09-04-2012, 10:33 PM
Magnifique textes, la discussion des shugenjas, le choix de Yojiro, le dragon, superbe

25ème Episode : Les trois lions
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09-04-2012, 10:33 PM
Magnifique textes, la discussion des shugenjas, le choix de Yojiro, le dragon, superbe
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10-04-2012, 05:03 PM
Suite
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12-04-2012, 10:52 PM
Haha toujours aussi savoureux à lire, avec les plans de Yatsume "La générosité de Mitsurugi est grande" tu m'étonnes, bande de pique assiette
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13-04-2012, 06:35 PM
Le feu brûle tout, et ce que le feu ne peut brûler, les flammes de Sasuke s'en chargeront
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28-10-2012, 10:59 AM
(This post was last modified: 29-10-2012, 11:19 AM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE Résumé : Sasuke est sur le départ pour la capitale, Otosan Uchi, où il doit retrouver le Bouffon. Le shugenja a chargé pendant ce temps Yatsume d'écouter les rumeurs de la Cité du Levant, pour savoir ce qu'on pense de Mitsurugi. Enfin, ce dernier est en mission diplomatique chez le maître du clan du Lion, pour obtenir un soutien militaire face à l'armée du Gozoku qui vient reprendre la Cité des Apparences... Yatsume écuma les petits bistrots de la Cité. Elle était à la recherche d'éléments séditieux, qui auraient pu fomenter une révolte ou donner des renseignements au Gozoku. La Cité du Levant était en première ligne par rapport à l'armée qui approchait. Elle subirait le premier choc, avant que la déferlante n'arrive sur la Cité des Apparences. Notre rônin tournait en rond dans la Cité depuis deux jours. Elle avait surtout appris les malheurs des ivrognes et les racontars de bonnes femmes. Sasuke ne se satisferait pas de ce genre d'informations. Elle sentait qu'elle perdait son temps à cette tâche ingrate, alors qu'elle avait des choses bien plus hautes à accomplir ! Un projet sublime, même ! Arracher la belle Ikue à sa famille, la rendre à Mitsurugi ! Lui faire cette divine surprise ! Si elle y parvenait, est-ce que cela ne la rachèterait pas complètement ? Elle avait appris l'art et la manière de s'infiltrer en territoire ennemi, de se glisser dans une maison inconnue, d'enlever des gens... Tout cela, elle le maîtrisait parfaitement. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? Ce n'était pas ces pompeux imbéciles de Grues qui verraient venir quoi que ce soit ?... Nul ne pouvait imaginer qu'on tente un enlèvement si audacieux... Yatsume tapa dans un caillou, fatiguée, lasse... Elle n'obtenait pas d'informations. A croire qu'il n'y avait pas le moindre petit conspirateur dans cette ville. Tout était si provincial ici. Les gens pensaient à leurs petites vies. Ils ne se mêlaient que de querelles de quartiers. Pas d'affaires politiques, pas de complots, pas de rivalités sanglantes. Le sujet d'inquiétude principal était l'augmentation du prix du poisson à cause des débordements de la rivière, qui avaient ralenti l'approvisionnement en cabillaud... Yatsume regarda son caillou rouler. Elle eut envie de tout envoyer promener ! Sasuke attendrait, s'il voulait des informations sur des révoltes citadines ! Il pourrait attendre longtemps que ces ploucs se décident à secouer l'ordre établi ! Non, elle sentait l'appel de l'honneur ; elle entendait presque les cris de détresse d'Ikue, prisonnière de quelque donjon lugubre, martyrisée par sa famille... C'est à cette pure et douce personne qu'elle devait songer... Il lui fallait découvrir où elle était séquestrée. Pour cela, suivre les conseils de la cour des miracles, aller à Otosan Uchi où séjournait en ce moment le Bouffon, et de là, monter une expédition, avec quelques hommes de confiance, pour délivrer la belle ! Elle en conclut donc, logiquement, que pour mener à bien sa noble quête, elle devait commencer par se faire fabriquer un faux-ordre de mission la requérant dans la capitale ! Elle savait qui pourrait l'aider : Hou le chauve, un orfèvre en la matière, qui fabriquait de faux papiers à la perfection. Tout le monde faisait appel à lui pour voyager entre les terres des clans Lions, Phénix et Grues, dont les frontières étaient proches de la Cité. - Salut, Hou le chauve ! dit Yatsume, en pénétrant dans l'établis où travaillait cet artisan aux doigts de fées. - Qui es-tu, toi ? C'était un gros bonhomme, adipeux, qui passait ses journées habillé seulement d'un pantalon déchiré. Il était officiellement tanneur, mais qui avait commencé dans la fabrication de documents pour satisfaire son amour immodéré de la nourriture. - Je fais appel à un artiste comme toi pour une noble cause. Il soupira, mangea quelques bouchées de son bol de riz et gueula sur sa servante pour qu'elle lui fasse réchauffer. - Bon, je t'écoute. - J'ai besoin d'un faux ordre de mission. Signé de la main du bras droit du gouverneur. Hou siffla : - Il va t'en coûter une fortune, ma mignonne. - Si tu acceptes, je te payerai de quoi vider toutes les auberges de la ville. Le plus beau, c'est qu'elle allait payer avec l'argent de Sasuke !... C'était drôlement futé. - Il va me falloir du temps... Yatsume déposa de belles pièces sur la table. - Avec ceci ? - Ah, c'est différent. Je vais accélérer la cadence. Hou fit disparaître les pièces dans un tiroir. Il promit de faire vite. Comme Yatsume sortait, il gueulait de plus belle qu'on lui amène une soupe. Il allait travailler toute la nuit ! ![]() Le général Kokatsu attendit trois jours le retour de Mitsurugi. Quand il fut annoncé, il fut introduit immédiatement devant l'état-major de la Cité. - Parle, fidèle diplomate. - Général, sur ta demande, j'ai rencontré Matsu Torajo, le maître de notre famille. Je lui ai fait part de l'arrivée prochaine d'une vaste armée du Gozoku. Je lui ai parlé de plus de la construction de la Cité de Bakufu. Tu ne peux t'imaginer l'indignation que cette nouvelle a soulevée. Notre maître a bondi de fureur hors de son trône et a dit que cet affront devrait se laver dans le sang. "L'orgueil de ces usurpateurs les mène à vouloir égaler le divin Fils du Ciel", tels ont été ces mots. Il a compris que le danger était plus grand que nous ne pouvions le concevoir. Il accepte donc d'envoyer des renforts exceptionnels. Il nous demande en échange une victoire éclatante contre l'armée du triumvirat. - Magnifique ! Il ne pouvait en aller autrement. Maintenant que ces conspirateurs tombent le masque et affichent à la vue de tous leurs ambitions criminelles, c'est à nous les Lions de montrer qui nous sommes : le bras droit de l'Empereur. A un contre trois, nous allons nous battre et remporter une victoire qui pétrifiera de terreur nos ennemis pendant un siècle !... Je suis satisfait de voir que ton éloquence, Mitsurugi-san, a permis d'exprimer la vérité. - Je ne mérite pas de tels compliments, général. N'importe qui aurait su, aussi bien que moi, exprimer avec sincérité le péril qui menace notre Empire. Lorsque l'on parle au nom de la justice, les mots viennent seuls, aussi aisément que la fureur et le courage courent dans les veines de celui qui se bat pour l'Empereur. - Bien. Que tout le monde se prépare à la bataille titanesque qui nous attend ! Notre daimyo en personne nous soutient et le divin Fils du Ciel lui-même attend notre victoire ! - Nous allons nous entraîner jours et nuits au combat, dirent les capitaines. Lorsque les officiers furent sortis, Kokatsu garda Mitsurugi avec lui : - J'ai encore une mission à te confier. Nous ne savons ce qui se passe à la Cité des Mensonges. Or, je crains le pire quant à cette négociation entre les trois prétendants. Les Scorpions les tiennent entre leurs pinces. A défaut de convaincre les Akodo de revenir régler leur différend chez nous, je dois savoir où en sont les négociations. Arrange-toi pour en apprendre plus. - Entendu, général. Je vais dépêcher un homme de confiance dans la capitale Scorpion. - Il faut que la famille Kitsu sache quel affrontement se prépare. Qu'ils accélèrent les négociations, pour que nous ayons un nouveau daimyo avant que le Gozoku ne soit au pied de nos murs. Sans chef de clan pour mener nos armées, nous perdrons la face. - Mon homme va partir sur l'heure. Mitsurugi se pressa de rentrer à ses appartements, prit un scribe et lui fit rédiger un ordre de mission. Il convoqua Hida Yasashiro et lui expliqua ce qu'il devait faire. - Avec ce sceau à mon nom, tu entreras dans la salle où les prétendants discutent. Tu écouteras et tu me rapporteras ce qui se dit. Tu rencontreras le chef de la famille Kitsu, tu lui diras que nous les Matsu allons défendre seuls notre clan et que la présence de la noble famille Akodo est indispensable à nos côtés. Fais vite : prends une monture rapide pour franchir les montagnes et, sur place, ouvre grand les oreilles. - Tu peux compter sur moi. - Tu passeras par la Cité du Levant. Normalement, Yatsume doit s'y trouver. Dis-lui de venir avec toi, elle t'aidera pour te repérer dans la Cité des Mensonges. En cas de besoin, elle pourra couvrir tes arrières. - J'y vais de ce pas. Et c'est ainsi que, au moment où elle obtenait son faux ordre de mission des mains de Hou le Chauve, Yatsume fut réquisitionnée sur le champ pour retourner dans la maudite capitale des Scorpions ! Tout son plan était à l'eau, elle n'aurait plus qu'à recommencer là-bas ! Elle qui était de si bonne volonté, qui ne demandait qu'à aider une faible femme face à la cruauté des hommes ! Pour leur montrer que les femmes ne se laissent pas faire, qu'elles sont aussi courageuses et féroces que les hommes ! Ni geisha, ni soumise ! ![]() Sasuke et Yojiro passèrent au large de la Cité stratégique ouest, où claquaient les couleurs du Gozoku. - Je t'aurais bien envoyé y voir leurs effectifs, Yojiro, mais j'ai peur qu'ils t'enrôlent de force. - Cette Cité grouille comme une fourmilière, c'est sûr. - Nous allons avancer. Je prendrai une chambre dans une auberge et toi, tu iras me trouver deux personnes : d'abord le Bouffon, que tu rencontreras dans les bas-quartiers. Ensuite, tu changeras d'habits pour te présenter à l'entrée de la Cité Interdite et tu transmettras cette missive pour Hanteï Tokan. Quand il verra mon sceau, il ne tarderas pas pour venir me retrouver. - Je ne sais pas lequel des deux sera le plus dur à faire venir. - Aucun des deux ne peut me refuser un service, même si j'arrive sans prévenir. C'est cela d'avoir le bras long : pouvoir rencontrer aussi bien le bouffon impérial que le cousin de l'Empereur ! Yojiro revint le lendemain. Il était en sueurs. - Il fait de plus en plus chaud et en ville, c'est la fournaise ! Il y a des patrouilles à chaque coin de rue, j'ai dû montrer mon laissez-passer je ne sais plus combien de fois. - Alors, as-tu remis la missive à la Cité interdite ? - Plutôt au premier des trois murs d'enceinte qui la protègent !... Je dois dire que j'ai été bien reçu. On m'a permis de me promener dans un jardin, pendant que ma missive circulait. J'ai attendu une bonne partie de la journée. On m'a remis avant le coucher du soleil ce parchemin. Il était frappé du sceau impérial. - Ils me regardaient de travers quand je suis arrivé, mais quand ils m'ont remis ce message, ils étaient presque respectueux envers moi. - Tu connais beaucoup de rônins à qui on remet une réponse du cousin de l'Empereur ? répondit Sasuke, comme il déroulait le parchemin. Il le lut en diagonale. - Bon, c'est bien, il m'invite à le rencontrer. Une maison de thé qui donne sur la baie, Le poisson aux oeufs d'or. Toi, Yojiro, tu vas me trouver le Bouffon pendant ce temps. Nous nous retrouvons ici, demain soir au plus tard. - Ce sera fait. En recevant le messager de Sasuke, Hanteï Tokan se dit que c'était les dieux qui lui envoyaient de l'aide. Il se fit excuser pour sa partie de go hebdomadaire avec l'ambassadeur Scorpion et sortit discrètement de la Cité Interdite. Discrètement, c'est-à-dire seulement dans un palanquin pas trop décoré et une garde de cinq hommes. Pas une sortie en grande pompe ! Il avait fait réserver le deuxième étage de la maison de thé au dernier moment, si bien que le patron fut obligé d'inventer des excuses abracadabrantes pour ne pas recevoir un dignitaire Doji qui venait avec sa famille. Tokan s'installa avec ses gardes du corps, en ayant croisé rapidement le Doji qu'il faisait éconduire. Il demanda ensuite au patron de surveiller l'arrivée d'un shugenja de la famille Matsu, d'aller à sa rencontre avec la plus grande politesse et de le faire entrer dans la maison par la petite porte. Aussitôt, le patron mit ses serveurs les plus finauds sur le coup. Ceux-ci quadrillèrent le quartier. Ils n'eurent pas trop de mal à repérer un inconnu, car la capitale est somme toute un petit monde, où n'évoluent que des habitués. Sasuke avait une allure provinciale, qui se repérait à mille petits signes qui sautent aux yeux des résidents d'Otosan-Uchi. - Monseigneur, si vous voulez me suivre, dit un serviteur, courbé en deux. Votre hôte vous attend. Cela ne gêna pas Sasuke qu'on le fasse entrer dans l'établissement comme un conspirateur. Il ne venait pas pour parler origami... - Asseyez-vous, Sasuke... Le shugenja avait remarqué qu'ils étaient seuls à l'étage ; des panneaux supplémentaires avaient été aménagés et les gardes du corps étaient sur le passage pour les serveurs. - J'ai pris un luxe de précautions pour vous rencontrer, dit Tokan. Ce qui signifiait que seule une moitié de la ville devait être au courant que le cousin de l'Empereur était hors de la Cité interdite. Ce n'était pas grave, Sasuke n'avait jamais eu peur de se montrer. - Le shinsen-gumi va lancer ses chiens de guerre contre nous, dit le shugenja. C'est le Gozoku en entier qui monte une armée. Nous ne parlons plus des rituelles guerres de printemps entre Lions et Grues, nous parlons d'une attaque en règle destinée à soumettre les Matsu. - Je le sais bien. Le capitaine Otomo Jukeï prend de plus en plus d'importance au sein du shinsen-gumi ; il a convaincu ses supérieurs de monter cette meute d'enragés. Ceci contre toutes les règles de l'honneur, mais qui s'encombre encore de ce genre de scrupules ? Ces faux samuraï n'ont plus aucune vergogne. Ils disent que nos règles de vie sont archaïques, que l'époque a changé... Ils vouent un culte de façade aux Ancêtres mais en réalité, ils méprisent nos traditions. Le Champion d'Emeraude fait de plus en plus de la figuration. Le titre lui-même commence à ressembler à un poste honorifique... Ceux du shinsen-gumi ne parlent que de reconstruire un ordre nouveau. D'où leur idée de bâtir une ville, près de chez les Scorpions, un défi cinglant lancé à l'Empereur -un de plus !... Je ne me suis jamais considéré comme le plus traditionaliste des hommes mais leur rage à vouloir oublier le passé me consterne. - Je suis content de vous l'entendre dire. - Ecoutez, il n'y a qu'à vous que l'on peut dire ce genre de choses, Sasuke, mais sachez que l'Empereur est de plus en plus isolé. Il faut également admettre que la tentative d'assassinat lors de la cour d'hiver l'a quelque peu incité à la méfiance. - On le serait à moins, dit Sasuke en baissant les yeux. Le tueur était quelqu'un de déterminé. - A ce sujet, vous m'avez dit de me méfier du maître du Vide... - Je le maintiens, Tokan-sama. - Vous pensez que c'est lui qui ?... - Pas lui seul. Il y a encore peu, je pensais que c'est lui qui menait un complot contre le trône d’Émeraude. Aujourd'hui, je ne suis plus si sûr qu'il soit la tête. - Nous vivons une époque agitée. - Elle ne va pas se calmer de si tôt. - Je vous ai préparé une lettre pour Matsu Kokatsu. Je l'assure de mon soutien. - Je vous remercie pour lui. Sasuke prononça alors une phrase anodine, sans arrières-pensées, qui fut comme le déclenchement d'une chaîne d'évènements qui aboutirent quelques semaines plus tard à un épisode les plus violents, et les plus censurés par la suite, de l'histoire du Gozoku, dans lequel l'honneur entier du clan des Lions fut mis en doute -une simple petite phrase, semblable à ce coup d'aile de papillon au-dessus de montagnes barbares qui, dit-on, finit par déclencher une tempête sur le grand océan. Sasuke demanda simplement : - Est-ce que vous désirez rencontrer le général ? - Moi, dit Tokan, je ne peux pas l'inviter à la Cité Interdite... Tokan regretta-t-il par la suite d'être resté évasif ? Sur le moment, Sasuke n'y prêta pas garde. - Je vais repartir à la Cité des Apparences et remettre votre mot au général. - Je n'ai hélas que des paroles d'encouragement à lui prodiguer. Nous comptons sur vous pour tenir bon face à la coalition tripartite. Sasuke ne s'attarda pas. On le fit ressortir par la même porte à l'arrière. Tokan pour sa part, attendit une partie de l'après-midi avant de repartir. ![]()
13-03-2013, 03:51 PM
(This post was last modified: 13-03-2013, 04:52 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE Porteur de l'ordre de mission de Mitsurugi, Yasashiro passa à la Cité du Levant. Il y retrouva Yatsume et lui dit qu'elle devait partir avec lui. La rônin fit sa mauvaise tête tout le voyage. Moins parce qu'il était mortellement dangereux pour elle de retourner à la Cité des Mensonges (elle se disait qu'elle s'en sortirait toujours) que parce qu'elle était fâchée de ne pas partir immédiatement délivrer Ikue. A l'approche des grands murs verts de la capitale des Scorpions, elle avait retrouvé un peu de bonne humeur. Contre cette mauvaise fortune, elle avait trouvé une ruse : se refaire des faux papiers dans la Cité (ce serait bien plus facile qu'à la Cité du Levant !), et, pourquoi pas, enrôler Yasashiro dans son expédition chez les Grues ! Pour un peu, elle aurait remercié les dieux de lui avoir imposé ce contretemps. Elle ne dit rien sur le moment et fit tout pour se montrer docile : - Je vais t'aider à te repérer dans cette Cité, la plus dangereuse de l'Empire ! - J'y suis déjà passé, dit Yasashiro, mais c'est vrai qu'on s'y perd facilement. - Ne crains rien, je la connais comme ma poche. D'autant mieux que lorsqu'elle y venait, c'était en cachette et que, lorsqu'elle en sortait, c'était avec toute une soldatesque aux trousses ! Ils traversèrent la baie de l'honneur noyé et le quartier des marchands. - Je vais te laisser là, dit Yatsume, le front bas, nous approchons des quartiers nobles. - Je te remercie pour ton aide. - A bientôt... Elle disparut dans les ruelles et se rendit auprès d'une bande de yakuzas qu'elle connaissait bien et qui ne pourraient pas refuser de l'héberger. Évidemment, ils étaient aussi heureux de la voir arriver que le collecteur d'impôts, mais ils se laissèrent amadouer par les grosses pièces que Yatsume mit sur la table. Elle se payait le séjour en pension complète, le temps que Yasashiro revienne de sa mission diplomatique. - Et pour commencer, se dit-elle, allons nous refaire fabriquer un ordre de mission... Yasashiro présenta son ordre de mission à l'entrée du palais des Lions. - Va, entre... J'espère que tu portes de bonnes nouvelles, lui dit l'officier. - Je n'ai pas lu le message que je porte. - Oui, c'est mieux. Le Crabe fut reçu en fin de journée par le daimyo Kitsu, le maître des shugenjas du clan des Lions. C'était un vieillard sans doute très respectable, très érudit, mais il était évident qu'il n'était pas fait pour commander le plus puissant clan de l'Empire. Lui-même devait regretter d'avoir été tiré de ses parchemins pour entrer dans le monde impitoyable des négociations diplomatiques. Cela, Yasashiro le sentit confusément lorsqu'il tendit des deux mains son parchemin au vieillard. Celui-ci le prit comme s'il s'agissait d'un quelconque traité à déchiffrer et pas d'un courrier signé du plus prestigieux général du clan. - Je suis content de recevoir ce message du général Kokatsu. Les propos d'un homme de son envergure sont toujours précieux. Ce que Yasashiro ignorait, c'est que Kokatsu, en termes diplomatiques choisis -choisis par Mitsurugi en l'occurrence ! -suppliait la famille Kitsu de quitter sur-le-champ la Cité des Mensonges ! Mitsurugi avait inventé une légende sur un sage et vieux Lion, si bon, si généreux envers les hommes que le jour où il tombe dans un nid de vipères, il veut discuter avec elles au lieu de s'enfuir -ou de les tuer ! Le vieux Kitsu lut et ne manifesta aucune émotion apparente. - Le général Kokatsu est toujours un homme avisé. - Il attend une réponse de ta part, seigneur, dit Yasashiro. - Ah oui, bien, bien... Il y avait peut-être un espoir d'accélérer le départ des Kitsu, et de régler le problème de la succession du clan ailleurs que chez les Scorpions. Hélas, la porte s'ouvrit en grand, et, dans un grand courant d'air, le gouverneur de la Cité, Bayushi Tangen deuxième du nom, fit une entrée théâtrale, entouré de quatre gardes du corps qui allèrent se disposer dans les coins de la pièce. - Mes salutations les plus respectueuses, dit-il avec de grands effets de manche. Il ne prenait même pas la peine de se faire annoncer, alors qu'il entrait dans une ambassade d'un autre clan. Il était vraiment comme à la maison partout dans sa Cité ! Il avait mis son plus beau masque, le plus écarlate et le plus effrayant et un kimono dont les motifs projetaient des éclats agressifs. - Je venais vous inviter ce soir sur l'île de la Larme pour un grand dîner avec tous les prétendants ! - C'est ce que ce soir... Il y eut bien un conseiller, un peu moins pleutre, qui essaya de dire que le maître Kitsu allait rédiger un courrier et que la venue de Bayushi Tangen était inopportune, mais le maître des Secrets ne l'écouta même pas. La vérité est que tout le monde était paralysé de peur face à lui ; sa grande taille, sa stature imposante, sa voix de stentor, tout cela était bien fait pour stupéfier l'assistance. Tandis que Yasashiro découvrait les dessous peu reluisants de la diplomatie, Yatsume se faisait accompagner chez le meilleur faussaire de la ville, Hun l'édenté. - Il t'en coûtera cher pour un tel papier, ma chérie ! - Dis toujours ton prix. - Deux kokus. - Quoi ! C'est du vol ! A la Cité du Levant, Hou le chauve en demandait la moitié. - Hou n'est qu'un manchot à côté de moi. Paye d'avance la moitié ou va-t'en ! - Tiens, voilà ton argent ! - Des pièces du clan du Lion ? Pour qui me prends-tu ! Je veux de la monnaie à l'effigie de la famille Bayushi ! - Mais au taux de change, je vais perdre un tiers de mon argent ! - Ce n'est pas mon problème ! Je veux de l'argent d'ici ! Pourquoi pas des pièces de chez les Dragons tant qu'on y est ! - Tu es une crapule. - Tu en es une autre, ma fille, sinon tu ne serais pas ici. - Oublie-moi, je reprends mon argent, je n'ai pas assez pour tes services. - Dommage, je t'aimais bien. - C'est ça, cause toujours... - Je peux consentir un rabais. - Ah oui ? Et en échange de quoi ? - Un service. - Ne compte pas mettre les mains sur moi. - Il ne s'agit pas de cela. - Alors dis ce que tu veux. Nous ne sommes pas à la cour impériale, pas besoin de simagrée. - Si tu veux ton ordre de mission pour te rendre dans les terres Grues, je veux en échange la tête d'un homme. - Pardon ? - Tu veux des paroles directes, tu en as eu. - Quel homme ? Tout dépend de qui il s'agit ! - Est-ce que je te demande ce que tu feras de cet ordre de mission ? Yatsume se serait sentie ridicule de dire qu'elle allait tirer une belle jeune femme des griffes de sa famille. - Non, soupira notre ronin. - A la bonne heure. Rassure-toi, je ne te demande pas la tête d'un dirigeant Bayushi. Juste d'un imbécile qui vit à quelques rues d'ici. Un marchand. - D'accord. J'irai cette nuit. - Prends ton temps, je ne bougerai pas mon échoppe. J'ai attendu longtemps, donc maintenant, je peux patienter encore un peu. - Moi je suis pressée, dit Yatsume, amère. Elle sortit. Il lui revint à l'esprit les cours de morale professés dans son dojo : - Peut-on attendre une fin bonne par des moyens immoraux ?... La plupart des clans diraient, sans hésiter : non. Nous, nous disons : tout dépend si tu le fais pour le clan. Yatsume se demandait si ces sages conseils étaient applicables en l'état. Elle ne voulait pas trop y penser, elle voulait garder les yeux fixés sur le bonheur qu'elle ferait à Mitsurugi et Ikue. Le reste disparaîtrait bien vite dans les limbes du souvenir. Qui se soucierait de Hun l'édenté, Hou le chauve, Han l'éclopé ou Hin le borgne ?... Personne ! Yatsume se reposa toute la fin d'après-midi. A la nuit tombée, elle revêtit une combinaison intégralement noire, se couvrit le visage jusqu'aux yeux et mit un sabre dans son dos, des poignards à sa ceinture, puis partit en courant sur ses semelles de crêpe. Cela aussi, elle l'avait appris, d'abord à l'école, mais surtout dans la vie ! Il en fallait du courage pour faire ce que je fais, se dit-elle, et personne ne le reconnaîtra ! Humble servante, vouée à se salir les mains pour le bonheur des autres, elle expiait ses fautes passées ! Le marchand habitait à l'étage au-dessus de sa boutique. Yatsume monta sur un tonneau et atteignit le toit en face. Il n'y avait presque pas de lune. Elle monta, prit son élan et bondit, comme une panthère, sur le toit du marchand. Elle fit craquer les poutres. Comme du monde passait dans la rue, elle se plaqua sur le ventre et ne remua plus un cil. Quand la rue fut déserte, elle descendit sur la terrasse de l'étage, se mit à genoux et sortit une lame. Elle glissa sa lame derrière le panneau qui ouvrait sur la chambre réussissant à faire coulisser la plaque en silence. Elle l'ouvrit juste de quelques pouces, jeta un oeil à l'intérieur, puis tira doucement son sabre. L'arme bien en main, elle ouvrit en grand le panneau et se précipita à l'intérieur. Un bref cri, étouffé, un geyser de sang et ce fut tout. Éclaboussée du sang de sa victime, elle referma le panneau. Elle mit la tête du marchand dans le sac. Avec sa lame bien effilée, elle avait sauté toute seule ! Yatsume descendit dans la rue, haletante et courut chez le faussaire. A cette heure avancée, il ne dormait toujours pas : - Les travailleurs nocturnes sont les plus efficaces, dit-il. Yatsume, qui étouffait, retirait les bandes qui lui cachaient le visage. L'édenté ouvrit le sac, contempla avec satisfaction la tête encore fraîche et ensanglantée. - Vieux salopard, c'est moi qui ai fini par t'avoir. Il referma le sac et ordonna à Yatsume de l'en débarrasser. - Va la jeter dans le fleuve. Très loin d'ici en tous les cas ! Et laisse-moi un peu de temps. C'est de l’orfèvrerie ce que tu me demandes ! Yatsume alla jeter le sac à plusieurs rues de là. Elle finit la nuit à se saouler dans un tripot presque désert, où des prostituées fumaient au comptoir. ![]() Yasashiro resta trois jours à la Cité des Mensonges pour attendre la réponse du daimyo Kitsu. Patiemment, il observa les débats. On l'avait autorisé à rester, car il était un messager officiel et, ma foi, qui se soucie vraiment d'un Crabe ? Ce qu'il vit le dégoûta de la politique et lui montra l'ampleur de la corruption qui régnait chez les Scorpions. Bayushi Tangen n'était à l'évidence là que pour envenimer la discussion entre les trois prétendants. Cela crevait les yeux à tous, sauf à la famille Kitsu manifestement, qui espérait encore une issue pacifique... C'était désespérant. Les Scorpions devaient boire du petit lait. Ou bien se lasser d'avoir affaire à des adversaires si vulnérables. Le scorpion tenait le lion entre ses pinces et le faisait sauter de l'une à l'autre, comme ça, pour le plaisir. Il aurait été dommage de l'achever immédiatement. On se souvint de Yasashiro le quatrième jour après son arrivée. Les Kitsu étaient fatigués de ces débats interminables. Le chef de famille se refusait à prendre une décision, ce qui le rendait de plus en plus odieux aux membres de la famille Akodo. Et les Scorpions pouvaient ricaner dans leur coin ! On pouvait dire que, pour chaque jour qui passait, c'était peut-être derrière des mois en plus de discordes à prévoir dans le clan du Lion pour oublier les paroles impitoyables échangées entre les prétendants. Yasashiro entendit même deux Scorpions se dire, en se cachant à peine : - Encore un peu et le clan du Lion éclatera en trois... C'était proprement ahurissant. Et sa parole à lui n'avait bien sûr aucun poids ! Qui allait écouter un messager Crabe ! Le daimyo Kitsu le convoqua. Il était encore plus fatigué. Il parlait d'une voix douce, aimable, mais on sentait qu'il avait très envie de dormir. Or, les Scorpions s'arrangeaient pour le solliciter en permanence. - N'allons pas non plus le crever trop vite, ricanaient les Bayushi. Les Scorpions avaient formidablement réussi leurs manoeuvres d'intimidation contre ceux qui osaient suggérer que, peut-être, il faudrait départager les trois prétendants en organisant une bataille réglée, ou simplement un duel. Ceux-là recevaient des menaces plus ou moins directes et cessaient rapidement de donner leur avis. - Tiens, cher messager, voici ma réponse pour le général Kokatsu. Remercie-le encore de ma part de sa gentille attention. - Je n'y manquerai pas, répondit machinalement Yasashiro. Il était content de sortir de l'atmosphère irrespirable du palais ! Il retrouva Yatsume dans le quartier des marchands : - Ah, Yasashiro ! Heureusement que je te trouve maintenant ! Figure-toi que je ne peux rentrer avec toi ! Mitsurugi m'envoie à la capitale ! - Ah, entendu, dit le Crabe. Tu sais pour quelle raison ! - Oh, je pense que c'est secret ! Je pourrais te le dire, mais je me ferais encore gronder ! Tu sais comment ça va ! - Oui, tu as raison. Ne m'en dis pas plus. - Très bien, à bientôt Yasashiro ! Bon retour chez nous ! Yatsume s'en alla avant de devoir répondre à plus de questions. Dès son arrivée à Otosan Uchi, elle retrouverait le bouffon. Il ne pourrait pas lui refuser l'aide de quelques-uns de ses malandrins pour monter une expédition chez les Grues ! ![]() Après sa rencontre avec Hanteï Tokan, Sasuke était revenu dans son auberge. Il avait alors envoyé Yojiro lui chercher le Bouffon. Le rônin n'eut pas de mal à entrer dans la cour des miracles et à se faire introduire devant son Empereur, vautré au milieu de ses amis. - Quoi ? Qui me dérange encore ?... Le gros Yoriku lut le message du shugenja : - Décidément, on ne peut jamais être tranquille ! Allons, debout là-dedans ! Que les moins malpropres d'entre vous se lèvent, mettent leurs plus beaux habits et m'accompagnent ! Nous partons voir un hôte de marque ! - Où ça, ô suprême guide ? - En banlieue ! - En banlieue, quelle horreur ! - Cela nous changera d'air ! Allez, en route, mauvaise troupe ! Yojiro amena Yoriku et ses hommes à l'endroit où Sasuke attendait : l'auberge d'un petit village entre la capitale et la cité stratégique ouest. - C'est très charmant ici ! J'ai vu qu'il y a une belle rivière mes enfants ! Allez donc batifoler par là-bas ! Et si d'aventure, vous rencontrez quelque bergère folâtre, faites-lui découvrir vos prouesse viriles ! Allons, ouste, du balai ! La clique de gueux partit s'ébattre dans la campagne. - Je me demande bien ce qu'il me veut, le père Sasuke. Pour qu'il se déplace lui-même, ce doit être important. Yojiro ne dit rien du tout, alors même que Yoriku faisait tout pour lui tirer les vers du nez. - Entre, je t'attendais, dit Sasuke, qui attendait, seul dans la grande auberge qu'il avait réservée. - L'ambiance est froide par ici, dit le Bouffon en s'asseyant de tout son poids. - Peut-être, mais nous serons bien pour parler. On disposa des panneaux autour d'eux et Yojiro alla se poster à l'entrée, en féroce chien de garde. Sur le chemin du retour, Yasashiro rencontra une forte troupe de Lions, qui cernait un grand palanquin. Le drapeau qu'il arborait ne laissait pas de doute : c'était la garde rapprochée d'un des trois prétendants Akodo. Yasashiro montra ses ordres de mission et fut autorisé à se joindre à la troupe. - Notre maître, expliqua un officier à notre messager, est furieux de voir le clan à la merci des Scorpions. Il se rend donc chez le daimyo du clan du Lion pour le mettre au courant. - J'ai moi aussi un message à porter, au général Kokatsu. - Il serait bon que ton maître nous reçoive à mon avis. Notre maitre a besoin de tous les soutiens possibles. - Je ne peux pas parler pour le général. - Non, mais tu peux transmettre notre demande d'être reçus dans les murs de la Cité des Apparences. - Bien sûr. Yasashiro partit rapidement sur le chemin, traversa les montagnes au plus court et arriva en vue de la grande cité du général. Il fut convoqué aussitôt chez Mitsurugi. - Quelles nouvelles, Yasashiro ? - Il y en a beaucoup. - Alors expose-les brièvement. Le Crabe dit ce qu'il avait appris. - Oui, c'est inquiétant. C'est même tout à fait affolant, dit Mitsurugi, songeur. Viens, nous allons voir le général. Yasashiro put transmettre la demande du prétendant. - Je le recevrai, dit le général, méfiant. - En voilà au moins un qui ne se laisse pas faire, dit Mitsurugi. - Ce n'est pas celui des trois que je préfère... Akodo Gencho est le plus jeune des trois, il n'a jamais connu la guerre. Mais enfin, soit ! - Il ne peut que nous aider face à la coalition qui va marcher sur nous, dit Mitsurugi. - Oui, le vent de terre qui vient de l'est est mauvais, grogna Kokatsu. - Comment allons-nous faire face à une armée de Phénix, de Grues et de Scorpions si nous n'avons pas le soutien des Matsu ? - C'est juste, c'est juste, je le recevrai. Akodo Gencho arriva trois jours après. Matsu Kokatsu le reçut au plus vite. - Je te remercie pour ton hospitalité, général ! Elle me change de celle des Scorpions ! - Nous n'avons pas autant de luxe, mais nous sommes sincères, dit Kokatsu. - Et c'est en connaissant ta droiture et ta bravoure que je m'adresse à toi ! J'ai des projets pour ce clan, des projets plus nobles que les manigances de couloir qui se trament à la Cité des Mensonges ! Kokatsu écoutait, bras croisés. - Général, je te demande, au nom de l'unité de notre clan, ton aide. Je sais que tu as combattu dans tes jeunes années avec mon père. Aujourd'hui, je me présente à toi. Chacun sait que la bravoure du père ne préjuge pas de celle du fils, car on a vu plus d'un grand capitaine d'armée engendrer un couard, hélas. Moi, tu ne m'as jamais vu sur un champ de bataille, car je n'en ai jamais vu un. Mais je suis impatient d'en découdre face à nos ennemis. Et aujourd'hui, j'ai remporté une première victoire en quittant le palais de mensonges de Bayushi Tangen. Je ne peux t'apporter d'autres preuves de ma détermination. En revanche, je te demande ton soutien et moi, en échange, je ferai de toi mon bras droit. - Allons, tes prétentions sont exorbitantes ! Surtout en ce qui me concerne ! Tu sais ce que cela implique que je sois ton second ! - Général, si tu diriges la bataille contre le Gozoku coalisé, que tu remportes la victoire, qui pourra te contester le titre de chef de la famille Matsu ! Ton vénérable maître actuel n'attend qu'une chose, pouvoir se raser la tête et se retirer pour penser à sa prochaine vie. Qui mieux que toi pourrait lui succéder ? Il ne te manque qu'un exploit pour fédérer toute ta famille, et moi pour fédérer tout le clan. Kokatsu fit un signe de tête à Mitsurugi : celui-ci hocha la tête et dit qu'il avait compris. Il sortit de la salle et fit préparer ses affaires : il allait de nouveau plaider la cause du général auprès du chef de la famille Matsu. Pendant qu'on préparait les bagages, Mitsurugi eut le temps de s'entretenir avec Yasashiro : - J'ai juste aperçu Yatsume en partant, dit le Crabe. Elle était dans tous ses états de partir. - Où est-elle au fait ? Elle n'est pas avec toi. - Mais, enfin, non... Elle est à la capitale. - A la capitale ? Qui lui a ordonné ? - Mais toi, Mitsurugi. Elle a reçu ton ordre de... - Mon ordre ! Mais je n'ai jamais !... Les deux hommes se fixèrent en silence. - Encore un coup des Scorpions ça ! Mitsurugi avait tapé sur la table. - Pourquoi maintenant veulent-ils l'envoyer à Otosan Uchi ? - Peut-être pour l'éloigner de la Cité des Mensonges, dit Yasashiro. - Nous ne sommes pas dans la tête de ces manipulateurs de Scorpions et, en un sens, tant mieux ! En attendant, nous ne savons pas ce qu'ils manigancent. Ils ne veulent sûrement plus de témoins extérieurs. - En plus, dit Yasashiro, il se murmure que les négociations pourraient continuer à Bakufu... - A Bakufu !... Ils ne connaissent plus aucune limite ! Maintenant que Tangen n'a plus que deux prétendants entre les pinces, il va les emmener directement dans leur fausse capitale ! La situation est encore plus grave alors ! - Veux-tu que j'aille à Otosan Uchi ? - Non, Yasashiro. J'ai besoin de toi à Bakufu pour être nos yeux et nos oreilles. On te connaît là-bas et on te fait confiance. Pars dans cette fausse ville et sois attentif. Ecris-moi tous les jours. - Entendu. - Pour ce qui est de Yatsume, il sera facile de la retrouver normalement. Yojiro est à la capitale avec Sasuke. Je vais lui écrire pour qu'il la retrouve !... Allons, je dois partir. - Je me charge de faire prévenir Yojiro. - Je veux bien, Yasashiro. Et tant que tu seras à Bakufu, observe bien les murs et les fortifications ! Si jamais un jour nous y allons... Tu m'as compris ! - Évidemment... Mitsurugi était déjà impatient de voir Sasuke invoquer tous les esprits du feu sur cette cité du Gozoku ! Il partit dans l'heure qui suivit et fut de retour deux jours après. - Parle, Mitsurugi, dit Kokatsu, qui avait fait asseoir le jeune Akodo à ses côtés. - Le grand Matsu Torajo accepte que tu prennes sa succession si tu remportes la victoire. Kokatsu et Akodo Gencho se regardèrent, complices. - Nous voici au pied du mur. En deux jours, ils étaient devenus les meilleurs copains du monde ! - Alors, dit Kokatsu, que nos armées se préparent plus qu'elles ne se sont jamais préparées ! Face à la plus formidable des armées ennemies, non seulement des ennemies mais des traîtres à la face de l'Empereur ! Pour eux, une mort rapide sera encore une fin trop belle que, généreusement, nous leur offrirons ! ![]()
23-03-2013, 06:50 PM
(This post was last modified: 24-03-2013, 06:04 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE Yatsume atteignait les abords de la Cité impériale d'Otosan Uchi a moment où de grandes manoeuvres s'y produisaient : les armées Phénix, Grue et Scorpions opéraient leur jonction à la cité stratégique nord, prêtes à fondre sur les terres des Lions. Yatsume dut passer par des chemins de traverse pour ne pas être enrôlée de force. Elle vit sans doute possible la bannière du shinsen-gumi parmi les armées de la coalition. Les chiens enragés des usurpateurs prenaient la tête de la plus formidable puissance militaire qui se soit jamais levée dans l'Empire. Yatsume approcha de la capitale et alla se renseigner dans les bouges interlopes comme il y en avait par dizaine dans tous ces mauvais faubourgs où s'entassait tous les trafiquants vivant des commerces inavouables dont avait besoin la capitale. Comme l'espérait la rônin, l'arrivée d'un shugenja Lion n'était pas passée inaperçue. - Tu dis qu'il a rencontré un dignitaire de la famille impériale, hein ? Alors c'est bien lui. Yatsume se fit faire une description du Lion et du rônin qui l'accompagnait. Il lui fut facile de trouver le village où ils résidaient, à un jet de pierre des fortifications de la cité. - Psst, Yatsume ! C'était Yojiro ! - Viens avec moi, dépêche-toi ! Yatsume le suivit sans rien dire. Ils partirent dans une ruelle déserte : - Je te cherchais, dit Yojiro. Je n'espérais pas te trouver si facilement. - C'est inespéré. - Tu es en danger, Yatsume. L'ordre que tu as reçu était un faux. - Pardon ?... - Viens, je vais t'expliquer. Ils allèrent dans une taverne. - Yasashiro a prévenu Mitsurugi de ton départ de la Cité des Mensonges. Yatsume comprit ce qui s'était passé. - Mitsurugi nous a fait prévenir, Sasuke et moi, par un message aérien. Du coup, je suis resté ici à t'attendre. - Et où est parti Sasuke ? - Il est reparti à la Cité des Apparences. Tu ne l'a pas croisé ? - Non, j'ai pris des chemins détournés. - Bon, je suis content de t'avoir retrouvée. Tu dois avoir des agents Scorpions à tes trousses. Quel était le faux ordre qu'ils t'ont envoyé ? - Attends, je t'interromps, Yojiro. Sasuke ne reviendra pas ? - Certainement non. - Qui venait-il voir, si ce n'est pas indiscret ? - Hmm, je ne sais pas s'il voudrait que je te le dise. - Allez, de toi à moi... Yojiro maugréa : - Non, cela ne te concerne pas. Il ignorait à quel point Sasuke voulait dissimuler sa rencontre avec Hanteï Tokan puis le Bouffon. Yatsume demandait par pure curiosité. La seule chose qui importait pour elle, c'était que Sasuke n'était plus là ! C'était les dieux qui voulaient qu'elle réussisse ! Avec le renfort de Yojiro, c'est comme si la belle Ikue était déjà délivrée ! - Ecoute-moi Yojiro, j'ai quelque chose à te dire... Yatsume recommanda à boire. - Je veux d'abord que tu me jures de ne rien révéler de ce que tu vas entendre, même si cela te semble déraisonnable. - Si tu as l'intention de te saouler, je ne dirai rien. - Non, je suis très sérieuse et très lucide. C'est vrai qu'elle avait déjà bien bu, mais c'était pour se donner du courage. - L'ordre n'était pas un faux, Yoj'... Enfin si, mais pas comme tu crois. Yojiro se gratta le menton. Avec Yatsume, on pouvait toujours soupçonner des genres de tours pendables inédits. Il avait l'impression que cette fois, elle s'était surpassée. - Cet ordre, dit-elle à voix basse, c'est moi qui l'ai écrit ! Yojiro écarquilla les yeux. - Parfaitement. J'avais besoin d'une excuse pour aller à la capitale et y rencontrer le Bouffon. - C'est démentiel, dit Yojiro. Tu t'es fait faire un faux ordre ! - Ce n'est pas compliqué tu sais. A la Cité des Mensonges, on rencontre des gens qui font ça à chaque coin de rue... - Et peux-tu me dire ce que tu veux dire au Bouffon. - J'ai besoin qu'il me prête une dizaine de gredins bien déterminés pour une opération secrète. - Une opération secrète. Yojiro se retint de sourire. Elle devait être complètement ivre. - Il me semble que tu as le pied marin toi, en plus. - C'est vrai que je sais piloter un navire. - D'accord, alors, écoute bien, voici mon plan. Elle se pencha. Son haleine empestait le mauvais vin : - Nous allons délivrer Ikue. - Délivrer Ikue, vraiment ?... - Toi, moi et quelques bons malandrins de la bande du Bouffon. - Tu n'es pas sérieuse, j'espère. - Très très sérieuse, Yoj'. Qui peut réussir un coup pareil à part nous ? - Personne bien sûr. - Les Grues ne s'attendent pas à un coup pareil. - Ah ça, certainement pas ! - Nous allons fondre sur eux comme des oiseaux de proie. Ravir la belle et malheureuse Ikue et repartir aussitôt. Yatsume faisait boire Yojiro qui, à vrai dire, n'était pas insensible à cette idée un peu folle mais héroïque. - Peux-tu supporter qu'à l'heure où nous parlons, notre bon maître souffre terriblement ? Et qu'Ikue est aux mains de ses rustres qui la retiennent prisonnière ! - Si Mitsurugi le voulait, il nous aurait donné l'ordre... - Non, Yojiro : il n'y a pas à attendre son ordre. Il faut le devancer. - Si on commence à aller par là... - Ce n'est pas un cas ordinaire, Yoj'. On parle d'une injustice d'une cruauté sans nom. A l'heure qu'il est, ils devraient être mariés et vivre leur idylle. Mitsurugi a conquis la belle, elle lui revient de droit. - Nous allons au-devant de gros ennuis. - Non et je vais te dire pourquoi : parce que nous n'aurons d'ennuis que si nous échouons. Or, si nous échouons, nous nous ferons couper en rondelles par les hommes du shinsen-gumi. Il ne faut pas se mentir Yojiro. Alors que si nous réussissons, Mitsurugi nous couvrira de récompenses. Il ne voudra même pas savoir comment nous nous y sommes pris, pour que ses oreilles ne soient pas souillées du récit de notre expédition hautement immorale. - Je croyais au contraire que c'était une question d'honneur. - Tu m'as comprise, Yojiro. Maintenant, la question est de savoir si tu veux te contenter d'être un anonyme rônin ou si tu veux graver ton nom dans la légende de cet Empire. - Tu n'en fais pas un peu trop là ? - Je suis plus sérieuse que je ne l'ais jamais été, Yojiro. Le rônin ne sut que dire. Yatsume lui resservit à boire et le travailla au corps une partie de la soirée ; de guerre lasse, Yojiro finit par accepter. - Merveilleux, tope-là ! Tu peux m'emmener au Bouffon ? - Facile, dit Yojiro, qui se levait en titubant. Je suis allé le chercher il y a encore deux jours... Oups, je n'aurais rien dû te dire... - Sasuke voulait voir le Bouffon ? Peu m'importe. Oublions cela. Ne pensons qu'à la belle Ikue. Les deux rônins, bras croisés sur l'épaule l'un de l'autre, partirent en titubant. Des chiens aboyaient. Le voisinage leur cria dessus, comme ils passaient dans les rues en chantant à tue-tête. Ils sortirent du village et trouvèrent une grande où dormir. Le lendemain matin, la tête lourde, la bouche pâteuse, ils partirent voir le Bouffon, qui tenait sa cour dans le quartier des miracles. Là aussi, tout était assemblé de bric et de broc : des meubles, des tapis, des pans de murs, des couverts récupérés à droite et à gauche, des carrioles et des vieux palanquins. Tout était de la récupération. Il y avait en permanence des chaudrons sur le feu. Le gros Yoriku était là, lourdement vautré sur ses coussins, content de se trouver au milieu de ses gueux. - Ah, qui voilà ! Ma bonne Yatsume ! Décidément ! - Elle aussi voulait te voir, dit Yojiro. Le Bouffon se grattait sous les bras. Il claqua des doigts pour qu'on lui apporte de la soupe et des sièges pour ses invités. - Suprême Guide Lumineux, dit Yatsume, j'ai besoin de ton aide pour une noble cause. - Une noble cause ! Tu n'as pas frappé à la bonne porte ! - Justement si. Car je veux louer les services de tes gredins. - Ah oui, mais c'est un autre genre de bonnes causes alors ! Yatsume expliqua ce qu'elle avait en tête. - Tu ne manques pas de culot ! - Ni de belles pièces pour payer les services de l'élite de tes hommes. Yojiro leva les yeux au ciel : "l'élite des hommes du Bouffon" -autant dire ceux qui avaient leurs deux yeux et leurs deux jambes ! - Tu vas au-devant de gros ennuis, ma cocotte. Mes hommes n'ont rien à perdre. Si tu as des kokus, ils te suivront en enfer. Mais toi ? - J'ai tout à gagner, Bouffon, crois-moi. Je veux racheter ma mauvaise conduite. - Ton plan est suffisamment insensé pour réussir, c'est certain. Les Doji ne pourront pas croire à une manoeuvre pareille. Mais tu n'as pas peur de deshonorer Mitsurugi en l'associant à cet enlèvement ? - Mitsurugi n'est pas au courant. On ne pourra jamais prouver qu'il était dans cette histoire. - Allons, les Grues vont l'accuser. Et quand ils verront Ikue à ses bras, ce sera comme s'il était réellement complice ! - Ikue a été enlevée traîtreusement par le shinsen-gumi ! Voler les voleurs n'est pas déraisonnable. - Tu t'arrangeras comme tu veux avec ta conscience -et avec Mitsurugi ! Ce dont tu peux être sûre, c'est que moi, je ne suis pas dans le coup -officiellement - Je te remercie, je savais que je pouvais compter sur toi. - Ne mentionne pas mon nom ! - Jamais. Je prends seule la responsabilité de cette attaque. - Bon, voyons pratiquement parlant comment délivrer ta belle... Ils en discutèrent jusqu'à la nuit tombée, pour trouver le matériel et mettre au point cet audacieux enlèvement. Yoriku envoya chercher les plus fieffés gredins qu'il connaissait. Il réunit la plus belle clique de voyous de l'est de l'Empire et confia cette troupe à Yatsume, en échange d'un paiement substantiel. - Dis-toi que tu aides nos bonnes oeuvres, ma chérie. - Je suis une bienfaitrice des pauvres, ô grand Empereur. - C'est ça. Tâche de me ramener mes hommes dans l'état où tu les trouves. - Il sera difficile de les abîmer plus. ![]() Yoriku fut content de voir partir les deux rônins. Il allait retrouver la paix. Il demanda à s'isoler pendant quelques temps. Qu'on ne le dérange plus. Il allait s'enfermer dans sa roulotte. Le soir, alors que les gueux se trouvaient un coin pour dormir à l'aise, que ne restaient plus que les derniers veilleurs assis en rond autour d'un faible feu de camp, Yoriku sortit de sa roulotte par la porte arrière, vêtu d'un gros manteau de bure noire. Par un chemin que lui seul connaissait, il se rendit en claudiquant hors de la ville, sur un chemin de campagne battu par le vent, sous un ciel effrayant tant il était noir, aux abords d'une plaine où tant de bataille avaient laissé, au cours des siècles, ossements, casques, bouts de lames et où d'aucuns prétendaient entendre encore les gémissements des perdants. Le gros Yoriku, d'habitude si lourd, alourdi par sa bosse, affaibli par sa mauvaise jambe, paraissait glisser sur le chemin plutôt qu'il n'y marchait. Enveloppé dans son lourd manteau, il se déplaçait comme un souffle. Il arriva en bordure d'une forêt. Il y avait là un puits. Il s'en approcha prudemment, en regardant par-dessus son manteau. Une lueur phosphorescente remontait vers la surface. Yoriku se recula : c'était une boule d'énergie crépitante, qui s'agrandit et prit forme humaine. - Salut à toi, dit Yoriku. La créature était l'Ize-Zumi aux yeux crépitants, le serviteur du Dragon de la Lumière. - Dis le mot, murmura la créature d'une voix caverneuse. - Tu es bien procédurier... - Dis-le mot ou je disparais à l'instant. - Le nom de ton maître est (il prit son souffle) : Kel'welk'rgna't'ok'lâ'a-r'krt'seoc'la'tk. - C'est bien. Va, je t'écoute. - Pourquoi avoir parlé à Sasuke ? Pourquoi l'avoir envoyé vers moi ? - Il n'est plus temps de dissimuler la vérité. Le shugenja est sur la voie des Arcanes. - Il n'est pas prêt pour cette épreuve. Il sera détruit avant d'avoir trouvé la dernière. - Le maître de la Lumière a estimé, Yoriku, qu'il serait prêt. - Ton maître, je suppose, n'a pas oublié que lui-même devra se sacrifier s'il veut que la cinquième arcane soit révélée ? - Mon maître n'oublie rien. Il estime que son temps en exil dans les Limbes a assez duré. - S'il sait ce qu'il fait, je ne regrette pas d'avoir parlé à Sasuke. - Tu lui as indiqué ce que tu savais ? - Oh oui, dit Yoriku. Mais s'il doit suivre mes conseils, je lui souhaite bien du plaisir... Le serviteur sauta en l'air, se changea en lueur et redescendit dans le puits. Yoriku repartit dans l'obscurité. - Ah, pauvre Sasuke... Tu ne risques pas que ton honneur, pas que ta vie, mais ton âme ! Puisses-tu, au moment suprême, ne pas oublier la Lumière ! Sasuke, informé par le Dragon de Lumière, du destin tragique de Yoriku, déchu et laissé pour mort par Nuage, alors qu'il était sur le point, à l'école des mystiques Asako, de découvrir la cinquième arcane qui confère le secret de l'immortalité. Défiguré, transformé en un personnage grotesque, Yoriku était alors devenu le bouffon impérial. Sasuke l'avait prié de lui dire ce qu'il savait. - Je possède les trois premières arcanes, Yoriku. La quatrième, je l'aurai bientôt. Il ne me reste qu'à connaître la dernière. - Je ne la possède pas, Sasuke. La seule personne qui, à ma connaissance, s'en soit approché, est le légendaire Hafiz, le sage de la lointaine cité de Medinat Al'Salaam, au fin fond des déserts barbares. - Hafiz, dis-tu ? - Je l'ai rencontré, jadis. Mais j'ignore s'il est encore en vie. Si c'est le cas, il serait bien vieux. - Lui m'enseignera l'arcane ? - L'arcane ne s'enseigne pas, Sasuke. Elle ne se trouve pas, elle ne se cherche pas. - Je chercherai au moins Hafiz. - Pour la trouver, il faudrait l'énergie d'un jeune homme et la sagesse d'un vieillard. Deux qualités impossibles à réunir en une seule personne. Quand le Bouffon revint à sa roulotte, le jour se levait à peine. Quelques mendiants se levaient en claquant des dents. Ceux qui avaient passé la nuit à détrousser les ivrognes qui sortaient des tavernes, s'asseyaient, fatigués. L'un d'eux remettait une bûche dans le feu. ![]() Cela semblait trop facile. Une dizaine de détrousseurs et de porte-lames experts, un petit navire et c'était parti pour une descente le long de la côte. - Tu vois, dit Yatsume, il n'y a pas à s'inquiéter. - Je te trouve bien sure de toi, grommela Yojiro. - N'aies crainte ! La belle est retenue d'après nos informations à la Cité des Mille Cerisiers. Tu en as déjà entendu parler ? - Non. - C'est donc bon signe, Yojiro. Ce n'est qu'un patelin perché sur une falaise. Pourquoi veux-tu que l'endroit soit surveillé ? C'est au milieu de la deuxième qu'ils y arrivèrent. Comme avait dit Yatsume, ce n'était que quelques bicoques au-dessus de la mer. - Regarde-moi ça, au moindre coup de vent, tout s'effondrerait. L'équipage avait revêtu ses tenues noires. Yojiro n'osait même plus penser à ce que Mitsurugi dirait. Au point où il en était à présent... On mit une barque à la mer. La lune était bien cachée. Alors qu'ils étaient presque sur la plage, Yatsume sauta dans l'eau, enfonça un lourd pieu dans le sol et lança une corde à l'équipage. Trois hommes descendirent aussi et on attacha fermement la barque. Désormais, plus personne ne disait un mot. Tout le monde s'abrita sous la falaise, à l'entrée d'une petite grotte. Un chemin montait le long de la falaise. Le sentier très raide fatigua les intrus. Arrivés en haut, tout le monde s'arrêta derrière un buisson. Le monastère des Mille Cerisiers se trouvait à l'entrée du plateau de la falaise. Deux soldats somnolaient. Yatsume fit signe aux hommes du Bouffon d'attendre là. Elle irait avec Yojiro seulement. Les deux rônins approchèrent de la petite barrière et sautèrent par-dessus sans mal. Ils étaient dans le verger. Leurs semelles en crêpe étaient silencieuses sur la terre grasse. Ils se postèrent sous le balcon, surveillèrent les allées et venues : personne, pas un chat, rien que le bruit du vent marin, immense et rassurante respiration du large. Yatsume lança la corde à grappin et ils se hissèrent à la rambarde. Il fut facile de crocheter la sécurité du panneau d'entrée. A l'intérieur, une femme dormait à poings fermés. Yojiro s'approcha : à la faveur d'un maigre rayon de lune, il la reconnut : c'était bien Ikue. Seule une bougie brûlait encore dans un coin de la pièce. Yojiro fit des gestes de la main pour signifier : on la soulève, on la baillonne et on s'en va. - Ah non, ça ne va pas, murmura Yatsume. Il faut y aller délicatement. - Chut ! Allez, aide-moi ! Yojiro allait pour la soulever : - Non, cria Yatsume à voix basse. Tu es fou ! Ce n'est pas comme ça qu'on traite une princesse ! - Ce n'est pas une princesse ! - C'est tout comme ! - D'accord, qu'est-ce que tu suggères, mademoiselle je-sais-tout ? - On va prendre ses affaires. - C'est ça, et lui chauffer un petit thé avant de partir aussi ? - Tu es un rustre, Yojiro. Ils se turent et ne remuèrent plus un cil : un soldat passait dans un gros bâillement. Il entrouvrit le panneau. Les deux rônins s'étaient plaqués au mur, prêts pour bondir sur le garde. Il le referma. - Bon, je fais ses affaires, dit Yatsume. Yojiro, excédé, maugréa pour lui-même sur la coquetterie féminine ; il colla l'oreille au panneau : le garde était parti baîller plus loin. - Alors, ça vient oui ? - Oui, oui... Yatsume pliait précautionneusement les affaires de la belle. Agacé, Yojiro attrapa un drap, l'étendit, empila tous habits dessus et replia le drap en un sac : - C'était pas compliqué. - C'est ça, c'est ça... Bon, je vais la réveiller, moi. Yatsume s'approcha : - Ikue... Elle s'éveilla. Yatsume lui mit la main sur la bouche : - Nous sommes envoyés par Mitsurugi. Nous venons vous secourir. Effrayée, la belle Ikue voulut se débattre. Yatsume lui serra le poignet : - Je ne veux pas vous faire mal, alors soyez sages. Nous sommes là pour vous aider ! Nous partons ! Ikue cligna des yeux comme par consentement. Yatsume dut se mordre pour ne pas crier : Yojiro venait de lancer le gros sac d'affaires par la fenêtre ! On entendit un coup sourd et le cri étouffé de quelqu'un : Yojiro se précipita sur le balcon : il venait d'assommer un garde sans le faire exprès ! - Ah c'est malin, cria Yatsume, toujours à voix basse. - Allez, filons. Yojiro sauta par-dessus la rambarde et se reçut sur le gros sac. Yatsume aida Ikue à se hisser à son tour. La jeune femme fit une petite prière. Yatsume la mettait en confiance du regard : "tout va bien se passer". Impatient, Yojiro secouait les bras. Ikue prit son inspiration et se laissa tomber. Elle chut comme une fleur fragile, mais fut rattrapée par Yojiro, qui la posa à terre, aussi délicatement qu'il put. Yatsume les rejoignit à son tour. Il n'y eut plus qu'à enjamber la palissade du monastère et ce fut la liberté ! Les gueux attendaient à l'entrée du chemin. - Mais qui êtes-vous ? - Chut, dit Yatsume. Ils dévalèrent la pente jusqu'à la plage. - Nous sommes au service de Mitsurugi, dit Yojiro. Nous étions à la cour d'hiver. - Où est Mitsurugi en ce moment ? demanda Ikue. - A la Cité des Apparences, dit Yatsume. Il vous attend impatiemment. Comme ils montaient dans la barque et souquaient ferme pour rejoindre le navire, sous un ciel où la lune n'apparaissait toujours pas, Yojiro et Yatsume se regardèrent. Ils comprirent que chacun pensait à ce que Mitsurugi dirait... ![]() ![]()
24-03-2013, 06:04 PM
suite et fin
![]() ![]()
24-03-2013, 07:58 PM
Ah que c'est bon de lire ça, que d'aventures colorées et de plans audacieux
![]() Bravo bravo ![]()
24-03-2013, 08:36 PM
Coïncidence, je termine cet épisode un an jour pour jour après l'avoir commencé
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