31-01-2004, 12:50 PM
Chapitre sept
Quand Robert arriva au travail à huit heures, Sonia était déjà présente, en train d’étudier les dossiers du jour. Robert alla s’entraîner au tir pendant une heure. A son retour, Sonia avait déjà lu les trois quarts des rapports.
Vers onze heures, Robert interrompit Sonia :
- Sonia, Il est temps que je t’apprenne les bases du métier.
- J’en serais très honorée monsieur Robert.
Robert sortit de son placard un échiquier et les pièces qui allaient avec. Il les plaça et demanda à Sonia de commencer avec les blancs.
D’un air septique, elle demanda :
- Monsieur Robert, en quoi les échecs font partie de ma formation ?
- Tu verras. Je t’en prie, à toi l’honneur.
Sonia, ne comprenant pas l’intérêt de cette partie, et joua au hasard a2-a4.
Aussitôt, Robert lui répondit :
- Tu ne sais pas jouer aux échecs.
- Si, insista Sonia d’une voix qui ne masquait pas son agacement.
- Non, continua Robert. Tu sais déplacer les pièces, mais tu ne sais pas optimiser leur rôle pour les conduire à la victoire.
- Quel est l’intérêt de savoir jouer aux échecs pour arrêter le parrain ?
- Continue à jouer, je te l’expliquerai après.
La partie continua et se solda par un mat rapide de Robert. Sonia ne comprenait pas quel intérêt pouvait avoir Robert à l’humilier aux échecs. Celui-ci se lança dans la dissertation suivante :
« Tu vois, Sonia, les échecs sont un miroir possible de la vie. Tu peux te contenter de bouger les pièces, mais si te ne sais pas les utiliser, tu n’auras jamais la victoire. Nous sommes dans une partie d’échec contre le parrain. Je ne veux pas que l’on se contente de jouer avec lui, je veux le vaincre. »
Sonia trouvait le parallèle intéressant. Et elle posa la question suivante :
« Comment le battre ? »
Robert répondit :
« En s’y préparant. C’est pour cela que je dois te former du mieux possible. Pour commencer, je vais t’apprendre à jouer aux échecs. Ce n’est pas vraiment les bases du jeu que tu dois apprendre mais sa philosophie. Les échecs possèdent une théorie. Mais elle est empirique. Rien ne t’empêche d’être flexible. Néanmoins, il est un principe que tu dois avoir en tête : tu dois te mettre dans la tête de ton adversaire. »
Sonia interrompit Robert :
- Si je me mets dans la tête de mon adversaire, c’est à dire que je pense comme lui, je vais pouvoir savoir ce qu’il a l’intention de faire, et agir en conséquence commenta Sonia.
- Exactement, répondit Robert
- Comment faut-il commencer une partie ?
Robert était content de voir que Sonia s’intéressait aux échecs.
Il donna donc le plan de bataille suivant :
« Lors d’une Ouverture, il faut maîtriser le centre. Donc, toutes les pièces doivent être sortit vers le centre. Il ne faut pas bouger un pion de l’aile, sinon, tu handicapes un futur roque qui a pour but de protéger ton roi. D’ailleurs, le roque permet aussi de mettre en action les deux tours et la dame. Par ailleurs, il est aussi important de sortir les pièces, car une bonne attaque contre le futur roque adverse doit être préparé, même calculé. Il faut donc bâtir une attaque avant de la lancer. Ensuite, il faut comprendre les coups de l’adversaire. L’adversaire ne joue pas un coup sans raison. Il est aussi important de savoir quelles pourront être les conséquences de ses propres déplacements. L’effet d’un coup n’est pas visible tout de suite après, mais il définit la partie sur le plus long terme. Par exemple, si tu sors trop tôt ta dame, elle sera attaquée par l’ennemi. Le temps que tu passes à protéger celle-ci sera mis à profit par ton adversaire pour avoir une avance sur le développement de son jeu. »
Sonia trouvait le discours intéressant et voyait que Robert prenait son instruction très au sérieux. Optimiste, elle commença une nouvelle partie par e2-e4.
Robert riposta par e7-e5.
L’expérience de Robert des échecs faisait la différence. Mais Sonia s’investit pleinement dans la partie. On lui avait appris à bouger les pièces mais jamais à les utiliser. C’était un défi qu’elle releva avec intérêt. Et bien que Robert gagna la partie, elle ne céda aucun pousse de terrain.
- J’ai perdu, dit Sonia.
- C’est vrai. Mais il faut savoir que je joue aux échecs en compétition. Tu n’avais pas devant toi un adversaire de tout repos. Je pense que tu t’es très bien débrouillée.
Sonia était contente du compliment de son instructeur. Autant qu’elle se souvenait, cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas été complimentée.
Le lendemain vers onze heures, Sonia proposa une revanche. Robert accepta et lui donna les noirs.
« Vois-tu, commenta Robert, hier, c’est toi qui as commencé la partie. Tu as donc pu choisir ton style de jeu et me le faire subir. Maintenant, c’est moi qui vais imposer mon style de jeu et c’est toi qui va devoir t’adapter. »
Robert commença par e2-e4. Sonia répondit par e7-e5. Robert riposta par f2-f4.
Intriguée, Sonia demanda :
- Monsieur Robert, pourquoi me donner ce pion ? Je ne comprends pas. Il s’agit d’un pion de l’aile.
- Les échecs sont un jeu flexible. Si tu as de bonnes raisons, tu peux adapter la théorie. Si tu prends ce pion, je pourrais pousser le pion de la dame et reprendre le pion noir avec le fou occupant les cases blanches. Le petit roque sera sans doute dangereux à cause d’un échec sur la case g1, mais il permettra d’avoir la colonne d’attaque f pour ma tour. Au pire, je pourrais faire le grand roque.
- Dans ce cas, je relève le défis.
Sonia accepta le gambit. Robert répondit par Cg1-f3.
- Pourquoi ne pas avoir bougé le pion de la dame ? S’étonna Sonia.
- Un échec au roi avec dame h4 fait un ravage. Il faut savoir être patient.
- Si une attaque est possible, il faut la consolider.
Sur ces bonnes paroles. Sonia joua Ff8-e7.
- La défense Cunningham murmura Robert.
- J’y ai pensé par hasard.
Robert continua la construction théorique, c’est à dire e4-e5.
Aussitôt, Sonia lança l’offensive par un Fe7-h4+.
Robert commenta le coup :
« Pour une bonne attaque, il faut du soutien. Tu n’en as pas assez et mon pion e5 limite l’action du cavalier g7. Je gagne la guerre du centre. »
Aussitôt Robert répondit par Cf3 x Fh4. Sonia accentua la pression par Dd8 x Ch4+.
Robert riposta par g2-g3. Sonia ne voulait pas perdre la face et elle répondit f4 x g3. Robert protégea la tour par Ff1-g2. Sonia obligea Robert à retirer son roi en f2 par g3 x h2 +.
Robert commençait mal. L’aile du roi était anéantie et son roque brisé. Mais il ne perdait pas espoir car il avait le centre, payé après avoir pris des risques énormes. Il construit donc un jeu sur l’aile de la dame. Ce fut long, mais après une partie difficile, il réussit un retour triomphal et un magnifique mat. Mais Sonia lui avait donné du fil à retordre.
Les deux semaines suivantes, entre les patrouilles et les rapports à taper, entre les arrestations inutiles de petits voyous et les contrôles d’identités routiniers, Robert continua à enseigner l’art des échecs à Sonia. Petit à petit, Sonia s’imprégnait de la richesse du jeu. Elle apprenait à optimiser le rôle de ses pièces et à lancer des attaques structurées. A l’inverse de Robert, elle ne cherchait pas à voir la beauté du jeu. Elle opta pour un style de jeu rentable et agressif. Plus les jours passaient, plus les victoires de Robert se faisaient à un prix élevé.
Puis vint le vendredi de la deuxième semaine. Sonia avait fait de réels progrès aux échecs.
Ce jour-là, Robert arriva vers huit heures. Sonia était déjà là, classant une pile de dossier.
Robert salua Sonia. Celle-ci lui répondit d’un agréable sourire. Puis Robert continua la conversation :
« Sonia, tu as fait de gros progrès. »
Sonia était contente, c’était la première fois qu’elle avait un professeur qui la félicitait.
Robert continua :
« Maintenant, il est temps de t’apprendre à tirer au pistolet. »
Sonia était enthousiaste. Robert lui apprenait tous ce qu’il savait. Ils descendirent à la salle de tir.
Robert commença le briefing.
« Le tir est avant tout une philosophie. Avant de t’apprendre à abattre une cible, je vais voir ta vitesse. »
Robert sortit une pièce de monnaie.
« Quand la pièce touchera le sol, tu dégaineras. »
Les deux duellistes se regardaient les yeux dans les yeux. Chacun essayait de jauger son adversaire. La main de Sonia était proche de la crosse de son arme rangée dans son pantalon. Robert lança la pièce vers le haut et mit sa main sur son holster. Chacun des deux opposants s’observaient, alors que l’ouie attendait le signal de départ. La pièce montait puis aussitôt retomba. Elle s’écrasa sur le sol en émettant un bruit sourd.
Robert attrapa son arme, mais celle de sa coéquipière s’appuyait sur son ventre.
Bon joueur, Robert déclara :
« Une bonne chose de faite. Tu es plus rapide que moi. Passons au tir proprement dit. Essai de cartonner la cible. »
Aussitôt, Sonia se retourna vers le carton et tira immédiatement six coups de feu qui touchèrent vers le centre de la cible.
Avec une voix mystérieuse, Robert déclara :
- Tu ne sais pas tirer.
- Vraiment, répondit Sonia surprise, car il semblait qu’elle s’était bien débrouillée.
- Demain, je vais t’emmener quelque part.
- Où ? Demanda Sonia qui s’interrogeait.
- Ce sera une surprise.
En cette période de l’année, le parc du Nord accueillait une fête foraine. Robert amena Sonia au stand de tir. Il paya deux parties en insistant sur le fait qu’il voulait seulement trois plombs à chaque fois. Le but du jeu était de crever trois ballons. Robert pria Sonia de commencer.
Elle chargea sa carabine et éclata un ballon. Elle en fit de même avec le deuxième et le troisième.
Sur un ton ironique, Robert commenta l’action de Sonia :
- Trois ballons viennent de te fusiller.
- Un ballon est inoffensif déclara Sonia.
- Non, un ballon est un dangereux criminel, et maintenant que tu n’as plus de munition, les ballons en profitent pour te tirer dessus comme un lapin.
Robert chargea sa carabine. Il examina patiemment ses ballons et tira. Il les creva tous les trois.
- Vois-tu, les ballons peuvent continuer à m’attaquer, je les attends de pied ferme.
- Mais est-ce pareil dans la réalité ?
- Assurément. Déjà, une balle coûte cher. Par ailleurs, non seulement ton arme n’a que six munitions, mais elle est également longue à charger. Pendant que tu la recharges, tu seras une cible facile. Tu dois optimiser l’utilisation de tes balles.
- Comment ?
- Quand tu tires, tu dois te maîtriser. C’est la seule règle. Une fois que tu seras maîtrisée, tu pourras ne faire qu’un avec ton arme. Quand tu tires avec ton arme, tu es ton arme.
Les deux semaines suivantes, Robert expliqua la philosophie du tir à Sonia. Celle-ci finit par avoir un tir plus lent mais plus sûre et plus précis. Ses coups de feu étaient froid et atteignaient la cible sans aucune sauvegarde possible. A chaque entraînement, elle devenait avec son arme une seule et même personne.
Le lundi de la semaine suivante, Robert et Sonia patrouillaient dans le Nord. La ville était somptueuse et le ciel était bleu. Robert conduisait la voiture de rue en rue. Soudain, la radio lança un appel.
«Appel à toutes les voitures, le bureau de poste du Nord est attaqué. Le bureau de poste du Nord est attaqué. »
Robert pris le gyrophare et le mit sur le toit de la voiture.
« Sonia, en moins de cinq minutes, nous y serons. »
Sonia pris la radio et répondit :
« Ici l’inspecteur Durand et Bensala. Nous nous occupons de l’affaire. Nous serons dans les lieux dans cinq minutes. »
La sirène, cri de guerre de la police, annonça la chasse. Robert appuya sur l’accélérateur. Il passait de voiture en voiture. Il lui fallut trois minutes pour Robert pour rejoindre le bureau de poste. Aussitôt arrivés, Sonia et Robert dégainèrent leurs armes et sortirent de leur véhicule. Rapidement, deux hommes d’origine musulmane, tenant un revolver étaient devant la porte du bureau de poste. L’un d’eux empoignait une jeune et jolie femme blonde. Aussitôt, Robert et Sonia se mirent à couvert derrière leur automobile. Les deux hommes tirèrent sur le véhicule de fonction. Les vitres volèrent en éclat au-dessus des têtes des deux inspecteurs. L’homme qui tenait la jeune femme en otage pointa le canon de son arme sur sa tête. Son visage était déterminé. Il avait l’expression du soldat du Sud qui avait déclaré la guerre au Nord. Ses yeux étaient cruels, il était coiffé d’une coupe au carré. Sa chevelure noire était aussi sombre que celle d’un chat qui porte malheur.
D’un ton déterminé, il lança :
« Pas un geste, ou je butte la pouf. »
Cachés derrière leur couvert, Sonia se tourna vers Robert :
- La personne qui braque la fille je la connais. Nous étions au collège ensemble.
- Ca ne te changera pas d’arrêter un de tes camarades lui répondit Robert.
- Laisse moi lui parler.
- Penses tu vraiment arriver à le convaincre.
- Je ne sais pas, mais nous pourrons réussir à libérer la fille. Couvre-moi.
- D’accord.
Sonia sortit de sa cachette et marcha vers la personne qui tenait la fille en otage.
- Farid, c’est moi, Sonia.
- Sonia, répondit l’homme qui commençait à avoir des doutes.
Sonia lâcha son arme qui tomba à terre.
- Farid, ne fait pas de bêtise. Je t’en supplie.
- Mais je ne suis rien, je ne sais rien faire, cette ville nous méprise. Elle nous installe dans la bêtise afin de nous exploiter.
- Mais tu ne résoudras rien en empirant ta situation.
- Peut-être, mais pour une fois, c’est moi qui pars à la conquête du Nord. Pour une fois, le Sud ose se dresser contre le Nord.
- Lâche cette fille, elle n’a rien à faire dans cette guerre.
- Accordé.
Il poussa la fille. D’un ton méprisant, il lui dit :
« Casses-toi »
Effrayé, la fille s’enfuit.
Sonia se tourna vers Farid et continua la conversation :
- Je me rappelle qu’au collège, j’ai connu un garçon qui me respectait. C’était rare d’avoir un garçon qui voyait en moi autre chose qu’un objet. Nous sommes sortis ensemble, et nous avons passé de bons moments.
- Je m’en rappelle. Nous étions comme des frères, nous étions solidaires. Nous partagions nos joies et nos souffrances. Malheureusement, nous nous sommes perdus à la fin du collège. Tu as fait de longues études et tu es devenue inspecteur de police. Tu représentes la loi. Moi, je ne suis pas devenu une personne intéressante. Je suis devenu quelqu’un qui lutte pour survivre dans le Sud, comme toutes personnes y habitant.
- Je t’en supplie, pria Sonia, arrêtons cette pièce de théâtre, je ne veux pas que l’un d’entre nous soit tué.
- Je suis désolé, Sonia, mais la pièce continue. Nous ne sommes pas maître de notre destin.
Puis, à ces mots, Farid pointa son arme à bout portant sur Sonia et déclara à l’intention de Robert :
« Je tiens en otage ta coéquipière. Lâche ton arme. »
Aussitôt, dans la seconde qui suit Sonia donna un coup de pied dans le ventre de Farid qui recula en se tordant de douleur.
Robert sortit de sa cachette et tira un coup de feu. La balle atteignit le bras du deuxième homme qui lâcha son pistolet.
Lorsque Farid repris conscience, il vit le pied de Sonia qui frappa la main qui tenait son revolver. Celui-ci tomba à terre. Farid s’élança sur Sonia. Celle-ci attrapa son bras et utilisa l’inertie de son adversaire pour le faire tomber quelques mètres plus loin. Sonia ramassa l’arme de son opposant.
Robert et Sonia braquaient les deux malfaiteurs. Ils leur passèrent les menottes.
De retour au bureau, Robert dit à Sonia :
- Tu as pris de grand risque. Mais tu t’en es bien sortie.
- Grâce à vous, monsieur Robert, je connais mes forces et mes faiblesses que j’essaye de corriger. J’ai eu le temps de mieux vous cerner. Ainsi, j’ai pu utiliser toutes les pièces d’une façon optimum.
Robert voyait que Sonia avait vraiment progressé. Mais c’est la deuxième fois que Sonia arrêtait un ami d’enfance.
Sonia allait-elle devenir une autre personne ?
Quand Robert arriva au travail à huit heures, Sonia était déjà présente, en train d’étudier les dossiers du jour. Robert alla s’entraîner au tir pendant une heure. A son retour, Sonia avait déjà lu les trois quarts des rapports.
Vers onze heures, Robert interrompit Sonia :
- Sonia, Il est temps que je t’apprenne les bases du métier.
- J’en serais très honorée monsieur Robert.
Robert sortit de son placard un échiquier et les pièces qui allaient avec. Il les plaça et demanda à Sonia de commencer avec les blancs.
D’un air septique, elle demanda :
- Monsieur Robert, en quoi les échecs font partie de ma formation ?
- Tu verras. Je t’en prie, à toi l’honneur.
Sonia, ne comprenant pas l’intérêt de cette partie, et joua au hasard a2-a4.
Aussitôt, Robert lui répondit :
- Tu ne sais pas jouer aux échecs.
- Si, insista Sonia d’une voix qui ne masquait pas son agacement.
- Non, continua Robert. Tu sais déplacer les pièces, mais tu ne sais pas optimiser leur rôle pour les conduire à la victoire.
- Quel est l’intérêt de savoir jouer aux échecs pour arrêter le parrain ?
- Continue à jouer, je te l’expliquerai après.
La partie continua et se solda par un mat rapide de Robert. Sonia ne comprenait pas quel intérêt pouvait avoir Robert à l’humilier aux échecs. Celui-ci se lança dans la dissertation suivante :
« Tu vois, Sonia, les échecs sont un miroir possible de la vie. Tu peux te contenter de bouger les pièces, mais si te ne sais pas les utiliser, tu n’auras jamais la victoire. Nous sommes dans une partie d’échec contre le parrain. Je ne veux pas que l’on se contente de jouer avec lui, je veux le vaincre. »
Sonia trouvait le parallèle intéressant. Et elle posa la question suivante :
« Comment le battre ? »
Robert répondit :
« En s’y préparant. C’est pour cela que je dois te former du mieux possible. Pour commencer, je vais t’apprendre à jouer aux échecs. Ce n’est pas vraiment les bases du jeu que tu dois apprendre mais sa philosophie. Les échecs possèdent une théorie. Mais elle est empirique. Rien ne t’empêche d’être flexible. Néanmoins, il est un principe que tu dois avoir en tête : tu dois te mettre dans la tête de ton adversaire. »
Sonia interrompit Robert :
- Si je me mets dans la tête de mon adversaire, c’est à dire que je pense comme lui, je vais pouvoir savoir ce qu’il a l’intention de faire, et agir en conséquence commenta Sonia.
- Exactement, répondit Robert
- Comment faut-il commencer une partie ?
Robert était content de voir que Sonia s’intéressait aux échecs.
Il donna donc le plan de bataille suivant :
« Lors d’une Ouverture, il faut maîtriser le centre. Donc, toutes les pièces doivent être sortit vers le centre. Il ne faut pas bouger un pion de l’aile, sinon, tu handicapes un futur roque qui a pour but de protéger ton roi. D’ailleurs, le roque permet aussi de mettre en action les deux tours et la dame. Par ailleurs, il est aussi important de sortir les pièces, car une bonne attaque contre le futur roque adverse doit être préparé, même calculé. Il faut donc bâtir une attaque avant de la lancer. Ensuite, il faut comprendre les coups de l’adversaire. L’adversaire ne joue pas un coup sans raison. Il est aussi important de savoir quelles pourront être les conséquences de ses propres déplacements. L’effet d’un coup n’est pas visible tout de suite après, mais il définit la partie sur le plus long terme. Par exemple, si tu sors trop tôt ta dame, elle sera attaquée par l’ennemi. Le temps que tu passes à protéger celle-ci sera mis à profit par ton adversaire pour avoir une avance sur le développement de son jeu. »
Sonia trouvait le discours intéressant et voyait que Robert prenait son instruction très au sérieux. Optimiste, elle commença une nouvelle partie par e2-e4.
Robert riposta par e7-e5.
L’expérience de Robert des échecs faisait la différence. Mais Sonia s’investit pleinement dans la partie. On lui avait appris à bouger les pièces mais jamais à les utiliser. C’était un défi qu’elle releva avec intérêt. Et bien que Robert gagna la partie, elle ne céda aucun pousse de terrain.
- J’ai perdu, dit Sonia.
- C’est vrai. Mais il faut savoir que je joue aux échecs en compétition. Tu n’avais pas devant toi un adversaire de tout repos. Je pense que tu t’es très bien débrouillée.
Sonia était contente du compliment de son instructeur. Autant qu’elle se souvenait, cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas été complimentée.
Le lendemain vers onze heures, Sonia proposa une revanche. Robert accepta et lui donna les noirs.
« Vois-tu, commenta Robert, hier, c’est toi qui as commencé la partie. Tu as donc pu choisir ton style de jeu et me le faire subir. Maintenant, c’est moi qui vais imposer mon style de jeu et c’est toi qui va devoir t’adapter. »
Robert commença par e2-e4. Sonia répondit par e7-e5. Robert riposta par f2-f4.
Intriguée, Sonia demanda :
- Monsieur Robert, pourquoi me donner ce pion ? Je ne comprends pas. Il s’agit d’un pion de l’aile.
- Les échecs sont un jeu flexible. Si tu as de bonnes raisons, tu peux adapter la théorie. Si tu prends ce pion, je pourrais pousser le pion de la dame et reprendre le pion noir avec le fou occupant les cases blanches. Le petit roque sera sans doute dangereux à cause d’un échec sur la case g1, mais il permettra d’avoir la colonne d’attaque f pour ma tour. Au pire, je pourrais faire le grand roque.
- Dans ce cas, je relève le défis.
Sonia accepta le gambit. Robert répondit par Cg1-f3.
- Pourquoi ne pas avoir bougé le pion de la dame ? S’étonna Sonia.
- Un échec au roi avec dame h4 fait un ravage. Il faut savoir être patient.
- Si une attaque est possible, il faut la consolider.
Sur ces bonnes paroles. Sonia joua Ff8-e7.
- La défense Cunningham murmura Robert.
- J’y ai pensé par hasard.
Robert continua la construction théorique, c’est à dire e4-e5.
Aussitôt, Sonia lança l’offensive par un Fe7-h4+.
Robert commenta le coup :
« Pour une bonne attaque, il faut du soutien. Tu n’en as pas assez et mon pion e5 limite l’action du cavalier g7. Je gagne la guerre du centre. »
Aussitôt Robert répondit par Cf3 x Fh4. Sonia accentua la pression par Dd8 x Ch4+.
Robert riposta par g2-g3. Sonia ne voulait pas perdre la face et elle répondit f4 x g3. Robert protégea la tour par Ff1-g2. Sonia obligea Robert à retirer son roi en f2 par g3 x h2 +.
Robert commençait mal. L’aile du roi était anéantie et son roque brisé. Mais il ne perdait pas espoir car il avait le centre, payé après avoir pris des risques énormes. Il construit donc un jeu sur l’aile de la dame. Ce fut long, mais après une partie difficile, il réussit un retour triomphal et un magnifique mat. Mais Sonia lui avait donné du fil à retordre.
Les deux semaines suivantes, entre les patrouilles et les rapports à taper, entre les arrestations inutiles de petits voyous et les contrôles d’identités routiniers, Robert continua à enseigner l’art des échecs à Sonia. Petit à petit, Sonia s’imprégnait de la richesse du jeu. Elle apprenait à optimiser le rôle de ses pièces et à lancer des attaques structurées. A l’inverse de Robert, elle ne cherchait pas à voir la beauté du jeu. Elle opta pour un style de jeu rentable et agressif. Plus les jours passaient, plus les victoires de Robert se faisaient à un prix élevé.
Puis vint le vendredi de la deuxième semaine. Sonia avait fait de réels progrès aux échecs.
Ce jour-là, Robert arriva vers huit heures. Sonia était déjà là, classant une pile de dossier.
Robert salua Sonia. Celle-ci lui répondit d’un agréable sourire. Puis Robert continua la conversation :
« Sonia, tu as fait de gros progrès. »
Sonia était contente, c’était la première fois qu’elle avait un professeur qui la félicitait.
Robert continua :
« Maintenant, il est temps de t’apprendre à tirer au pistolet. »
Sonia était enthousiaste. Robert lui apprenait tous ce qu’il savait. Ils descendirent à la salle de tir.
Robert commença le briefing.
« Le tir est avant tout une philosophie. Avant de t’apprendre à abattre une cible, je vais voir ta vitesse. »
Robert sortit une pièce de monnaie.
« Quand la pièce touchera le sol, tu dégaineras. »
Les deux duellistes se regardaient les yeux dans les yeux. Chacun essayait de jauger son adversaire. La main de Sonia était proche de la crosse de son arme rangée dans son pantalon. Robert lança la pièce vers le haut et mit sa main sur son holster. Chacun des deux opposants s’observaient, alors que l’ouie attendait le signal de départ. La pièce montait puis aussitôt retomba. Elle s’écrasa sur le sol en émettant un bruit sourd.
Robert attrapa son arme, mais celle de sa coéquipière s’appuyait sur son ventre.
Bon joueur, Robert déclara :
« Une bonne chose de faite. Tu es plus rapide que moi. Passons au tir proprement dit. Essai de cartonner la cible. »
Aussitôt, Sonia se retourna vers le carton et tira immédiatement six coups de feu qui touchèrent vers le centre de la cible.
Avec une voix mystérieuse, Robert déclara :
- Tu ne sais pas tirer.
- Vraiment, répondit Sonia surprise, car il semblait qu’elle s’était bien débrouillée.
- Demain, je vais t’emmener quelque part.
- Où ? Demanda Sonia qui s’interrogeait.
- Ce sera une surprise.
En cette période de l’année, le parc du Nord accueillait une fête foraine. Robert amena Sonia au stand de tir. Il paya deux parties en insistant sur le fait qu’il voulait seulement trois plombs à chaque fois. Le but du jeu était de crever trois ballons. Robert pria Sonia de commencer.
Elle chargea sa carabine et éclata un ballon. Elle en fit de même avec le deuxième et le troisième.
Sur un ton ironique, Robert commenta l’action de Sonia :
- Trois ballons viennent de te fusiller.
- Un ballon est inoffensif déclara Sonia.
- Non, un ballon est un dangereux criminel, et maintenant que tu n’as plus de munition, les ballons en profitent pour te tirer dessus comme un lapin.
Robert chargea sa carabine. Il examina patiemment ses ballons et tira. Il les creva tous les trois.
- Vois-tu, les ballons peuvent continuer à m’attaquer, je les attends de pied ferme.
- Mais est-ce pareil dans la réalité ?
- Assurément. Déjà, une balle coûte cher. Par ailleurs, non seulement ton arme n’a que six munitions, mais elle est également longue à charger. Pendant que tu la recharges, tu seras une cible facile. Tu dois optimiser l’utilisation de tes balles.
- Comment ?
- Quand tu tires, tu dois te maîtriser. C’est la seule règle. Une fois que tu seras maîtrisée, tu pourras ne faire qu’un avec ton arme. Quand tu tires avec ton arme, tu es ton arme.
Les deux semaines suivantes, Robert expliqua la philosophie du tir à Sonia. Celle-ci finit par avoir un tir plus lent mais plus sûre et plus précis. Ses coups de feu étaient froid et atteignaient la cible sans aucune sauvegarde possible. A chaque entraînement, elle devenait avec son arme une seule et même personne.
Le lundi de la semaine suivante, Robert et Sonia patrouillaient dans le Nord. La ville était somptueuse et le ciel était bleu. Robert conduisait la voiture de rue en rue. Soudain, la radio lança un appel.
«Appel à toutes les voitures, le bureau de poste du Nord est attaqué. Le bureau de poste du Nord est attaqué. »
Robert pris le gyrophare et le mit sur le toit de la voiture.
« Sonia, en moins de cinq minutes, nous y serons. »
Sonia pris la radio et répondit :
« Ici l’inspecteur Durand et Bensala. Nous nous occupons de l’affaire. Nous serons dans les lieux dans cinq minutes. »
La sirène, cri de guerre de la police, annonça la chasse. Robert appuya sur l’accélérateur. Il passait de voiture en voiture. Il lui fallut trois minutes pour Robert pour rejoindre le bureau de poste. Aussitôt arrivés, Sonia et Robert dégainèrent leurs armes et sortirent de leur véhicule. Rapidement, deux hommes d’origine musulmane, tenant un revolver étaient devant la porte du bureau de poste. L’un d’eux empoignait une jeune et jolie femme blonde. Aussitôt, Robert et Sonia se mirent à couvert derrière leur automobile. Les deux hommes tirèrent sur le véhicule de fonction. Les vitres volèrent en éclat au-dessus des têtes des deux inspecteurs. L’homme qui tenait la jeune femme en otage pointa le canon de son arme sur sa tête. Son visage était déterminé. Il avait l’expression du soldat du Sud qui avait déclaré la guerre au Nord. Ses yeux étaient cruels, il était coiffé d’une coupe au carré. Sa chevelure noire était aussi sombre que celle d’un chat qui porte malheur.
D’un ton déterminé, il lança :
« Pas un geste, ou je butte la pouf. »
Cachés derrière leur couvert, Sonia se tourna vers Robert :
- La personne qui braque la fille je la connais. Nous étions au collège ensemble.
- Ca ne te changera pas d’arrêter un de tes camarades lui répondit Robert.
- Laisse moi lui parler.
- Penses tu vraiment arriver à le convaincre.
- Je ne sais pas, mais nous pourrons réussir à libérer la fille. Couvre-moi.
- D’accord.
Sonia sortit de sa cachette et marcha vers la personne qui tenait la fille en otage.
- Farid, c’est moi, Sonia.
- Sonia, répondit l’homme qui commençait à avoir des doutes.
Sonia lâcha son arme qui tomba à terre.
- Farid, ne fait pas de bêtise. Je t’en supplie.
- Mais je ne suis rien, je ne sais rien faire, cette ville nous méprise. Elle nous installe dans la bêtise afin de nous exploiter.
- Mais tu ne résoudras rien en empirant ta situation.
- Peut-être, mais pour une fois, c’est moi qui pars à la conquête du Nord. Pour une fois, le Sud ose se dresser contre le Nord.
- Lâche cette fille, elle n’a rien à faire dans cette guerre.
- Accordé.
Il poussa la fille. D’un ton méprisant, il lui dit :
« Casses-toi »
Effrayé, la fille s’enfuit.
Sonia se tourna vers Farid et continua la conversation :
- Je me rappelle qu’au collège, j’ai connu un garçon qui me respectait. C’était rare d’avoir un garçon qui voyait en moi autre chose qu’un objet. Nous sommes sortis ensemble, et nous avons passé de bons moments.
- Je m’en rappelle. Nous étions comme des frères, nous étions solidaires. Nous partagions nos joies et nos souffrances. Malheureusement, nous nous sommes perdus à la fin du collège. Tu as fait de longues études et tu es devenue inspecteur de police. Tu représentes la loi. Moi, je ne suis pas devenu une personne intéressante. Je suis devenu quelqu’un qui lutte pour survivre dans le Sud, comme toutes personnes y habitant.
- Je t’en supplie, pria Sonia, arrêtons cette pièce de théâtre, je ne veux pas que l’un d’entre nous soit tué.
- Je suis désolé, Sonia, mais la pièce continue. Nous ne sommes pas maître de notre destin.
Puis, à ces mots, Farid pointa son arme à bout portant sur Sonia et déclara à l’intention de Robert :
« Je tiens en otage ta coéquipière. Lâche ton arme. »
Aussitôt, dans la seconde qui suit Sonia donna un coup de pied dans le ventre de Farid qui recula en se tordant de douleur.
Robert sortit de sa cachette et tira un coup de feu. La balle atteignit le bras du deuxième homme qui lâcha son pistolet.
Lorsque Farid repris conscience, il vit le pied de Sonia qui frappa la main qui tenait son revolver. Celui-ci tomba à terre. Farid s’élança sur Sonia. Celle-ci attrapa son bras et utilisa l’inertie de son adversaire pour le faire tomber quelques mètres plus loin. Sonia ramassa l’arme de son opposant.
Robert et Sonia braquaient les deux malfaiteurs. Ils leur passèrent les menottes.
De retour au bureau, Robert dit à Sonia :
- Tu as pris de grand risque. Mais tu t’en es bien sortie.
- Grâce à vous, monsieur Robert, je connais mes forces et mes faiblesses que j’essaye de corriger. J’ai eu le temps de mieux vous cerner. Ainsi, j’ai pu utiliser toutes les pièces d’une façon optimum.
Robert voyait que Sonia avait vraiment progressé. Mais c’est la deuxième fois que Sonia arrêtait un ami d’enfance.
Sonia allait-elle devenir une autre personne ?