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#12
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EXIL #12<!--sizec--><!--/sizec-->


Clarine arriva la première devant le petit bâtiment froid de la Brigade. Les halos des becs de gaz de la rue se décomposaient dans l’air humide en sphères de lumière poussiéreuse.

La porte grinça. La secrétaire dut forcer pour entrer. Il y avait du givre aux vitres. Elle arriva à l’aveuglette dans la cuisine. Elle craqua une première allumette pour y voir, puis une seconde. Les flammes bleues apparurent sur la plaque. Elle trouva l’interrupteur. Il se fit une lumière laiteuse agressive. Elle mit une casserole d’eau à chauffer avec un bouillon condensé, puis jeta quelques légumes qu’elle avait épluchés la veille avec Nelly. Elle mit en route le radiateur, chercha la boîte de café dans les placards.

La porte grinça : c’était l’inspecteur de Portzamparc, qui huma l’odeur rassurante de soupe. Il arrivait avec son haleine blanche.
Ils mirent la table ensemble. Ils ne parlaient pas, à cause de l’engourdissement matinal et pour ne pas trahir leur nervosité. Portzamparc tourna la soupe épaisse pendant que la secrétaire leur versait un café à tous les deux.
Herbert entra, plus lugubre encore que d’habitude. Ses yeux scrutaient la pièce comme s’il était dans une ruelle coupe-gorge. Il s’assit et se servit un bol de soupe, qu’il mangea sans bruit. On ne l’entendit que lorsqu’il souffla sur sa cuillère brûlante.
Portzamparc alla chercher l’équipement pour égoutiers. Il prit aussi son arme de service, remplit le barillet et le mit en place d’un coup.

Corben arrivait en se frottant les mains :
- Les enfants, il ne fait pas chaud, pas chaud du tout ! Il y a du verglas sur les passerelles et ma femme a les os qui craquent.
Herbert repoussait son assiette vide.
- Ah, une bonne soupe ! dit Corben. Je ne connais rien de meilleur ! Vous permettez ?...
Dehors, les travailleurs les plus matinaux partaient la tête basse. Le bistrot du bout du quai ouvrait. Des gens s’y précipitaient, entraient dans cette lumière, en ressortaient quelques minutes après. A la surface du canal, des poissons faisaient des bulles.
- Dommage que je n’ai pas ma canne à pêche, parce que sinon, je vous préparais quelques filets au beurre, façon Corben !
Il faisait des clins d’œil à Herbert, qui faisait semblant de s’intéresser. A cette heure matinale, personne n’était d’humeur à supporter le ton jovial du pilote.
- Je vous sers un café ? dit Herbert.
- Non merci, seulement après un bon repas !... Je plaisante, mademoiselle, c’était délicieux !... Un bon café –avec ma petite goutte…
Il sortit son flacon argenté, gourmand, et « arrosa » son café.
- Vous en voulez un peu, m’sieur Herbert ?
- Non, merci.

Svensson entrait. Il faisait à présent bien chaud et humide dans les bureaux. L’ingénieur enleva son gros bonnet, ses moufles et son manteau. Il alla respirer la casserole, à moitié pleine et fumante :
- Notre cuisinière a encore fait des miracles…
- C’est l’ordinaire pour les matelots : des pois, des pommes de terre, du chou, des poireaux. On rajoute des oignons en fin de semaine. Et la pêche du jour quand c’est possible.
- Ah, les p’tits gars de la marine ! s’exclama Corben, avant de siffloter leur hymne.
Il continuait à rire tout seul, sans désespérer de communiquer sa bonne humeur aux autres. Portzamparc le soutenait d’un sourire. Svensson se servit une grosse assiette et prit plaisir à faire du bruit en aspirant.

Linus entra. Il baissait les yeux, humilié d’avoir perdu sa tignasse. Il avait mis une casquette, qui ne cachait pas assez son crâne rasé. Il alla dans le bureau inoccupé du fond se changer et revint manger sa soupe, habillé en Scientiste. Herbert alla se préparer avec Svensson et Portzamparc. Maréchal et Nelly entrèrent, bons dernier.
Le jour pointait timidement, les employés venaient éteindre les becs de la rue. Il y avait davantage de monde dans la rue, des parents qui emmenaient leurs enfants. Des éternuements qui résonnaient. Des gens qui partaient à vélo. Les lumières des quartiers supérieurs devenaient assez nombreuses pour percer le brouillard.
Maréchal mit son paquet de cigarettes sur la table, Nelly et Corben s’y servirent. La fumée acheva de composer l’atmosphère en se mélangeant au chauffage, au café et à la soupe. Svensson et Linus bavardaient à propos des Intelligences Mécaniques. Corben racontait que son fils avait les oreillons.
- J’ai dit à ma femme qu’avec tout le boulot que j’ai, ben elle avait qu’à le mettre chez sa grand-mère.
On s’interdisait tacitement de parler de l’opération. On l’avait trop répétée, la mentionner aurait été avoué ses doutes. On était mieux réveillé. Le sommeil, le souvenir du lit chaud, commençaient à se dissiper.
Maréchal sortit sa montre, consulta le cadran de l’heure. Ce que tout le monde redoutait.
- Vos moteurs sont chauds, Corben ?
- Chauds comme la braise, mon garçon ! On y va, gamin ?
Linus fit oui, la gorge serrée. Portzamparc lui mit une tape d’encouragement :
- Tout va bien se passer. On ne t’enverrait pas là-bas si n avait pas tout préparé pour qu’il n’y ait pas d’accro.
Maréchal admirait cette capacité à mentir avec aplomb. C’était une qualité précieuse. Corben décolla avec le gamin. Les autres regardèrent le ballon disparaître avec inquiétude.
- Bon, Svensson, dit Maréchal, préparons-nous.

L’Ingénieur arrivait avec les sacs de cuir pleins à craquer. Clarine et Nelly mirent les sandwichs :
- Bonne escalade ! Soyez prudents…
- J’ai l’habitude de ce genre d’endroits, dit Maréchal. Herbert ?
- Je suis prêt.
- Portzamparc ?
- Je suis né prêt !
Maréchal leva les yeux au ciel.
Les quatre hommes s’équipèrent, en répétant les gestes appris la veille avec l’ingénieur. Clarine les aida pour revérifier les attaches et leurs mousquetons. Ils vérifièrent aussi leurs ampoules de casques et leurs lampes-tempêtes. Ils mirent leurs sacs sur le dos et partirent dans leurs grosses bottes. Ils étaient bien au chaud dans leur équipement. Les bottes grinçaient sur le quai.
Ils se serrèrent dans le funiculaire qui remontait dans le quartier des Oiseleurs. Les gens étaient concentrés, tassés, solitaires.
A la sortie, ils tournèrent à droite sur le boulevard des Engoulevents.
- Si les collègues me voyaient dans cette tenue, se dit Maréchal.

Les cafés étaient pleins. Les bureaux se remplissaient petit à petit. Ils tournèrent dans la rue Quintillion. Le petit square des Hulottes venait d’ouvrir. Des gamins y mangeaient un morceau et faisaient des échanges de billes.
Les égoutiers en herbe s’assirent sur un banc pour revérifier une dernière fois qu’ils ne leur manquaient rien. Deux sergents de villes passaient en sifflotant.
Svensson fit quelques assouplissements. Les deux inspecteurs vinrent l’aider pour soulever la « Passe-Moison » en fonte, identique aux milliers d’autres de la Cité. Ils s’agrippèrent à l’échelle. Le conduit étroit descendait sur quelques mètres. Svensson passa le dernier, jeta un dernier regard au square et referma sur lui la plaque.


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#12 - by Darth Nico - 11-08-2010, 04:23 AM
#12 - by Darth Nico - 11-08-2010, 04:24 AM
#12 - by Darth Nico - 12-08-2010, 12:31 PM
#12 - by Gaeriel - 12-08-2010, 01:42 PM
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#12 - by Darth Nico - 03-09-2010, 10:24 AM
#12 - by Gaeriel - 03-09-2010, 11:22 AM

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