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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme
#6

DOSSIER #8<!--sizec--><!--/sizec-->

Le groupe de Portzamparc s'approchait par une étroite arrière-cour, à laquelle on accédait par un étroit passage entre deux petits restaurants. Après avoir couru, les policiers suaient dans leur lourd équipement d'assaut. Et surtout, la vie des otages allait dépendre de leur capacité d'intervention. Portzamparc avait déjà participé à de tels groupes, non seulement chez les Pandores mais déjà sur Forge, pendant la guerre contre les Kargarliens.
C'était la première que lui menait groupe.
Il faisait déjà presque nuit. Les becs de gaz donnaient une lumière plus forte. Des chats miaulaient près des poubelles. Portzamparc s'était approché et risqua un coup d'oeil en se découvrant : il aperçut une silhouette armée, qui gardait la porte arrière.
Il fit quelques signes convenus à ses hommes puis il arma son révolver. A la guerre comme à la guerre...
Il visa la tête de l'homme dans la bijouterie. La détonation partit, au même moment les Pandores couraient et enfonçaient la porte. Portzamparc courut derrière eux. De l'autre côté, par le devant, les Pandores entraient avec Lanvin. Portzamparc enjamba le corps du braqueur, qui avait reçu la balle dans la joue. Il y eut un moment de confusion. Les Pandores se battaient, tapaient à coups de bâtons, des tirs partaient. Des otages hurlaient, étaient happés dans la rue, couraient se protéger. Des cris, des jets de sang. Portzamparc se faisait prendre à la gorge mais un Pandore venait à son secours, l'étreinte se relâchait. Encore des coups de feu.
De l'air frais entrait.
Gémissements des braqueurs qu'on ligotait. Un autre agonisait, secoué de soubresauts nerveux, crachant du sang, à chaque hoquet.

Portzamparc ressortait dans le faux jour de la rue, sous la bruine, et retirait son casque, les cheveux trempés. Il respirait enfin.
- Bien joué, petit.
Lanvin lui proposait une cigarette ; Portzamparc refusa, il ne fumait pas.
Les Pandores ressortaient les survivants.

Portzamparc acceptait un petit remontant au café. C'est le patron qui offrait la tournée, pendant qu'on faisait monter les braqueurs dans une charrette.
- Tu les a bien accrochées, toi !
Et ça, c'était une qualité primordiale pour Lanvin !
Il lui resservait un verre. Il lui mit une claque dans le dos :
- Tu es fait pour la rue, toi !
Tout le monde leva son verre pour le stagiaire. Et on reprit une petite tournée car il faisait vraiment froid !

*

Depuis son arrivée à la Brigade Financière, Maréchal avait connu le calme plat. Des couloirs vides, des inspecteurs partis sur le terrain. Il ignorait que c'était le calme avant la tempête.
Déjà, dans la matinée, quelques corpolitains étaient arrivés avec leurs avocats.
Pour arriver à la Financière, il fallait déjà grimper quatre copieux étages. Si bien que les convoqués arrivaient déjà moins frais en haut, et surtout les vieux avocats, les habitués, qui leur servaient d'escorte. Ils perdaient de leur superbe, alors qu'ils essayaient de redonner confiance aux jeunes loups des affaires, qui essuyaient leur baptême du feu : leur première convocation à la Financière !

- Asseyez-vous, Maître. Remettez-vous. Mais si, à votre âge...
C'était un petit jeu entre les inspecteurs.
De sorte que le Barreau prévoyait de mettre une épreuve d'endurance pour les diplômes de droit des affaires.
D'abord deux, trois, clients, et puis tout un groupe. Dehors il pleuvait, et le grand escalier gris et vertigineux était maintenant maculé de flaques. On se serrait, comme à l'heure de pointe, dans le petit couloir de la Financière. On aurait cru la salle d'attente du médecin. Les inspecteurs passaient avec leurs cafés ; on se bousculait, on se pressait sur le mauvais banc, en attendant d'être convoqué dans un des bureaux enfumés, où la pluie tapait à la vitre opaque.
Crimont était en manche de chemises. A la machine à écrire, Maréchal avait longtemps écrit sans rien comprendre.
- Vous comptez vous réfugiez derrière le 486-7, c'est ça ?
- Oui, d'autant que mon client a des droits qui, ex nobilis...
- Ben, voyons !
Maréchal écrivait scrupuleusement, mais c'était du charabia. Crimont se tournait vers lui, d'un air entendu et le stagiaire faisait semblant de trouver aussi ça scandaleux ! Le "486-7" !
On n'allait pas courir après les criminels. Pas de poursuites sur les passerelles de la Cité. Pas de descente dans une salle clandestine. Pas d'interrogatoire "à la papa" !

Les interrogatoires se poursuivaient, des confrontations, des recoupements.... Il arrivait maintenant des avocats, mouillés dans les affaires des corpoles, mouillés par la pluie d'Exil, accompagnés de leurs propres avocats...

Et Maréchal commençait à décrypter le jargon financier. Le 486-7 s'éclairait... Les mots prenaient du sens... Toutes ces réglementations, ces dispositions fiscales compliquées, ces failles juridiques... Ces gens étaient des escrocs !
C'était ça la vérité !

Du coup, Maréchal se remit à la machine avec gourmandise. Cette fois naissait une vraie complicité avec Crimont, qui, assis d'une jambe sur le bureau, sembla lui dire : "tu vois, tu as compris. Ce n'était pas bien compliqué."
Et on s'y mettait avec entrain !
Maréchal déclarait qu'il n'avait rien compris aux propos du prévenu, Crimont faisait en sorte d'embrouiller les choses, de ne rien comprendre... Et on reprenait du début ! Maréchal faisait craquer ses doigts, jeter sa feuille, en roulait une autre dans la machine et on recommençait, frais comme des gardons !
- Au bout du compte, vous avez détourné combien ? A dix velles près ?
- C'est scandaleux !
- D'accord avec vous, Maître !
- J'ai un ami qui connaît bien le directeur de la Police Judiciaire !
- D'où venaient ces sommes ? Où allaient-elles ?

Après des accueils cordiaux, Crimont avait l'art d'emballer ses prévenus, et peu à peu, il les traitait comme des voyous ; et là, Maréchal retrouvait ses repères. Malgré leurs costumes, leurs cols blancs, leurs grands airs et leur éducation, c'était quand même vrai qu'ils se comportaient comme des truands de bas étage ; mais des truands avec plus de moyens financiers à leur disposition.
- Je prenais 3000 velles dans la caisse chaque semaine, c'était plus simple, pour ma famille et moi !
- Mais oui, criait Crimont, pourquoi s'emmerder hein ! Mais mon petit ami, tu vas finir ta vie à casser des cailloux ! Tant pis pour ta manucure !
- Et encore, on n'a pas grand'chose sur lui, nuançait Maréchal. Par contre, ses supérieurs, qu'est-ce qu'ils ont dû taper dans la caisse ! A la limite, c'est eux qui nous intéressent...
- Tu entends ! Même un petit débutant comme mon stagiaire a vu clair dans ton jeu ! Tu espérais tromper qui, avec tes manœuvres ? Même mon fils qui joue dans le bac à sable ne s'y tromperait pas ! Allez, on recommence !

Pendant l'après-midi, cela prit une cadence industrielle. On faisait de l'abattage ! Crimont faisait défiler les prévenus dans son bureau, à la file... Il mettait le doigt sur le point le plus noir de leur dossier, les renvoyait, et passait au suivant... Il était, mine de rien, en train de mettre le feu dans plusieurs corpoles, depuis son petit bureau dans un recoin de la brigade financière. C'était un sentiment de toute-puissance, en somme.
En milieu d'après-midi, il y eut une accalmie. Crimont se fit monter un bon café crémeux, avec une goutte d'alcool dedans.
- J'adore ça. A cette heure-ci, j'en ai besoin pour bien repartir... Bon boulot, ce matin, Maréchal... Tiens, à ce propos, j'ai peut-être quelque chose qui peut t'intéresser...
Clin d'œil complice. Crimont lui lança un gros dossier. En apparence, pas différent des dizaines d'autres qu'il lui avait fait examiner.
Crimont le laissa pour aller parler au commissaire.

Maréchal regarda l'épaisse liasse de papier. Il feuilleta. Des noms apparaissaient... La corpole Donasserne. Gaëlien de Saint-Preux... Cela devenait intéressant, Maréchal feuilletait plus vite, plus fébrile. Et le nom qu'il attendait : Jaransand !

Crimont revenait à ce moment :
- Tu trouves ton bonheur ?
Maréchal le regarda, surpris, agréablement surpris.
- Je savais que tu aimerais... Oui, figure-toi qu'on en a pas fini avec Jaransand. A l'heure qu'il est, il est au château, à perpétuité. Il a échappé à la potence parce qu'on ne veut pas enterrer le dossier avec lui... Il y a encore trop de parties civiles qui attendent. Il ne va pas tarder à repasser en procès, et d'ici là, on est chargés d'en apprendre le plus sur lui. Comme tu es au premier chef sur cette affaire... Tu vas pouvoir faire connaissance avec quelques-uns de ses complices. Ils seront heureux de te rencontrer !
Le tombeur de Jaransand et de Gueule-de-Rat !
Et Crimont sut soigner la mise en scène !
- Messieurs, bonjour, asseyez-vous, je vous en prie... Maître... Je vous présente mon assistant, l'inspecteur Maréchal, l'homme qui a fait arrêter Albin Jaransand !
Tout de suite, cela vous posait un homme, et une atmosphère en plomb !

*

En fin de journée, les témoins et suspects furent autorisés à repartir. C'était comme l'heure de la fermeture du bistrot. Il fallait mettre les derniers clients dehors, qui vitupéraient contre ces méthodes et suaient déjà de devoir redescendre le grand escalier.
Ce fut à ce moment-là que la brigade des rues revint en fanfare au Quai, avec des Pandores en tenue anti-émeute. Ce fut un beau raffût ; tous les fonctionnaires du bâtiment étaient à la fenêtre pour les regarder. C'était la distraction de fin de journée ; la nouvelle avait déjà couru qu'un braquage avait viré à la prise d'otage, et s'était terminé par une intervention conjointe des forces de l'ordre. Les policiers arrivaient en courant, avec les survivants des braqueurs cachés sous des couvertures, qu'ils poussaient, pendant que des journalistes s'agglutinaient à la barrière, retenus par deux Pandores. Entre cette entrée en force, et la sortie indignée des corpolitains, les journalistes eurent à s'en mettre sous la dent.

Portzamparc aida ses collègues à boucler les truands dans une cellule. La brigade était en ébullition. On félicita le stagiaire pour sa bravoure. Le commissaire en personne vint lui serrer la main.
- Bien joué, petit.
Lanvin allumait une cigarette :
- Sûr qu'il les a bien accrochées !
Les interrogatoires commencèrent. Les braqueurs, à bout de force, et pas bien robustes mentalement, ne tardèrent pas à parler.
- Vous avez réussi à percer le coffre, dit Lanvin. Or, c'est un modèle récent, nous avons vérifié. Normalement à l'épreuve des mèches. Comment vous avez fait ?... Réponds.
Ils finirent par donner un nom : le Perce-Pierre. Une sorte de génie des mèches, qui avait réussi de nouveaux alliages capable de percer n'importe quelle serrure.
- Ça me dit quelque chose, ce nom, dit Portzamparc.
Il sortit de la salle d'interrogatoire, énervé. Où avait-il entendu ce nom ? Perce-Pierre ?... Il l'avait sur le bout de la langue. C'était rageant.
- Allez, va te reposer, lui dit Lanvin. Tu as bien travaillé. Sois là demain matin tôt, et on finira avec eux.
- D'accord. Je vais repenser à Perce-Pierre.
- Ne te tracasse pas. On aura leurs complices, tôt ou tard.
Portzamparc rentra chez lui, avec ce nom qui lui trottait dans la tête. Il croisa Maréchal, fatigué de ses dossiers et des interrogatoires à la chaîne auxquels il avait assisté. Les deux hommes se dirent bonsoir, rentrèrent chez eux. Maréchal s'endormit presque aussitôt. Portzamparc eut droit à un repas au lit et s'endormit avec le mot de "Perce-Pierre" qu'il continuait à remuer sans résultat.
C'est à son réveil le lendemain, que le souvenir lui revint d'un coup. L'association d'idées !
Perce-Pierre, le Notaire, Gibal !
C'était ça !
Il s'habilla en vitesse et courut au Quai. Il entra dans le bureau de Lanvin :
- Je sais ! Le Perce-Pierre ! Le génie des coffre-forts... On avait coincé un de ses complices à Mägott-Platz, pendant la vague de braquages contre la Pham'Velker.
- Explique-toi. Assieds-toi, va. Prends un café.
Lanvin était débordé par ce petit jeune qui arrivait et à qui tout réussissait. De quoi il aurait l'air s'il n'avait rien à apprendre à son stagiaire ?
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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - by Darth Nico - 06-12-2008, 06:07 PM
Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - by sdm - 13-12-2008, 03:16 PM

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