25-04-2009, 07:41 PM
(This post was last modified: 26-04-2009, 12:34 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
L'entraînement de Mitsurugi commença le lendemain matin. Il retrouva au dojo Sazen, qui avait passé la nuit dans une discrète petite auberge surveillée par un homme de Sasuke. Le gouverneur fit ses mouvements d'échauffement en même temps que le vieux rônin, puis ils firent plusieurs passes au bokken.
Jusqu'ici, Mitsurugi n'avait pas vu Sazen se battre. Aujourd'hui, le rônin ne fit que se défendre. D'une seule main, il parait sans mal les attaques de son disciple. Et il y avait cette technique secrète ! Mitsurugi la voulait. Seulement, il aurait été hautement inconvenant de la demander.
L'ancien Shiba donna le meilleur de lui-même pour mériter la considération de son maître. Il attaqua, rapide comme un phénix, féroce comme un lion.
- Tu as du feu dans le sang, dit Sazen après un enchaînement fracassant de Mitsurugi, qui avait porté trois coups d'affilée à une vitesse impressionnante.
Essoufflé, Mitsu répondit que ses techniques n'étaient pas encore suffisantes pour impressionner son maître.
Sazen rangea le bokken et dit :
- Non, tu te sous-estimes. Tu as les qualités requises pour devenir un bon duelliste. Tu es fort, rapide, sûr de toi. Tu as l'entrain de la jeunesse, mais tu n'es pas trop impatient. Tu n'oublies pas d'être précis. Cependant...
C'est le "cependant" que Mitsu attendait !
- Cependant, il y a, quelque part dans Rokugan, un ancien élève, qui m'a trahi. Celui qui a vendu au Gozoku les secrets de mon dojo.
- Il connait votre technique secrète ? dit Mitsurugi, d'un air faussement détaché, comme s'il disait ça pour bavarder.
- Une partie, dit Sazen, d'un air malicieux.
Mitsu se rongeait les sangs. Il attendait que le vieux senseï en tire la seule conclusion logique possible : "Donc, mon cher élève, je vais t'apprendre cette technique ultime en entier. Ainsi tu pourras vaincre mon élève, ainsi que la plupart des arrogants Kakita qui se croient invincibles, et tu auras à tes pieds les femmes des vaincus et on viendra des six provinces de l'Empire te supplier etc."

Sazen dit simplement :
- Continue tes mouvements de sabre. Tu es sur la bonne voie.
Et il planta là Mitsu ! Alors que pour lui, on venait juste de commencer l'échauffement !
Mitsu en était même humilié, d'avoir si peu de considération. Il allait lui envoyer la police secrète de Sasuke, si ça continuait comme ça !
Rageur, le gouverneur s'entraîna avec acharnement. Le lendemain, à la première heure, il retrouva Sazen au dojo, qui n'était aussi serein que la veille, comme s'il venait pour une cérémonie de thé. C'était trop fort !
Mitsu fourbissait son sabre dans son coin. "Tu vas voir, vieux senseï... Je vais t'en mettre plein la vue."
Le rônin se mit en garde paisiblement, affable -ce qui mettait Mitsu hors de lui ! Il attaqua, dans l'idée de mettre le vieux en danger, de l'obliger à sortir de sa réserve.
Sazen dut reculer devant l'impétueux assaut de Mitsu, mais il fit une simple esquive de côté et frappa le Lion au poignet, qui en perdit ses moyens : il ne pouvait plus manier son arme !
- Trop léonin, pas assez phénix. Tu te laisses emporter. Tu étais meilleur hier.
Ce n'était pas un reproche, juste un constat !
Sazen reposa le bokken et partit tranquillement.
Ce petit manège dura encore quatre jours. Chaque fois, Mitsurugi passait la fin de mâtinée à chercher un autre moyen de surprendre le senseï. Le troisième jour, Sazen essuya les coups et sourit :
- Je vois que tu as aussi du Loup en toi... C'est bien. Ce sont des coups qui ne pardonnent pas. Mais n'oublie pas le phénix, ou bien tu perdras ta précision.
Il fallait quoi encore ! Le phénix, le lion, le loup... Et pourquoi pas la grue, la tortue, la licorne, le buffle, la chèvre et la mouette !

Tandis que Mitsurugi s'absorbait dans son entraînement, ses subordonnés ne cessaient pas leurs manigances.
Matsu Sasuke s'était fait raconter en détail par Yojiro ce qu'il avait appris lorsqu'il cherchait Asahina Bakin, l'un des membres de la liste de Sazen.
- Donc tu affirmes, Yojiro, que tu connais l'endroit où vit ce Bakin ?
- Oui, sa famille possède un domaine sur le golfe de l'écume d'argent.
- Bien. Je me demande si je ne vais pas lui rendre une petite visite. Une visite discrète. Je pense que toi et Mamoru pourriez m'accompagner.
- A tes ordres, Sasuke-san.
Le shugenja se frottait les mains.
- Dans combien de temps est le duel, déjà ?
- Dans trois jours, dit Yojiro.
- Cela fera trop court pour que nous soyons revenus avant.
Sasuke réfléchit un moment, un doigt sur les lèvres.
- Mais j'ai peut-être un moyen... Va, Yojiro. Prépare tes bagages.
Le shugenja fit le tour de ses informateurs en ville. On le prévint que Maya venait d'arriver à la Cité.
- Que fait-elle là ?
- Des rumeurs venues de la Cité des Apparences disent qu'elle n'est plus désirée par le gouverneur Kokatsu.
C'était vrai : le Lion la trouvait trop encombrante. Fort séduisante, mais compromise aussi dans cette vilaine histoire de Sazen. Il allait être temps de couper les ponts : il commençait par sa favorite, qu'il n'aurait pas de mal à remplacer par d'autres femmes moins excentriques, et moins belles, mais moins dangereuses.
Sasuke dit à son rônin espion :
- Tu iras prévenir Maya de venir discrètement jusqu'ici. Elle va partir avec moi.
Sasuke savait que Mitsurugi n'approuverait pas son voyage (il dirait à coup sûr qu'il ne voulait rien savoir). Pour se faire pardonner, le shugenja emmenait donc avec lui Maya. C'était un compromis acceptable !

Il n'y avait pas que Sasuke à mener des tractations en secret.
Matsu Yatsume, la ténébreuse et séduisante garde du corps du gouverneur, ne perdait pas son temps en ville. Depuis plusieurs jours, elle était en contact avec plusieurs soi-disant rônin, qui n'étaient autres que des espions envoyés chez par la Cité des Mensonges. Oui, c'était des Scorpions chargés de garder un œil sur les affaires des Phénix... jusque récemment, car la prise de la ville par les Lions les avait surpris. Et ce à quoi ils s'attendaient encore moins, c'était à l'arrivée de Sazen !
Pour eux, l'ancien senseï Bayushi Natsu était un traître, recherché par le Gozoku.
Yatsume retrouvait ses agents dans une auberge, dont elle savait qu'elle n'était pas surveillée par les hommes de Sasuke !
- Tu as compris le marché que nous te proposons, Yatsume. Qu'une ancienne des nôtres se retrouve intégrée au clan du Lion est inespéré. Tu en es consciente. Le hasard a trop bien fait les choses.
- Aussi bien que nous, si nous avions voulu t'infiltrer chez les Matsu, ajouta l'autre "rônin".
Dans la balance, il y avait des enjeux très lourds pour Yatsume. Déchue de son clan après avoir assassiné son mari, elle ne pouvait pas prétendre n'y être plus fidèle. La fidèlité était bien la seule vertu enseignée aux Scorpions ; elle leur était chevillée au corps, en sorte que les rares Scorpions déchus à l'état de rônin ne pouvaient jamais renier complètement leur appartenance passée. Pas même sur pression de leurs anciens camarades : mais parce que la discipline d'acier apprise dans les dojo ne pouvait pas s'oublier du jour au lendemain.
- Il nous faut des informations supplémentaires sur Sazen, dirent les Scorpions.
- Il est en ville, vous le savez bien, dit Yatsume.
On comprenait que les deux espions, si courageux qu'ils fussent, n'auraient pas osé s'attaquer à Sazen. Ils ne pouvaient l'affronter en face, et ils hésitaient même à monter un piège contre lui.
- Nous voulons savoir ce qu'il manigance. Aide-nous, Yatsume, et tu seras récompensée.
La yojimbo laissa là les conspirateurs et dit qu'elle réfléchirait. Elle rentra au palais et s'enferma dans sa chambre pour méditer.
Elle savait que les Scorpions pouvaient l'aider à retrouver le vrai assassin de son mari, le démon qui l'avait possédé, et qui avait obligé Yatsume à tuer son époux. Cela impliquait de trahir le vieux senseï, dont Yatsume estimait la cause juste.
A qui était-elle fidèle ? Au clan Scorpion d'avant le Gozoku ? Au clan Scorpion actuel ? Au clan du Lion ?... Il semblait que dans chaque cas, elle trahissait quelqu'un. Elle n'aurait pas dû avoir de doute. Chacun à leur manière, les Scorpions ni les Lions n'ont pas d'hésitation sur leur devoir. Yatsume, elle, ne savait plus à quoi obéir.
Officiellement, la yojimbo avait une mission, confiée par le Gouverneur : son rônin lui avait appris que des Daidoji pourraient chercher à s'infiltrer en ville pour préparer une reprise de la ville. Des Daidoji soutenus par les Phénix. Rien de bien grave en comparaison de ce dans quoi Yatsume trempait.

C'est la veille de son départ que Sasuke avertit Mitsurugi de ses intentions.
- Je vais retrouver Bakin, et apprendre ce que Sazen ne nous a pas encore dit.
- Je ne vois pas ce que tu espères apprendre de plus. Je crois qu'il n'y a plus de mystère. Sazen a vu son honneur détruit car il a surpris une conspiration contre l'Empereur.
- Avant de le savoir, nous avons cru à une histoire d'honneur, puis à une histoire de technique secrète. Je crois qu'il y a plusieurs double-fonds, et je vais continuer à creuser. Nous aidons le senseï, il est normal que nous sachions la vérité sur lui.
- Tu crois que ce Asahina t'en dira plus ?
- On ne perd rien à essayer... A propos, je me suis arrangé pour que la date du duel soit reculée !
- Comment ça ?
- J'ai découvert que les dieux des routes pourraient être fâchés si le sang coule au jour prévu. Il est plus sage de reculer de cinq jours, pour que l'affrontement ait lieu sous de bons hospices.
Mitsurugi avait oublié que Sasuke était, de fait, la plus haute autorité religieuse de la ville ! Le gouverneur restait estomaqué de sa désinvolture !
- Tu as donc quelques jours en plus pour t'entraîner.
Les deux amis étaient au dojo où Mitsurugi attendait Sazen. Le soleil était à peine levé. Sasuke retrouva Mamoru, Yojiro et Maya à la sortie de la ville.
Ils prirent la route de l'est, à dos de poneys.
- Nous laisserons nos montures dans un village ce soir, dit le shugenja. Et nous poursuivrons à pied. J'ai l'intention que nous traversions les terres Phénix, sans être dérangés.
Sasuke avait préparé son itinéraire avec soin.
Le groupe passa la nuit au village et reprit le lendemain à pied. Sasuke passa un kimono sans marque distinctive de clan, acte déshonorant, et c'est ainsi qu'ils purent passer la frontière : Yojiro avait repéré une passe peu gardée, lorsqu'il était parti chercher Bakin.
Surgirent alors un groupe de garde-frontières de la famille Shiba, mais nos héros étaient déjà redescendus du col et ils échappèrent aux soldats. Ils furent aidés par une bande yobanjin, qui venaient de piller un village : les barbares fuyaient, les bras chargés de provisions et tombèrent nez à nez sur nos héros, qui surent les recevoir avec les égards qui leur étaient dûs !
Maya bondit sur eux en faisant des pieds et des mains, tandis que la BEC tailla joyeusement ces yobanjin en pièces. Sasuke surveillait les arrières, pour s'assurer que les Phénix ne les rattrapaient pas. Nos héros reprirent leur route en laissant les corps des barbares bien exposés. Au village d'après, ils apprirent que d'autres groupes de ces pillards étaient signalés dans la région.
- Trop occupés à les chercher, dit Sasuke, ils ne nous courront pas après.

Ce fut le cas. Nos héros ne furent plus inquiétés. Par les chemins de traverse, ils arrivèrent à la petite Cité de l'Or Bleu, où Yojiro s'était fait des accointances parmi les contrebandiers. Sasuke apportait des kokus sonnants et trébuchants pour une traversée rapide.
- Et sans poser de questions, ajouta Yojiro.
Les contrebandiers empochèrent l'argent sans rien ajouter et sortirent du vilain troquet. Rendez-vous était donné pour le lendemain soir.
Ils embarquèrent alors sur un petit rafiot qui quitta le port sans que les douaniers y trouvent à redire. La fragile embarcation rejoignit un navire plus solide, capable de naviguer en haute mer. Il fallut payer encore, mais Yojiro confirma d'un signe qu'ils étaient "réglos".
- Pas désagréable de retrouver l'ambiance du pont, dit Yojiro.
Le navire partit et navigua à la lumière des étoiles, aussi près que possible des côtes. Deux jours après, on arrivait au golfe de l'écume d'argent.
- Vous nous attendez ici, dit Yojiro en descendant dans la barque. Nous serons de retour ce soir.
La BEC se mit à ramer : on accosta dans une crique déserte. Mamoru et Yojiro trainèrent la barque hors de l'eau et l'ensablèrent.
- Asahina Bakin doit habiter là-bas, dit Yojiro.
- Bien, je vais aller voir. Attendez-moi là.
L'ancien Crabe avait désigné un promontoire rocheux à la naissance duquel se tenait une maison traditionnelle, au milieu d'un grand jardin.
Sasuke remonta la côte qui séparait la crique de la route, et se présenta à l'entrée du domaine. Il était prêt à raconter qu'il était en pèlerinage spirituel... Le soldat qui gardait la maison lui apprit alors qu'Asahina Bakin n'habitait plus là depuis l'an passé.
Sasuke réussit à se faire introduire, et il put rencontrer la mère de Bakin. C'était une vieille femme triste, qui se mit aussitôt à raconter qu'elle avait perdu son mari, et son fils ensuite.
- Il est mort ?
- Non, mais tout comme, Phénix-san !
A peine si elle avait pris le temps de faire les présentations et de servir un rafraîchissement à son hôte.
Sasuke passa une petite heure à discuter avec elle et repartit. Il retrouva les autres à la crique, où ils faisaient la sieste.
- Debout, tas de fainéants ! Mettez la barque à la mer, et souquez ferme !
- Quoi de neuf ? demanda Maya.
- J'en ai appris une belle de la maman de ce cher Bakin, figurez-vous.
Pendant que la BEC ramait, Sasuke raconta ce qu'il savait :
- Bakin a dû quitter ses terres. Il est parti sur une île, rejoindre une garnison qui surveille la frontière maritime avec le clan de la Mante. En fait, un îlot minable où sont envoyés les samurai en disgrâce. Or, devinez quel est le nom de la personne qui a exigé ce départ ?... Nuage !
La mère avait fini par le dire, malgré sa peur. Elle se sentait si proche de mourir qu'elle se disait que plus rien ne pouvait l'atteindre.
Nuage, le conspirateur derrière la disgrâce de Bayushi Natsu... Il avait envoyé Bakin finir ses jours loin du monde...
- Je connais un archipel où nous trouverons des informations à coup sûr, dit Yojiro. La cité des pirates des sept mers est un coffre aux trésors de renseignements et de canailles de la meilleure espèce !
- C'est de ces gens-là dont nous avons besoin, dit Sasuke.
Alors que le soleil se couchait, très loin sur le grand désert de l'ouest au-delà de Rokugan, nos héros revenaient à bord du navire de contrebande, qui reprit sa traversée pendant la nuit.
