27-04-2009, 06:53 PM
(This post was last modified: 02-06-2009, 08:38 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
2ème partie : La vallée de la honte<!--sizec--><!--/sizec-->

2ème partie : La vallée de la honte<!--sizec--><!--/sizec-->

L'air chaud du sud montait de la terre, grasse et humide. Il pleuvait sans discontinuer depuis trois jours, une tiède pluie de printemps. Les paysans travaillaient pesamment dans les rizières. Des buffles chassaient inlassablement les mouches qui venaient se coller à eux.
Les bâtiments eux-mêmes étaient poisseux de chaleur mouillée. Yojiro et Mamoru connaissaient bien cette atmosphère des terres des Crabes, et les odeurs de la région, qui surgissaient de terre quand le sol était remué par la pluie.
Nos héros avaient passé les terres marchandes de la famille Yasuki, après avoir traversé la Chaîne du Toit du Monde et les terres Bayushi.
C'est sans entrain qu'ils se dirigeaient vers la pointe australe de l'Empire, où la chaleur pesante se muait en miasmes infernaux, à l'entrée de l'Outremonde. C'est le dixième jour de leur voyage qu'ils virent la muraille grise se dresser à l'horizon. Ils arrivèrent, par une après-midi orageuse, trempés de sueur et se présentèrent au palais de la petite ville où ils avaient été assignés. Ils arrivèrent à la caserne de la famille Hida, où de jeunes samuraï torses nus faisaient des parcours du combattant, accablés par la poussière et l'air gorgé d'eau, électrique. Le grondement du tonnerre éclatait régulièrement, encore lointain.
- Qu'Osano-Wo fasse éclater sa colère pour de bon, gémit le soldat qui accompagnait nos héros. Tout le monde sait bien qu'une bonne engueulade vaut mieux que de garder ça sur le cœur...
On regardait le ciel, inquiet, qui noircissait à chaque heure.
Le sergent qui reçut nos héros était plein d'ennui : il jeta un œil paresseux aux papiers présentés par Mitsurugi, nullement impressionné. Appuyée sur sa table, la joue écrasée dans sa main, il prit une plume et signa le papier, puis bailla en le rangeant dans une armoire.
- Vous irez vous présenter à la capitainerie de la muraille, au poste le plus proche, à la sortie de la ville. Vous serez affectés au régiment du capitaine Kaiu Koga. Bienvenue parmi nous et que les dieux vous protègent.
Il était sincère mais sans entrain.
Nos héros, surpris de cet accueil, mais sachant que le pire était à venir, allèrent se présenter à l'officier désigné. Un soldat qui montait la garde leur apprit que le capitaine Koga surveillait des réparations. Nos héros le trouvèrent au pied du Mur, occupé à diriger des équipes d'ingénieurs et des ouvriers. Torse nu lui aussi, il s'était noué un foulard sur la tête pour échapper aux coups du soleil qui perçait entre les gros nuages poivrés.
- Hâtez-vous, bande de fainéants ! Qui m'a fichu des incapables comme vous !
Il râlait pour la forme et allait même de temps en temps donner des conseils amicaux aux ouvriers.
Il buvait à la bouteille à grandes lampées quand Mitsurugi, martial, claqua des talons et le salua.
- Par les entrailles de... Qu'est-ce que c'est, Lion-san ?
- Matsu Mitsurugi, de la Cité du Levant ! Moi et mes hommes avons été affectés dans ton régiment.
- Parfait, nous manquons justement de bras.
Il reprit une gorgée et jeta un œil aux nouveaux arrivants. Il s'essuya la bouche et dit :
- Vous savez porter des pierres et monter un mur au mortier de chaux ?
- Pardon ?
- Non, évidemment, chez les Lions, on n'a pas l'habitude de la maçonnerie... Vous allez apprendre sur le tas, mes gaillards, c'est comme cela que ça se fait chez nous ! Allez poser vos beaux habits dans la remise de la tour, et mettez-vous à la tâche ! Allons !
C'est ainsi que quelques minutes après, nos héros se retrouvaient dans la chaîne d'acheminement des pierres. Il fallait rouler les blocs sur des rondins de bois puis les hisser à la corde aux créneaux.
Yojiro et Mamoru connaissaient déjà le travail mais les trois Lions furent surpris de se retrouver à faire le travail d'hommes de peine !
Kaiu Koga vit qu'ils manquaient d'entrain et leur cria :
- Allons, mes gaillards ! Souvenez-vous que c'est grâce à cette Muraille que l'Empire tient debout ! Un défaut dans l'agencement des pierres, et demain, les onis peuvent aller faire un festin de vos familles !... Et surtout, souvenez-vous de l'essentiel : la muraille, c'est nous. Le reste, c'est juste de la brique... Quand vous aurez compris ça, vous saurez tout !
Nos héros peinèrent plus d'une heure avant que Koga n'annonce la fin du temps des équipes de jour. Les hommes se rhabillèrent et se précipitèrent à la caserne où de grandes tables avaient été dressées. Les serviteurs mangeaient en bout de table, mais pas dans un lieu séparé des samuraï. Bien sûr, cela choqua nos Lions, qui n'avaient pas l'habitude, même dans leurs anciens clans, de manger avec des gens du demi-peuple.
Il y avait une joyeuse ambiance de fin de journée, ambiance réchauffée encore par l'orage qui ne voulait pas éclater et la bière, généreusement servie. Il y avait une centaine de samuraï sous le commandement de Koga. Celui-ci imposa le silence et fit brièvement les présentations de nos héros : c'est à dire qu'il signala qu'ils venaient de chez les Lions, mais les laissa se présenter eux-mêmes !
- Koga n'est pas le mauvais bougre, dit le voisin de Sasuke à ce dernier, mais vous aurez remarqué qu'il ne prend pas le temps de faire des manières. Il aime la discipline et le travail bien fait.
- Cela se comprend, dit Sasuke.
- Nous ne sommes pas à la cour des Kakita ici, vous aurez remarqué...

L'orage éclata dans la soirée. Ce fut un déluge qui s'abattit d'un coup, accompagné de profondes secousses dans les nuages. Le ciel tremblait, de même que les animaux et les hommes les plus peureux.
- Osano-Wo déménage ses meubles, disaient les Crabes.
Un autre ajoutait :
- Il avait une sacrée envie de pisser.
Le lendemain soir, il pleuvait encore. Des murailles liquides tombaient sur les samuraï et le grondement continu de l'eau devenait abrutissant.
- Vraiment une grosse envie, dit le samuraï de la veille.
C'est ce soir-là que nos héros prirent leur première garde sur la Muraille.
Le capitaine Kaiu Koga vint les visiter dans leur tour de garde.
- On vous a assigné la protection d'une section du Mur, dit l'officier. Souvenez-vous que la moindre faille dans notre défense, et demain, des légions entières déferleront sur l'Empire.
- Nous nous en souviendrons, affirma Mitsurugi.
Un serviteur sortait des provisions :
- On vous a apporté de quoi tenir cette nuit, dit Koga.
Du pain, des légumes, et de la bière.
- Je vais m'en occuper, dit Sasuke en s'emparant du panier, sur lequel la BEC lorgnait déjà.
- Quel genre de bestioles pouvons-nous rencontrer ce soir ? demanda Mitsurugi.
Koga regarda les étendues de l'Outremonde, attentif. La pluie devenait plus fine et les roulements d'orage s'éloignaient.
- Des créatures, il y a pour tous les temps... Par ce temps-là, il peut y avoir des rampants. Si vous en voyez, il faudra brûler à la racine la mère...
- J'en ai déjà entendu parler, dit Yojiro.
- Alors c'est parfait, dit Koga en saluant ses samuraï.
Il y eut de longues heures mornes, durant lesquelles on passa lentement, insensiblement, du jour mauvais et pluvieux à la nuit sans étoiles. Ce fut pendant le tour de garde de Mamoru qu'on entendit de l'agitation. La terre remuait devant la muraille, comme si des dizaines de taupes y creusaient ensemble des galeries. Mamoru sonna la cloche et nos héros furent aussitôt sur le pied de guerre. Le poste de guet voisin avait entendu et se préparait aussi au combat.
La terre se bombaient de grosses taupinières et bouillonnait de plus en plus fort, comme une marmite de soupe épaisse.
- Des rampants ? dit Mitsurugi.
- Oui, dit Yojiro.
La terre gonfla, gonfla et soudain, les créatures qui grouillaient en-dessous surgir d'un coup : d'ignobles grosses larves à carapaces avec de longues griffes, qui jaillirent ensemble et s'accrochèrent au mur. Il en arriva d'un coup des dizaines, tandis que de dix endroits jaillissaient d'infernales racines auxquelles étaient accrochés d'autres grappes de ces larves. Les racines poussaient à une allure démente.
Les rampants arrivaient en haut. Sasuke passa la tête par les créneaux et, tel un dragon, leur cracha un énorme geyser de flammes, qui les rôtit. Les larves retombèrent, agitant leurs vilaines pattes au ciel.
Il arrivait d'autres groupes, que nos héros reçurent sabres en mains. Plusieurs groupes avaient pris pied sur le chemin et furent emportés par les crachats de Sasuke. Notre shugenja n'était pas mécontent de montrer ses nouveaux pouvoirs à ses amis. Mitsurugi vit que c'était encore une occasion de se donner en spectacle...
Maya écrasa plusieurs de ces bêtes immondes entre son poing et la Muraille, tandis que le yari virevoltant de Yatsume faisait un sort à nombre d'autres ennemis. Bientôt, l'assaut fut repoussé pour de bon.
- Nous n'allons pas nous arrêter là ! cria Mitsurugi.
C'était le signal de la contre-attaque.
Mitsurugi voulait montrer l'exemple : il enjamba les créneaux et s'accrocha à l'échelle. Il entendit alors Yojiro crier avec enthousiasme "banzaï" et vit le rônin qui se jetait directement dans la boue, comme on saute dans son bain !
La BEC fut la première en bas, en première ligne contre les rampants.
Le reste du groupe arrivait derrière. Mitsurugi monta aux côtés de la BEC et trancha dans les racines, pendant que Yatsume et Maya faisait le nettoyage autour.
Sasuke se concentra, gêné par le temps pluvieux, et envoya sa spécialité : le quatuor de boules de feu crépitant ! Le feu prit aux racines où s'accrochaient les rampants et plusieurs cris monstrueux résonnèrent de sous-terre.
Sasuke se retourna vers ses amis :
- J'ai l'impression qu'on tient la reine !
Il ne croyait pas si bien dire : dans son dos, un énorme monticule était en formation, d'où jaillissaient des racines énormes et affûtées. Le sol se déroba sous les pieds de notre shugenja. Nos autres héros battirent en retrait et ne furent pas happés. Sasuke, voyant qu'il était entraîné par cette boue mouvante vers une gueule monstrueuse, envoya une autre attaque enflammée en plein sur la reine des rampants. En un hurlement final, la bête, ravagée par les flammes, plongea sous terre, et l'on vit la boue se fissurer, éclater sous la pression des flammes et de la fumée, et plusieurs départs de feu reprendre à la surface et dévorer les rampants.
Maya s'approcha pour aider Sasuke à se tirer de son trou. Ce n'est que sept siècles plus tard que la réincarnation de Sasuke put rendre la pareille à la réincarnation de Maya...
- Magnifique, dit Mitsurugi.
Magnifique, c'était le mot. Épuisés, crottés, boueux, trempés, nos héros revinrent à la Muraille où les Crabes les accueillirent. On ouvrait la réserve spéciale et mettait déjà un tonneau en perce pour fêter cette victoire.
Le lendemain matin, Kaiu Koga arrivait :
- C'est ce qu'on appelle le baptême du feu mes gaillards, rigola-t-il.
- Nous avons défendu notre poste, dit Mitsurugi en bombant le torse.
- Allez, je vous accorde trois jours de permission ! Amusez-vous, c'est un ordre !
On reprit une tournée en l'honneur de la générosité de Koga-sama !
A suivre...
