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Les Contes de la Canine #5 : Histoire d'Athamis Fraundon
#1
:LeLudwig: LeLudwig Studios & Gronicö Inc. Panda
présentent

Une production Garfield Garfield2 International


Décembre 2002 : La Comtesse Bathory est assassinée en plein opéra de Paris.
Les assassins s'enfuient, après avoir semé le chaos lors de la représentation de La flûte enchantée.

Cinq ans auparavant, un enchaînement de haine, de vengeance et de trahisons amenaient à une série de crimes qui secouaient Paris et sa banlieue.

Noirs comme un café à reveiller les morts, impitoyables comme un Gangrel enragé, sombres comme les secrets enfouis pendant des siècles...


Terreur

LES CONTES DE LA CANINE

Ce soir,

:demoniaque: [size=18]HISTOIRE D'ATHAMIS FRAUNDON :demoniaque:

Février 1998

[b]Gare du nord, gare de l’est


Gare du nord, gare de l’est, tu erres de troquets en bistrots ; c’est la promenade le long des comptoirs, qui te réchauffe de l’air glacial de Paris. Hendaye hier en début de soirée – Hendaye, et le train jusqu’à Lourdes. Lourdes, changement de train, la gare déserte, les sifflements stridents sur les quais, des contrôleurs et des zombies qui rôdent, des livreurs inquiétants ; chutes de valises ; sifflets pour le départ ; une dame-pipi s’endort à son poste. Fumée, verrière, et les rails qui partent dans l’obscurité à l’horizon ; le béton, l’acier solitaires, pour le réveil de dix heures du soir ; sac au dos, valises à la main, dans l’entêtante solitude, qui ronfle et gronde dans la nudité de la gare.
Noirceur glacée des quais, l’hiver ; tu montes dans ta voiture et c’est la moiteur blanche du wagon ; passage dans le couloir, à la recherche d’un compartiment inoccupé. Tu ouvres violemment les portes, tu surprends les passagers installés dans la tiédeur, tu te heurtes aux portes fermées à clef, qui protègent les endormis. Tu arrives dans un wagon empli de passagers sans couchette. Enfants braillards, passage des contrôleurs, pas alerte des resquilleurs qui vont se planquer aux toilettes, des dormeurs se bousculent. Tu trouves une place, côté fenêtre ; tu poses ta tête sur le rebord, sur la soufflerie de la climatisation, comme d’autres passagers, qui ne peuvent trouver le sommeil. On sent la pesanteur, le malaise de la promiscuité, on grogne contre ces randonneurs qui bousculent, avec leurs sacs comme des cheminées, contre les sans-gêne pendus au téléphone, qui font profiter toute l’assemblée de leurs passionnantes anecdotes…

Dehors vide et noir, et intérieur de moiteur blanche compacte. Le train démarre enfin ; la fatigue s’épaissit encore, et épaissit tous les paysages, les câbles électriques, les villages de nuits, les routes, les panneaux de signalisation… La nuit est une négresse blanche.
Tu t’enfonces dans le sommeil, dans l’hermétisme de rêves pesants, jusqu’à Paris, Montparnasse. Avant l’aube, dans l’obscurité desséchée, tu as pris le métro de la capitale qui s’éveille lentement, ligne 6, direction Nation ; le métro s’est ébranlé, à l’heure des boulangers et de leurs four ; tu attends encore un peu avant de disparaître avant l’aube, tu passes inaperçu parmi les livreurs, les ouvriers qui viennent pour leur noir serré avant le travail ; tu marches au pied de l’ange de la Bastille, puis boulevard Lenoir, dans le frimas matinal –les plumes, les feuilles chantonnent, s’ébrouent, bruissent, pendant que les canaux s’ennuient (et tu ne connais de si ennuyeux que le canal de l’Ourcq, où tu iras demain, sinon le canal Saint-Martin !). Tu rôdes dans les cafés, tu as tout Paris au fond de ton verre, ou dans les yeux de la patronne.
Voici la Seine qui tremble, ondule, se berce, puis l’ancienne gare d’Orsay, les Tuileries sous la bruine et Notre-Dame majestueuse, et la Tour Eiffel, plus haute encore qu’une potence…

Diablo

Les pleurs de ta secrétaire

Tu as fini par rentrer à ton bureau. Les traits brûlants du soleil t’y ont chassé. Alors que les ombres s’allongeaient sur les murs, que ce silencieux bourreau s’élevait impitoyablement, tu as couru dans les rues étroites, du côté des nouvelles boutiques de mode qui fleurissent d’ici au Marais. Tu as tourné le dos à ce Caïn doré, apeuré comme un condamné à mort évadé. Tu es arrivé à temps dans le local de la cave dont tu disposes dans l’immeuble où tu as installé ton agence de détective.
Tu as passé journée enfermé dans une caisse en bois, dans le réduit fermé au cadenas de l’intérieur. Le lendemain soir à ton réveil, tu t’es précipité dans la rue pour absorber le sang chaud d’un passant pris au hasard. Tu as croisé un jeune fêtard branché, vêtements moulants et pectoraux de monsieur propre, cheveux bleus, tu l’as agrippé à la gorge, ce qui l’a plongé en torpeur. Tu t’es nourri, puis enfui. Tu l’as laissé sur un banc. A son réveil, il croira avoir eu un léger malaise.
Tu es revenu à ton bureau, tu as passé plusieurs coups de fil. Ta secrétaire est arrivée vers neuf heures. Elle doit être la seule secrétaire de détective à ne travailler qu’au tarif de nuit, et à devoir porter de si lourds secrets.
Certains révèlent un jour au grand public leur homosexualité. Toi, certains soirs, tu serais tenté de faire ton coming-out pour dénoncer la mascarade qui se joue à Paris et dans le monde. Mais tu es tenu au secret, jusque dans la tombe, et même mort, alors que tu le peux, tu ne dois pas parler ! C’est lundi, et ce soir, le Prince de Paris reçoit au Louvre. Sans doute une magnifique réception, qui brille de milles feux, à laquelle sont conviés des notables mortels de la République.
Ta secrétaire est déjà là, alors qu’assis sur ton fauteuil en cuir, tu feuillettes quelques quotidiens, à la rubrique des faits divers.
- Alors patron, quelles nouvelles ? ose t-elle enfin timidement, en buvant le premier de ses nombreux cafés de la nuit.
Tu attends un moment avant de répondre. Tu finis de lire ton article, puis tu maugrées :
- Rien de bien nouveau. J’ignore pourquoi on m’envoie là-bas, à vrai dire…

diablotin

Elle s’assoit à son propre bureau, trie des papiers, tapote sur le clavier de l’ordinateur. Elle t’a toujours secondé efficacement cette secrétaire, même quand tu respirais encore. Depuis, tu en as fait ta créature : c’est une goule, un peu de ton sang coule en elle. Elle a les nerfs bien accrochés pour supporter de vivre avec toi. Elle raconte à sa famille qu’elle doit travailler de nuit pour t’assister dans tes filatures. Tu envoies régulièrement des fleurs et des chocolats à sa mère. Malgré toutes ces attentions, ta secrétaire est comme marquée de ton odeur ; dans son entourage, on suspecte que son travail sort de l’ordinaire. On a parfois du mal à la sentir. Toi-même, tu ne te montres pas.
- A propos, vous avez réussi à contacter Corso ?
- Non, patron, toujours pas.
- Vous avez essayé ?
- Oui, cette après-midi même. C’est trop tôt ?
- Non, non…
- C’est urgent ?
- Je ne sais pas trop. Corso est un collègue. Il a ouvert il y a peu une agence de détective. Il m’avait contacté il y a trois ans, quand il a quitté la police, vous vous souvenez ?
- Peut-être bien. J’avoue que ça ne m’a pas marquée…
- Aujourd’hui, ce Corso a mis le pied dans une affaire qui sent mauvais. Je voudrais lui éviter d’avoir des ennuis…
- Vous pensez pouvoir le conseiller sur ce coup-là ?
- Oui. Je voudrais lui éviter d’avoir les mêmes ennuis que moi…
Elle n’ajoute rien. Le ton de ta voix quand tu abordes tes « ennuis » en dit long sur le silence qu’il faut observer en la matière : un souffle rauque, une haine prête à éclater, des relents de peur… tout cela s’entend dans ta voix, sans compter une expression de dureté sur le visage et une crispation irrésistible des mains. Il fait soudain très lourd dans la pièce.
Tu restes à mâchouiller un crayon, les pieds sur le bureau, en regardant par la fenêtre. Ta secrétaire essaye de s’abstraire dans son travail. Mais il fait lourd, vraiment trop lourd… Tu aimerais fumer, mais tu ne peux pas. Et tu voudrais éviter ce petit désagrément à Corso… Tu tripotes ton briquet, tu allumes la flamme, qui tressaille et te fascine. Tu entends le ronronnement du frigidaire et de l’ordinateur, de l’eau dans les canalisations du bâtiment, des pas chez les voisins du dessus.
Tu te lèves, tu veux fouiller dans tes papiers, mais tu sais que tu n’as rien à y trouver. Tu voudrais te trouver une occupation, te donner consistance mais tu n’y arrives pas. Tu tord le cou à une girafe d’origami que tu avais confectionnée.

diablotin

- Vous n’avez rien de prévu ce soir, patron ?
- Non, rien. Rien du tout.
- De mon côté, j’ai presque fini. Vous ne voulez pas qu’on sorte ? Pour une fois ? Qu’on aille au cinéma par exemple ?
- Vous êtes gentille Hélène (toutes les secrétaires de détective s’appellent Hélène, c’est la règle), mais je n’aime pas trop sortir. Plus ça va, moins je supporte la ville, être enfermé dans le béton parmi la foule.
- Comme vous voudrez… Moi je disais ça parce que rester enfermé, ce n’est pas très bon…
- Ecoutez, si vous avez fini, prenez donc votre soirée. Je ne vais pas vous retenir à ne rien faire.
Dans cette phrase, tu aurais voulu mettre de l’amabilité. Tu n’as réussi qu’à être cassant.
- Vous êtes sûr que vous n’avez plus besoin de moi ce soir ?
- Mais non, mais non… Allez donc profiter de la capitale ce soir. Nous aurons du travail dans les jours à venir. Et si vous avez besoin d’une rallonge ce mois-ci, ça ne pose pas de problème non plus, d’accord ?
- Vous êtes gentil, patron, sourit-elle. Je sais que vous vous donnez du mal parce que, parce que…
Un sanglot étrangle sa phrase. Tu t’approches d’elle, tu l’aide à enfiler son manteau alors qu’elle veut cacher son visage.
- Oui, Hélène, vous pouvez le dire… Parce que vous êtes assez courageuse pour travailler pour moi et partager mon secret, pour risquer d’être impliquée et mise en danger par les intrigues du Louvre…
Elle pleure maintenant à chaudes larmes. Elle se cache le visage dans son mouchoir. Elle court à la salle de bains, où elle repart de plus belle en sanglots hoquetants.
Tu t’approches de la porte, qu’elle a fermée à clef. Tu lui parles posément :
- Ecoutez, Hélène, j’ai besoin de vous. Je ne vous lâcherai pas. Je fais tout pour vous tenir à l’écart de mes ennuis, pour vous payer décemment, alors tenez le coup, je vous en prie.
Evidemment, c’est tout sauf le langage à lui tenir. Tu n’aurais pas à te forcer beaucoup pour bien le comprendre. Instinctivement, tu laisses pousser les ongles de ta main gauche, tu griffes la porte nerveusement. La pleine lune qui se lève te défie maintenant.
- Hélène, ça va ?
Tu ne l’entends plus depuis un moment. Tu tapes encore à la porte.
Elle ouvre enfin. Tu caches ta main et rentres tes griffes.
- Rentrez chez vous, Hélène, reposez-vous. Prenez quelques jours de congés si ça vous dit.
Si le ton n’y est pas, au moins la proposition est aimable.

diablotin

Elle regarde dans le vague, elle serre son mouchoir, tu te tiens près d’elle.
- Je vais aller voir ma mère, déclare t-elle, on ira dans sa maison de campagne.
- Très bien. C’est où ? En Normandie ?
Tu espères que non –tu as de mauvais souvenirs de la côté normande !
- Non, c’est près de Saint-Malo. C’est très joli là-bas, c’est calme, les gens du village nous connaissent, on s’entend bien avec eux.
- Bon, ça m’a l’air parfait. Allez prendre l’air quelques jours.
- Et vous, qu’est-ce que vous allez faire ?
- Je n’ai rien de prévu. Je fais refaire mes réserves. Je viens de penser qu’il ne me reste presque plus de poches dans le frigo.
Elle te regarde en souriant, acceptant presque l’idée que tu n’as rien à envier à ces gens qui mangent leur femme. Toi, tu te contentes de plasma d’animal la plupart du temps. Tu chasses l’homme soit quand tu en as trop envie, soit quand un besoin irrépressible de mordre un bel humain frais te saisit, au détour d’une rue.
Tu raccompagnes ta secrétaire jusqu’au métro. Tu lui souhaites de bonnes vacances, et tu retournes rapidement à ton bureau.
Tu décroches le téléphone, compose, et attends qu’on te réponde, laissant passer de longues sonneries.
- Allô ?… Allô ?
On a décroché mais pas de réponse. Tes paroles restent pendues en l’air… Enfin, une voix étouffée te répond. Tu parles bas :
- Allô ? Oui, Guy… Oui, ici Fraundon… Oui, c’est Fraundon. Oui, j’appelle directement à la « maison », je sais que je ne devrais pas, mais je voulais te dire que j’ai donné quelques jours de congés à ma secrétaire… C’est ça, elle va partir au bord de la mer, loin de Paris… Oui, j’ai besoin d’elle !
Tu as appuyé fort sur cette dernière phrase.
- Non, ni toi ni personne ne s’occupe d’elle, c’est compris Guy ?… Oui, tu m’as bien compris : personne ne la touche, sans quoi… C’est ça ! oui, qu’est-ce tu crois ?… écoute-moi, Guy, je vais te dire une chose : je n’ai pas de leçon à recevoir de toi, mais alors vraiment pas !…

diablotin

Tu mets de la dureté dans ta voix, voire de la brutalité.
- On en est au même point je te signale !… oui, au même point toi et moi… Dans le sud, j’en reviens. Et pour rien encore… Non, je n’ai pas le manuscrit. Ne joue pas à être plus con que tu n’es… Non, je n’ai rien trouvé, et ça n’a pas été faute de chercher !… J’en ai plein le cul je vais te dire de ce manuscrit !… C’est ça oui… oui, et alors ?… et alors ?… ouais, et alors ? Regarde où ça m’a mené ! Non mais regarde où j’en suis… Lucien dira ce qu’il voudra !… oui, ce qu’il voudra ! C’est pas moi qui lui suce le sang chaque fois que… oui, mon pauvre Guy, Lucien a fait de toi sa créature, mais moi ça ne prendra pas… Son manuscrit tu te le mets dans… laisse-moi parler… écoute-moi… non, toi tu me laisses parler… écoute, Guy, je pars moi aussi… non, pour plusieurs jours, et ne me demande pas où tu ne le sauras pas… c’est ça, envoie un de tes limiers me pister, crois-moi il sera bien reçu… ouais, je te le renverrai en trois fois sans frais ! colis colissimo 48 heures chrono ! compte là-dessus… je pars en banlieue, chez mes semblables… je te rappelle qu’on est pas tout à fait de la même famille toi et moi, Guy… le prédateur sort ses griffes, n’essaye pas de me contrarier… je suis gaucher et les gauchers sont susceptibles… non, moi je te rappellerai quand je serai revenu… non, moi je te rappelle. J’ai des affaires à régler qui ne concernent que moi… exactement, tu ne mettras pas ton nez de fouine là-dedans… Tu diras à Lucien que Hendaye et Andorre, c’est pas la bonne piste pour son manuscrit… non, il s’est gouré et voilà tout… la prochaine fois, j’achèterai des caisses de clopes, histoire de me faire un peu d’argent de poche une fois rentré sur Paris… Mais oui, c’est ça, retourne dépoussiérer tes candélabres, Guy !… Moi je me casse, je me mets au frais quelques jours… Tu crois pas si bien dire… A la semaine prochaine, Guy…

diablotin

Tu raccroches. Tu fixes longuement le combiné, en te repassant en mémoire la discussion que tu viens d’avoir. Manière de la digérer, d’en tirer des conclusions. Tu sais qu’il est plus temps d’avoir des remords. Tu appelles chez Hélène : elle est chez elle, elle te dit qu’elle va se coucher, qu’elle a pris des calmants. Tu lui souhaites bonne nuit, et tu es à nouveau seul dans le silence du bureau. Tu n’as pas défait tes bagages. Tu regarde le sac à dos et la valise. Tu prends le sac, après avoir vérifié le contenu. Tu enfiles de solides bottines en cuir, des Rangers qui proviennent des surplus de l’armée. Un couteau à la ceinture, ton revolver en holster. Là où tu vas, il se peut qu’une partie de chasse soit organisée à l’improviste…
A ta montre, il est onze heures et quart. Tu as juste le temps de faire le trajet cette nuit. Tu laisses un mot à Hélène sur son ordinateur, puis tu pars prendre le métro. Puis le RER, vers la banlieue sud. Vers une ville anonyme, entre Juvisy et Orly, loin de la nationale et des transports. Tu devras terminer le trajet à pied.
Dès que tu as quitté l’agglomération parisienne, tu retrouves l’odeur malsaine de bêtes, tes semblables, qui rôdent sur ces territoires. Tu quittes la gare de RER, et tu suis une petite route qui traverse plusieurs bleds. Des voitures, qui roulent pleins phares allumés, te croisent, et éclairent brièvement la route noire devant toi.

Diablo

[i]A suivre... Diable
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Les Contes de la Canine #5 : Histoire d'Athamis Fraundon - by Darth Nico - 23-11-2003, 11:29 PM

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