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Dossier #9 : Le rêve du Somnambule
#8
DOSSIER #9<!--sizec--><!--/sizec-->

Portzamparc et Perce-Pierres avait trouvé à se loger dans un meublé pas très reluisant, au sixième sans ascenseur, sous les toits.
lls ressortaient transis, épuisés, de leur entrevue.
Portzamparc mit du temps à enlever tout le sang sur ses vêtements.
- Alors comme ça, murmura Perce-Pierres, vous êtes vraiment ?...
- Vraiment quoi ?
- Le sabre, je voulais dire...
- Je n'ai pas été choisi par hasard pour cette mission.
Portzamparc s'essuyait le visage.
Il y avait deux lits aux sommiers grinçants. Les deux hommes avaient acheté de quoi faire un repas à l'épicerie et ensuite ils se mirent au lit. Ils avaient trois jours à attendre.
Le Somnambule possédait un plan de la banque et l'avait minutieusement étudié avec ses hommes. Il possédait aussi les détails techniques des coffres. Le Perce-Pierres avait assuré que ses mèches en viendraient à bout.
Portzamparc avait écouté sans rien dire, pendant que, dans un coin, on évacuait les deux parties du corps du vieux tueur trop sûr de lui. A ce moment, l'ancien capitaine autrellien avait le cœur qui battait comme jamais. Il savait que Vaneighem aurait été fier de lui ! Trancher un exiléen avec autant d'assurance et de rapidité ! La fierté des chasseurs polaires il aurait été !...
La vérité, c'est qu'il avait la tête en feu et qu'il était pétrifié de peur. Maintenant, c'était sans retour. Il avait tranché son ennemi comme un boucher, ce qui voulait dire qu'il gagnait le respect nécessaire pour être de la bande du Somnambule. Ce dernier l'avait regardé, avec un mélange palpable de haine et d'admiration. Il devait l'accepter dans son équipe et il détestait cet homme, chez qui il devinait plus qu'un simple forgien abruti et habile au sabre.

Après une courte nuit de sommeil, les deux hommes furent réveillés par des coups à la porte. Portzamparc sortit de son lit, s'habilla en vitesse. Il coinça son pistolet à l'arrière de son pantalon et prit son sabre en main.
- Qui est-ce ?
- Milovic !
C'était un des hommes du Somnambule.
Portzamparc ouvrit. Milovic, goguenard, entra comme chez lui, dans la piaule poussiéreuse.
- C'est gentil chez vous, dites-moi.
Perce-Pierres était dans la petite salle d'eau.
- Que voulez-vous ?
- Vous vous entraînez au coup-choux dès le matin ? Je comprends pourquoi vous êtes si fort...
- Vous êtes venus nous apporter le lait et les croissants ?
- Pas tout à fait. Juste un message du patron, pour vous dire que l'opération aura finalement lieu ce soir... Oui, la date est avancée ! Vous serez prêts, j'espère...
Il le disait avec un air tellement dégagé, moqueur... Évidemment, dans sa situation, Portzamparc était poussé à croire que le Somnambule avait déjà découvert le pot-aux-roses.
- Oui, oui, nous serons prêts.
- Alors, c'est parfait ! Bonne journée, amusez-vous bien !
Milovic repartit en sifflotant d'un air insolent.
- Lui, c'est un des pires, dit Perce-Pierres. Ce type a le crime dans le sang. Il a besoin de tuer... Régulièrement...
- Je le surveillerai. Je ne deviendra pas complice d'un boucher... Mais on est pris de court. Le braquage aujourd'hui, c'est trop tard pour prévenir Maréchal... Il ne repassera à l'épicerie que ce soir.
- Qu'est-ce qu'on fait ? Il faut arrêter ça...
Portzamparc termina de s'habiller. Il rangea son sabre dans le tiroir et vérifia son pistolet. Il soupira en regardant par la fenêtre opaque, les toits monotones du quartier, et dit :
- Non, ce n'est pas si simple. J'ai bien peur qu'on doive laisser passer ce braquage. Il va falloir vraiment y aller !
- Quoi ? Mais ce n'était pas prévu !
- Non, mais c'est comme ça. Et nous sommes tous les deux "dedans". Donc ce n'est pas le moment de se dégonfler, si on veut gagner la confiance du Somnambule.
Perce-Pierres savait que c'était vrai. La mort dans l'âme, il se rassit et se prit la tête dans les mains.
- Vous n'allez pas flancher, hein, dit Portzamparc. Vous l'avez déjà fait auparavant.
- Pas pour une grosse banque comme ça... Là, ils s'attaquent carrément à la Donasserne. Un coup qui se chiffre en millions.
- Levez-vous.
- On va où ?
- Acheter à manger. On va en avoir besoin !
Ils revinrent avec des sacs de légume et Portzamparc, qui avait suivi un entraînement poussé en la matière sur Autrelles, s'assit devant une grosse casserole et commença l'épluchage réglementaire des patates !
- Une bonne soupe, rien de tel !
Perce-Pierres était desespéré que son "garde du corps" soit si serein ! Il faisait la popote, tranquillement, en préparation d'un braquage extrêmement dangereux !
- Asseyez-vous et aidez-moi donc, dit Portzamparc au "foreur", qui grattait nerveusement la fenêtre. Si vous tentez de partir, Milovic vous retrouvera et vous finirez encore pire que Karadjic !
Ils finirent de couper les choux et les navets, mirent le tout à cuire sur le gaz. La chambre fut vite remplie de l'odeur grasse des légumes. Portzamparc touillait doucement :
- Ce sera bientôt près...
Le jour tombait déjà. On aurait plutôt dit que c'était les nuages du ciel, et le brouillard, et les échappements industriels qui étaient lentement touillés dans le chaudron d'acier de la Cité.

*

Maréchal passa dans la petite épicerie en fin de journée, comme convenu. Derrière une boîte de conserve, il découvrit le message de Portzamparc. Il sursauta : ils étaient déjà sur un casse !
L'inspecteur paya en vitesse, courut dans le quartier comme un perdu et attrapa le tram C. Haletant, Maréchal s'assit au fond de la rame, qui était bondée de monde, car c'était l'heure où les gens rentrent chez eux après le travail. Les paisibles citoyens qui ne se doutaient pas de ce qui se préparait !
Maréchal vérifia discrètement, la main dans la poche, le chargeur de son révolver. Quand le tram s'immobilisa rue Dugnauth, il en sortit comme un diable de sa boîte, bousculant au passage quelques personnes, indignées.
Dugnauth était un petit quartier, presque construit tout en hauteur, l'équivalent à l'échelle supérieure de ces appartements en triplex qu'adoraient la nouvelle bourgeoisie d'affaire, jeune et dynamique. Autant dire que c'était un cauchemar pour Maréchal, qui devait grimper des escaliers en colimaçon avec ses poumons de fumeurs. Bien évidemment, le tram l'avait déposé dans le bas du quartier ! Et la banque Donasserne était en haut ! Pour y arriver, il fallait trouver son chemin dans les méandres des rues en pente.
Il n'y avait guère de quartier d'Exil qui lui étaient inconnus, et même dans ceux-là, il avait une affinité immédiate, une sorte de science innée, et il se repérait facilement.
Dugnauth était structuré autour de ces escaliers raides, qui ressemblaient à des cotillons en acier, et qui tournaient autour des immeubles en forme de tubes, avec des fenêtres ovales. Maréchal se promettait un jour de s'offrir un de ces animaux hors de prix, un nodohadak, ces grosses pieuvres adaptées à la Cité qu'on utilisait pour les déménagements. Chevauchant fièrement la bestiole aux solides tentacules, il irait d'un bout à l'autre d'Exil sans peine, cavalier solitaire qui...
Le système respiratoire en feu, l'inspecteur franchit la dernière marche, les larmes aux yeux, la sueur au front. Il entra chez un caviste qui faisait l'angle (courbe) de la rue, montra sa plaque et lança :
- Au nom de la loi, donnez-moi un verre d'eau !
Il se rendit compte que la chance était avec lui. De ce petit troquet, on apercevait les tours pointus de la banque Donasserne, lugubre bâtiment qui couronnait la structure verticale du quartier. Pour y arriver, il fallait monter un escalier et traverser deux rues. C'était faisable en quelques enjambées.

- Une bière !...
Maréchal la but d'une traite, tandis que le marchand, éberlué, regardait la glotte du policier, qui montait et descendait en rythme.
- Dites-moi, mon brave, dit l'inspecteur en reposant fermement la chope sur le comptoir, le quartier est calme ?
- Ho, ma foi, oui...
Le commerçant se demandait ce que la police pouvait reprocher à son honnête petite boutique. Maréchal regardait par la fenêtre, mais de plaisantes effluves montaient de la cave :
- Vous avez de bons crus ici, dites-moi ?
- Ma foi, j'ai quelques petites bouteilles de 198, qui ne sont pas...
- C'est parfait ! Dites-moi, la banque Donasserne est encore ouverte à cette heure-ci ?
- Je ne crois pas, non... Mais comme vous êtes fonctionnaire, vous viendrez me régler demain, si cela vous arrange...
L'imbécile de gros limonadier ! Il ne comprenait pas ! Il ne pensait qu'à son tiroir-caisse ! Pas à la sécurité publique !
Maréchal se fit servir un verre de Whispermoor 202, qu'il dégusta sans quitter la banque des yeux.
- Alors, il n'est pas mauvais ?... Notez qu'il a une robe très charnue...
- Oui, oui...
Maréchal n'écoutait déjà plus. Il apercevait des silhouettes qui entraient dans la banque.
- Je vous dois combien ?
L'inspecteur jeta quelques velles sur le comptoir et tâta son révolver dans sa poche. Il aperçut un Pandore qui faisait sa ronde, un autre un peu plus haut. Avec deux pelés et un tondu, il n'allait pas arrêter une bande organisée comme celle du Somnambule !
Maréchal resta au coin de la rue, l'œil sur la sortie de la banque.

Milovic et Portzamparc avaient été désignés pour approcher les premiers de l'entrée. A l'ombre de grosses colonnes, ils enfilèrent leurs cagoules et prirent de leurs sacs les lourds fusils. Milovic fit signe aux autres qu'ils pouvaient approcher. D'une ruelle de l'autre côté de la rue, sortit le reste de la bande, le Somnambule en tête, suivi du Perce-Pierres et de trois acolytes. Le plus gros d'entre eux portait une masse de forgeron. Il la souleva en gémissant et fracassa l'entrée. Tout le monde terminait d'enfiler son passe-montagne et entra, fusil en main. Une alarme venait de se déclencher.
Le Somnambule avança, tira un coup de fusil en l'air :
- Répartissez-vous !
La grosse brute à la masse restait à l'entrée, derrière la vitre fracassée. Les Pandores rappliquaient déjà. Il y en eut vite quatre, à quelques mètres de l'entrée. Ils entendirent des tirs de fusils de l'entrée : et la grosse brute leur ordonnait de dégager rapidement.
Maréchal s'était allongé au coin du mur : il avait la brute dans son viseur. C'est vrai qu'il ressemblait à un gros pourceau diabolique, sa chair n'était que graisse et colère. Il faisait sombre, difficile de l'avoir à coup sûr. Les Pandores ne savaient pas comment s'organiser.

A l'intérieur, le Somnambule venait de déloger de derrière le comptoir deux employés qui faisaient du service de nuit. Il les bâillonnait, les asseyait contre le mur, leur liait les mains et leur faisait tenir une grenade. Il leur souffla :
- J'aime les gens prêts à passer des nuits blanches...
Pendant ce temps, Portzamparc et les trois autres descendaient au sous-sol, vers les coffres.

A l'entrée, le gros cochon gueulait de plus belle :
- Dégagez ! dégagez !...
De nouveaux tirs partaient. Les Pandores faisaient reculer les passants. Maréchal s'approchait doucement. Il avait presque une ligne de tir, presque... Il avait nettement vu Portzamparc entrer avec les autres et il avait repéré le Somnambule, ce grand échalas aux yeux vitreux, aux cheveux grisonnants.

Un des acolytes du Somnambule (ses Insomniaques comme il les appelait lui-même) fut surpris par un des vigiles, qui faillit lui asséner un coup de crosse de son fusil. Un autre intervint à temps avec une matraque. Portzamparc avançait avec le Perce-Pierres : un autre vigile voulut s'interposer. Très maître de lui-même, notre Forgien prit son fusil et tira dans l'épaule de l'autre.
Il l'avait touché superficiellement, assez pour le mettre hors d'état de nuire.
On arrivait devant le gros coffre, avec son cabestan en or et ses roulettes.
Le Somnambule enleva sa cagoule, les cheveux trempés.
Le Perce-Pierres se mettait au travail, en étalant devant lui le contenu de son gros sacs : des mèches, des pinces, de l'explosif. La bande des Insomniaques se répartissait la surveillance des couloirs.

Dehors, alors que Maréchal se voyait déjà expédier du plomb dans la truffe du gros cochon de garde, celui-ci envoya une dernière volée et disparut à l'intérieur de la banque. Deux Pandores en conclurent qu'ils pouvaient approcher : mal leur en prit ! L'un d'eux reçut un tir dans la jambe ; son collègue l'aida à reculer.

Le Perce-Pierre enfonçait ses mèches derniers cris au vilebrequin, tandis que le dernier membre, le tout gras méchant, arrivait, fusil en main.
Le Somnambule fumait à petites bouffées en consultant sa montre ; et le Perce-Pierres s'activait, parfaitement maître de son ouvrage. Après plusieurs trous, il disloqua les roulettes et deux hommes se mirent au cabestan et tirèrent sur la grosse porte cylindrique. Déjà deux autres se précipitaient avec des sacs et tout le monde les remplit des liasses de velles et de bons au porteur.
Perce-Pierres se précipitait dans la salle des coffres individuels, assisté de Portzamparc qui déroulait une mèche à explosifs. Les deux hommes se consultèrent du regard. Sans fléchir, Portzamparc aida l'autre à installer sa dynamite. On ressortit de la pièce, on alluma la mèche, pendant que le reste de la bande finissait de remplir les sacs dans le coffre principal.
L'explosion secoua le sous-sol ; au jugé, Portzamparc et son complice vidèrent les coffres de bijoux, de diverses statuettes, de pierres précieuses, d'objets anciens, et les mirent tous dans un sac.
Le Somnambule surveillait les arrières, pendant que le gros de la bande se dirigeait vers un petit escalier dérobé. A ce moment-là, Portzamparc crut qu'on allait les laisser sur le carreau ici, avec une balle dans la tête. Il avait un pistolet dans la poche, alors que le chef de la bande s'approchait doucement.
- Vous avez terminé ?...
Perce-Pierres avait cette même peur.
- C'est fini, oui, dit Portzamparc, méfiant.
Le Somnambule apparut dans l'embrasure de la porte. Alors dépêchez-vous ! Vous fermerez la marche !...
Il repartit.
Incroyable ! Il ne passait pas derrière eux !
Porzamparc, chargé de deux gros sacs, suivit le spécialiste des coffres et le chef des Insomniaques vers la sortie dérobée. C'était inouï ! Il avait juste devant lui un des pires criminels de la Lune ! Il n'avait qu'à laisser tomber son sac, tirer son révolver... et ce serait fini !

Les Pandores entraient enfin dans la banque. Maréchal s'approcha, montra sa plaque. On se dépêcha de délivrer les quelques employés ligotés, au moment où les braqueurs ressortaient dans une petite ruelle, entre deux immeubles aux escaliers extérieurs en zig-zag. La bande monta les marches dans la cage en acier qui tremblait, pendant qu'à l'intérieur, Maréchal et les Pandores descendaient prudemment vers les coffres.
A l'intérieur du bâtiment, de petits appartements, pour la plupart inoccupés. Le reste de la bande était là. Le Somnambule ordonna à tout le monde de se déshabiller, de mettre ses habits actuels dans des sacs où se trouvaient des habits de rechange, puis de jeter les sacs de banque dans les conduits d'aération.
- Dépêchons-nous !
Tout le monde s'exécutait avec une discipline et une coordination sans tâche. Portzamparc se serait cru de retour à la caserne, de retour d'une mission kommando !
Quelques minutes après, la bande des Insomniaques ressortait dans un coin obscur de Dugnauth, comme des citoyens ordinaires. Ils traversèrent deux petites ruelles et débouchèrent sur un tout autre décor : un grand boulevard, quartier des Minuties, avec ses voitures à cheval, ses réverbères, ses bourgeois et ses grandes boutiques, dans l'agitation de la vie mondaine de début de soirée.
Le Somnambule, en redingote et chapeau haut de forme, partit avec quelques hommes en direction d'un cocher. Ils le hélèrent, et grimpèrent dans une magnifique voiture attelée, qui tourna au coin de la rue. D'autres, l'allure de bons commerçants qui vont profiter d'une brasserie puis d'un cabaret, partirent vers les grandes places aux décors industriels éclairés par la fée électricité.
Portzamparc et Perce-Pierres se retrouvait au milieu de ce bruissement de la vie nocturne, autant éberlués par la rapidité du braquage que par le changement de décor !

Pendant ce temps, dans les rues courbes de Dugnauth, on tournait en rond !
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