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17e Episode : L'ennemi de mon ennemi
#5
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Kokamoru suivit sans mot dire son maître et lui souhaita une excellente soirée. Le conseiller Tangen le remercia à peine et referma le panneau de sa chambre. Kokamoru rejoignit la sienne et y resta tant qu’il y eut des bougies allumées dans les chambres voisines.
Il méditait, assis en tailleur sur son futon.
La veille au soir, il avait rencontré ce rôdeur masqué dans un quartier sordide. Ce « Geki ». Il avait encore rendez-vous avec lui ce soir. Or, dans la journée, Kokamoru avait reçu une autre invitation pour la nuit… Il regrettait de ne pas revoir « Geki » ce soir… Cela attendrait… Il devait peut-être la vie à ce « justicier » qui l’avait sauvé de l’attaque de la Grue Noire, c’est vrai. Est-ce qu’un Scorpion, de toute façon, peut avoir des dettes d’honneur ? Il n’en a qu’envers son clan et c’est de loyauté dont il s’agit, pas d’honneur.

Les dernières bougies étaient soufflées. Il sortit de sa chambre sans être vu de quiconque. Il passa le portail porte et partit dans les rues sans se faire voir. Il longea un bon moment un mur d’enceinte à l’intérieur de la ville, dans le sens du nord-est, puis il croisa le chemin nord-sud qui allait à la Muraille. Il le suivit, arriva sur la berge de la baie des poissons morts et y prit une barque cachée sous des joncs.

Il ignorait que depuis son départ du palais, il était suivi par Geki ! Et une seconde personne : Maya ! L’Ize-Zumi avait pris la trace non du conseiller Bayushi mais de Geki ! Elle voulait savoir qui était cet homme qui l’avait sauvée à la Cité de la Pieuvre d’une attaque de « ninjas »… « Faites plus attention la nuit ! » Le conseil lui était resté en travers de la gorge !
Maya suivait donc Geki qui suivait Kokamoru !
Le rôdeur masqué fut le second à prendre une embarcation, Maya la troisième. C’était la première demi-lune. Peu de visibilité sur l’eau. Brume légère. Clapotis, quelques poissons. Parfois des silhouettes plus grosses. Des requins ? Des esprits ? Le souffle de l’océan, qui finit par vous transir car il est chargé de bruine.

Kokamoru est le premier à mettre le pied sur la rive au nord-est de son point de départ. Il est au pied d’une falaise dite de la « pointe qui caresse la lune ». Ni Geki ni Maya ne sont jamais venus par ici. L’endroit est peu fréquenté et on le dit hanté... Les deux suiveurs accostent à leur tour et continuent leur filature.

Kokamoru entre dans le château. Les grenouilles croassent, parfois un poisson saute et redisparaît dans l’eau sombre. Des criquets crissent dans l’herbe. Les vagues roulent et tapent contre la falaise. Des oiseaux s’ébrouent dans les herbes.

Geki passe la porte en bois, qui grince à peine en s’ouvrant. Il voit un escalier ; il monte à l’étage, où il a entendu des pas. Des murmures dans une pièce… Il entre et n’y trouve personne. La fenêtre est fermée. Une bourrasque vient frapper au carreau. Il y a du mobilier pour dormir.

Il entend des pas dans l’escalier. C’est Maya qui arrive à son tour, mais lui ne le sait pas. Il se place derrière la porte, accroupi et observe. Il aperçoit la silhouette de l’Ize-Zumi ; il se replace dans la pièce. Il ne comprend pas ce qu’elle fait là !... Voilà qu’elle entre dans une autre pièce, deux portes avant la sienne.
Geki ressort dans le couloir.
Il a l’impression que le sol penche. Le parquet ne craque pas, il peut avancer en silence. Le parquet s'incline encore... Il se cogne l’épaule droite contre le mur. Il se sent pris de vertige. Un autre panneau s’ouvre sans bruit au bout du couloir, ce n’est pas la chambre où Maya est entrée. Geki voit que la pièce est inondée de lumière, comme si la lune entière était dedans. Il veut aller vers la pièce mais le sol penche de plus en plus fort. Il doit s’adosser au mur. Il entend la mer monter... L'eau coule au bout du couloir... Il voit une vague arriver sur lui !... Elle s'évapore avant de le toucher ! Le mur penche dans l'autre sens. Le château sombre comme un navire ! De l'eau suinte entre les lattes du plancher.

Maya a inspecté la chambre, elle se retourne et voit une vieille femme devant elle, les yeux fermés, spectrale.. Elle a le visage déformée, pas seulement par les rides : on dirait que ses traits fondent comme de la cire. Elle a de la bave qui coule de sa bouche grise, elle avance, elle titube plutôt. Elle penche la tête en arrière, elle tremble... Maya est glacé de terreur... Elle se met en position de défense. Elle voit alors sortir une autre vieille semblable sortir du placard, une autre d’un coffre, et une autre encore pareille, de sous le futon ! Elles sont cinq face à elle ! Elle aperçoit des mandibules dans leurs bouches !

Geki avance à pas feutrés dans le couloir, qui devient de plus en plus long. De l'eau coule du plafond. Plusieurs chutes se forment. Les panneaux s'ouvrent. Des pièces sont inondées. Des samouraï appellent à l'aide sans arriver à crier. Ils sont emportés par le courant... Le couloir s’est redressé mais il s’allonge démesurément. Des bouches spectrales s'enfuient devant Geki...
Les cinq vieilles sont sur Maya et s’acharnent sur elle sans pousser un seul cri, elles sont dix, quinze, peut-être. Un tourbillon de coup silencieux. Maya n'entend plus rien. Elle se débat, elle sent la peau collante des vieilles qui s’agrippent comme des tentacules. Elle est peu à peu recouverte, débordée... Geki n’entend rien, il avance, et voit un homme qui l’attend, à quelques pas de là. Il sent d’instinct quelqu’un derrière lui. Il y a cent fois le même homme, adossé au mur, la même vision qui se répète à l’infini dans le couloir baigné d’une lumière de lune de plus en plus aveuglante. Geki recule, il fait noir à nouveau, d’un coup. Maya se débat tant qu’elle peut. Les femmes disparaissent en un clin d’œil. Il n’en reste plus qu’une, dans le dos de Maya. La vieille la pousse avec la force d’un taureau et l’Ize-Zumi passe par la fenêtre. Le cadre en bois tombe de la falaise dans la baie.

Geki entend le fracas de la vitre mais il ne voit pas Maya tomber. Le couloir redevient normal. Il est dans le noir, la personne devant lui aussi. Ils sont chacun d’un côté d’une vitre qui éclaire un carré de parquet devant eux. Par la fenêtre, on voit qu'ils sont sous l'eau, au milieu de carcasses de navires.
- Qui êtes-vous ? souffle Geki, qui a du mal à respirer.
- Celui que vous êtes venu chercher. Le conseiller Kokamoru…
Dix petites vieilles écrivent sur le mur avec leurs ongles dégoulinant de sang blanc. De l’eau se met à perler des murs ; le couloir va bientôt être inondé. L’eau a la couleur de la lune, elle est tiède. Des corps d'hommes difformes, allongés de plus de 3 mètres, flottent dans l'eau, mangés par les poissons.

- Sortez de l’ombre, ordonne Geki.
Il jurerait que Kokamoru sourit et cette grimace inquiétante déforme les ombres aux murs.
- C’est amusant que vous disiez cela, car en fait, je ne peux pas en sortir, Geki… L’Ombre est mon alliée…
Kokamoru a fait un pas en avant, dans le rayon lunaire : il a le visage blanc comme neige, entièrement lisse, sans aucun trait.

Geki passe par la fenêtre ; il a l’illusion qu’il crie mais il n’entend rien. La nature est entièrement silencieuse. Des blocs de falaise s’écroulent, Maya est en train de courir sur le chemin venteux ; Geki se relève et s’en va, il tombe, roule dans la pente, se relève et rejoint Maya.
Il retrouve l’ouïe, il entend les vagues qui mordent le sable. Il aide Maya à se relever ; ils reprennent la barque ; ils traversent sans s'en rendre compte la baie. Des têtes mortes sortent de l'eau. Des dizaines de radeaux avec des petites vieilles les observent en silence.
Ils arrivent à l’aube à la Cité. Leurs membres tremblent, leur chair est froide, ils ne sentent presque plus rien. Maya s'en va... Geki traverse la Cité ; plus tard, il sent qu’on l’agrippe, qu’on l’empêche de trembler, comme si on allait l’amputer. Il est par terre, serré par des hommes de l’Inquisiteur et on lui ferme la bouche de force. Il n’arrive pas à crier. Il sent des bêtes grouiller dans son ventre, il les sent prêtes à sortir toutes en même temps, elles crissent, elles grattent du dedans, elles le torturent… Il va hurler, terrorisée par les cinq Kokamoru qui le paralysent.
On le plonge dans un bain d’eau chaude et on l’oblige à avaler une décoction alcoolisée.
- Trois hommes restent ici pour le surveiller... Laissez-le dans son bain encore une heure, je viendrai le voir après.

Mamoru veut sortir de l’eau mais on l’y replonge. Il faut trois hommes forts comme des bœufs pour maîtriser Mamoru, qui fait une tête de plus qu’eux.
- Ne fais donc pas l’imbécile… On est là pour t’aider…
Les bestioles cessent de s’agiter ; Mamoru devient lourd et flasque, ses forces l'abandonnent. Il s’endort profondément. Maya est allongée sur le parquet de sa bicoque, elle tremble comme une épileptique et se tord sous l'effet de la douleur qui l’assaille des pieds à la tête. Ses larmes coulent comme de l’eau d’un vase percé.

Mamoru s'est enfin endormi, à même le sol. Kokamoru au château, allongé sur le parquet en bois. Petite Vérité est à la fenêtre, secouée d’un rire dément. L’eau s’infiltre par le plafond ; la tâche s’agrandit. Des gouttes tombent dans lesquelles tremblent des reflets de lune et le soleil qui va passer l'horizon. L'aube point... La lune se mire dans des milliers de reflets de vaguelettes. La coque du navire évite de peu des rochers tranchants... Le plus jeune marin du bord laisse descendre la sonde. Il annonce la profondeur au capitaine. Celui-ci inspecte les fonds et regarde avec inquiétude les récifs.
- L’approche de cette côte est un vrai cauchemar, mon garçon... J’y suis venu cinq fois avant, et je me souviens de chaque approche. Deux fois, ces maudits cailloux ont déchiré la coque et nous avons fini par nous échouer sur la côte. Ce qui n’a pas empêché les douaniers Belbab de nous faire payer les droits de port, crois-moi !... Je ne te parle pas des semaines à attendre pour avoir du matériel de réparation, ni le prix pour louer des esclaves qui l’apportent depuis Keb’Mir ! C’est Sherim Al’Bakter qui a le monopole de ce commerce au port, et il a une estime certaine pour ses travailleurs, crois-moi !… Enfin…

Le capitaine soupira. Il alluma sa pipe à la lanterne de la proue.
- Ne parlons pas de malheur, la mer est calme, le courant ne devrait pas nous envoyer sur les bas-fonds… Touchons du bois !
Le jeune garçon écoutait, respectueux. Un marin siffla de l’arrière. Le gamin partit en courant à la poupe.
- Regarde ça, toi, grogna le second du capitaine. Plus moyen d’avancer !
Des algues qui s’étaient emmêlées dans le gouvernail. Le capitaine cria au gamin :
- Je vais descendre à terre ! Toi, quand tu auras fini, tu iras réveiller nos passagers.
Le second et le shugenja du bord descendirent dans la barque avec le capitaine et deux forts rameurs.

Le gamin s’acharna sur les algues grasses pendant presque une heure ; les marins qui finissaient leur quart vinrent l’aider depuis le pont, mais c’était lui qui était agile comme un singe et qui pouvait s’accrocher à l’arrière de la coque. C’était sa fierté à bord.
On lui avait dit depuis tout petit qu’il n’était pas bien intelligent, qu’il ne pourrait jamais parler normalement. C’était donc mieux qu’il se taise. C’est quand il avait mis le pied sur le pont du Sabre de l’ouest que sa vie avait vraiment commencé. Enfin il trouvait sa place dans le clan ! Enfin il pourrait rejoindre les vrais fils du Tonnerre qui défient l’océan et découvrent cent mondes aussi merveilleux que lointains !

C’était sa première traversée vers le soleil couchant.
Il avait été effrayé d’apercevoir les côtes de l’Outremonde, émerveillé par les femmes esclaves et les seigneurs des Royaumes d’Ivoire ; il avait lutté avec les hommes pendant des nuits pour réparer un mât quand on passait au sud des montagnes de feu.

Le gamin remonta, heureux comme tout, avec ses poignées d’algues comme trophées ; on lui servit un petit verre de saké de la réserve du capitaine.
- Allez, va te reposer, tu l’as bien mérité !
- Non, non, je veux voir à terre !
- Alors, file ! La barque va partir !
On finissait d’ailleurs d’y charger les babioles qui allaient servir à amadouer les douaniers. Des éventails, entre autres, sans valeur dans les îles de la Mante, que les gens du port pouvaient acheter des fortunes.
Le gamin descendit aux chambres des deux passagers, tapa plusieurs fois pour les réveiller. L’alcool faisait son effet, la fatigue aussi, il était pris d’euphorie, il tapait encore à la porte, cria qu’on arrivait à terre. C’était le plus beau jour de sa vie ! Il remonta comme un écureuil sur le pont et cria qu’on l’attende. Il se pressa de descendre à l’échelle et sauta sur la barque.
Le soleil apparaissait, l’eau devenait violette avec des reflets dorés. Les rameurs crachèrent dans leurs mains et commencèrent leur effort, pendant que le second dirigeait à l’arrière.
- Alors, tu nous accompagnes !
Le capitaine prit une chique, la tendit au gamin, qui eut du mal à la mâcher et en recracha des morceaux.
- Attention, virez, virez, maugréait le shugenja en observant les récifs.
Le second tâtait le fond avec sa rame.
Le vent du matin froissait l’eau. Des bancs de poisson colorés s’éloignaient et disparaissaient dans les massifs d’algues.

Quand l’embarcation accosta sur la plage, trois hommes à la peau bronzée, en habits blancs, le crâne rasé, sans aucun poil apparent, descendaient vers la mer. Ils saluèrent sans s’étonner les marins qui trainaient leur barque, puis entrèrent dans l’eau jusqu’à la ceinture.
Le gamin les regardait, ahuri, car ils commençaient à joindre les mains et à réciter des paroles incompréhensibles. Il prit les deux derniers sacs dans la barque, courut pour rejoindre les hommes, mais s’arrêta net, encore plus étonné, quand il vit que c’était à présent dix, quinze, cinquante hommes rasés qui arrivaient sur la plage ! Avec des femmes et des enfants en plus, le crâne lisse et luisant dans l’aurore.
- Dépêche-toi ! lui dit le shugenja.

Ils prirent un petit sentier qui montait de la plage ; ils croisaient une véritable foule de ces gens, qui venaient prier dans l’eau. Quand le gamin jeta un dernier coup d’œil derrière lui, il y en avait peut-être deux cents dans l’eau alors que le soleil arrivait au-dessus des maigres nuages qui brouillaient la ligne d’horizon.
Ils passèrent dans un bois de cocotiers où s’agitaient des singes qui cassaient les noix sur les pierres ou les laisser tomber. Ils déguerpirent à l’approche des marins.
Le capitaine demanda son chemin à un homme à la peau noire, presque nu, qui arrivait avec un sac plein de fruits. Il vendit aux voyageurs de grosses pêches dont le gamin se goinfra. Le cueilleur agitait la main vers un sentier, qui s’enfonçait entre des arbres maigres enserrés dans des lianes. Le capitaine le remercia ; il ne fallut plus longtemps pour arriver en vue d’une petite ville avec des maisons en terre cuite, une jetée en bois près de laquelle mouillaient plusieurs petites embarcations.

- C’est bien ce que je me disais, nous avons approché la côte trop tôt !
Le capitaine n’était pas content de lui. Le shugenja affirmait que le calcul selon les étoiles ne pouvait les tromper, que lui et le second avaient revérifié il y avait encore six heures….
- Ils ne l’ont pas déménagé leur port, non ? Bon…Captain

Les commerçants s’installaient pour le marché. Le second ordonna aux deux rameurs de faire les achats d’eau douce et de provisions. Le gamin suivit le capitaine. Le shugenja, très bavard, dissertait devant le second sur ses connaissances étendues de la région.
- Mon père est venu ici il y a près de vingt ans, savez-vous ! A l’époque, il n’y avait rien ! Rien !
Il disait des noms, parlait de gens, de coutumes, de routes… Le gamin ne saisissait pas un mot sur dix mais il était fasciné. Il entendait parler de caravanes marchandes qui traversent pendant des mois et des années le désert…
Ils traversèrent un quartier où des patrouilles d’hommes en armes arrêtaient les passants à chaque coin de rue. Ces soldats portaient des pantalons bouffants, de drôles de chaussures au bout recourbé, des turbans cramoisis et surtout, de gros sabres courbes à leur ceinture.
- Les janissaires du Calife, fit le capitaine en crachant par terre sa fin de chique.Captain
C’est le second qui s’approcha pour parlementer avec le chef d’une patrouille. Il glissa quelques pièces, un éventail et deux bouts de bois sculptés ; ils purent passer. Ils arrivèrent au pied d’une grande bâtisse gardée par une soldatesque importante. Le gamin, effrayé, aperçut des hommes en grandes robes pourpres et cagoules pointues, portant des gants qui brillaient comme de l’or.
- Les « récitants » de l’ordre du cinquième soleil, oui, expliquait le shugenja au second. C’est une traduction comme une autre, de la langue indigène. Des moines guerriers. C’est un peu plus compliqué, en fait…
Il s’adressait en fait indirectement au gamin, à qui il aimait faire sentir le poids de son savoir. Le second écoutait, distrait, les explications de ce cuistre de shugenja. La porte s’ouvrit. Le capitaine intima au shugenja l’ordre de se taire : il était interdit aux étrangers de parler dans ce palais.
- Sinon, ils vous couperont la langue à la lime à ongle !

Les Rokugani entrèrent dans une basse-cour envahie de grosses dindes, puis passèrent dans une longue ruelle, avec un soldat posté tous les dix mètres et des femmes avec de longues robes et les seins nus. Le gamin rougit et, à ce moment, avec la chaleur et ces créatures de rêve, serait bien allé se mettre dans l’eau glacé ! Le capitaine sourit en le voyant si gêné. Trois soldats arrivèrent, dirent qu’il fallait les suivre. Encore trois rues , les Rokugani s’arrêtèrent devant une porte en bois rouge.
- Attendez-moi dans la cour aux orangers, dit le capitaine, j’en ai sans doute pour un bon moment, à cause de nos deux passagers… Il faut que je sache s’ils peuvent mettre pied à terre ou si on les rembarque avec nous…

Le capitaine entra. Le gamin voulut le suivre. Le second mit sa main devant lui :
- Toi, tu restes avec nous.
Ils allèrent se promener dans des jardins aux bosquets de fleurs odoriférantes ; des couleurs extraordinaires, des oiseaux de paradis. Des arbres regorgeant de fruits inconnus à Rokugan.
Le gamin aperçut un singe qui remontait dans les branches pour grignoter une orange. Il rit en le voyant, mais le singe se méfiait. Il y avait ses petits plus haut.

Le gamin courut retrouver le shugenja et le second, dans la cour suivante, où s’affairaient des jardiniers pour couper les pelouses et les haies. Le gamin fut surpris de voir qu’il y avait un autre Rokugani. Il était bien en chair. Il portait un kimono aux tons blanc et mauve. Il arborait une fine moustache qui lui tombait sur le menton.
Le gamin n’osait pas s’approcher. Il regardait les jardiniers. En espionnant un peu la conversation, il comprit que cet homme appartenait à un clan qui était parti il y a longtemps de Rokugan. Le clan de la Ki-Rin. Le shugenja donnait, avec son emphase habituelle, des nouvelles de l’Empire et l’autre écoutait attentivement.
- Je ne manquerai pas de rapporter ces informations dès que je retournerai au camp de Gaar-Lagh.
Ils se promenaient le long des allées fleuries ; le gamin les suivait. Peu à peu, il osa s’approcher ; il s’enhardissait, il se dit qu’il pourrait même prendre part à la conversation, ne plus être le jeune idiot de service !
Or, comme il s’approchait, il les entendit baisser la voix ; ce n’était pas contre lui ; ils regardaient autour d’eux comme s’ils avaient peur que d’autres les entendent… Le gamin regardait en l’air ; son attitude était forcée ; les hommes ne s’en occupèrent pas.
- Vous avez donc transporté ces deux passagers ici ? murmura le samouraï de la Ki-Rin.
- Oui. Un homme et une femme, dit le shugenja… Lui est un habitant des Royaumes d’Ivoire. A en juger par ses manières et ses doigts manucurés, je dirais qu’il faisait partie d’une caste noble. J’ignore ce qui a pu lui arriver.
- Et elle ?
- Elle vient de chez nous. C’est une, disons une paria. Elle se comporte comme une samuraï, elle est armée et n’a pas froid aux yeux. Elle dit chercher quelque chose de très important dans le désert…
- On y rencontre surtout la soif et la douleur, soupira le samouraï.
- Oui, dit le second, mais rien n’a pu la dissuader.
- On ne peut savoir ce qui se passe dans la tête d’un fou ; mais on dit qu’ils sont guidés par les dieux, affirma le shugenja.
- Il faudra un dieu fidèle pour la guider, dit le samuraï.
- En ce moment, dit le second, le capitaine est en train de négocier son passage par ici avec le Grand Janissaire. Pour vous parler franchement, nous n’avons pas envie de la reprendre avec nous pour le retour… D’ailleurs, elle ne voudrait pas…
- Hmm, c’est une situation difficile, pour elle comme pour vous, dit le samouraï moustachu.

Un serviteur apportait des rafraichissements. Ils prirent les coupes sur le plateau. A ce moment, le shugenja lâcha son verre. Il ouvrait la bouche en grand, stupéfait.
- Là !
Tout le monde se retourna : c’était eux deux ! Les deux passagers, qui avançaient tête baissée, vers la porte du Grand Janissaire, avec trois soldats qui leur couraient après en leur criant de s’arrêter ! Ceux-ci lançaient des injures dans leur langue ; ils les retinrent par le bras. La femme se dégagea brusquement :
- Ne me touchez PAS ! Je vais voir votre Grand Emissaire, là, pour obtenir un laisser-passer !... Viens, Avishnou, on n’a pas de temps à perdre !

Les marins et le moustachu avaient porté leurs mains à la bouche.
- La malheureuse va se faire empaler vivante !
A ce moment, la femme arrivait devant la porte rouge du grand bâtiment, en faisant de grands moulinets avec sa lance :
- Dites à votre chef que Yatsume, de l'Empire de Rokugan, souhaite le voir !


A suivre...Samurai
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17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - by sdm - 25-05-2010, 06:46 AM
17e Episode : L'ennemi de mon ennemi - by Gaeriel - 25-05-2010, 05:49 PM
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