La barque sur laquelle Bayushi Bokkai se tenait debout avançait dans l'eau étincelante d'Otosan Uchi.
L'embouchure du fleuve était brûlée par les flammes de la dernière heure du jour. La Baie du Soleil Couchant illuminait les murs de la capitale.
Le marché aquatique se disloquait avec l'approche de la nuit, les dizaines de barques marchandes rentrant au port de Tsai. Grâce à ses autorisations spéciales de Magistrat d'Emeraude, le Scorpion passa le barrage douanier et franchit le mur d'enceinte qui l'amena dans Kanjo. Là, il fallut attendre pour passer un autre poste de contrôle, tandis qu'une barge de luxe de la famille Otomo manoeuvrait lentement.
![[Image: Oubook1backph2.jpg]](http://images.wikia.com/l5r/images/0/05/Oubook1backph2.jpg)
C'était comme dans un rêve, de voir ces bâtisses au bord de l'eau, d'être dans ce décor immense, théâtral, dans la plus grande ville du monde, cette cité aux mille couleurs et aux mille visages. Ce n'était pas les pierres grises et les toits noirs de la Cité des Mensonges, mais des bâtisses aux couleurs d'Emeraude, de jais, d'améthyste. Des temples radieux, épargnés par les massacres du Crabe. Des palais d'or, d'argent, des arbres rouges, des lacs. Des statues monumentales des Fortunes. Des rues encombrées par une foule épaisse, interminable. Bokkai n'avait pas le temps d'admirer tout cela. Tant de beauté, à portée de main, tout trop grand, trop éblouissant, trop magique...
La nuit tombait. Il accosta enfin, au pied de la Cité Interdite. Les lieux étaient gardés par la Garde Impériale. Bayushi Bokkai se présenta à l'entrée des murs millénaires, où l'on observa son sauf-conduit avec méfiance.
- Tu oses me faire attendre, dit Bokkaï, alors que j'appartiens à la Magistrature d'Emeraude !
Le sergent qui gardait la porte le regarda d'un air morne :
- Certains ont attendu toute leur vie de passer cette porte, Magistrat.
Le sergent garda les papiers de Bokkaï et passa la porte. Un autre la referma derrière lui.
- C'est scandaleux, lança Bokkaï.
On était sur une grande dalle, entourée de bonsaï. Sur les marches attendaient des samuraï, des familles entières, qui devaient desespérer qu'on les appelle un jour pour leur laisser passer les murs. Bokkai, effrayé, s'imagina un instant avec de la barbe blanche, après avoir attendu ici vingt ans, pour ne pas revenir devant Hiruya sans avoir accompli sa mission !
Les gardes, inflexibles, ne prêtaient pas plus attention à lui qu'aux autres samuraï. Alors qu'il était de la Magistrature d'Emeraude !
Enfin, alors que le soleil disparaissait derrière l'horizon, la porte s'ouvrit. En sortit une femme aux longs cheveux noirs, au regard dur. Elle n'était pas dénuée d'une certaine beauté, mais elle était avant tout martiale.
- Konnichi-wa, honorable Magistrat. Je suis le capitaine Ikoma Soko et je vous présente mille excuses pour l'attente que vous avez eu à subir.
- Mon nom est Bayushi Bokkai, assistant de l'honorable Magistrat d'Emeraude Miya Katsu. C'est moi qui vous remercie pour la rapidité avec laquelle vous daignez vous préoccuper de moi.
- Entrez donc, Bokkaï-san.
C'était donc la Cité Interdite.
De hauts et épais murs rouge brun, et derrière, un décor épuré, avec de grands palais austères et des gardes postés le long des murs. Ou bien n'était-ce pas le coeur de la Cité, et le véritable paradis que devait être le quartier de l'Empereur était-il plus loin ?
- Je viens pour une affaire importante, capitaine, dit Bokkaï, sans quoi je n'aurais pas si rudement demandé à ce qu'on m'ouvre la porte.
- Je comprends.
- Je dois rencontrer des dignitaires de la famille Hanteï.
Ikoma Soko haussa les sourcils :
- Ils vous attendent ?
Ils marchaient jusque là d'un bon pas, mais le capitaine s'était brusquement arrêté.
- Non, dit Bokkaï, mais Miya Katsu m'envoie les rencontrer.
- Impossible, trancha le capitaine.
- Un instant. Je vous dis que je suis envoyé par Miya Katsu en personne. Représentant direct de l'Empereur.
- Impossible, Magistrat. Je ne puis vous autoriser à voir la famille impériale comme cela.
- Ils sont sous votre garde ?
- Bien sûr que non ! Ils sont gardés par la famille Otomo !
Elle avait l'air de dire : "Mais enfin, d'où venez-vous pour ne pas savoir cela ?"
- Alors menez-moi à la famille Otomo.
- Magistrat, je crains que cela ne soit pas possible.
- Il faudra que ça le soit.
- Notez, dit le capitaine, que je ne fais que vous conseiller. En aucun cas cela ne dépend de moi. Mes hommes sont chargés des enceintes extérieures de la Cité, pas des quartiers impériaux. Je peux vous faire traverser la portion de territoire que je défends. Mais quant à entrer chez les Otomo...
- Je négocierai avec eux directement.
Refus net et sans appel !
Ikoma Soko avait conduit comme promis Bokkaï jusqu'à la porte menant au palais Otomo. Là, on avait poliment expliqué au Magistrat qu'il faudrait avertir un autre responsable Otomo, qui en parlerait à un représentant des Hanteï, qui aviserait avec la famille Miya et ensuite...
- Revenez demain, avait-on conclu.
Demain ! C'est à dire réessayez tant que vous voulez ! Jusqu'à ce que ça marche, demain ou dans dix ans !
Au passage, on faisait comprendre à Bayushi Bokkaï qu'il évoluait dans un univers qui n'était pas le sien. Un univers où même un Magistrat d'Emeraude doit patienter.
Désolée pour lui, Ikoma Soko retrouva Bokkaï, furieux. Furieux de ce refus, et d'avoir été pris de haut.
- Ce sont les moeurs ici, honorable Magistrat. Ces mandarins sont très tatillons. Trop pour nous autres militaires, qui ne supportons pas que-
- Trop pour moi, dit Bokkaï.
- Que comptez-vous faire pour ce soir ?
- Je vais trouver une auberge et je reviendrai demain. J'espère qu'il ne faut pas réserver sa chambre deux ans à l'avance.
- Non, fit le capitaine Soko, avec une amorce de sourire.
Bokkaï repassa les murs de la Cité, et revint dans le monde ordinaire. Celui où l'on regardait avec envie ce samuraï, admis sans attendre dans le saint des saints.
Le Scorpion retrouva son pilote et se fit transporter dans Hito, dans la partie du quartier située de l'autre côté de la rive. Là, il trouva une luxueuse auberge, où le repas, délicieux, le consola de ses malheurs. Dans sa chambre, des fleurs magnifiques, des peintures, des romans luxueusement reliés. Et trois geishas qui l'accueillirent en riant comme des enfants.
A souhaiter que les Otomo prennent quelques années pour le laisser entrer !
Bokkaï s'entendit ronfler et ouvrit un oeil. Il s'assit et se passa la main dans les cheveux, en éclatant de rire.
Il ne s'était pas autant amusé depuis longtemps !
Il mit gentiment dehors les trois filles, dénudées, enroulées dans les mêmes draps que lui et il passa un kimono et mit son masque. Les trois filles disparurent par un panneau, dans un dernier petit rire.
Bokkaï rit de plus belle, content de sa soirée. Il avisa le flacon de saké et se souvint d'un conseil donné, un soir, par Hida Shigeru, après un repas franchement arrosé :
- Pour éviter d'avoir une enclume dans la tête le matin, une solution : boire au réveil un verre du même saké que la veille !
Pourquoi pas ? Comme un soudard, le Scorpion but à la bouteille, en vérifiant qu'on ne l'épiait pas.
- A la santé de la Magistrature !
Le soleil se levait sur le fleuve. L'air était pur, les palais et les temples apparaissaient peu à peu dans le jour, leurs couleurs commençant à resplendir.
Des serviteurs, brosses et balais en main, entrèrent discrêtement, et nettoyèrent les restes de la nuit : une fleur de dahlia, un biwa, une épingle à cheveux...
- Quelle nuit mes aïeux, se dit encore Bokkaï en passant sur la terrasse.
Il huma l'air du matin et regarda les barques évoluer au fil de l'eau. Il apercevait un coin des murs de la Cité, avec les mêmes samuraï que la veille, qui commençaient à faire le pied de grue.
- Aujourd'hui, se dit Bokkaï, je vais rencontrer les Hanteï, je le sens !
Un petit quelque chose dans l'air...
Il regardait les passants. De nobles Grues, cernés de yojimbos. De gros marchands...
Bokkaï regarda plus fixement un samuraï qui évoluait dans la foule. Il le fixa nettement, et n'eut plus de doute. Comme il aurait été inconvenant de crier, il se précipita dans sa chambre, et s'habilla aussi vite qu'il put. Il descendit les marches en vitesse, à la surprise du personnel, pas accoutumé à voir un de ses clients courir ainsi, même ceux ayant trompé les cocus les plus haut placés !
Dans la rue, la foule avait déjà changé. Bokkaï marcha dans la rue, dans un sens, revint sur ses pas, passa devant son hôtel... Non, il avait disparu.
Pourtant, il était certain d'avoir vu Riobe.
Riobe, qui s'était jeté dans une ruelle, en voyant débouler le Scorpion. Si on l'apercevait, tout était perdu. Bokkaï avait fini par abandonner sa recherche et retourner dans son hôtel. Les autres Magistrats étaient-ils avec lui ?
Riobe repartit dans les rues de Hito. Il valait mieux trouver une autre entrée de la Cité Interdite. Il s'engagea sur le pont, où on le laissa passer sans problème : il avait de quoi payer, et en ces temps incertains, c'était un gage de solidité. Il arriva dans Kanjo, plus au sud, et traversa le quartier d'est en ouest, par les petites rues. Il avait l'impression que tout le monde le surveillait, que les yorikis étaient après lui.
Ridicule, il n'avait rien fait de mal. Il pouvait arguer qu'il était en mission pour Toturi... C'était risqué, mais qui sait ?... La traversée de Kanjo lui prit une partie de la mâtinée, puisqu'il zigzagait dans les petites ruelles, et aboutissait souvent à des impasses.
Enfin, il arriva au poste de yoriki de l'ouest. Là, ce n'était pas la même chanson. Aucune somme de kokus ne lui ouvrirait les portes de ces lieux. Il sentit alors qu'on l'attrapait par les poignets. On l'entraînait dans une ruelle, on le recouvrait d'un grand sac et on lui pressait une lame sur la gorge :
- Silence, tu entends... Silence... Et tout ira bien pour toi.
On finissait de lui lier les mains.
- Notre Maître est fier que tu sois arrivé ici, Watanabe. Maintenant, il va falloir compter sur nous pour la suite.
Du reste, le rônin n'avait pas le choix ! Il sentit qu'on le saisissait comme un sac de pomme de terres, qu'on le soulevait et qu'on le posait plus loin.
Il sentit ensuite qu'on versait quelque chose sur son sac, un chargement très lourd. Il crut qu'il allait finir écraser. Puis il entendait un fouet claquer. Et il commençait à bringuebaler.
Il devait se trouver sur une charrette. On passait dans les rues encombrés. Cris des marchands, insultes.
- Va donc, toi, avec ton charbon !
Il entendait ensuite la voix qui lui avait parlé s'adresser à des soldats, d'une voix mielleuse.
- Le charbon de bois, comme chaque jour, Excellence...
- Bien, on va regarder ça !
Des soldats s'approchaient et Riobe entendit qu'on donnait des coups dans le chargement. Soudain, juste sous son nez passa une lame qui avait percé le sac.
- Vous me percez mon chargement, pleurait le conducteur.
- Ca va, drôle ! Passe ou sinon c'est toi qu'on va fouiller à coups de lances !
- Oui seigneur !
La charrette s'ébranlait. On entendait une porte se refermer. Puis le tumulte de la rue disparut presque aussitôt. Trot du cheval, qui résonne sur le pavé.
- Salut, Jekan, comment va ?
- Et toi, Hoji ?
- J'amène le charbon. Quarante sacs.
- Vas-y, je t'ouvre le soupirail, tu peux verser.
Riobe retint sa respiration. Il sentit que "ça" penchait, et puis qu'il glissait. Le charbon pressait durement sur lui. Il tombait, glissait longtemps, et atterrissait. Et d'autres sacs lui tombaient dessus !
Il resta immobile.
Plus de bruit. Plus de mouvement. Il devait être dans une cave. Il s'aperçut que ses liens aux poignets étaient faciles à dénouer. Ils avaient été faits pour qu'il ne remue pas sur le moment. Il avait sur lui un poignard, avec lequel il agrandit le trou laissé par le coup de lance. Il put s'extraire peu à peu, en écartant les autres sacs. Déséquilibré, il glissa encore et se retrouva par terre. Il entendit des pas approcher.
Il sortit du sac en vitesse, le plia et le jeta sous les autres. Puis il se tapit dans un coin de la pièce. Il vit juste la trogne velue d'un cuisinier jeter un oeil au chargement, renifler, et repartir.
Il aperçut à terre un plan tracé sur du parchemin grossier. Il devait se trouver dans son sac et s'en être échappé. Il le consulta : c'était un plan de la Cité Interdite, avec des indications pour agir.
D'abord attendre la nuit.
- Les nouvelles ont l'air meilleures, si je puis me permettre, annonça Ikoma Soko.
Comme la veille, elle conduisait Bokkaï du mur d'enceinte aux quartiers Otomo. Le Scorpion n'arrivait pas à oublier Riobe. Il était sûr que c'était lui. Il avait donc pris soin d'écrire aussitôt à Miya Katsu. Ne serait-ce que pour lui faire part de ses difficultés.
Le même dignitaire Otomo que la veille accueillit le Scorpion :
- Si l'honorable Magistrat veut me suivre...
Allons, on progressait !
Il fallut quand même que Bokkaï attende le reste de la journée qu'on lui accorde une entrevue avec la famille Hanteï. C'était insensé ! On n'avait pas, un seul instant, voulu entendre que sa requête était UR-GENTE !
Il eut droit à tous les égards de la famille impériale : un magnifique jardin, un repas luxueux, au cours duquel il partagea la table de hauts fonctionnaires et d'importants invités des Otomo. Encore des filles, s'il voulait. Une bibliothèque, un temple, des bains... Une cité en miniature.
Après une journée passée à perdre son temps, le soir tomba enfin. Bokkaï attendait impatiemment qu'on vienne le chercher.
Riobe avait passé une moins bonne journée que Bokkaï, alors qu'il était en réalité tout proche de lui, dans les caves de la salle où le Scorpion avait mangé !
Courbaturé, le rônin sortit de sa pièce humide. Il s'était recouvert de poussière, sur ses vêtements et sur le visage. Noir comme un démon, il ouvrit la porte. Il avait appris par coeur le plan des lieux et l'avait déchiré en petits morceaux, qu'il avait jetés dans le charbon.
La lettre de Bayushi Bokkaï arriva au Village Stratégique le lendemain du retour de Kakita Hiruya. Ce dernier, qui s'était préparé à ne rien laisser transparaître de sa rencontre avec son rival, accusa le coup en lisant la lettre.
- Une mauvaise nouvelle, demanda Miya Katsu ?
- Non, du tout...
En ce beau début d'après-midi, c'était l'heure du repas. On fêtait l'acceptation du duel par Daidoji Yajinden, et Hiruya faisait semblant d'apprécier cette attention.
Un courrier à cheval venait d'arriver et avait demandé à ce que la lettre soit remise d'urgence à la magistrature.
- C'est Bokkaï, lut Hiruya. Il dit explique qu'il est long d'entrer dans la Cité, d'accéder aux Hanteï. Et il dit qu'il a aperçu Riobe dans la rue ! Il n'a pu le rejoindre.
- Etrange, dit Katsu. Que peut faire le rônin là-bas ?...
Dans l'après-midi, arrivait une lettre de la Cité de la Forêt des Ombres. Rien que le fait qu'elle vînt de là-bas avait de quoi inquiéter.
- C'est signé du Magistrat Shiba Tadamischi, dit Hiruya. Il nous signale un assassinat. Il dit que cela peut nous intéresser. Qu'il préfère ne pas donner de détails, par prudence...
- Que craint-il, dit Miya Katsu, c'est tout de même un pli envoyé par un Magistrat, pour la Magistrature d'Emeraude !
- Pour qu'il se méfie, dit Hiruya, c'est que ce doit être vraiment grave.
- Rien d'innocent ne peut venir de la Cité de la Forêt des Ombres, énonça Shizuka.
- Bien, dit Hiruya, Shigeru, Ayame et Ikky, nous partons là-bas !
La shugenja n'était pas mécontente de replonger dans les enquêtes.
La Magistrature voyagea sur des montures Licornes que Kohei avait pu leur obtenir. Ils voyagèrent léger, et changèrent en route deux fois de chevaux, les poussant à bout. Hiruya sentait monter en lui une sourde colère. Il ne dormirait plus avant d'avoir tout compris... Partis en milieu de journée, nos héros arrivèrent le lendemain soir en vue du Village de l'Or Bleu. Là, on vint à leur rencontre : c'était Shiba Tadamischi lui-même.
- Je suis descendu à votre rencontre, samuraï, expliqua-t-il, certains que vous répondriez sans tarder à mon appel. Le crime s'est produit aux abords de cette petite Cité.
- Conduisez-nous, ordonna Hiruya.
Les Magistrats traversèrent la forêt et virent la petite masure.
- Nous n'avons touché à rien, mais il faudra bientôt les enlever, dit le Magistrat.
Tout le monde s'était plaqué un mouchoir sur le nez. Les cadavres des ninjas étaient toujours là. Et aussi le cadavre d'Emmon. Nos héros le reconnurent sans hésitation. Sa beauté ténébreuse n'était pas encore trop flétrie par la mort. Il avait juste un peu bleui.
Ayame frissonna en l'observant. Elle avait l'impression que le Scorpion lui signifiait qu'elle serait la prochaine...
- Nous savons également, dit Shiba Tadamischi, qu'une de vos connaissances a séjourné dans l'auberge. Ce rônin appelé Riobe.
- Comment ?
- Comme je vous le dis, honorable Magistrat. Il est venu me voir à mon palais ,puis il est descendu ici, dans la Cité de l'Or Bleu.
- Que voulait-il ?
- Il voulait retrouver cet homme, Shosuro Emmon.
- Au fond, dit soudain Ikky, nous n'avons jamais su comment Riobe l'a connu.
- Si les honorables Magistrats m'autorisent à parler, dit le yoriki en chef de la Cité de l'Or Bleu, je pense savoir.
- Parle, dit Hiruya, impatient.
- C'était il y a deux hivers, expliqua-t-il. Le rônin Riobe était venu ici, en compagnie du passeur Gempachi, chez qui il résidait, avec un autre rônin, un grand costaud taillé comme un Crabe, et qui s'appelait Sotan. C'est ce jour qu'un envoyé de l'Empereur en personne vint annoncer le rétablissement du clan du Scorpion. J'étais là, avec mes hommes : nous avions réuni toute la population, comme le demandait l'émissaire. Et ce samuraï, Shosuro Emmon était là. Devant Riobe, furieux, il s'est vanté, a trouvé que c'était bien... quelque chose comme cela...
- Par Shiba, c'est évident, dit Ikky. Riobe, fier comme il l'est, ne l'a pas supporté !
On garda le silence quelques instants. Ce qui s'était passé n'était que trop clair. On imagnait le drame qui s'était produit ici, deux ans plus tôt, et quelques jours plus tôt.
- Il est urgent de prévenir Kitabakate-senseï, dit Ayame. Emmon était son élève, après tout.
- C'est juste. Elle et d'autres personnes. Donc nous allons rentrer sans tarder.
- Je m'excuse, dit le Magistrat, de ne pas avoir, dans ma lettre...
- Ce n'est rien, vous avez bien fait.
Les Magistrats se firent conduire dans la meilleure auberge de la région et, à la première heure, remontèrent en selle. Ils ignoraient que, pendant ce temps, deux drames venaient de se jouer.