. Ils se racontèrent leurs premières journées respectives, et purent constater à quel point elles avaient été différentes. Maréchal s'était ennuyé encore l'après-midi sur des dossiers, et le matin même, il s'y était recollé. Crimont était très bien avec lui, mais le fait est qu'il commençait par lui refiler le sale boulot !
La veille au soir, quand Crimont était revenu de ses "visites" chez les corpoles, Maréchal lui avait rapporté le passage du commissaire Weid.
Crimont fronça les sourcils :
- Commissaire Weid ?...
Il se gratta ses joues, mal rasées après deux jours de travail intensif.
- Ce nom me dit quelque chose... Mais... il a dit de quelle brigade il était ?
- Non, justement.
Crimont maugréa quelques mots et partit.

- Drôle d'histoire, dit Portzamparc.
Les deux collègues se saluèrent et retournèrent travailler. Maréchal se sentait bien lourd après ce repas à la bière et se sentait bien faire un petit somme dans son recoin du quatrième étage.
Portzamparc repartit dans le froid. Il fila au Baz'Mo et y prit un café dans le bureau de la sécurité.
- Fait pas chaud, hein...
- Il fait un temps à pas mettre un Kargarlien dehors !
Le nouveau stagiaire arrêta ses premières voleuses dans l'après-midi. Elles "opéraient" au rayon lingerie. La plupart avait des allures d'honnêtes bourgeoises ou d'étudiantes modèles.
- Veuillez me suivre mademoiselle. Sans faire d'histoire.
Face à un grand costaud comme Portzamparc, elles ne faisaient pas d'histoire. L'une d'elle essaya d'user de ses charmes :
- Allez, monsieur le détective, je suis sûre qu'il y a moyen de s'arranger, tous les deux, dans une pièce discrète...
- Désolé, mademoiselle, je suis un homme marié.
Il s'attira un regard haineux et l'emmena au poste.

- Je ne comprends pas pourquoi elles volent, dit le policier aux vigiles. Elles n'ont pas l'air dans la misère.
- Mais non, dit l'un d'eux, qui se posait la même question. Elles ne volent pas par besoin, elles volent par plaisir ! Pour le frisson !
- Hé bien...
Portzamparc fixa sa tasse de café.
- A propos, vous n'avez pas vu l'inspecteur Lanvin ?
Par la fenêtre du bureau des vigiles, au cinquième étage, on le voyait justement arriver à grandes enjambées, entre les rayons de parfumerie, bousculer deux personnes et rentrer dans l'ascenseur. Portzamparc sortit l'accueillir.
- Que se passe-t-il ?
- Viens vite, prends ton manteau, on a besoin de nous dehors ! Je t'expliquerai !
Les deux policiers partirent en courant. Une voiture à cheval les attendait dehors.
- Rue des Ouvreurs ! cria Lanvin. En vitesse !
Le cochet fouetta et l'attelage partit sur le beau pavé, sous les réverbères qui brûlaient légèrement pendant la journée. Malgré les cahots, l'inspecteur put s'expliquer :
- Attaque d'une bijouterie. Au moins cinq hommes. Une prise d'otages est en cours. Les Pandores sont sur place. Mais on est les seuls de SÛRETÉ disponibles aujourd'hui.
Portzamparc prit soin de remplir le barillet de son révolver.
La voiture stoppa à l'entrée de la rue, qui était fermée par deux policiers. Les deux fonctionnaires de SÛRETÉ traversèrent la foule qui se pressait pour voir la scène.
Des coups de feu partaient de la bijouterie. Plusieurs vitres étaient cassés. Les commerçants aux alentours avaient quitté leurs boutiques. Les hommes de PANDORE avaient monté un barrage devant la boutique avec des poubelles, des planches. Leur officier essayait de parler avec les preneurs d'otage, mais il n'obtenait pour le moment que des tirs en échange. Lanvin et Portzamparc coururent se mettre à couvert derrière la barricade.
- A croire qu'ils ont de munitions illimitées, grogna le Pandore.
Lui et ses hommes étaient en tenue de combat, de la tête aux pieds.
- Tout à l'heure, ils ont demandé à ce qu'on les laisse partir, mais c'est tout.
- Les otages ?
- Il y a eu un mort au moins, quand ils sont entrés. Depuis, ils n'ont exécuté personne. Seulement, ils sont du genre de ceux qui n'hésiteront pas.
- Combien d'otages ?
- Six. Deux employés, quatre clients.
- Il faut négocier... au moins gagner du temps.
- Négocier ?
Le Pandore voyait rouge.
- Ce sont des tueurs, inspecteur. Il n'y a rien à négocier avec eux. Ils ne céderont sur rien. Mais peut-être qu'à l'école de la PJ, ils vous apprennent comment faire...
- Ils nous apprennent autre chose que la négociation à coups de triques.

On sentait les vieilles tensions entre PANDORES et SÛRETÉ refaire surface. Portzamparc s'interposa :
- Bon, écoutez, si je peux me permettre...
Les deux hommes firent une fleur au débutant : ils l'écoutèrent au lieu de se sauter à la gorge.
- Je propose de les prendre à revers...
Les réflexes de Pandores revenaient. De fait, Portzamparc était encore chez eux l'année d'avant.
Les trois hommes s'approchèrent d'une petite table où ils avaient un plan du quartier. Des tirs volaient depuis la bijouterie. Des Pandores empêchaient les passants d'approcher.
- Une équipe passe par devant, une équipe par derrière.
A l'intérieur de la boutique, on voyait des silhouettes menaçantes s'agiter, certaines armées. On distinguait les otages, assis la tête entre les genoux.
- C'est risqué, mon garçon, dit le Pandore. Si on se rate, c'est le massacre à l'intérieur, pour ces mecs, pour les otages, pour nous...
- Je suis prêt à conduire l'équipe de derrière.
Nouveaux coups de feu, qui manquèrent d'atteindre l'officier Pandore.
Le sang lui monta à la tête. Il serait bien aller lui faire la peau directement, d'homme à homme ! Il prit sur lui de se calmer.
- Bon, d'accord, j'accepte... Lanvin ?
- Portzamparc, tu es jeune...
Les Pandores s'impatientaient. On regardait Lanvin. Il allait passer pour timoré s'il ne prenait pas une décision vite. Et Lanvin ne voulait pas passer pour une lopette !
- D'accord, file t'équiper !

Portzamparc courut au café en face, réquisiitonné par la police, pour enfiler une armure de prétorien, un casque et prendre un fusil. Il prit la tête de quatre hommes.
- Le gamin était chez nous avant, expliqua l'un d'eux.
- On se les paye avant le déjeuner !
Les cinq policiers ressortirent par la porte de derrière du café et firent le tour du quartier au pas de course, pour se retrouver à l'arrière de la bijouterie.
- Allons-y, messieurs, dit Portzamparc, ne faisons plus attendre les otages.

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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - by Darth Nico - 02-12-2008, 05:11 PM
Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - by sdm - 13-12-2008, 03:16 PM

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