13-06-2009, 05:08 PM
(This post was last modified: 14-06-2009, 08:05 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Après ce premier combat sur la Muraille, nos héros profitèrent du congé accordé par leur supérieur. Ils découvrirent les lieux de plaisirs de la famille Yasuki, dans les terres en retrait du front de la Muraille.
L'industrieuse famille marchande avait aménagé des petites cités entières pour le plaisir et le divertissement des guerriers. Il y avait seulement quelques années que les Yasuki avaient rejoint le clan du Crabe, après être parti de chez les Grues, à la suite de nouvelles levées de taxes considérées comme injustes par les marchands.
C'était la première fois qu'une telle rupture se produisait à Rokugan : il s'en était suivi une longue guerre entre Crabes et Grues, où les défenseurs de la Muraille purent voir l'intérêt des convois marchands pour l'acheminement rapide du matériel au combat, et pour les renseignements rapides et discrets sur les forces ennemies. L'Empereur en personne avait mis fin à cette guerre, en signant un décret interdisant dorénavant un clan majeur de faire la guerre à un autre.
Mitsurugi ne dessaoula pas pendant près de trois jours, et eut toutes les filles qu'il voulait. Sasuke s'amusa bien avec lui mais sans aller aussi loin dans la débauche. Par la suite, le noble ambassadeur Mitsurugi n'eut pas souvenir de tout ce qu'il avait fait ces soirs-là, mais il s'aperçut que dans les rues de la petite ville, on le regardait de travers, parfois en souriant. Et de nombreuses filles semblaient le reconnaître.
La BEC mangea et but comme si l'Outremonde allait emporter l'Empire le lendemain ; Yatsume fut plus modérée, et quant à Maya, elle faillit avoir une indigestion après un bol de riz entier arrosé d'une larme de saké.

Il était bientôt temps de reprendre la dure route de la Muraille. Nos héros finissaient de dégriser et faisaient leur paquetage, accablé par la longue marche qui les attendait, et surtout par les épreuves au bout. C'était la journée de la gueule de bois, une journée qui plus est grise et pluvieuse, de celles qu'on ne voit pas passer tant elles sont moroses et ne se distinguent pas d'un mauvais sommeil.
C'est alors qu'un samuraï, qui portait le mon de la famille Kuni, se présenta dans l'auberge où nos héros prenaient une collation du soir. Il présenta son ordre de mission à Mitsurugi et attendit sans rien dire.
Notre pimpant ambassadeur bâilla, décacheta la lettre et prit connaissance du message. Il était signé de l'Inquisiteur Kuni Tadao. Il répéta le nom à voix haute, en regardant Yojiro et Mamoru, qui avaient le nez dans leurs bols :
- Kuni Tadao...
- J'en ai entendu parler, dit Yojiro, qui déglutissait. Un des chasseurs de sorcières les plus réputés de sa famille.
- Il ne chasse que les sorcières ? dit Sasuke.
- Cela signifie, intervint le messager haut et fort, que mon maître traque et tue tous les démons de l'Outremonde qu'il peut traquer et tuer.
- Parfait, parfait, dit Mitsurugi. Ton maître nous invite à venir le voir dès ce soir. Comment te nommes-tu ?
- Mon nom est Hida Goemon. Je suis le garde du corps et l'assistant de l'Inquisiteur.
- Bien. Va lui dire que nous arrivons.
Le Crabe claqua des talons et attendit à l'extérieur de l'auberge.
Intrigués, nos héros laissèrent leurs affaires à l'aubergiste et suivirent Hida Goemon. Celui-ci marcha devant eux sans ajouter un mot et les conduisit dans une grande demeure à la sortie de la ville.
Nos héros entrèrent, se déchaussèrent et se firent servir une tisane brûlante par une servante muette.
L'Inquisiteur entra : c'était un homme d'âge mûr, qui avait deux vilains cicatrices sur les joues, et des poils de barbe qui peinaient à repousser par-dessus. Un crâne dégarni et un kimono rude mais élimé.
- Bonsoir, samuraï, dit-il d'une voix rocailleuse. Je m'excuse de vous déranger si tard, et au dernier moment. Mais vous apprendrez que sur nos terres, les affaires urgentes passent parfois devant la politesse.
- Nous ne te tenons pas rigueur de cette invitation, dit Mitsurugi, à qui la tisane faisait un bien fou pour soulager son mal de crâne.
L'ambassadeur nota d'ailleurs que l'Inquisiteur rajoutait une goutte de saké dans sa tisane pendant que la servante avait le dos tourné.
Il faisait encore lourd. La maison en bois était poisseuse d'humidité. On attendait à nouveau que l'orage éclate pour respirer.
- Bien, je suis enchanté de vous recevoir chez moi. C'est un honneur pour moi, et pour le clan du Crabe en son entier, de recevoir de courageux volontaires d'autres clans, qui viennent partager notre combat sur la Muraille.
Il leva sa coupe et trinqua :
- Le combat le plus important qui soit, n'est-ce pas ? Puisque si nous perdons ce combat-là, nous perdons tout...
Chacun s'inclina devant le maître de maison.
- En ma qualité de chasseur de sorcières, je désire vous confier une mission importante.
Les yeux de Mamoru brillaient d'admiration. Il voulait redevenir un explorateur et un guerrier de l'Outremonde, comme avant. Et l'invitation de cet Inquisiteur était une occasion inespérée.
- Je vais vous exposer des faits qui se sont produits récemment. Vous savz que la frontière nord de notre clan est celle qui nous sépare du clan du Scorpion. Or, j'ai lieu de croire que des présences maléfiques ont pris leurs quartiers dans une vallée proche. Seulement, en ma qualité d'inquisiteur, je ne peux bien sûr pas intervenir aisément dans un autre clan. Sans compter les réticences des Bayushi, qui ont horreur qu'on se mêle de leurs affaires. Cependant, s'il y a bien là-bas des manifestations de la Souillure, des créatures démoniaques ou ce genre de monstruosités, je serai en droit d'intervenir.
"Pour obtenir des renseignements, j'ai besoin, pour aller là-bas, de plusieurs samuraï intrépides et intelligents...
Yojiro faillit dire que l'intrépidité, ils n'en manquaient pas, mais il lui sembla que ce n'était pas tant que ça un compliment.:?
- Sous quelle prétexte irions-nous là-bas ? demanda Sasuke.
- Vous shugenja pourrez facilement trouver là-bas, dans cette vallée, un lieu de pèlerinage où vous et vos amis devez vous rendre.
- Je ne peux pas mentir sur les esprits et les Ancêtres, sourit Sasuke.
- Les Ancêtres, répondit Tadao, supporteront mieux une entorse à la vérité que nous n'agissions pas pour purger cette vallée du mal qui y réside.
- Que se passe-t-il au juste là-bas ? demanda Yatsume.
- La vallée dont je parle se nomme la vallée de la Honte. Il y a plusieurs années de cela, un déshonneur profond a frappé les différentes branches de la famille qui vit là-bas. Depuis, ils vivent en autarcie. Nul ne leur rend visite ou presque. Ils sont terrés dans leur château branlant, et la nuit, on entend parfois cris affreux retentir. Des marchands Yasuki qui se sont aventurés jusque là-bas (leur goût du lucre n'a pas de frontière !

- Et à quoi pensez-vous ? demanda Mitsurugi.
- A un ou plusieurs onis qui auraient pris le nom de gens de la famille, et qui se repaîtraient de chair fraîche la nuit.
L'Inquisiteur toussota et s'alluma une grosse pipe.
- Rien de bien compliqué en somme.
Nos samuraï finirent de boire leur tisane.
- Entendu, Tadao-san, dit Mitsurugi. Nous serons honorés de rendre ce service à la famille Kuni.
- A ma famille, mais à l'Empire lui-même. Les Crabes se battent pour l'Empire...
Nos héros furent invités à dormir dans l'auberge à côté de chez l'Inquisiteur et à partir le lendemain dans la vallée. Entre temps, Sasuke aurait trouvé un prétexte pour qu'une si étrange délégation (trois Lions, un Dragon et deux rônins !


Trois jours plus tard, nos héros arrivaient dans la vallée.
Au poste-frontière gardé par les Bayushi, Sasuke avait dû faire preuve de son talent d'orateur pour s'acquérir la bienveillance des Scorpions.
L'Inquisiteur Tadao l'avait prévenu avant le départ, grognon :
- La vallée est en fait habitée par des membres de la famille Soshi. Mais avant, il faudra passer l'obstacle des Bayushi. Ceux-ci m'ont refusé le droit d'accéder à leurs terres. Officiellement, il ne se passe rien d'inhabituel dans la vallée de la Honte. Il faudra que vous vous fassiez accepter en tant que simples pèlerins. Pour des motifs religieux, ils devront céder. En réalité, les Bayushi savent bien que quelque chose cloche là-bas mais ils ne l'admettront pas. Bref, il va falloir ruser pour que les apparences soient sauves. Ce sont bien-là des "scorpionneries" habituelles, qui nous font perdre un temps précieux ! La vérité, c'est qu'ils comptent quand même sur nous pour déceler le mal qui se cache chez les Soshi.
Les Bayushi signèrent le laisser-passer et nos héros furent ainsi accueillis dans la vallée de la Honte. L'endroit était isolé. L'herbe était maigre, les bêtes vilaines. Les paysans avaient des têtes sinistres. Il y avait plusieurs châteaux en ruines. La maison familiale était elle-même peu reluisante. Bâtie sur un plateau auquel on accédait par un chemin escarpée, elle était bâtie en grosses pierres, sans décoration.
Sasuke se présenta le premier à l'entrée, pour expliquer que ses amis et lui venaient en pélerinage, se recueillir sur demande des Ancêtres. Les shugenjas du Lion étant connus pour leur affinité avec les esprits des disparus, les Soshi crurent Sasuke, alors que celui-ci était bien incapable de parler aux Ancêtres, et bien plus habile pour invoquer les esprits du feu !
Notre tensaï était resté évasif sur les volontés des Ancêtres, de sorte qu'ils resteraient dans la vallée pour un temps indéterminé.
La famille Soshi comptait un couple et leurs deux enfants, ainsi que le grand-père paternel. Ils étaient aimables et polis, mais il pesait sur eux une indicible fatalité. Ils semblaient résignés à leur sort, c'est à dire à une vie sans gloire dans ces terres ingrates. Ils ne participeraient ni aux intrigues diplomatiques de leur clan ni à des batailles qui les rendrait immortels. Ils vivraient et mourraient dans ces lieux sans attrait.
Les deux rônins purent dormir dans la grange, près d'une petite rivière. Pendant ce temps, Mitsurugi décida de jouer son rôle de son mieux, et se mit bien avec les parents. Quant à Yatsume, elle se prit d'affection pour le grand-père, avec qui elle rejoua au go. Le vieux n'était pas si résigné que sa descendance. Il n'avait plus l'âge de l'enthousiasme mais il regrettait que son fils et ses petits-enfants n'en aient déjà plus. Il était vraiment très gentil, un vrai papy gâteau qui n'osait pas trop critiquer le reste de la famille, de peur d'être pour eux non seulement une charge mais encore une gêne.
Nos héros avaient décidé de prendre plusieurs jours pour étudier la famille.
Les Soshi n'étaient pas dérangés par ces visiteurs, non. En revanche, ils n'étaient pas non plus ravis que des étrangers viennent changer leur quotidien monotone. Déférents et distants, le père faisait de son mieux pour occuper les journées de Mitsurugi : des visites du domaine, quelques parties de chasse, des discussions sans entrain sur l'honneur, des parties de go.
La vie s'écoulait lentement, et on y redoutait par-dessus tout le changement ou l'imprévu. Mitsurugi commençait à se demander s'ils n'étaient pas mieux sur la Muraille, où ils servaient mieux l'Empereur que dans cette vallée attristante.
La BEC fit le tour du domaine à pied, sans trop savoir ce qu'ils cherchaient. Sasuke et Mitsurugi, de leur côté, ne découvrirent pas de temples maudits et n'entendirent pas parler de phénomènes anormaux. Les paysans étaient à l'image de leurs maîtres, comme si la morosité des samuraï avait déteint sur eux : laborieux, résignés, ils n'étaient pas désagréables mais n'avaient rien à dire.
De son côté, Maya n'avait pas perdu son temps : dès le second soir, elle se retrouva dans le lit du fils ! Pour eux deux, au moins, ces journées furent plus amusantes !
Le fils Soshi n'en revenait pas de ce cadeau qui lui tombait du ciel ! Jamais il n'avait connu ainsi l'amour !
Le père ne dit pas grand'chose. Il devait être content que son fils prenne du bon temps... Il redoutait mollement que Maya ne se retrouve enceinte.
Le grand-mère souriait toujours aimablement. Peu à peu, Yatsume comprit ce qui le séparait de sa famille : il n'était pas résigné comme eux. Il avait encore l'œil malicieux et pétillant. Yatsume sentait bien que si le vieux avait eu dix ans de moins...
Il raconta que sa famille n'avait pas toujours été si triste. Le malheur avait commencé une dizaine d'années auparavant. Yatsume ne comprit pas bien ce qui était arrivé. Semblait-il que le cousin du chef de famille s'était suicidé, avec sa femme et ses enfants.

Sasuke parvint à obtenir quelques renseignements sur les Ancêtres de la famille grâce à la fille. Celle-ci proposa au shugenja d'aller voir le temple familial, le soir. Sasuke trouva l'invitation curieuse et attrayante : curieuse parce qu'on ne visite pas les Ancêtres à la tombée de la nuit, attrayante parce que s'il y avait quelques maléfices, c'était l'occasion ou jamais de le découvrir !
Ce soir-là, dans la chambre au bout du couloir, le fils dormait déjà et, à côté de lui, Maya, ne trouvait pas le sommeil. L'Ize-Zumi alla prendre l'air à la fenêtre. Sous la lumière lunaire, elle vit alors des tâches aux murs. Comme des tâches d'humidité, mais il lui semblait que celles-ci se déplaçaient ! Et on entendait aussi des grattements contre le mur. Maya comprit qu'ils devaient venir de la pièce d'à côté.
Or, à côté, c'était Yatsume qui dormait et qui, l'oreille collée au mur, entendait aussi les grattements et croyait que ceux-ci venaient de chez Maya. Dans la chambre qu'il partageait avec Sasuke, qui était celle d'après Yatsume, Mitsurugi voyait aussi les tâches et entendait les grattements.
Pendant ce temps, le tensaï partait dans la forêt avec la fille.
Dans la grange, la BEC entendit de même des gémissements, qui venaient de la maison. Grognon, Yojiro se réveilla et demanda à Mamoru ce qui se passait.
- Je ne sais pas, ça vient de la maison.
- C'est la bonne femme qui pleurniche comme ça ?... Ou Maya qui s'est fait plaquer par le fiston ?
- Je ne sais pas...
Prudemment, Mitsurugi prit son sabre et ouvrit le panneau qui donnait sur le couloir. Yatsume était là aussi.
- Que se passe-t-il ? dit l'ambassadeur à voix basse.
- Je n'en sais rien. J'ai cru que le bruit venait de votre chambre... ou bien de celle de Maya.
Mitsurugi fit signe qu'ils allaient bien voir. Yatsume s'approcha du panneau de chez Maya et l'entrouvrit prudemment. Maya était juste de l'autre côté et se préparait à espionner le couloir !
- Par les Ancêtres, cria silencieusement Mitsurugi, que se passe-t-il ?
- J'ai entendu du bruit, fit Maya.
- Oui, merci, nous aussi, dit Yatsume. Mais ça ne peut venir que de votre chambre.
Le fils ronflait pesamment.
Ils étaient dans l'aile ouest de la maison, le reste de la famille dormant dans le couloir nord.
- Il faut aller voir, dit Mitsurugi, du côté de chez les parents.
Les grattements reprenaient. Nos héros collèrent l'oreille aux murs.
- Pas de doute, dit Yatsume. Les grattements viennent bien de l'intérieur des murs !...
Mitsurugi blêmit. Il y avait une malédiction sur cette bâtisse.
Par la fenêtre du couloir, Yatsume vit que la BEC était à la porte de la grange, et leur fit signe de venir. Elle ouvrit en silence la petite porte du bout du couloir et les deux rônins entrèrent. Le fils ronflait toujours, et nos héros se dirigèrent vers les chambres des parents et du grand-père. Yatsume priait pour que ce dernier, qui était si bon, n'ait rien à voir dans cette malédiction.
Mitsurugi attacha son fourreau à sa ceinture et pria les Ancêtres pour qu'il n'arrive pas malheur à Sasuke.
