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Les Contes de la Canine #5 : Histoire d'Athamis Fraundon
#3
Virus HISTOIRE D'ATHAMIS FRAUNDON (suite) Virus

[b]Banlieue sud


Tu es arrivé dans une cité parking. Les bâtisses de béton sont construites au-dessus de parking où sont garés des centaines de véhicules. Dans les fourrés de la butte d’une voie désaffectée, tu sens la présence de prédateurs. Tes semblables. Le soleil couché, ils sortent de leur tanière. Des sifflements aigus retentissent, comme ceux d’une marmotte. Tu sens l’urine : les fauves ont marqué leur territoire. L’alchimie du sang, pour un vampire, permet d’obtenir toutes les sécrétions humaines. Des museaux de loups se pointent vers toit, dans le soir lourd.

diablotin

Tu accélères le pas. Les bêtes rôdent dans les environs ; certaines sont des fauves, d’autres des humanoïdes poilus, d’autres entre les deux. Plusieurs sont des change-formes ; autrement dit des loups-garous… On te surveille depuis les hauteurs d’un toit, peut-être depuis l’ouverture de cette bouche d’égout, sans doute depuis plusieurs fenêtres de ces immeubles interchangeables. Des voitures passent rapidement, certaines grillent les feux rouges.
Ton flair ne te trompe pas : il doit y avoir une trentaine de tes congénères à l’affût. Tu rentres dans le premier troquet venu. Plusieurs ouvriers du bâtiment, qui ont fini leur journée, regardent le match de foot, avec leur famille et leurs collègues des services publics. L’ambiance est animée, la mi-temps approche. Aux murs, des posters du PSG, de Johnny Hallyday.
Tu commandes machinalement une bière. Tu la savoures, sachant que tu devras aller la recracher, mais content de ne pas perdre tes habitudes humaines. Tu ne sais que trop combien on garde la tête hors de l’eau, question humanité, par des habitudes passées dans le mécanisme du quotidien. Et dès que l’une de ces habitudes a menacé de disparaître, dès qu’une voix en toi l’a jugée inutile, tu as senti qu’une pièce de la machine « vie » menaçait de se défaire. Et tu ne veux pas partir en morceaux, tu ne veux pas sentir le sol qui se dérobe sous tes pas, le ciel qui s’écrase… Ton flair très puissant te pousserait à ramper, à renifler le bas corporel, et tous les orifices et secrets cachés.
La puanteur des Gangrel qui t’attendent dehors emplit tes narines. La sauvagerie menace de s’infiltrer en toi par la bouche et le nez… Il n’en faut pas plus pour devenir un Robinson qui se roule dans son informe souille… Tu bois ta bière, tu en commandes une autre. Des voitures passent en trombe, quelques consommateurs te regardent de biais, avant de retourner à la chaude ambiance de leur match. Le patron lui-même, tu le sens, aimerais bien que tu partes, afin de profiter du foot. Toi, tu éveilles la peur, tu es sombre.
Tu pars aux toilettes recracher la bière. Dans l’arrière-cour traîne un chien, qui renifle les poubelles. Des applaudissements fusent du café, des exclamations, des encouragements. Tu attrapes vivement le chien, tu lui plantes tes canines dans la gorge, et absorbe une dose raisonnable de sang ! Le chien pousse un petit gémissement.
La bête en sera pour une deuxième tournée dans les déchets !
Tu t’essuies, tu reviens dans le café, tu penses à cligner des yeux régulièrement, à sourire, à dire au revoir.

diablotin

Dehors, les Gangrel se sont rapprochés. Quand ils voudront te parler, ils n’hésiteront pas. Mais toi, tu voudrais laisser jaillir tes griffes, et les enfoncer dans la poitrine de l’un d’eux ! Tu voudrais un combat féroce, une victoire violente… Ils te suivent, ils sont derrière toi, comme si tu les traînais, pris comme des mouches, dans une toile d’araignée.
Quelques rues après le café, tu trouves l’impasse que tu cherchais. Tu frappes à la porte du fond, tandis que l’on t’observe depuis l’entrée de l’impasse. Derrière une palissade en bois, on aperçoit un terrain vague : l’enclos d’un ferrailleur. Ici, on maquille des voitures.
On vient t’ouvrir. C’est un Tzymisce. Il a une mine presque humaine. Contrairement à plusieurs de ses congénères, il n’a pas encore pratiqué de profondes modifications chirurgicales sur son anatomie. Il ressemble plutôt à un Nosfératu. Il parle d’une voix nasillarde :
- Tiens donc, Mathias… Que viens-tu faire chez moi ?
- Mathias, c’est fini, maintenant je m’appelle Athamis. J’imagine que tu es averti de mon arrivée.
- Oui, les charmantes bêtes qui te pistent depuis ton arrivée sont mes molosses.
- « Attention, chiens méchants »…
- En quelque sorte, oui. Je devrais mettre un panneau à l’entrée de la ville… Assez bavardé, rentre.
Il fait signe aux vampires que tout va bien. Ceux-ci s’éloignent.
Tu es rentré dans le petit appartement. Il est sans dessus dessous. L’occupant ne prête aucune attention à l’ordre ni à l’hygiène. Tu sais qu’il est connu des habitants de la commune comme une personne à ne pas fâcher, à qui on peut demander des services de temps à autre, en échange de demandes souvent lourdes. C’est le Dracula local.
Dans un coin de la salle de séjour, une pile de vieux livres.
- Des volumes de la Série Noire, remarques-tu.
- Exact… je les ai gardés avec moi.
- Leur odeur de papier jauni me rappelle exactement l’hôtel du boulevard Elskamp…
- Oui, ils viennent de là-bas.
La mauvaise lumière éclaire à peine les lieux. Les murs doivent suinter de plomb et de mercure, le grenier doit grouiller d’insectes, la cave de rats. Tout est visqueux ici !
Tu considères quelques volumes.
- Ouais… Simenon…
Tu murmures pour toi-même, en hochant la tête.
- Je me suis pas mal nourri de cette littérature là…
- Tu as été étonné d’en trouver chez Lucien. Cette odeur de papier, c’est l’odeur que tu as sentie en arrivant là-bas pour la première fois, je m’en souviens. C’est moi qui t’avais ouvert la porte.
- Et regarde ce que nous sommes devenus par sa faute.
Il grimace ce qui doit être l’équivalent d’un sourire pour un Tzymisce.
- Je vois où tu veux en venir, maintenant…
- Ose donc me dire que tu préfères être le premier ici que le second chez Lucien…
- Je n’ai pas envie de revenir chez Lucien, monsieur le détective. Ton flair devrait te l’indiquer…
- J’ai les narines creuses, c’est vrai. C’est pour ça que je suis venu te voir.
- Je ne peux rien t’apporter.
- Si, je veux que tu m’aides.
- A mon avis, tu perds ton temps. Je ne rend pas ce genre de services.
- Tu veux rester le baron de ta petite commune pouilleuse ?
- Ne parle pas trop vite, Naundorff… J’en sais plus sur toi que toi sur moi. Je sais que tu es aux abois. Tu crois que c’est le moment de t’attaquer à un gros gibier comme Lucien ?
Tu frappes du poing sur la table ; tes ongles poussent, tu griffes le bois ; encore un peu, et tu retrousseras tes babines !
- Sois raisonnable, Mathias ou quelque soit ton nom maintenant. Je parie que Lucien t’a oublié. Tu devrais essayer de te refaire, au lieu de tenter un coup pareil.
- Et toi, que vas-tu faire ?
- Moi ? J’ai tout mon temps. Rien ne me presse.
- Alors tu commences à perdre pied pour de bon…
- C’est toi qui raisonnes encore comme si tu devais biologiquement mourir demain. Du calme, Mathias ! Nous avons l’éternité devant nous ! Qui a dit déjà « Pendant nous, le déluge ! » ?
- Beckett.
- Tu ne lis pas que des polars…
- Lucien me tient encore dans sa gueule !… Il peut me gober quand il voudra.
- Tu as voulu jouer au plus malin sur l’histoire des manuscrits de Villon. Alors maintenant, il te surveille.
- Mais je ne les ai même pas trouvés ces manuscrits !
- Oui, tu n’es pas en position de force, décidément.
Son sourire narquois, mécanique, t’agace au plus haut point. Tu comprends combien sa position est stable. Il va être difficile de le décider à pencher en ta faveur.
- Ecoute-moi, Guy !
- Je m’appelle Gwydion maintenant. Ça sonne plus « tzymisce » !
Et toujours ce sourire narquois, ce visage qui te toise, te décortique, chaque mouvement du Tzymisce qui analyse ta disposition mentale. Il te scrute, et pas qu’avec les yeux ! Les mouvements de ses zygomatiques forment une grimace souriante qui se plie et se tord en correspondance avec tes mouvements, imperceptibles, de désarroi, de colère, de découragement, de peur et d’ennui.

diablotin

- Ecoute, Gwydion, j’en connais assez sur la bête de Vincennes pour mouiller sérieusement Lucien !
- Comment es-tu sûr qu’elle se cache bien là-bas ? C’est ton fameux flair ?
- Non, je n’ai que des indices vagues. Mais je crois qu’elle se cache dans un des pavillons des oiseaux.
- Tiens donc ! J’aurais parié sur les fauves.
- Oui, elle se nourrit de sang de lions et de hyènes. Mais je crois qu’elle mange parfois des corbeaux.
- Et tu veux déloger ce king-kong de là ?
- Ce n’est pas vraiment un gorille.
- Alors quoi ? Une sorte de Prédator ? un Alien ?…
- Je pense que c’est un Gangrel presque entièrement possédé par la Bête. Lucien pourrait l’utiliser pour ses rapines, ses meurtres, ses opérations d’exploration. Des Nosfératus se sont plaints ces derniers temps que plusieurs de leurs repaires de Saint-Lazare et Bastille avaient été « visités ».
- Qu’est-ce que Lucien chercherait chez les rats d’égout ?
- Je n’en sais rien. Je dirais qu’il cherche sans doute plus profond. Plus profond, plus loin encore…
- Que veux-tu dire ?
Il garde sa distance narquoise, mais son intérêt pour ton histoire s’est accru.
- Il cherche des choses qui datent de Mathusalem, si tu vois ce que je veux dire.
- Du côté des Antédiluviens ?…
Tu garde le silence.
- Lucien exploiterait donc l’idée que l’enfer fuit comme un tuyau troué.
- Ne dis pas de conneries, « Gwydion ». Je ne te parle pas de mysticisme, ni de théosophie ! Je te parle de l’appétit de pouvoir d’un très ancien vampire, qui s’est fait l’ennemi du Prince.
- Tu défends les Princes maintenant ?
- J’ai de bonnes raisons de croire que Lucien a mis la main sur de vieux cultes des insectes… des trucs malsains qui remontent au Moyen-Age.
- C’est tout à fait gothique…
- Moque-toi si tu veux. C’est sans doute ça que cachait son intérêt pour les vieux manuscrits, pour la « poésie de la Renaissance du 13e siècle », comme il disait !
- Tu veux plonger dans « la grande nuit du Moyen-Age », Mathias ?
- Non, non, et non ! Ces conneries ne m’intéressent pas ! Je me fiche de ces cultes sectaires à Baal, et toute cette bimbeloterie carthaginoise ! Je laisse ça à Balzac, à Nostradamus et aux francs-maçons !…
- Alors, quoi ?
- Alors, je veux que ça se sache ! Que le Louvre se décide à comprendre la menace représentée par Lucien.
- Je serais trop heureux d’aider un défenseur de la paix des familles…
Tu peines à te contenir. Ce Tzymisce est pourtant ton seul appui possible. Tu le regardes, sans plus pouvoir dissimuler la haine qu’il t’inspire.
- Allons, Mathias… ne te mets pas dans cet état. Nous avons tous les deux servi Lucien, nous savons tous les deux qu’il est trop fort pour que nous nous vengions.
- Mais regarde ce qu’il a fait de nous ! regarde donc !… Bordel, tu es monstre à présent ! Moi je suis une bête, et toi, un épouvantail hideux !
- Nous connaissons pourtant maintenant des passions inconnues du commun des mortels…

Diablo

Créatures féroces

Tu tapes du poing, tu plies l’échine, tu tournes en rond… tu perds tes moyens.
- Tu ferais mieux de partir, Mathias… Nous n’aurions pas dû nous revoir. Pas dans ces conditions.
- Tu ne vas pas m’abandonner comme ça, « Gwydion »…
Tu es toutes griffes dehors, tu montres les crocs, tes muscles sont tendus. Tes griffes s’entrechoquent doucement. Le Tzymisce recule d’un pas, s’appuie sur une chaise derrière lui.
- Calme-toi, Naundorff… souffle t-il, tu ne pourras rien me faire.
- Ah non ?
Tu l’as pris comme un défi. Tu écartes violemment la chaise devant toi, tu va bondir sur Gwydion. Trop tard : la fenêtre à ta gauche vole en éclats, un prédateur s’abat sur toi, griffes et crocs sortis, vous roulez à terre, vous vous cognez contre le mur. Le Tzymisce recule d’un pas, se mord le pouce de peur. Vous vous débattez : c’est un Gangrel, et il est féroce ! Il ne porte aucun vêtement, tu peux sentir la puissance de ses muscles, toute leur vigueur fulgurante. Tu as le visage dans son épaisse chevelure. En te sautant dessus, il t’a lacéré la poitrine. Il mord ton bras, enfonce ses griffes dans tes flancs. Les griffes de ses pieds s’enfoncent à leur tour dans ta jambe.
Le Tzymisce n’ose rien dire. Il ne sait s’il veut ta mort ultime. Quoique lacéré d’entailles de griffes, tu parviens à faire basculer ton agresseur à terre, sur le flanc. En se retirant, ses griffes t’arrachent un cri de douleur. Tu lui brises le nez d’un coup de tête, tu entends l’os craquer. Tu roules de côté, tu te cognes contre la table, qui manque de se renverser. Le Tzymisce recule.
Tu te relèves. La porte de la petite pièce s’ouvre : un autre Gangrel est là. Le corps plein d’adrénaline, couturé de souffrances abominables, tu lui sautes dessus. Tu as planté tes deux mains dans sa gorge ; tu l’attrapes à bras le corps, tu te retournes avec lui : il se fait transpercer des griffes de l’autre Gangrel. Tu mords un grand coup dans ta victime, tu prends une bonne gorgée de sang, tu jettes le corps sur ton ennemi.
Tu es dos à la porte : un bras passe au travers, à hauteur de tes épaules. Le Gangrel a été jeté au sol par son congénère agonisant. Tu attrapes le bras du Gangrel au dehors, tu mords dedans sauvagement. Tu arraches à moitié le membre. Un hurlement retentit au dehors. Tu te retournes, ouvre la porte. Le Gangrel à l’ample coiffure s’est relevé. Il va te sauter dessus, tu sors vivement, frappe au visage le Gangrel qui se tord de douleur, tu refermes la porte. En deux volées de griffes, tu expédies dans la mort ultime le Gangrel dont tu avais presque amputé le bras. Tu bois goulûment à sa carotide. Cet afflux d’hémoglobine calme tes blessures.
Dans l’impasse, d’autres prédateurs arrivent. Tu rétractes les griffes de ta main droite, tu sors ton révolver et le décharge dans la tête des Gangrel. Trois tombent à terre, hors de combat. Tu te retournes, les griffes du Gangrel chevelu te lacère le visage. Tu es jeté en arrière : ta main, serré sur ton arme, presse la gâchette. Deux coups partent, atteignent le chevelu à la poitrine.
Le sang dégouline devant toi, tu vois rouge. A genoux, tu bois encore à la gorge d’une de tes victimes. Aveuglé, titubant, perclus de douleurs, tu finis de vider tes munitions, au hasard dans la ruelle.
Tu pars la gueule en sang. Tu cours, tu tombes, tu te relèves. Tu agrippes un passant imprudent, tu absorbes encore le précieux liquide vital, et tu détales en direction de la gare RER.

Série noire pour toi, Fraundon. Et tu connais comme moi la loi des séries…

[i]A suivre... Diable
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Les Contes de la Canine #5 : Histoire d'Athamis Fraundon - by Darth Nico - 25-11-2003, 05:31 PM

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