29-12-2009, 05:53 PM
(This post was last modified: 29-12-2009, 11:28 PM by Darth Nico.)
COPS - Saison 2, Épisode 1
Papy Californie
17h00, c'est l'heure du rapport pour tout le monde. Les COPS sont à leur bureau, le nez dans leurs papiers et deux téléphones devant eux, et un coincé entre l'oreille et l'épaule.
- Oui, bonjour, dit Jade à l'infirmière, vous avez un patient depuis ce matin : Robert Brisbane. Je souhaiterais lui parler. Ici le COPS... Pas encore réveillé ? Dès qu'il le saura, oui... Vous me rappelez...
Black Dog téléphone au même hôpital :
- On vient de vous envoyer un patient grièvement blessé, Rupert Swaim... Blessure à l'épaule, gros calibre, c'est ça. Gros calibre, oui... Une garde renforcée devant sa chambre... Personne n'entre sans accréditation. Non, personne. Voilà... Je veux lui parler dès que possible, j'en prends la responsabilité... C'est ça, ne le perdez pas. Vous me rappelez...
Akechi fouille le dossier de l'ancien maire, le prédecesseur de Kristin Lane. Elle se nommait Karen Hall. Elle a été une des fondatrices de la Californie. Elle faisait partie des quatre Pères Fondateurs. Elle a disparu au cours de son mandat, après de grosses émeutes à South Central. La piste est complétement perdue, aucune trace d'elle. Un cold case des plus surgelés.
La Japonaise trouve une enquête en ligne de la journaliste freelance Julia Andreotti sur cette affaire des émeutes de Watts. http://www.ascreb.org/clubs/jdr/adj/Stoil/..._JAndreotti.pdf
Elle cherche si un des pères fondateurs ne serait pas à L.A. Bingo ! "Papy Californie" coule une retraite heureuse dans un hôtel particulier de Downtown : Dexter Millius est même disponible pour voir les COPS ! C'est trop beau pour être vrai.
- Il peut nous recevoir ? s'étonne Jade. Bon, alors on y va !
Revoilà nos deux agents en route... Black Dog et Reito tapent leurs rapports, tout en appelant régulièrement l'hôpital. En route, Jade en fait autant, en rappelant l'Observer pour leur dire qu'on va accélérer la procédure. Malgré les embouteillages, les deux femmes arrivent chez Dexter Millius en une petite demi-heure. Le vieil les reçoit dans un manoir démonté pièce par pièce d'Allemagne, et reconstruit à l'identique ici. Il a des fauteuils Louis XV, des tableaux de la Renaissance, du beau parquet en bois. Il propose un whisky ou un cigare à ses deux visiteuses, qui refusent poliment. Akechi allume quand même sa pipe, au grand désespoir de Jade, qui trouve cela particulièrement laid pour une femme, sans même parler de l'odeur. Shimazu Kogoro Colombo alias "Akechi", son nom à coucher dehors, sa pipe, son chat à nourrir, les romans policiers, ses frères et sœurs aussi dingues qu'elle... Tout un poème.
- Que puis-je pour vous, mesdames ?
Papy Californie ne demande qu'à aider, avec ses airs de grand seigneur et de grand-papa gâteau. Il raconte qui était Karen Hall, une femme très à gauche, une idéaliste, une femme de conviction, d'une droiture inébranlable... Il fait son grand discours. En s'acharnant un peu, les deux femmes mettent quand même au jour quelques failles dans ce personnage trop propre : d'abord, Karen Hall, au milieu de la crise de Watts, a envisagé un temps d'envoyer l'armée. Elle croyait carrément à un coup d'Etat... Soupçonnait-elle l'Union ?... Bref, elle a hésité, puis finalement, elle a demandé l'intervention du COPS, et ceux-ci ont réussi à disperser les rebelles, à rétablir l'ordre. C'est après cette crise que Karen Hall a disparu. Kristin Lane a pris sa succession.
A quel jeu joue l'honorable M. Millius ? Les deux femmes n'auront pas le temps de le comprendre. D'un côté, il semble admirer sincérement Karen Hall. De l'autre, il la salit insidieusement, en faisant mine de se souvenir de détails moins glorieux. Elle aurait flanché... mais qui serait resté inébranlable face à la crise de Watts ?... Plus sombre encore, elle aurait un temps envisagé de céder à la pression d'une partie de la rue, en demandant l'aide de l'Union... ce qui revenait pratiquement à réintégrer la Californie aux Etats-Unis... Akechi est persuadée qu'on tient là une piste. Jade ne sait pas trop.
De retour au COPS, les deux femmes rendent compte à Hawkins. Black Dog est de retour de l'hôpital : Swaim était encore dans le coma artificiel. Il écoute ce que les deux femmes ont appris, c'est à dire assez peu.
- La piste est vraiment froide, dit Hawkins.
- Franchement, dit Black Dog, j'ai de plus en plus de mal à croire que les SJ veulent vraiment l'ancienne maire. Ça ressemble à une excuse bidon pour qu'on se fatigue à chercher. Et ça nous détourne d'autre chose.
- On ne peut pas savoir si c'est un mensonge ou non...
Akechi a bien l'intention de téléphoner aux autres "pères fondateurs", ainsi qu'aux conseillers de Karen Hall. Elle va y passer la soirée.
Le soir tombe déjà. Les COPS savent qu'ils sont partis pour une nuit blanche. Ils se font monter à manger par le restaurant Japonais du coin de la rue. Jade passe à l'hôpital, pour parler à Brisbane : celui-ci est en meilleure forme. Quand elle arrive, Jade trouve le pauvre journaliste sur le ventre, tandis qu'une infirmière finit de le piquet la fesse.
- Entrez, vous arrivez au meilleur moment !
L'infirmière lui met un pansement.
- J'ai besoin de savoir ce que vous saviez sur vos ravisseurs, monsieur Brisbane.
- Ce n'était pas une enquête officielle. Pour mon rédac'chef, j'étais sur des scandales financiers. De mon côté, un peu comme un hobby, j'avais commencé à me renseigner sur une espèce de groupe sectaire, les Serpents-Jumeaux. Mes ravisseurs m'ont dit qu'ils venaient de leur part...
- Que savez-vous sur eux ?
- Pas grand'chose. Ce sont des illuminés, qui ont des idées de purification, de rédemption par la force... Ils se vantent d'intervenir à des moments clés de décadence, pour rétablir le cours normal de l'histoire, ce genre de conneries.
- Je ne vois pas là de détails suffisamment précis, suffisamment convaincants, pour que vous soyez dangereux et qu'ils veuillent vous intimider.
- Oui, des faits, des faits, coco, rigole Brisbane. Des faits, j'étais sur le point d'en avoir. Je pense que ces charmants SJ ont mené récemment des opérations en Amérique du Sud, peut-être bien en Colombie. Vous avez dû entendre que c'était le bordel là-bas. Le pays est en état de guerre civile. L'implication de l'Union est soupçonnée.
- Qu'ont fait les SJ dans cette guerre ?
- Je n'ai pas eu le temps de l'apprendre...
- Merci. Si vous apprenez quoi que ce soit d'autre...
- Je vous appelle, aucun problème...
Jade rentre à pied au Central, qui n'est qu'à quelques minutes. Elle repense à la discussion avec Millius, avec Brisbane... Elle ne sait pas si les SJ sont sérieux quand ils disent qu'ils veulent Karen Hall. On dirait bien qu'ils ont choisi la disparue la plus impossible à retrouver. Que lui voudraient-ils ? Au Centrale, ses collègues passent à table, les pieds sur le bureau. C'est l'heure où on s'engourdit, et où l'enquête va doucement s'embourber : d'instinct, les COPS le sentent. Pourtant, c'est le moment de ne pas relâcher ses efforts, même si on a l'impression de patiner dans la boue.
Comme prévu, Akechi passe la soirée au téléphone, à se faire rembarrer par les anciens conseillers de Karen Hall, choqués qu'on puisse sous-entendre qu'elle aurait voulu demander l'aide de l'Union. Akechi doit s'énerver, mais en pure perte. Les communications se coupent les unes après les autres. Personne ne sait où est l'ex-maire, personne ne pense qu'elle voulait envoyer réellement l'armée. Les démocrates visionnaires ne sont pas prêts à ternir l'image de leur icône. Seule l'attitude de Dexter Millius a paru plus ambiguë. Les conseillers, eux, dérangés dans leur petite vie de famille ou leur réunion mondaine, n'auront pas un mot pour renseigner Akechi.
La tentation au désert
La soirée se passe à taper des rapports et à terminer des papiers. Il est presque 23h00 quand l'hôpital rappelle Jet "Black Dog" Allen, pour lui dire que Rupert Swaim est réveillé. Le policier se précipite à la chambre du patient, gardée par quatre gorilles du CRASH que Black Dog a à la bonne.
Swaim est dans les bandages jusqu'au cou, et au-dessus, intubé de partout, semblable à un poulpe paraplégique. Son visage n'est qu'à moitié visible, mais il peut articuler.
- Je vous préviens à nouveau, dit le réanimateur, c'est vous qui avez insisté pour lui parler alors qu'il n'est pas en état... Donc...
- Oui, oui, j'assume la responsabilité. Mais sortez maintenant. Secret professionnel !
Le réanimateur s'exécute, prêt à rendre son tablier.
Allen prend une chaise par le dossier et s'assoit dessus à califourchon.
- Bien... Que savez-vous des SJ ? Déjà, pourquoi les avoir financés ? L'appât du gain ?
- Sans doute, dit Swaim, très faible. Ils m'ont endoctriné... J'ai cru à leurs histoires... J'ai détourné des sommes... Des centaines de milliers...
- Ce n'est ça qui m'intéresse. Ce que je veux, c'est des noms, des lieux, des projets...
- Une bombe... Une bombe qui doit arriver très bientôt... En plusieurs fois...
- Quand ? Où ?
- Déjà arrivée en bonne partie... Doit arriver par LAX. Dans 48 heures...
- Dans 48 heures, oui, c'est la fin de l'ultimatum...
- Une bombe non-conventionnelle. Destruction massive...
- D'où vient cette bombe ?
- Colombie... Achetée au cartel Ciudad... J'ai servi d'intermédiaire. Je n'étais pas le seul... Achat en plusieurs pièces... Arrivera par avion, depuis l'Équateur.
- L'Équateur ou la Colombie ?
- Bombe montée par Ciudad... acheminement par l'Équateur.
Le cartel Ciudad est celui pour lequel l'agent William "Alecto" Costigan, l'ancien coéquipier de Reito, a trahi le COPS. Depuis des semaines, Costigan est l'un des ennemis publics les plus recherchés, pour le meurtre d'un policier pourri de la NADIV, Carl Forrest. Et Black Dog, qui infiltrait les trafiquants qui étaient de mèche avec Forrest, s'est retrouvé par hasard un soir de mars avec Costigan au téléphone, avant que celui-ci ne disparaisse de Californie.
Ces idées défilent dans la tête de Black Dog, qui essaie de faire des liens.
- Vers où ira la bombe ?
- Ne sais pas... Il y a un responsable des SJ... un balafré déguisé en pasteur...
Celui-là même qui avait enlevé Black Dog.
- Communique avec nous... nous envoie des Bibles... notée à certaines pages... C'est un fanatique... Ira jusqu'au bout...
Swaim est à bout de force. Son ECG s'affole. Le médecin et deux internes se précipitent, écartant Black Dog. Celui-ci a eu ce qu'il voulait, il rentre au Centrale.
- LAX, dans 48 heures maximum... C'est ce qu'a dit Swaim.
Réunion dans le bureau du capitaine Skripnik, le chef du COPS. Hawkins est là, avec nos héros devant lui, Black Dog, Reito, Jade et Akechi.
- Ils doivent avoir des complicités à l'intérieur de l'aéroport, dit Jade.
- Forcément, dit Hawkins. Seulement, combien de gens sont employés là-bas ?
Reito tapote sur une console :
- Au bas-mot, sans compter les sous-traitants et les occasionnels, plus de huit milles.
- Il faut fouiller leurs comptes en banque, affirme Jade. Trouver des virements importants, ces derniers mois. Chercher plus de cinq cents dollars par exemple.
- Ça va prendre des jours ! s'exclame Skripnik. Techniquement, c'est monstrueux à réaliser !
- Est-ce possible légalement ?
- Agent Jade, légalement, le procurer adjoint ne fera pas de difficultés pour me signer le papier. Mais pour arriver, d'ici moins de 48 heures, à fouiller plus de huit milles comptes...
- On va mettre tous les services qu'on peut sur le coup !
Le capitaine hésite, un peu pour la forme.
- Bon, retournez travailler. Je vais contacter mes collègues des autres départements. A situation exceptionnelle...
Jade et Reito commencent eux-mêmes à passer quelques appels à leurs collègues et amis de la NADIV, du CRASH etc. pour obtenir de l'aide.
- Huit milles comptes à passer au peigne fin, avant l'aube !
C'est un projet carrément insensé, qui va demader en plus une bonne part de chance, pour tomber sur des complices avant d'avoir passé tous les comptes en revue. Mais au moins, la machine est lancée : des spécialistes en informatique et leurs plus gros logiciels vont travailler d'arrache-pied toute la nuit.
- Et il m'a parlé du cartel Ciudad, ajoute Black Dog.
Tout le monde tique à ce nom. Le nom de Costigan est sur les lèvres, mais personne n'ose le prononcer, ni regarder du côté de Reito, le premier inquiet pour son ancien ami.
Il est un peu moins de minuit quand est repéré un premier employé, bagagiste qui travaille généralement au terminal des avions en provenance d'Amérique du Sud.
- Trois virements de six cents dollars sur les trois derniers mois... Son nom : Ricardo Maldonado, habite à côté de LAX, dans une cité portoricaine.
- Hé bien, ça promet, soupire Reito.
- Il faut y aller maintenant, dit Jade.
- J'appelle le procureur, soupire Skripnik.
Nos quatre agents repartent en deux voitures, appréhender le sieur Maldonado. Ils rentrent chez lui, dans son immeuble communautaire, avec fracas, affole sa pauvre femmes et ses trois enfants. Akechi fouille à fond la maison, et on embarque le bagagiste, qui a à peine le temps de comprendre ce qui lui arrive. Dehors, les gens de la communauté ont commencé à se rassembler, et il y a des jets de pierre contre les policiers. Ils décrochent en vitesse. Retour au Central vers une heure du matin. Tout le monde a les traits tirés : la journée a commencé à huit heures par les patrouilles, et il n'y a pas eu de pause depuis.
Dans la journée, une perquisition a eu lieu au domicile de Rupert Swaim. Ses affaires ont été rassemblées au COPS, mais on a renvoyé un agent sur place, prendre les bibles qu'il peut trouver. Il rapporte la seule que Swaim possède. Jade la feuillette en vitesse et trouve un passage encadré : Saint-Luc 4, 1-13, le séjour de Jésus au désert pendant quarante jours et sa tentation par le diable.
- Si on en croit ce qu'a dit Swaim, cela désignerait l'endroit où faire livrer la bombe, ou au moins les composants dont s'occupe Swaim.
Les deux femmes se prennent la tête, relisant le passage, re-feuilletant le volume, sans rien trouver de plus. On leur apporte aussi une bible trouvée chez Maldonado, où sont soulignés plusieurs numéros de versets. Jade les note sur un papier, consciencieusement, dans l'ordre, sans savoir à quoi ils correspondent.
- Le désert, il n'est pas loin d'ici, dit Jade.
- Oui, et la tentation dans le désert, dit Akechi, je ne vois qu'une seule chose : Las Vegas.
- Oui, ça se tient, fait Jade. La Vallée de la Mort, et la cité du vice. Le démon du jeu. Ça pourrait être ça... Mais alors, pour décoder les chiffres de la bible de Maldonado, on ne va pas y arriver seules.
Il est presque deux heures. Les corps réclament du sommeil que l'urgence de la situation ne permet pas. Et comme il ne faut pas que cette affaire de bombe s'ébruite, les COPS directement au courant sont en réalité en effectifs réduits. Même les techniciens qui travaillent sur les comptes des employés de LAX ne savent pas la finalité de leur boulot.
Il est plus de deux heures quand nos policiers, qui aspireraient à quelques heures plus calmes, sont convoqués au bureau du capitaine Skripnik. Et il y a de la grosse huile. Bronstein, le chef du SAD, est là en personne. Et à ses côtés, deux hommes en costumes, assis d'une jambe sur la table, un sourire narquois aux lèvres.
A suivre...
Papy Californie
17h00, c'est l'heure du rapport pour tout le monde. Les COPS sont à leur bureau, le nez dans leurs papiers et deux téléphones devant eux, et un coincé entre l'oreille et l'épaule.
- Oui, bonjour, dit Jade à l'infirmière, vous avez un patient depuis ce matin : Robert Brisbane. Je souhaiterais lui parler. Ici le COPS... Pas encore réveillé ? Dès qu'il le saura, oui... Vous me rappelez...
Black Dog téléphone au même hôpital :
- On vient de vous envoyer un patient grièvement blessé, Rupert Swaim... Blessure à l'épaule, gros calibre, c'est ça. Gros calibre, oui... Une garde renforcée devant sa chambre... Personne n'entre sans accréditation. Non, personne. Voilà... Je veux lui parler dès que possible, j'en prends la responsabilité... C'est ça, ne le perdez pas. Vous me rappelez...
Akechi fouille le dossier de l'ancien maire, le prédecesseur de Kristin Lane. Elle se nommait Karen Hall. Elle a été une des fondatrices de la Californie. Elle faisait partie des quatre Pères Fondateurs. Elle a disparu au cours de son mandat, après de grosses émeutes à South Central. La piste est complétement perdue, aucune trace d'elle. Un cold case des plus surgelés.
La Japonaise trouve une enquête en ligne de la journaliste freelance Julia Andreotti sur cette affaire des émeutes de Watts. http://www.ascreb.org/clubs/jdr/adj/Stoil/..._JAndreotti.pdf
Elle cherche si un des pères fondateurs ne serait pas à L.A. Bingo ! "Papy Californie" coule une retraite heureuse dans un hôtel particulier de Downtown : Dexter Millius est même disponible pour voir les COPS ! C'est trop beau pour être vrai.
- Il peut nous recevoir ? s'étonne Jade. Bon, alors on y va !
Revoilà nos deux agents en route... Black Dog et Reito tapent leurs rapports, tout en appelant régulièrement l'hôpital. En route, Jade en fait autant, en rappelant l'Observer pour leur dire qu'on va accélérer la procédure. Malgré les embouteillages, les deux femmes arrivent chez Dexter Millius en une petite demi-heure. Le vieil les reçoit dans un manoir démonté pièce par pièce d'Allemagne, et reconstruit à l'identique ici. Il a des fauteuils Louis XV, des tableaux de la Renaissance, du beau parquet en bois. Il propose un whisky ou un cigare à ses deux visiteuses, qui refusent poliment. Akechi allume quand même sa pipe, au grand désespoir de Jade, qui trouve cela particulièrement laid pour une femme, sans même parler de l'odeur. Shimazu Kogoro Colombo alias "Akechi", son nom à coucher dehors, sa pipe, son chat à nourrir, les romans policiers, ses frères et sœurs aussi dingues qu'elle... Tout un poème.
- Que puis-je pour vous, mesdames ?
Papy Californie ne demande qu'à aider, avec ses airs de grand seigneur et de grand-papa gâteau. Il raconte qui était Karen Hall, une femme très à gauche, une idéaliste, une femme de conviction, d'une droiture inébranlable... Il fait son grand discours. En s'acharnant un peu, les deux femmes mettent quand même au jour quelques failles dans ce personnage trop propre : d'abord, Karen Hall, au milieu de la crise de Watts, a envisagé un temps d'envoyer l'armée. Elle croyait carrément à un coup d'Etat... Soupçonnait-elle l'Union ?... Bref, elle a hésité, puis finalement, elle a demandé l'intervention du COPS, et ceux-ci ont réussi à disperser les rebelles, à rétablir l'ordre. C'est après cette crise que Karen Hall a disparu. Kristin Lane a pris sa succession.
A quel jeu joue l'honorable M. Millius ? Les deux femmes n'auront pas le temps de le comprendre. D'un côté, il semble admirer sincérement Karen Hall. De l'autre, il la salit insidieusement, en faisant mine de se souvenir de détails moins glorieux. Elle aurait flanché... mais qui serait resté inébranlable face à la crise de Watts ?... Plus sombre encore, elle aurait un temps envisagé de céder à la pression d'une partie de la rue, en demandant l'aide de l'Union... ce qui revenait pratiquement à réintégrer la Californie aux Etats-Unis... Akechi est persuadée qu'on tient là une piste. Jade ne sait pas trop.
De retour au COPS, les deux femmes rendent compte à Hawkins. Black Dog est de retour de l'hôpital : Swaim était encore dans le coma artificiel. Il écoute ce que les deux femmes ont appris, c'est à dire assez peu.
- La piste est vraiment froide, dit Hawkins.
- Franchement, dit Black Dog, j'ai de plus en plus de mal à croire que les SJ veulent vraiment l'ancienne maire. Ça ressemble à une excuse bidon pour qu'on se fatigue à chercher. Et ça nous détourne d'autre chose.
- On ne peut pas savoir si c'est un mensonge ou non...
Akechi a bien l'intention de téléphoner aux autres "pères fondateurs", ainsi qu'aux conseillers de Karen Hall. Elle va y passer la soirée.
Le soir tombe déjà. Les COPS savent qu'ils sont partis pour une nuit blanche. Ils se font monter à manger par le restaurant Japonais du coin de la rue. Jade passe à l'hôpital, pour parler à Brisbane : celui-ci est en meilleure forme. Quand elle arrive, Jade trouve le pauvre journaliste sur le ventre, tandis qu'une infirmière finit de le piquet la fesse.
- Entrez, vous arrivez au meilleur moment !
L'infirmière lui met un pansement.
- J'ai besoin de savoir ce que vous saviez sur vos ravisseurs, monsieur Brisbane.
- Ce n'était pas une enquête officielle. Pour mon rédac'chef, j'étais sur des scandales financiers. De mon côté, un peu comme un hobby, j'avais commencé à me renseigner sur une espèce de groupe sectaire, les Serpents-Jumeaux. Mes ravisseurs m'ont dit qu'ils venaient de leur part...
- Que savez-vous sur eux ?
- Pas grand'chose. Ce sont des illuminés, qui ont des idées de purification, de rédemption par la force... Ils se vantent d'intervenir à des moments clés de décadence, pour rétablir le cours normal de l'histoire, ce genre de conneries.
- Je ne vois pas là de détails suffisamment précis, suffisamment convaincants, pour que vous soyez dangereux et qu'ils veuillent vous intimider.
- Oui, des faits, des faits, coco, rigole Brisbane. Des faits, j'étais sur le point d'en avoir. Je pense que ces charmants SJ ont mené récemment des opérations en Amérique du Sud, peut-être bien en Colombie. Vous avez dû entendre que c'était le bordel là-bas. Le pays est en état de guerre civile. L'implication de l'Union est soupçonnée.
- Qu'ont fait les SJ dans cette guerre ?
- Je n'ai pas eu le temps de l'apprendre...
- Merci. Si vous apprenez quoi que ce soit d'autre...
- Je vous appelle, aucun problème...
Jade rentre à pied au Central, qui n'est qu'à quelques minutes. Elle repense à la discussion avec Millius, avec Brisbane... Elle ne sait pas si les SJ sont sérieux quand ils disent qu'ils veulent Karen Hall. On dirait bien qu'ils ont choisi la disparue la plus impossible à retrouver. Que lui voudraient-ils ? Au Centrale, ses collègues passent à table, les pieds sur le bureau. C'est l'heure où on s'engourdit, et où l'enquête va doucement s'embourber : d'instinct, les COPS le sentent. Pourtant, c'est le moment de ne pas relâcher ses efforts, même si on a l'impression de patiner dans la boue.
Comme prévu, Akechi passe la soirée au téléphone, à se faire rembarrer par les anciens conseillers de Karen Hall, choqués qu'on puisse sous-entendre qu'elle aurait voulu demander l'aide de l'Union. Akechi doit s'énerver, mais en pure perte. Les communications se coupent les unes après les autres. Personne ne sait où est l'ex-maire, personne ne pense qu'elle voulait envoyer réellement l'armée. Les démocrates visionnaires ne sont pas prêts à ternir l'image de leur icône. Seule l'attitude de Dexter Millius a paru plus ambiguë. Les conseillers, eux, dérangés dans leur petite vie de famille ou leur réunion mondaine, n'auront pas un mot pour renseigner Akechi.
La tentation au désert
La soirée se passe à taper des rapports et à terminer des papiers. Il est presque 23h00 quand l'hôpital rappelle Jet "Black Dog" Allen, pour lui dire que Rupert Swaim est réveillé. Le policier se précipite à la chambre du patient, gardée par quatre gorilles du CRASH que Black Dog a à la bonne.
Swaim est dans les bandages jusqu'au cou, et au-dessus, intubé de partout, semblable à un poulpe paraplégique. Son visage n'est qu'à moitié visible, mais il peut articuler.
- Je vous préviens à nouveau, dit le réanimateur, c'est vous qui avez insisté pour lui parler alors qu'il n'est pas en état... Donc...
- Oui, oui, j'assume la responsabilité. Mais sortez maintenant. Secret professionnel !
Le réanimateur s'exécute, prêt à rendre son tablier.
Allen prend une chaise par le dossier et s'assoit dessus à califourchon.
- Bien... Que savez-vous des SJ ? Déjà, pourquoi les avoir financés ? L'appât du gain ?
- Sans doute, dit Swaim, très faible. Ils m'ont endoctriné... J'ai cru à leurs histoires... J'ai détourné des sommes... Des centaines de milliers...
- Ce n'est ça qui m'intéresse. Ce que je veux, c'est des noms, des lieux, des projets...
- Une bombe... Une bombe qui doit arriver très bientôt... En plusieurs fois...
- Quand ? Où ?
- Déjà arrivée en bonne partie... Doit arriver par LAX. Dans 48 heures...
- Dans 48 heures, oui, c'est la fin de l'ultimatum...
- Une bombe non-conventionnelle. Destruction massive...
- D'où vient cette bombe ?
- Colombie... Achetée au cartel Ciudad... J'ai servi d'intermédiaire. Je n'étais pas le seul... Achat en plusieurs pièces... Arrivera par avion, depuis l'Équateur.
- L'Équateur ou la Colombie ?
- Bombe montée par Ciudad... acheminement par l'Équateur.
Le cartel Ciudad est celui pour lequel l'agent William "Alecto" Costigan, l'ancien coéquipier de Reito, a trahi le COPS. Depuis des semaines, Costigan est l'un des ennemis publics les plus recherchés, pour le meurtre d'un policier pourri de la NADIV, Carl Forrest. Et Black Dog, qui infiltrait les trafiquants qui étaient de mèche avec Forrest, s'est retrouvé par hasard un soir de mars avec Costigan au téléphone, avant que celui-ci ne disparaisse de Californie.
Ces idées défilent dans la tête de Black Dog, qui essaie de faire des liens.
- Vers où ira la bombe ?
- Ne sais pas... Il y a un responsable des SJ... un balafré déguisé en pasteur...
Celui-là même qui avait enlevé Black Dog.
- Communique avec nous... nous envoie des Bibles... notée à certaines pages... C'est un fanatique... Ira jusqu'au bout...
Swaim est à bout de force. Son ECG s'affole. Le médecin et deux internes se précipitent, écartant Black Dog. Celui-ci a eu ce qu'il voulait, il rentre au Centrale.
- LAX, dans 48 heures maximum... C'est ce qu'a dit Swaim.
Réunion dans le bureau du capitaine Skripnik, le chef du COPS. Hawkins est là, avec nos héros devant lui, Black Dog, Reito, Jade et Akechi.
- Ils doivent avoir des complicités à l'intérieur de l'aéroport, dit Jade.
- Forcément, dit Hawkins. Seulement, combien de gens sont employés là-bas ?
Reito tapote sur une console :
- Au bas-mot, sans compter les sous-traitants et les occasionnels, plus de huit milles.
- Il faut fouiller leurs comptes en banque, affirme Jade. Trouver des virements importants, ces derniers mois. Chercher plus de cinq cents dollars par exemple.
- Ça va prendre des jours ! s'exclame Skripnik. Techniquement, c'est monstrueux à réaliser !
- Est-ce possible légalement ?
- Agent Jade, légalement, le procurer adjoint ne fera pas de difficultés pour me signer le papier. Mais pour arriver, d'ici moins de 48 heures, à fouiller plus de huit milles comptes...
- On va mettre tous les services qu'on peut sur le coup !
Le capitaine hésite, un peu pour la forme.
- Bon, retournez travailler. Je vais contacter mes collègues des autres départements. A situation exceptionnelle...
Jade et Reito commencent eux-mêmes à passer quelques appels à leurs collègues et amis de la NADIV, du CRASH etc. pour obtenir de l'aide.
- Huit milles comptes à passer au peigne fin, avant l'aube !
C'est un projet carrément insensé, qui va demader en plus une bonne part de chance, pour tomber sur des complices avant d'avoir passé tous les comptes en revue. Mais au moins, la machine est lancée : des spécialistes en informatique et leurs plus gros logiciels vont travailler d'arrache-pied toute la nuit.
- Et il m'a parlé du cartel Ciudad, ajoute Black Dog.
Tout le monde tique à ce nom. Le nom de Costigan est sur les lèvres, mais personne n'ose le prononcer, ni regarder du côté de Reito, le premier inquiet pour son ancien ami.
Il est un peu moins de minuit quand est repéré un premier employé, bagagiste qui travaille généralement au terminal des avions en provenance d'Amérique du Sud.
- Trois virements de six cents dollars sur les trois derniers mois... Son nom : Ricardo Maldonado, habite à côté de LAX, dans une cité portoricaine.
- Hé bien, ça promet, soupire Reito.
- Il faut y aller maintenant, dit Jade.
- J'appelle le procureur, soupire Skripnik.
Nos quatre agents repartent en deux voitures, appréhender le sieur Maldonado. Ils rentrent chez lui, dans son immeuble communautaire, avec fracas, affole sa pauvre femmes et ses trois enfants. Akechi fouille à fond la maison, et on embarque le bagagiste, qui a à peine le temps de comprendre ce qui lui arrive. Dehors, les gens de la communauté ont commencé à se rassembler, et il y a des jets de pierre contre les policiers. Ils décrochent en vitesse. Retour au Central vers une heure du matin. Tout le monde a les traits tirés : la journée a commencé à huit heures par les patrouilles, et il n'y a pas eu de pause depuis.
Dans la journée, une perquisition a eu lieu au domicile de Rupert Swaim. Ses affaires ont été rassemblées au COPS, mais on a renvoyé un agent sur place, prendre les bibles qu'il peut trouver. Il rapporte la seule que Swaim possède. Jade la feuillette en vitesse et trouve un passage encadré : Saint-Luc 4, 1-13, le séjour de Jésus au désert pendant quarante jours et sa tentation par le diable.
- Si on en croit ce qu'a dit Swaim, cela désignerait l'endroit où faire livrer la bombe, ou au moins les composants dont s'occupe Swaim.
Les deux femmes se prennent la tête, relisant le passage, re-feuilletant le volume, sans rien trouver de plus. On leur apporte aussi une bible trouvée chez Maldonado, où sont soulignés plusieurs numéros de versets. Jade les note sur un papier, consciencieusement, dans l'ordre, sans savoir à quoi ils correspondent.
- Le désert, il n'est pas loin d'ici, dit Jade.
- Oui, et la tentation dans le désert, dit Akechi, je ne vois qu'une seule chose : Las Vegas.
- Oui, ça se tient, fait Jade. La Vallée de la Mort, et la cité du vice. Le démon du jeu. Ça pourrait être ça... Mais alors, pour décoder les chiffres de la bible de Maldonado, on ne va pas y arriver seules.
Il est presque deux heures. Les corps réclament du sommeil que l'urgence de la situation ne permet pas. Et comme il ne faut pas que cette affaire de bombe s'ébruite, les COPS directement au courant sont en réalité en effectifs réduits. Même les techniciens qui travaillent sur les comptes des employés de LAX ne savent pas la finalité de leur boulot.
Il est plus de deux heures quand nos policiers, qui aspireraient à quelques heures plus calmes, sont convoqués au bureau du capitaine Skripnik. Et il y a de la grosse huile. Bronstein, le chef du SAD, est là en personne. Et à ses côtés, deux hommes en costumes, assis d'une jambe sur la table, un sourire narquois aux lèvres.
A suivre...
