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Topic des personnages - annexes
#5
Le groupe progressait avec peine sur les chemins escarpés, bordé de toute part de rochers tranchants. Yue ouvrait la voie, elle était la seule samurai-ko du groupe avec Feiyan mais elle était avant tout l'une des meilleures pisteuses de la famille Onshigawa, réputée pour ses chasseurs. Elle savait interpréter les traces les plus ténues qui échappaient au regard des autres. Son instinct était si affûté qu'elle pouvait presque sentir les esprits lui confier dans un bruissement la direction prise par sa proie.
Cela faisait bientôt deux semaines qu'ils avaient quitté la Horde pour prendre en chasse le groupe de maraudeurs Ujik-Hai. Leur traque les avait conduit loin au Sud de leurs camarades, à travers les plaines sèches et les collines rocailleuses de la région. Les conditions de vie étaient aussi dures que la description que le commandant Nagori en avait faite. Pour rester légers chaque samurai n'avait emporté avec lui qu'un équipement minimum et des rations de viande séchée qu'ils consommaient en chevauchant la journée. Ils alternaient les longs galops et une allure plus lente pour reposer les chevaux quand ils devaient franchir les collines. Malgré cela les animaux étaient poussés dans leurs derniers retranchements par l'effort.
Parfois ils apercevaient un village qui se réduisait à quelques huttes de terre séchée, avec une poignée de familles cultivant le sol maigre autour. Ces terres se trouvaient au delà de la Muraille de l'Ouest donc elles n'appartenaient pas formellement au clan mais les habitants des plaines étaient le plus souvent venus s'installer là depuis des villages semblables de l'autre côté du mur, ils parlaient donc leur langue et savait reconnaître les couleurs de la troupe. Ils se perdaient en prosternations maladroites lorsqu'un des samurais avançait jusqu'à eux pour demander du ravitaillement ou des informations sur les environs. Plusieurs fois Gintoki se joignait à la visite et repartait avec des plantes qu'il faisait sécher sur la selle de son cheval toute la journée.

- Les malheureux qu'ils s'en servent pour faire des cordages... avait-il dit à Feiyan l'air consterné un jour qu'il revenait d'une de ces visites.
Tous les soirs à tour de rôle les hommes se chargeaient de trouver un point d'eau et préparer le campement sommaire pendant que Yue se débrouillait pour ramener à la troupe un peu de gibier. Elle le faisait alors cuire lentement dans un récipient d'argile posé au dessus d'un feu enterré pour ne pas être vu. La nuit un guet était organisé deux par deux dans le vent froid et solitaire de la région. Seul le vieux sensei était exempté. Ceux qui ne veillaient pas essayaient de trouver le sommeil dans leur simple couverture de toile. Quand il leur arrivait de camper à côté d'une rivière ils en profitaient pour se laver et retirer la poussière incrustée sur leur peau, mais les autres jours ils devaient se contenter d'un linge humide passé sur le visage.
Les premiers jours, Feiyan avait essayé de comprendre comment elle avait pu commettre une telle maladresse, mais elle avait vite renoncé car ses réflexions n'aboutissaient jamais. A sa grande surprise Satomi ne l'avait pas trop sermonée lors de cette soirée, elle avait dû se rendre compte que c'était par imprudence plus que par orgueil mal placé que sa novice s'était ainsi portée sottement volontaire. Mais elle l'avait mise en garde, les expéditions de ce genre demandait beaucoup d'endurance, une grande autonomie et de nombreuses habitudes que l'on enseignait pas dans leur école. C'était le terrain de jeu des éclaireurs ou des chasseurs et personne ne se souvenait avoir vu une Vierge de Bataille y participer, encore moins une recrue de l'année. Plus tard cette nuit là, dans les chuchotement échangés après l'extinction des torches, ses soeurs l'avaient assailli de réprimandes, de moqueries entendues et de voeux de réussite
Elle avait vite pardonné au sensei ses paroles vexantes de ce jour-là, elle avait grand besoin d'un visage amical et en fin de compte elle n'arrivait pas à lui en vouloir vraiment. Les relations avaient d'abord été assez difficiles avec ses autres compagnons, il s'agissait tous de soldats expérimentés qu'elle ne connaissait pas. Ils l'avaient regardée avec suspicion et même hostilité. La tendance des Utaku à dédaigner les familles moins prestigieuses était bien connue. Elle dut s'employer à leur montrer qu'elle ne cherchait pas à rivaliser avec eux sur leur propre terrain par arrogance. Peu à peu, à force d'humilité et d'observance, et avec l'aide discrète du sensei qui savait toujours placer un bon mot, elle avait fini par les convaincre et l'ambiance s'était alors détendue autour d'elle. Seul le chef de l'expédition, le lieutenant Junzo continua un temps de la regarder d'un air sévère et ne manqua pas une occasion de souligner son inexpérience de ce type de mission.
Les visages inconnus de ces compagnons de route se firent plus familiers, elle apprit à reconnaître quand ce jeune Shinjo bien en chair plaisantait ou était sérieux, quand ce sombre Moto avait besoin d'être laissé seul ou était d'humeur à raconter quelques souvenirs de bataille épique. Elle partageait souvent son tour de garde avec Yue et la pisteuse qui ne disait pratiquement pas un mot la journée avait fini par lui enseigner patiemment les bases de son art lors de ces longues veilles. Même les récriminations du lieutenant se firent plus rares. Ainsi au fil des jours elle se surprit à apprécier pleinement cette expérience inattendue.



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Un matin, alors qu'elle terminait son tour de garde, Feiyan aperçut Gintoki assis sur un rocher. Il se tenait un peu à l'écart du campement qu'ils avaient installé la veille en haut d'une colline dominant les alentours. Elle le rejoignit en s'étirant pour réveiller ses muscles engourdis par les heures de guet. En s'approchant elle vit que le shugenja tenait un de batonnet de fusain et avait posé une feuille déroulée sur ses genoux.

- Konnichiwa, Sensei.

- Konnichiwa Feiyan-chan, dit-il sans quitter l'horizon des yeux.
Elle resta à ses côtés en observant le paysage et en inspirant à plein poumon l'air encore frais de l'aurore. Le silence était seulement ponctué par le bruit de la tige courant par à-coup sur le papier de mûrier. La plaine s'étendait devant eux à l'infini dans toutes les directions et le ciel qui la surplombait était d'une pureté éclatante. Au loin, au bout du monde se disait-elle, une fine ligne brasait les deux immensités. Feiyan était ensorcelée par la splendeur de la nature, par l'ordre divin qui s'en dégageait et elle dut se rendre à l'évidence.

- Je crois que ce sont les Fortunes qui m'ont guidée jusqu'ici, fit-elle. Elles ont voulu me montrer toute la beauté du monde.

- Hmm peut-être, lui répondit distraitement le shugenja sans s'interrompre.

- Je vous assure Sensei, mon erreur a été en réalité une bénédiction. Je me rends compte que je n'avais jamais ouvert les yeux pour de bon jusqu'à présent mais maintenant je vois clair. Comment ma place pourrait-elle ne pas être ici, en étant témoin de tant de merveilles.

- C'est une étape importante de savoir apprécier la beauté quand elle est devant vous ma jeune amie mais ce n'est pas la fin du voyage.

- Que voulez-vous dire ? fit-elle en se tournant vers lui, sincèrement surprise.

- Si vous voulez trouver votre place dans le monde vous devez accepter d'en faire pleinement partie, pas d'en être une simple témoin, Feiyan-chan.

Elle regarda attentivement le sensei, il était penché sur sa feuille pour donner une série de coups secs et puissants avec son fusain. Elle remarqua alors seulement à ce moment qu'il ne dessinait pas du tout le décor qui s'étalait devant eux. Elle n'osa pas l'interroger cependant et reprit son admiration silencieuse du panorama.

- Voilà. C'est terminé ! finit-il par dire en se relevant

Il tint son oeuvre au bout du bras comme pour évaluer la qualité de son travail, le soleil du matin dans leur dos frappait le papier et semblait le faire irradier de lumière. L'air satisfait il se tourna alors vers la jeune femme et lui tendit le dessin.

- Tenez mon amie, c'est pour vous.
Elle resta interdite un instant puis s'approcha.

- Je vous remercie Sensei, mais je ne saurais accepter un tel...

- Epargnez-moi les trois refus par pitié, l'interrompit-il
Elle prit alors avec précaution le papier et le regarda attentivement. Le sensei avait dessiné un magnifique oiseau en vol, les plumes, les pattes, jusqu'aux yeux, tout semblait si plein de vie qu'elle s'attendait presque à le voir s'envoler là devant eux.

- C'est magnifique Sensei, je ne sais comment vous remercier, fit-elle admirative.

- Mais vous vous demandez pourquoi je n'ai pas dessiné ces si belles prairies.

Elle se tourna vers lui et acquiesça d'un léger signe de la tête.

- Les formes et les couleurs si belles soient-elles ne sont que la surface des choses Feiyan-chan. Quand vous êtes à votre vraie place dans le monde, vous ne faites qu'un avec lui, vous n'en êtes plus le simple spectateur mais un fragment unique. La beauté au dehors et celle à l'intérieur de vous sont une seule et même chose. La forme qu'elle prend ensuite sur la feuille n'a pas d'importance en soi.
Feiyan chercha un instant ses mots, incertaine de ce que le Sensei venait de lui dire mais il ne lui laissa pas le temps de répondre.

- Mais ne vous tracassez donc pas, un jour cela vous apparaîtra comme la plus évidente des choses.
Puis comme si une idée brillante lui était venue d'un coup il sourit largement et reprit la petite sacoche dans laquelle il venait de ranger le rouleau de papier et les bâtons de fusain.

- Tenez, prenez cela mon amie et livrez vous à ce petit exercice, lorsque vous verrez la beauté dans le monde, laissez-la vous pénétrer et représentez la telle que vous la ressentez.

- Je suis confuse Sensei, je n'ai rien à vous offrir en retour qui soit digne de ce présent.

- Enfantillages, prenez cela et n'en parlons plus, fit-il amicalement en lui poussant la sacoche dans les mains.

Feiyan s'inclina très bas et le remercia abondamment avant qu'ils ne rejoignent tous les deux le groupe qui se préparait au départ.


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Au fur et à mesure de leur descente vers le Sud le climat et la nature avait fini par changer, l'air était moins froid mais l'humidité le rendait plus désagréable encore. Le ciel devenait plus nuageux et les pluies fines devenaient fréquentes. Depuis qu'ils avaient traversé le grand fleuve Shinano les steppes sèches avaient laissé place à des terres plus riches, plus lourdes aussi sous les pas des chevaux. Le vieux sensei avait expliqué à Feiyan que l'influence de la grand forêt de Shinomen maintenant proche se faisaient sentir jusque sur ces plaines.
Un soir, les langues s'étaient un peu déliées autour du repas, un des samurais avait posé au lieutenant la question qui commençait à tous les tracasser, que cherchaient donc ces hommes si loin au Sud s'ils ne venaient pas piller les quelques villages de la région. Junzo répondit qu'il ne savait pas non plus. Mais qu'il serait toujours temps de demander à un survivant quel pouvait bien être le but de cette folle course quand ils les auraient attrapés.
L'expédition gagnait d'ailleurs du terrain, ici les traces d'un camp abandonné n'étaient plus tout à fait froides, là ce berger se souvenait d'avoir aperçu des cavaliers deux jours plus tôt. Le lieutenant imposait dans la journée des allures de plus en plus soutenues pour les rattraper. Enfin dans un hameau des enfants jurèrent avoir vu les démons du Nord passer le matin même. Ce soir-là dans le camp la détermination se lisait sur tous les visages, chacun savait que l'expédition touchait à son but, le lendemain sans doute ils pourraient enfin affronter leurs ennemis. Yue et Feyian avaient hérité du premier tour de garde au crépuscule, le plus facile. Il semblait pourtant à la jeune femme que leur tour aurait du être plus tard dans la nuit, mais tout le monde avait fait comme si la chose était entendue.
Gintoki leur tenait compagnie. Le vieux shugenja avait sorti de sa manche un objet étrange. Feiyan avait déjà remarqué que son kimono semblait receler un nombre insoupçonnable de colifichets et d'objets gaijins qui lui étaient totalement inconnus. Celui qu'il manipulait maintenant était un disque de métal doré avec sur l'une de ses faces des arabesques complexes et sur l'autre des bras mobiles raccordées au centre du disque. Il portait la tranche du disque en hauteur devant ses yeux et bougeait mystérieusement les branches métalliques. Les deux samurai-ko se regardèrent mais aucune ne se décida à poser la question.

- Ceci est un astrolabe, finit-il par dire contrarié de son effet raté. C'est un objet qui vient de loin, par delà les mers à l'Est.

- A quoi sert-il ? demanda Feiyan

- Il permet de connaître sa position entre le Nord et le Sud de notre Empire et au-delà bien sûr.

Les femmes échangèrent un regard sceptique. Les yeux toujours rivés sur son instrument, il fit un signe du bras.

- Tenez par exemple mesdames, si vous marchiez, disons 300 lieux dans cette direction, vous arriveriez à Otosan Uchi. Ou à peu près.

- Comment pouvez-vous en être sûr, hasarda Yue.

- Et par là, continua-t-il déplaçant un peu son bras, si vous avanciez 350 lieux bien tassées vous atteindriez Bakufu

Feiyan regarda dans cette direction en imaginant ce que pouvait bien contenir 350 lieux d'Empire.

- Et pour vous répondre Yue-san mon amie, j'en suis sûr car c'est avec ce genre d'objet que les Gaijins ont réussi à naviguer sur la mer immense et atteindre nos côtes. Il ne faut pas sous-estimer l'ingéniosité de ces hommes.

- En avez-vous déjà rencontré ? demanda Feiyan.

- Je me suis rendu à Bakufu il y a quelques années. Un endroit fascinant, les Gaijins de l'Est y font commerce et c'est là que j'ai acquis ce bel appareil.

- J'ai entendu dire qu'ils ont interdit les clans là bas, intervint Yue avec un ton de reproche.

- Interdit est un bien grand mot, disons que le Guide considère que les clans sont un obstacle car ils divisent l'Empire. Mais la chose n'est pas si simple, les familles qui administrent les terres sous son contrôle agissent encore souvent à la manière des clans.

- Cet homme ne m'inspire pas confiance, j'espère que l'Empereur fera disparaître ce desordre, conclut fermement Yue.

- Le Guide est un homme très intelligent, ajouta Gintoki, je ne sais pas si ce qu'il cherche à batir sauvera notre Empire ou le mènera à sa perte mais si les Fortunes me prêtent vie, je serais curieux de voir cela. Son Harmonie a montré des résultats, c'est indéniable, mais il change en prodondeur l'ordre millénaire, qui sait quelles en seront les conséquences.

- Vouloir l'harmonie me semble une bonne chose, osa timidement Feiyan

- Oh oui, c'est le plus noble des desseins, c'est elle qui nous unit au monde, nous rattache à toutes choses, de la petite pierre à vos pieds jusqu'aux grands fleuves qui descendent des montagnes, aux oiseaux qui nous survolent comme à tous les hommes de l'Empire.

- Donc le Guide a raison ? demanda-t-elle

Gintoki baissa le disque doré pour la première fois depuis le début de leur conversation et la regarda avec un petit sourire mystérieux.

- Peut-être Feiyan-chan, mais une chose est sûre, l'harmonie ne se décrète pas d'un coup d'éventail.


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Le groupe allait à présent à un galop soutenu, Junzo voulait en finir. Yue se contracta un instant et fit claquer ses rênes pour lancer sa monture à pleine vitesse. Sans un mot tous l'imitèrent et la petite troupe se mit à filer comme le vent vers un but encore invisible. Feiyan finit par distinguer ce qui avait attiré l'attention de la pisteuse, une mince colonne de fumée se détachait au loin. Au fur et à mesure de leur approche elle distingua mieux la scène, le chariot d'une caravane brûlait tandis que tout autour les autres gisaient renversés, leur contenu d'étoffe et de poudres de toutes les couleurs répandu sur le sol. Quand ils parvinrent à hauteur de la caravane ils s'arrêtèrent pour chercher des survivants parmis les commerçants. Ils en trouvèrent un seul qui était si mal en point que les assaillants avaient du le croire mort comme les autres. Gintoki l'installa un peu à l'écart sous un arbre et entreprit de lui prodiguer des soins en invoquant les esprits de l'eau contenus dans quelques une de ses innombrables fioles.

- Quelque chose cloche ici lieutenant, dit l'un des Moto, en égrénant une des poudres rouge qui s'était échappée d'une petite jarre. Je connais ces épices, elles valent un bon prix.
Junzo regarda l'homme et acquiesca

- Je suis d'accord, c'est étrange, mais cela ne change rien nous devons les trouver, ils ne peuvent pas être loin, les traces sont fraiches.
Il remonta en selle, imité par toute la troupe sauf Gintoki qui tentait encore de retenir la vie dans le corps du malheureux marchand.

- Sensei ! Nous repartons ! lança Junzo.

- Oui, oui je vous rejoindrai, lui répondit le shugenja sans se retourner.

Sans un mot de plus, le lieutenant fit signe à Yue d'ouvrir la route et tous se mirent en mouvement. Feiyan jeta un regard inquiet en arrière vers Gintoki puis remonta la file pour se porter à hauteur de Junzo et du Moto qui discutaient vivement.

- Pardon Lieutenant, réussit-elle à glisser pour les interrompre, mais ne devrions-nous pas laisser quelqu'un pour protéger le sensei, un de ces pillard pourraient revenir pour ces épices si elles sont précieuses.
Junzo et le Moto se tournèrent vers elle et la regardèrent comme si elle venait de dire une absurdité insondable. Elle n'osa pas insister et ils reprirent leur conversation agitée.


Yue maintenait son galop sans effort, relevée au-dessus sa selle, les yeux plissés pour mieux voir sous le soleil timide du début de l'hiver. Tous savaient maintenant que l'affrontement était proche. Soudain elle leva le poing et fit une série de signes rapides. Junzo lança ses ordres, deux archers Shinjo du groupe partirent dans une course oblique tandis que le reste du groupe accéléra encore. Feiyan vit bientôt au détour d'une colline ceux qu'ils poursuivaient depuis tant de jours. A son côté elle vit l'un des Moto accrocher ses rênes à sa selle, prendre l'arc immense qu'il portait sur le dos, y placer une flèche et le tendre à la limite de la rupture. Le trait parti avec une force effrayante et après longue parabole se planta dans la croupe d'un cheval des fuyards qui s'affaissa sous la blessure, projetant son cavalier dans les airs. Les archers Shinjo se mirent bientôt aussi à décocher leurs flèches et les Ujik-Hai finirent par changer de tactique et se séparant en deux files ils entamèrent un demi tour pour l'affrontement maintenant inévitable.

Feiyan n'avait jamais participé à une charge sans ses soeurs et elle dut faire un effort pour s'adapter à la situation. Son Yari à la main elle avait choisi son adversaire de loin, un colosse qui faisait tournoyer une masse hérissée de pointe. Tous ses compagnons avaient jeté leur arcs et saisi eux aussi leur lance ou leur katana. Les deux groupes se rapprochaient à grande vitesse, c'est à ce moment que les deux Shinjo partis en contournement surgirent sur un flanc et firent sonner leur corne pour déstabiliser l'ennemi. Cette tactique traditionnelle du clan montra encore son efficacité et les Ujik-Hai se déconcentrèrent quelques secondes ce qui permit aux samurais de prendre l'initiative de la charge. La jeune Utaku fonça vers sa cible sans dévier sa course, l'énorme brute était bien trop lente pour éviter le coup et la pointe du yari transperça profondément son armure sous le cœur. La hampe se brisa sous le choc tandis que l'homme tué sur le coup basculait à la renverse.
Tout autour d'elle le chaos regnait, la charge du groupe avait mis hors de combats plusieurs adversaires mais à présent c'était une lutte pied à pied qui se jouaient entre les cavaliers. Feiyan avait sorti son katana et cherchait une nouvelle cible à atteindre.

Elle vit un peu plus loin l'un des pillards abattre un samurai d'un coup de cimeterre habile, elle remarqua sans y prêter attention dans le fracas de la bataille que cet homme là portait un masque qui lui couvrait tout le visage. Elle se résolu de l'abattre pour venger la mort de son camarade, et manoeuvra pour se rapprocher de lui. Elle allait l'atteindre quand un autre barbare surgit et elle dut engager le combat avec lui dans une lutte à mort. Derrière son adversaire rugissant elle aperçu l'Hujik-Hai masqué faire demi tour et accompagné de deux autres hommes partir à brides abattues laissant le reste de ses compagnons affronter les rokugani.

Feiyan enrageait de ne pouvoir les arrêter mais son adversaire lui barrait la route et elle savait qu'elle devrait le tuer pour passer. Alors qu'elle s'apprêtait à se lancer sur lui, elle vit soudain une lame surgir du cou de l'homme puis ressortir en un instant, ne laissant qu'un mince trou dont jaillissait des giclées de sang. Derrière l'homme qui tentait en vain de contenir la blessure Junzo s'élançait déjà sur la piste en criant.

- Avec moi !
Rengainant son arme, elle partit au galop derrière lui à la poursuite des trois fuyards.


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Le vent sifflait aux oreilles de Feyan lancée sur son cheval furieux. Elle suivait Junzo sans parvenir à le rattraper, le lieutenant compensait la vitesse moindre de sa monture par sa maîtrise de l'équitation aiguisée par les années. Le décors autour d'eux changeait peu à peu, le sol déjà humide devenait marécageux et de grands arbres torturés faisaient leur apparition de plus en plus nombreux. Au loin une immense barrière barrait l'horizon d'un vert sombre, la forêt de Shinomen n'était plus qu'à quelques lieues des cavaliers. Devant eux les silhouettes des trois hommes se rapprochaient, Feiyan savait que Junzo faisait tout pour les arrêter avant qu'ils ne disparaissent dans la forêt.

Peut-être conscients qu'ils ne parviendraient pas à semer les Licornes, deux des Ujik-Hai se redressèrent et firent faire demi-tour à leur monture. Ils restèrent alors immobiles un moment, Feiyan vit l'un d'eux tendre le bras et avant qu'elle ne réalise le danger une détonation assourdissante résonna. Elle vit Junzo fauché en pleine course, désarçonné par la violence de l'impact de la balle. Il chuta lourdement et roula à terre puis s'immobilisa enfin. Feiyan fut stupéfaite un instant que ces pillards ait pu disposer d'une telle arme, mais elle avait déjà affronté des gaijins qui en disposaient avec la Horde pendant l'été et elle savait qu'il faudrait du temps au tireur pour recharger. Tirant son katana du saya elle continua la charge sans un cri, fidèle à la tradition de son Dojo, mais la colère lui battait les tempes et elle se jura de renvoyer ces hommes dans l'autre monde.

Le second Ujik-Hai donna un coup dans les flancs de son cheval pour se lancer à sa rencontre, son arme à la main, il hurla un cri de guerre de sa tribu. Les deux cavaliers se rapprochaient à une vitesse presque surnaturelle et ils furent face à face en un instant. Les réflexes inscrits dans son corps par l'entraînement firent jouer alors tous ses muscles. Elle lâcha les rênes de sa monture et, s'inclinant en arrière avec la grace d'une prétresse d'Uzume, elle évita le large mouvement circulaire du cimeterre puis avec les deux mains fermement agrippées sur la garde elle frappa de toute ses forces le flanc exposé de l'homme. Le katana vibra jusque dans ses bras, elle sentit la lame pénétrer le cuir clouté de l'armure et s'enfoncer profondément dans la chair, brisant les côtes sur son passage. Mais loin de la maîtrise de la Taisa de son régiment elle se rendit immédiatement compte qu'elle avait voulu frapper avec trop de force, le contrecoup fut si brutal qu'elle fut projetée au sol en même temps que son adversaire.

Sonnée par le choc, elle chercha à se relever rapidement mais ses mains étaient aspirées par la boue et elle dut fournir un grand effort pour se remettre sur ses deux pieds. De la sueur froide et acide coulait le long de son dos, la situation ne se présentait pas comme elle l'avait prévue, elle ne voyait plus son cheval qui avait dû être entraîné par son élan. Elle mobilisa toute sa volonté pour empêcher ses pensées d'être contaminées par le doute qui érode le jugement et fait le lit de la peur. Son adversaire s'était relevé aussi, il grognait comme un animal et se tenait le côté. Son sang épais inondait ses doigts et ruisselait le long de sa jambe. Son visage tordu par la douleur et par la haine meurtrière, il proféra une bordés d'injures dans sa langue rugueuse comme des pierres qui s'entrechoquent, puis avança pesamment vers elle, brandissant encore son arme énorme. Feiyan recula avec peine pour garder ses distances, chaque pas était pour les deux adversaires un affrontement avec la tourbe qui les cherchait à les engloutir patiemment.

Finalement quand il fut à quelques mètres, l'homme poussa un hurlement et chargea, prêt à abattre son cimeterre. Elle réussit à l'éviter au dernier moment et il ne frappa que le sol avec un un bruit répugnant. Elle en profita pour attaquer son flanc déjà blessé mais sans appui ferme au sol son coup cette fois manqua de force et son katana se ficha dans l'armure. L'Ujik-Hai avait maintenant un regard fou, il attrapa à la main la lame pour l'immobiliser mais dans un geste désespéré Feiyan la dégagea en lui tranchant les doigts.

La douleur ne semblait plus atteindre son adversaire, qui se remit à avancer vers elle. Feiyan recula encore, le poison de la peur s'instillait peu à peu dans ses veines devant cette force implacable. Elle parvenait de plus en plus difficilement à maîtriser le fil du combat. D'un coup pourtant la peur disparue et son esprit retrouva sa clarté, en reculant elle avait mis le pied sur une zone un peu surélevée, formé d'un amas noueux de racines d'un arbre mort depuis longtemps. Sur cette plateforme naturelle dégagée, elle savait parfaitement ce qu'il lui restait à faire. Encore en pas, l'homme, aveuglé par la rage se rapprochait, encore un pas, il monta très haut son arme et l'abattit. Cette fois cependant les mouvements de Feiyan n'étaient pas contrariés par la terre collante. D'une volte fluide elle évita le coup puis, les deux pieds bien campés entre les racines, elle déclencha une frappe sèche qui décrocha la tête de l'homme du reste de son corps. Sans perdre un instant, alors que son adversaire s'affaissait mollement, elle se tourna pour chercher du regard l'autre Ujik-Hai qui ne pouvait être loin, elle se figea brusquement en le voyant.
Il se tenait à un jet de pierre et la toisait du haut de son cheval, un rictus mauvais sur le visage. Penché en avant, il avait les mains croisées sur le pommeau de sa selle, balançant négligemment son long pistolet à la gueule menaçante. Feiyan savait que sur un terrain ferme elle aurait été assez rapide pour avoir une chance de l'atteindre sans se faire tuer mais dans ce marécage c'était impossible, elle serait une cible trop facile. Elle serra les dents. Comme tous les samurais, ses maîtres lui avait enseigné à être prête à mourir chaque matin en ouvrant les yeux mais l'instinct de survie plonge ses racines trop profondément pour jamais disparaitre, elle ne pouvait que le contenir, le tordre à sa volonté pour qu'il ne remonte pas à la surface. L'homme parlait dans son dialecte qu'elle ne comprenait pas mais elle devinait qu'il la narguait et lui promettait quelque enfer barbare après la mort. Puis lentement avec un plaisir malsain il la mit en joue.

Une lumière aveuglante embrasa soudain la terre et une déflagration comme elle n'en avait jamais connue retentit, emplissant tout l'air autour d'eux. Au même instant elle reçut un choc qui la projeta plusieurs mètres en arrière.


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Elle pensait bien être morte, ses yeux n'arrivaient pas à sortir de l'obscurité blanche et un bourdonnement effroyable la lancinait. Son esprit tout entier semblait avoir quitté son corps et peinait à y revenir. Après un temps indéfinissable ses sens commencèrent à se réveiller, le toucher, quelqu'un la secouait, l'ouïe, une voix lointaine l'appelait, la vue, un dégradé de gris découpait une silhouette devant elle.

- Feiyan-chan vous m'entendez ?
L'ordre du monde se remit en place, les images et les sons se précisèrent. Elle reconnut le visage de Gintoki penché sur elle. Ses cheveux blancs étaient encore plus désordonnés qu'à l'habitude, il souriait toujours mais son front plissé trahissait une inquiétude rare chez lui.

- Sensei, commença-t-elle avant de se tordre dans une quinte de toux.

- Là, respirez ça, vous avez été un peu secouée ma jeune amie, j'en suis désolé, j'ai dû parer au plus pressé.

Le shugenja passa sous les narines de Feiyan une fiole dont l'odeur apaisante s'insinua dans tout son corps. A nouveau en état de voir correctement, elle hasarda un coup d'oeil derrière l'épaule du vieil homme. Là gisait une masse carbonisée qui avait du être un cheval et son cavalier.

- Vous, vous avez fait ça ? réussit-elle à articuler.

- Vous ne pensiez tout de même pas que j'avais servi trente ans dans la Horde en dessinant des petits oiseaux, répondit-il avec un sourire complice.

Feiyan reprit peu à peu une respiration normale et le bourdonnement dans ses oreilles se fit moins obsédant. La mémoire des événements commença à lui revenir, comme un dernier invité important qui arrive en retard.

- Le lieutenant ! Il a été blessé !

- Oui j'ai vu, ne vous inquiétez pas, je vais m'occuper de lui, fit-il en l'aidant à se relever.

Après quelques pas hésitants, elle constata que tous ses membres fonctionnaient à peu près correctement et récupéra son arme qui gisait plus loin. Son cheval attendait là aussi, grattant nerveusement le sol, Feiyan courut le rejoindre.

- Pardon, tu as dû avoir peur, je suis désolé de t'avoir laissé, lui murmura-t-elle.

- Il est resté malgré le bruit, il tient vraiment à vous Feiyan-chan, dit Gintoki en s'éloignant pour rejoindre Junzo.

Elle posa la joue contre celle de l'animal et ferma les yeux, elle aurait voulu étirer cet instant pour des siècles. Elle s'imprégnait de sa douceur, du bruit régulier de sa respiration et du battement souterrain de son coeur au loin. Jamais, même dans les plus longues séance de méditation au Dojo, elle n'avait senti une telle harmonie avec le monde. Mais le moment prit fin quand les derniers fragments de mémoire finirent par revenir. Elle se tourna brusquement vers le shugenja qui s'affairait déjà sur le blessé.

- Sensei ! Il en reste un ! lui cria-t-elle.
Sans attendre, elle se hissa sur la selle et reprit les rênes. Le sang lui cognait dans les tempes.

- Vous devriez attendre les autres, ils ne vont pas tarder, répondit Gintoki inquiet.

- Je dois l'arrêter avant qu'il ne s'enfonce dans les bois ou nous le perdrons !

Le vieil homme fit une moue préoccupée.

- Promettez-moi de ne pas vous aventurer trop loin dans cette forêt, il y a des choses qu'il ne faut pas déranger là-bas.
Mais Feiyan n'avait pas entendu cette mise en garde, elle avait déjà lancé son cheval au galop sur les traces du dernier Ujik-Hai.
Il la regarda s'éloigner puis se tournant vers le lieutenant toujours inconsient il soupira et murmura pour lui-même.

- Junzo-san je crois bien que notre jeune amie ne sait toujours pas discerner ce qui anime vraiment son coeur.


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Messages In This Thread
Topic des personnages - annexes - by sdm - 15-11-2020, 07:01 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by sdm - 15-11-2020, 07:03 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by sdm - 15-11-2020, 07:18 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by sdm - 15-11-2020, 07:19 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by sdm - 19-11-2020, 05:00 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by sdm - 19-11-2020, 05:02 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by Gaeriel - 19-11-2020, 07:07 PM
RE: Topic des personnages - annexes - by sdm - 23-11-2020, 01:13 AM
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