30-07-2010, 11:21 PM
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Bonus : scène coupée au montage<!--sizec--><!--/sizec-->
Yatsume et Avishnar ont quitté la tour de Yogo. Ils doivent maintenant traverser le désert du nord au sud, pour arriver à Medhin...

Yatsume et Avishnar avaient trouvé une caravane qui les emmenait directement à Medinat’Al Salaam, capitale des Sables Brûlants, la plus grande Cité du monde.
Dans une auberge d’un quartier populaire, ils faisaient des plans pour la suite du voyage :
- Bon, alors attends, Avish’… Pour aller à Medhin depuis ici, on a un départ demain à l’heure de Shinjo, qui nous met à Medhin le lendemain pour l’heure d’Akodo, avec une escale à la Cité du Python Rouge… Sinon : départ dans deux jours, c’est direct pour Medhin, mais il faut aller dans une autre ville au sud.
- C’est comme tu veux, dit Avishnar distrait, accoudé au balcon, pendant que des danseuses du ventre, plus qu’à moitié nues, défilaient dans la rue.
- Attends, j’ai mieux ! Dépêche-toi ! Un aller direct pour Medhin, de nuit, mais il part dans une heure ! On a le temps de l’attraper !
- Quoi, tu es sûre ?
- Oui, oui !
Ils prirent leurs bagages à toute vitesse, dévalèrent l’escalier ; Yatsume lança une poignée de dinars au patron derrière son comptoir ; dans le hall, ils bousculèrent plusieurs personnes avec leurs sacs pleins à craquer. Dans la rue, c’était un véritable embouteillage de chameaux et de dromadaires. Des cris de marchands, des beuglements, c’était le raffût, le tintarmarre !
- Taksih ! Taksih ! criait Avishnar.
- Laisse, il est déjà complet !
Un chameau passait en effet, chargé de trois grosses matrones qui portaient des cages pleines de poules.
- Hé, là, taksih ! cria Yatsume.
C’était un petit indigène à barbiche, monté sur un âne.
- Il avance votre bourricot, là ? il faut qu’on soit à R’Wa-Ssih dans moins d’une heure !
- Hééééé… y a pas de problème, ma jolie ! Mon âne, sur la TÊTE DU CALIFE, il se faufile partout dans le trafic ! Montez !
Ils enfourchèrent l’animal, leurs paquets coincés sous les bras. Le chauffeur n’avait pas menti : le brave quadrupède passait entre les files de chameaux, les étals et dans les petites ruelles désertes. Il ne craignait pas non plus les dos de dromadaires qui servaient de ralentisseur sur la piste. Dans la dernière ligne droite, il piqua même une jolie course, titillant plusieurs magnifiques bêtes dont les cavaliers furent vexés !
- Yalaahh ! Yalaahhh !... Hahaha, champion du monde !...
Les grands bâtiments de R’Wa-Ssih étaient aussi encombrés que la ville.
- Et voilà ma princesse !...
Nos deux héros descendirent en vitesse, payèrent et entamèrent leur course folle à travers les couloirs du grand palais :
- Les départs pour Medhin ?
- Couloir vert, porte de l’Anaconda !
- Merci !
Les boutiques, les tavernes, les marchands à la sauvette, il fallait tout traverser sans se prendre les pieds. Du haut de grands minarets, plusieurs muezzins lançaient des annonces :
- Yalaaah !... Tous les passagers, j’t’il dit, tous les passagers pour Medhin, c’est départ immédiat, nardin’amok, ou bien tu restes ici jusqu’à demain ! Yalaaahh !
En sueur, les genoux tremblants, les paquets prêts à craquer, nos deux héros arrivèrent à la porte indiquée. Yatsume posa ses dinars sur le comptoir de la compagnie « Crotale Express » :
- Deux… places !... s’il vous plait !
- Narguileh ou non-narguileh ?
- Non-naerguileh.
- Combien de bagages ? dit l’hôtesse en remettant bien son voile doré devant sa bouche. Il faut les étiqueter, et vous les déposez ici… L’arme, là, il faut la déclarez à la douane, et vous la faites emballer.
Elle frappa deux coups secs dans ses mains et un gros porteur Noir, aussi large que haut, vint prendre leurs bagages sur ses épaules.
Elle continua ensuite à se repeindre les ongles et à regarder son catalogue de vente de babouches.
Le douanier, un obèse à la peau marron, regardait le naginata, soupçonneux :
- C’est de l’article d’importation, ça… Il va y avoir une taxe, ma p’tite dame… Vous venez d’où ?
- Rokugan.
- Et lui ?
- Royaumes d’Ivoire.
- Mouais, pas en règle tout ça…
Yatsume laissa négligemment tomber quelques pièces sur le bureau :
- Oh, pardon, mes pièces…
Le douanier jeta un œil à gauche, un œil à droite, fit disparaitre les pièces dans sa poche et maugréa :
- Bon, vous avez de la chance de tomber sur moi, parce que j’ai des collègues qui, hein… Allez, vous êtes bons !
Il fallut faire la queue pour passer au contrôle et attendre pour l’embarquement, dans une salle bondée de monde.
- Bon, c’est la zone hors-taxe, Avish’… Je vais faire les boutiques ! Le shao-ping !
En moins d’une demi-heure, Avishnar était déjà encombré de quatre gros paquets.
- Il est bien ce parfum, sens moi ça… C’est un peu le même qu’Ikue…
Avishnar fit la grimace.
- Et ce sac, là, je suis sûr que ça plairait à Sasuke… Pour ranger ses parchemins.
Il y avait une table de massage, où officiait le frère aîné du porteur de bagages : il était encore plus gros. Avec ses énormes pattes, il claquait le dos des gens et les malaxait comme de la pâte à pain. Avishnar regrettait déjà d’avoir essayé... De sa grosse voix, le masseur le rassurait :
- Ya beaucoup de tensions, là, monsieur ! On va faire disparaître tout ça ! Hooouu, pas d’inquiétude !
Yatsume essayait quelques modèles de cimeterre ; elle faisait des grands moulinets et venait de couper en deux le turban de deux hommes qui fumaient le narguileh dans l’échoppe d’à côté. Ils hurlaient des injures qu’on devinait aussi imagées qu’ordurières :
- Mais oui mais désolé, messieurs, répondait Yatsume, mais vous êtes dans la zone d’entraînement !... Que voulez-vous que j’y fasse !... Vous êtes commerçants, je le conçois bien, mais c’est grâce à des gens comme moi, qui savent se battre, que vos marchandises arrivent à bon port, alors bon, hein…
Elle laissa là ces deux grincheux.
- Pardon, les départs pour Medhin, c’est où ?
- Là-bas, dit un garde, la grande terrasse… Porte Anaconda.
- Merci !
Il fallut encore se presser pour aller sur la terrasse d’embarquement. Il y avait des familles. On bavardait, on échangeait des nouvelles, on regardait le ciel, un peu inquiets :
- Ils annoncent une tempête de sable sur la route sud…
- Mon astrologue affirme que rien ne nous arrivera… Et il se trompe rarement.
- Rarement ! Mais ça peut arriver !
Deux personnages richement vêtus arrivaient, avec des costumes bleu et blanc, ainsi que de beaux turbans ornés d’une émeraude. Ils avaient l’air dégagé, souriant ; ils étaient suivis par trois femmes voilées, qui riaient en se racontant leurs histoires.
- Attention !... cria le muezzin… Pour Medhin !... L’embarquement, il est immédiat !... Sinon, tu dors ici ! Pas de pot, ta belle-mère a une chambre d’amis !
Quatre serviteurs arrivaient en sifflotant.
Ils portaient sur leurs épaules un énorme tapis roulé. Ils le déplièrent sur la terrasse et on en vit apparaître les somptueux motifs multicolores et complexes. Les passagers commencèrent à monter dessus et à s’installer sur les coussins roses.
- Je veux être près du bord, criait un gamin.
- D’accord, mais tu te tiens à moi ! disait sa mère.
- Rangée 15, c’est au fond, les deux sièges près du bord, expliquait l’hôtesse à nos deux héros.
- Tu as déjà pris ce genre d’engins, Avish’ ?
- Evidemment, fit l’ancien raja en haussant les épaules. Toi jamais ?
Il regardait Yatsume comme une arriérée.
- Nous, on n’utilise pas que éléphants, hein… Vous si ?
Ils devaient être vraiment misérables à Rokugan de ne pas avoir de tapis volants !
On se serrait, on s’installait. Un groupe de jeunes étudiants de la fac de théologie installaient leur narguileh ; ils riaient en se racontant des histoires qui devaient être très drôles :
- Héhé, et alors, tu as le cheik qui va voir le grand ayatollah…
- Hahahaha !...
L’hôtesse prenait la parole avec une corne en cuivre pour amplifier sa voix :
- Bienvenue à bord de ce tapis de la compagnie « Crotale Express » à destination de Medhin. Notre vol sera sans escale ; la durée du vol sera d’environ dix-huit heures. Notre altitude sera d’environ 100 mètres… Veuillez penser à bien sangler vos bagages sur le tapis et à attacher vos ceintures. Je vous rappelle que seul l’avant de l’appareil est en zone fumeur.
"Pour ceux qui désirent abandonner leur religion impie tant qu’il est encore tant, notre mollah va passer parmi vous avant le décollage, pour convertir les infidèles à la Parole Sacrée du Grand Calife.
"Dans tous les cas, avant le décollage, n’oubliez pas de faire vos prières à votre divinité tutélaire. Incluez dans vos prières l’ensemble des passagers ainsi que le personnel de bord, au cas où votre dieu serait effectivement meilleur que celui des autres…
"Crotale Express est membre du groupe « Air-Désert » et sera heureuse de vous offrir vos points-bonus à notre arrivée à Medhin. Ces points sont valables sur tous les trajets du groupe. Jouez également avec nous à notre grand concours « Pacha » en grattant le numéro mystère sur votre billet. Il vous permet de participer à la prochaine tombola de Mahudin, où le gros lot sera un harem complet d'une quarantaine de femmes. Merci et bon vol.
Avishnar grattait avec frénésie son ticket : il vit qu’il n’avait gagné qu’une boîte de loukhoums. Il ronchonna sur son siège, pendant que, depuis le minaret de contrôle, le muezzin criait l’autorisation de décollage.
Le tapis racla le sol de la terrasse du palais, tressauta et s’envola d’un coup.
Les passagers découvraient le plus merveilleux spectacle de l’univers : une vue sur la Cité magnifique de Medinat Al’Salaam, la perle du désert.
On prit encore de l’altitude, pour rejoindre le grand ciel tout bleu. Il y eut quelques tressautements ; les gens poussaient des petits rires nerveux. Quand la vitesse de croisière fut atteinte, les hôtesses de l’air passèrent dans les rangs avec le chariot de boissons :
- Et pour vous, monsieur ?
- Un khâfé, avec deux sucres, dit Avishnar.
- Un thé pour moi, dit Yatsume.
Elle renifla le liquide noir de la tasse de son ami :
- Beuh, c’est quoi ça ?
- Ben… du khafé…
Ils n’avaient donc pas ça non plus à Rokugan !
- A votre gauche, signala le capitaine, je vous signale le gouffre de la mort blanche. Et bientôt, nous survolerons la célèbre falaise d’où ceux que le Calife condamne à mort sont jetés.
Tout le monde fit « ooohhh » en chœur.
- Il faudra qu’on envoie un pigeon voyageur à Mitsurugi, songea Yatsume. Et il faut que je me renseigne sur les autorisations d’entrée sur le territoire de Rokugan, pour Avishnar…
L’hôtesse distribuait des parchemins à remplir pour la douane. Il s’agissait de cocher oui ou non à une suite de questions : Venez-vous à Medhin pour y perpétrer un attentat ? Avez-vous été en contact avec l’Outremonde durant votre vie ? Transportez-vous de la poudre explosive ? Avez-vous déjà fait usage de la magie de l’ombre, ou été confrontée à ses effets ?
Yatsume hésita pour la dernière question et cocha « non » en regardant autour d’elle d’un air coupable.
Pendant le vol, un des passagers se révéla être un dangereux terroriste qui voulait détourner le tapis pour aller le faire s’écraser contre un palais à Mahudin. Les passagers, morts de peur, réussirent à s’échapper du tapis, juste au moment où on passait au-dessus d’un des rares lacs du trajet. Ce fut un beau plongeon collectif !
Le terroriste continua seul et on le vit, dans l’aube naissante, aller s’écraser la tête la première contre les murailles. Il poussa un cri pathétique et alla s’écrasa au pied des gardes qui somnolaient.
- Crétin, fit Yatsume en sortant de l’eau. Il nous a fait perdre du temps… Allez, en route Avi’ ! Faut qu’on soit à Medhin avant le lever du soleil ! On ne va pas y passer mille et une nuits !
On n’avait jamais le temps de s’ennuyer dans les Sables Brûlants !
