18-01-2009, 04:03 PM
(This post was last modified: 18-01-2009, 06:10 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Katon ne raconta pas sa rencontre avec Kitsu Jô. Il se contenta de dire qu'on pouvait avoir de sérieux doutes sur la culpabilité de Sazen.
- Resterait à savoir, dit Manji, s'il est également innocent de la mort des deux cousins de la Cité des Apparences.
- Allons demander à Matsu Kokatsu, dit Yojiro. Si ça se trouve, il a déjà pris la ville d'assaut.
Il fallut reprendre la route après cette brève étape. La BEC avait racheté des vivres. En se rationnant, nos héros auraient assez pour arriver à la Cité des Apparences.
Il leur fallut trois jours de marche loin des grandes routes pour atteindre la frontière nord-est du clan du Lion. Ils avaient dû prendre quelques détours pour éviter de marcher directement dans cette direction car elle portait malheur.
Ils virent d'autres groupes de rônins qui faisaient route vers Toshi Ranbo (la Cité des Apparences). C'est ainsi que nos héros apprirent que le général Matsu Kokatsu n'avait pas retiré son siège pendant l'hiver : il campait toujours près des murailles, sur le pied de guerre pour attaquer dès la fonte des neiges.
- Si vous cherchez quelqu'un à qui vendre votre lame, leur dit-on, Kokatsu est votre homme ! Et même si vous ne voulez pas vous battre : si vous restez dans la région, ses rabatteurs finiront par vous enrôler de force !
Nos héros s'arrêtèrent en vue du camp retranché bâti par l'armée de Kokatsu. En pleine journée, il y régnait une agitation fébrile. Les Matsu effectuaient des manoeuvres ; des rônins creusaient des tranchées et travaillaient aux palissades.
La fière Cité des Apparences était drapé dans le brouillard et ses hautes murailles étendaient une ombre orgueilleuse sur le camp du Lion.
- Il nous faut trouver un moyen de parler à Kokatsu, dit Manji. Il faut que nous sachions ce qu'il sait de Sazen.
- Le problème, c'est que si nous y allons, dit Yatsume, on ne nous laissera pas repartir...
- C'est vrai, dit Katon. Sauf...
- Sauf si..., dit Manji.
Les regards se tournèrent vers Maya. C'était la seule à ne pas être samuraï. Elle était moine et, qui plus est, une Ize-Zumi. Ce qui voulait dire que des Lions ne seraient pas autrement surpris de la voir arriver de nulle part pour parler à leur général. C'était une habitude chez les Dragons, surtout les Togashi, de se présenter sans prévenir.
- Donc, Maya, dit Manji, nous comptons sur toi !
On lui expliqua en détail ce qu'on attendait d'elle, ce qu'elle devait dire... et surtout ce qu'elle ne devait pas dire !
- Sois polie, ne le regarde pas dans les yeux. Dis que ce sont tes Ancêtres qui t'envoient et que c'est une question d'honneur. Et ensuite, dis que tu dois repartir très vite et que la bénédiction des Dragons est sur lui...
Maya sentait une terrible responsabilité lui tomber sur les épaules.
- Nous comptons sur toi, dit Katon.
- Ouais, ajouta Mamoru, c'est pas le moment de foirer !
- Bon, j'y vais, dit l'Ize-Zumi.
Elle partit vers l'entrée du camp. Nos héros la regardèrent et prièrent les Fortunes.
- Je ne sais pas si nous avons fait le bon choix, dit Manji, crispé.
- C'était notre seul choix, nota Katon.
Yojiro, habitué aux infiltrations discrètes, s'approcha plus près. Il entendait indistinctement les deux gardes. Maya arriva près d'eux. Légère et court vêtue, elle attira aussitôt leur attention. Maya commençait à leur parler.
- Tu entends ce qu'elle leur dit ? demanda Mamoru, qui était resté en arrière.
Yojiro fit signe à ses compagnons de se taire : Maya parlait, et parlait...
- Mais qu'est-ce qu'elle leur raconte ? demandait Yatsume.
Yojiro faisait des signes inquiets : elle racontait n'importe quoi !
- Pas claire ton histoire, dit un des gardes, tu vas nous suivre, ma mignonne !
Yojiro revint en courant vers son groupe :
- Je n'ai pas tout entendu mais je crois bien qu'elle s'est emmêlée les pinceaux ! Elle a tout ce qu'elle devait dire dans le désordre !... Et ils la prennent pour un émissaire de Sazen ou quelque chose comme ça !
Nos héros se prirent la tête dans les mains, désespérés.

- C'est sûr qu'elle va aller voir Kokatsu, dit Yojiro. Mais ils ne vont pas la laisser repartir de sitôt !
- D'accord, soupira Manji. Rappelez-moi quel était notre plan de secours.
Les autres répondirent en chœur :
- Il n'y en avait pas.
- Parfait...
Nos héros se consultèrent du regard ; puis Manji formula la conclusion qui s'imposait :
- Il faut qu'on y aille.

- Vous les rônins là, beuglait un sergent Matsu, par là-bas pour signer!
- D'accord, chef.
Manji et Katon étaient arrivés les premiers. Mamoru, Yatsume et Yojiro se présentèrent ensuite. Les deux groupes furent affectés chacun à un guntaï différent.
On leur donna des armures à peu près correctes et on les envoya à la soupe.
- Nous sommes dans la place, dit Katon, mais tout reste à faire...
- J'ai l'impression que Maya n'est toujours pas ressortie de la tente du général, dit Manji.
- Le gros Lion doit se dire qu'il n'a pas perdu sa journée !
La BEC et Yatsume faisaient la queue pour avoir leur bol de bouillon de légumes. Yojiro soupirait :
- A cause de cette demeurée de Maya, nous voilà enrôlés dans la guerre des Lions ! Par les Ancêtres, ce n'est pas ici que j'aimerais mourir...
- Du calme, dit Yatsume. D'ici le printemps, nous aurons le temps de monter un plan d'évasion.
Yatsume non plus n'était pas enchantée de mettre son yari au service des Matsu. Par le passé, ils étaient des ennemis de son clan !
Les deux guntaï manœuvraient dans des sections voisines du camp. Au bout de deux jours, ils eurent repérés les moments où ils pouvaient se voir et se faire passer des messages par signe. En attendant, ils reprenaient l'entraînement !
Kokatsu exigeait une discipline parfaite dans ses rangs et ne supportait pas le ramollissement !
- Engagez-vous, qu'y disaient, rengagez-vous... grognait Mamoru.
La BEC était affectée à une patrouille autour du camp, à marcher dans la boue en cadence. Ils croisaient régulièrement la patrouille de Katon et Manji, qui tournait dans l'autre sens !
Ils se faisaient des petits signes d'encouragement. Ils remerciaient Maya pour chaque heure passée à préparer la guerre de Kokatsu !
Mais Maya, au fait, que devenait-elle ?
Comme on pouvait s'en douter, elle plut immédiatement à Matsu Kokatsu. Ce dernier était avant tout un militaire, pas un séducteur, mais il savait apprécier la chair féminine. Quand il vit cette Ize-Zumi appétissante, qui tenait un discours incompréhensible, il remercia ses Ancêtres de lui envoyer un peu de distraction au milieu de ces épuisantes journées de préparation.
Maya bafouillait sur Sazen, des complices, Jukeï...
- Je ne comprends rien à ce que tu dis, trancha le vigoureux Kokatsu. Mais tu as l'air d'en savoir beaucoup sur mon passé, toi... Tu m'as tout l'air d'être une espionne !
A ces mots, les lieutenants de Kokatsu saisirent Maya mais Kokatsu leur fit signe de la relâcher et de sortir.
- Je vais m'entretenir avec elle. Nous verrons bien ce qu'elle veut nous dire.
Les lieutenants sortirent de la tente en ricanant, égrillards.
Une fois seul à seul avec Maya, Kokatsu la regarda dans les yeux et dit :
- Je suis Matsu. Je vais donc aller à l'essentiel : qui es-tu ? Qui t'envoie ? Parle et tu ressortiras d'ici saine et sauve.
- Je vous l'ai dit, se plaignit Maya. Je viens vous dire que Sazen est après vous !
- Tu es un ange gardien, si je comprends bien. Tu es descendue du ciel pour me protéger ?
- Je viens vous dire qu'il faut faire attention.
- Ce rônin éclopé, je le verrai approcher à cent lis à la ronde ! Il ne pourra même pas pénétrer dans mon camp !... Ensuite, puisque tu connais Otomo Jukeï, semble-t-il, tu seras ravie : il arrivera dans trois jours ! Oui, tu vas pouvoir lui parler !... D'ailleurs, sa visite n'est pas pour me réjouir : je n'aime pas qu'on vienne me déranger quand je prépare la guerre. Mais c'est ainsi : ces gens du Gozoku n'ont aucun respect pour les traditions... Bref, pour le moment, tu peux aller. Je ne vais pas te garder ici, tu me distrais. Tu resteras à l'écart, avec les domestiques, car si mes soldats te voient, ce sera le printemps avant l'heure !... Va !
Maya obéit et fut emmenée par un soldat chez les cuisinières.
Yojiro et Mamoru la virent sortir du camp. Elle les aperçut également. A ce moment, la BEC n'eut qu'une crainte : que cette éternelle gaffeuse ne les salue devant tout le monde !
Mais elle eut la présence d'esprit de se retenir.
- Il faut s'approcher d'elle, dit Yatsume. Elle est aux cuisines. Donc au prochain repas, il faudra lui parler.
- Vu, dit Yojiro. Je vais prévenir Manji.
Les deux rônins se croisèrent à la tente de réparation des armures.
- Voilà du fil pour tes épaulières, disait le chargé de l'intendance. Mais maintenant, tâche de garder ton armure en bon état ! Tu es dans l'armée des Lions, ici, pas chez les pouilleux !
Manji fit signe à Yojiro qu'ils se recroiseraient le lendemain, même endroit, même heure.
Le soir, c'est Mamoru qui put approcher brièvement Maya :
- Il approche, murmura-t-elle. Il sera bientôt là.
- Qui ça ?
- Jukeï...
- Quoi ?... Mais quand ?
- Dans trois jours.
- D'accord.
Un caporal aperçut le grand rônin :
- Toi là, viens chercher ta ration ou tu resteras le ventre vide ce soir !
D'autres rônins tapèrent du coude Mamoru :
- Alors, mignonne, la petite cuisinière... Dommage qu'"ils" ne l'aient pas mise dans la tente du fond...
Et le lendemain, à la tente de réparation, Yojiro transmit le message : Jukeï serait là dans deux jours.
Manji retrouva Katon :
- C'est une catastrophe. Jukeï est forcément après Sazen. Il sait qu'il sera ici ou à la Cité des Apparences.
- Et il est après nous ! Et il n'aura aucun mal à nous faire arrêter. Kokatsu ne défendra pas quelques rônins recrutés hâtivement.
- Il est clair, dit Katon, que nous devons avoir décampé d'ici avant deux jours. Tu as une idée ?
- Nous avons cette après-midi pour trouver un moyen d'évasion. Et demain, il faudra agir, sans quoi nous sommes perdus. J'ai dans l'idée que Jukeï doit galoper à brides abattues ! Il serait capable d'arriver en avance.
- S'évader, d'accord, mais pour aller où ? Nous serons signalés comme déserteurs.
Manji regarda la plaine rase qui séparait le camp de Toshi Ranbo :
- Les murs de la Cité ne sont pas si loin. De nuit...
- Tu veux entrer dans une ville en état de siège ?
- Nous inventerons quelque chose. Que nous fuyons les rangs des Lions.
- Ils nous abattront sur place !
- Le plus urgent, c'est de sortir, dit Manji. Ensuite, nous verrons bien où nous irons.
- Entendu. Alors, au travail !
Katon fit passer le mot qu'il fallait trouver une faille dans la garde du camp.
A suivre...
