23-08-2010, 10:29 AM
(This post was last modified: 03-09-2010, 03:33 PM by Darth Nico.)
EXIL #12<!--sizec--><!--/sizec-->
L’inspecteur glissa son révolver dans sa veste et partit en courant. Il passa un couloir au sol et aux murs rouillés. Il trouva une porte. Il entra dans un couloir gris. Au fond, une porte avec un voyant. Maréchal vit à travers le verre flou une salle de lecture.
Il regarda sa montre. Le SHC n’était qu’à 3, mais le IEI venait de monter à 7 ! Intrusion extralunaire insolite ! Le RUS venait de monter à 6, et Maréchal ignorait toujours ce que c’était.
Il entra dans un salon à la moquette moelleuse. Une symphonie lancinante résonnait. Il avait son arme en poche, la main dessus. Il fit le tour des cabines, trouva celle de Linus. Il tapa sur la vitre. Le garçon se retourna. Il avait eu la frousse.
- Vous avez bientôt terminé ?
- Presque oui, mais j’ignore quand ils vont s’apercevoir de mon entrée dans leurs bases.
- Pas de risque inutile, hein. On se débrouillera avec ce qu’on trouvera. Je te laisse finir…
Il venait d’aviser un Scientiste qui se passait, pressé dans le couloir. Il cherchait quelque chose. Maréchal choisit de suivre son instinct :
- Pardonnez-moi, je suis le secrétaire de monsieur de Créman-Bontour…
Le Scientiste se retourna, sa peau froide et blanche, ses petits yeux noirs méfiants.
Maréchal sortit son arme :
- Pas un geste, pas un bruit…
Braquer un Scientiste ! Il se demanda s’il ne venait pas de signer son arrêt de mort ! Il le fit entrer dans une cabine, l’assomma, lui prit sa carte de la Cité.
- Tenez…
Il la tendit à Linus, qui débranchait dans la précipitation son chromato.
- Utilisez cette carte. Comme il risque d’y avoir des contrôles, elle passera mieux que celle du vieux pour sortir.
- Merci.
- Filez-moi votre bazar.
Linus sortit ses mémoires, bien chaudes, les mit dans un sac, qu’il donna à Maréchal. Il abandonna son chromatographe.
Maréchal mit tout dans sa poche en vrac.
- Le plus dur est fait pour toi ! Tu ressors calmement, Corben doit être prêt à décoller.
- Oui, oui…
L’inspecteur, lui, savait que ce n’était pas terminé pour eux. Il fit le trajet dans l’autre sens, le couloir gris, le couloir rouillé, l'odeur des égouts.
Une détonation.
- Inspecteur, cria Portzamparc, faites attention !
Maréchal s’arrêta net, se mit en position de tir. Une silhouette noire venait de bondir sur la coursive au-dessus de lui. Svensson visa l’escalier devant lui et tira. Portzamparc déchargea deux fois son arme vers le bas de l'escalier. Maréchal ne comprenait pas sur quoi ils tiraient. Il suivit de son révolver la chose qui passait au-dessus. Il piqua une course. Un Scientiste sauta alors devant lui. Il n’était pas humain : à la place des bras, il avait de grands filets noirs vivants. Sa bouche se déformait et des mandibules y claquaient. L’inspecteur, paniqué, tomba en arrière. Il eut le réflexe de tirer, tirer une deuxième, une troisième fois. Le monstre tomba en vomissant un liquide noir.
- Il y en a d’autres ! cria Portzamparc.
- Je vous couvre ! dit Svensson.
L’Autrellois prit son sac et en sortit son sabre !
Maréchal ne voulait pas le croire : Jeff avait amené son coupe-chou ! Le policier dégringola l’escalier, sauta sur une plateforme. Quatre créatures arrivaient. Soudain, les circuits hydrauliques jouèrent, les passerelles se déplacèrent. Des murs s’ouvrirent, d’autres se fermèrent, des tuyaux se déplacèrent.
- Qu’est-ce que c’est que cette sorcellerie ! cria Svensson.
Les créatures obtenaient un accès pour attaquer Portzamparc. Leur plateforme vint se coller à celle de l’Autrellois. Ce dernier attaqua en premier. Il trancha dans un des Scientistes difformes, continua sur le suivant. Des flots de sang blanchâtre giclaient. Maréchal rechargeait en même temps que l’ingénieur. Ils ouvrirent le feu au moment où Portzamparc allait être débordé !
Herbert s’était réfugié sur une poutrelle au-dessus. Elle penchait de plus en plus et une créature montait en rampant vers lui. à quatre pattes. Le petit chauve se raccrochait autant qu’il pouvait. Les déformations continuaient ! C’était comme si la Cité se mettait à hurler. Herbert allait bientôt lâcher. Portzamparc tira et la créature tomba. La poutrelle repartit vers l’horizontale.
La créature tomba de plusieurs étages et finit dans un escalier qui venait de se tordre. Les déformations cessèrent. Mais le terrain avait bien changé.
Svensson, horrifié, découvrait que les légendes urbaines sur le remodelage de la Cité par des forces occultes étaient vraies ! Il venait d’y assister ! Une puissance capable d’agir sur l’architecture de tous les composants d’Exil, des poutrelles aux marches, des rambardes aux plateformes, des grilles aux tuyaux !
Maréchal venait de comprendre : le remodelage urbain scientiste ! RUS !
Le RUS, qui était bien monté à 8 !
- Pressons, dit-il, le souffle court.
Le remodelage avait formé un grand puits qui pouvait se descendre par une série d’échelles et de coursives semi-circulaires. C’était insensé, cela ne ressemblait plus du tout à ce qui était là avant ! On se serait cru dans un autre égoût.
Les quatre hommes, secoués, revinrent au poste des mitiers.
- Alors, vos relevés ? demandèrent ceux-ci.
- Vous… vous n’avez rien entendu ? demanda Svensson.
- Euh, non, m’sieur, on ne croit pas…
Ils mentaient à moitié. Comme s’ils voulaient ignorer que… Maréchal et les autres frissonèrent.
C’était donc bien vrai, ces légendes sur le détachement... Cette indifférence forcée aux événements irrationnels affectant la Cité. Ces mitiers devaient y assister régulièrement. Ils avaient appris à purement et simplement ignorer ces perturbations, pour garde l’illusion d’un cours régulier des choses. Seulement, ils devenaient peu à peu étrangers à cet univers. Ils ressemblaient à des spectres errants, des fantômes de techniciens essayant d’entretenir une parcelle d’une Cité qui se métamorphosait sans eux.
- Vous avez souvent vu ça, hein ? dit Svensson, effrayé.
- Non, monsieur, je ne vois pas…
C’était pathétique tout autant qu’effrayant. Ces hommes avaient petit à petit perdu pied avec la réalité. A quels autres phénomènes anormaux avaient-ils assisté ?
- Désolés si on ne peut pas vous aider...
Les deux policiers et l’ingénieur se regardèrent. Ils avaient plus ou moins compris. Ils ignoraient s’ils devraient se détacher ou au contraire voir les choses en face, au risque dans les deux cas de leur santé mentale. Ils ignoraient comment réagir. Pour le moment, ils préféraient encore se taire. Herbert transpirait.
Ils avaient dû monter dans ces profondeurs difformes.
*
Ils ressortirent dans la rue. Ils fumèrent une cigarette, bien réelle, avec sa fumée qui se dissolvait normalement dans l’air.
Des gamins de rues passaient en courant. Un Pandore leur courait après. Tout allait bien. Ils rentrèrent sans dirent un mot. Ils retrouvèrent Clarine et Nelly au bistrot. Ils commandèrent un solide repas chacun.
Corben et Linus étaient arrivés depuis une heure.
- Le gamin a été formidable dit le pilote. Epatant ! Il est ressorti de là-dedans avec un aplomb ! Formidable je vous dis !
Ils traînèrent une partie de l’après-midi au bistrot et allèrent tous se coucher tôt. Maréchal resta très longtemps dans la douche.
- Comment c’était dans ces égouts ? dit Nelly.
- Un peu, un peu inattendu… Difficile d’accès… Mais tu vois, on s’en est sorti.
La même conversation se tenait chez les Portzamparc.
- Il y avait plusieurs passages durs, oui, mais avec du bon matériel…
- Je vais te passer de la crème dans le dos, sinon tu vas te tordre de douleur demain.
- Tu es sûre ? Je crois que…
- Non, non… Allez, mets-toi sur le ventre…
Linus commença ce même soir à traiter les données accumulées dans les mémoires. Il savait qu’il en aurait pour des jours de décodage et de traitement, et qu’il y travaillerait sans relâche.
Il s’endormit sur sa machine, se réveilla dans la nuit, se rendormit au petit matin. Il appela le bureau pour dire qu’il serait aussi bien dans sa chambre.
Portzamparc et Maréchal arrivèrent tard et se promirent de ne pas trop en faire. Ils dépendaient de Linus pour la suite de leur travail. Excellente occasion pour essayer les hamacs neufs que mademoiselle Clarine venait d’acheter ! Svensson y goûta aussi avec plaisir.
- Je serai absent à partir d’après-demain, dit Portzamparc au moment de partir. Le procès commence.
Maréchal bailla, fatigué de n’avoir rien fait :
- Je viendrai. Je ne veux pas manquer de vous voir à la barre.
- Ce ne sera pas moi la vedette.
Maréchal aurait trouvé n’importe quoi pour se changer les idées.