04-02-2003, 01:31 AM
:LeLudwig: Le Ludwig-Nico Productions &
Paramount Garfield Mayer
pr?sentent :
Les Contes de la Canine
[i]Tremblez Mortels !...
Tremblez Mortels !...
Ce soir :
HISTOIRE DE HIERONYMUS LUCIEN 
Ami lecteur, si tu es de caract?re timor?, peureux, si ton esprit se remplit de terreur au moindre r?cit comptant les noirceurs de l'?me humaine, alors ne lis pas ce conte !
Oui, tu m'as bien entendu ! Ne lis pas ce conte !...
Va t-en vite !... Laisse-l? ce r?cit !
Retourne lire Harry Potter et consorts !
Fuis vers des ailleurs plus tendres et plus sereins, ou tu ne risques pas de tomber raide de frayeur, esp?ce de poule mouill?e !
En revanche, cher lecteur, si ton ?me endurcie se plait aux r?cits pleins de frissons et de fantastiques ?vocations, alors sans nul doute, tu liras ce texte, et tu aimeras l'histoire du sinistrement c?l?bre
Hieronymus Lucien !
Voici donc.
1ERE PARTIE : NUIT, FOR?TS ET F?ERIES
[b]LE CHANT DU BOUC PAR LA NUIT SANS LUNE
Par une nuit terrible, o? l'astre lunaire, parfois si splendide et si pur, ?tait comme d?vor? par d'?normes nuages couleur de tombe, vint au monde un individu proprement affreux !
Je crois pouvoir dire que m?me le c?l?bre Emile Zola, qui pourtant n'a jamais l?sin? sur la tourbe et la salet?, aurait h?sit? ? d?crire pareil personnage !
Car c'est une chose que de d?crire la mis?re de la soci?t? humaine... c'en est une autre de conter le destin d'une cr?ature ? la naissance de laquelle ont pr?sid? les forces de l'Enfer !...
Da-oui ! La cr?ature qui vint au monde par cette nuit sans lune de f?vrier 1323 ?tait un rejeton du Diable en personne !...
Cette nuit-l?, dans un petit village du centre de la doulce France, le chant du bouc se fit entendre !...
Oui, le chant du bouc, brutal et primal !
Terreur dans le village !
Et qu'on imagine qu'en ce Haut-Moyen ?ge, la nuit, la peur, les brigands, les maladies ?taient monnaie courante !...
Mais le cri du bouc !
C'?tait une peur encore plus plus affreuse ! Inhumaine !
Par trois fois, retentit le cri de l'animal des myst?res dionysiaques.
Lanterne ? la main, ? pied sur le chemin boueux, transi de froid, le sacristain du village aper?ut l'animal ?norme, poussant son cri pr?s du cimeti?re de l'?glise, accompagn? d'un vieillard d?charn?, qui jouait de la cornemuse !...
Vision horrible entre toutes !
Ils venaient sans doute de surgir de sous la terre ; et les yeux du vieillard luisaient, glauques comme ceux d'un hibou tapi dans le trou de son arbre !
Le malheureux sacristain s'enfuit en courant, pataugeant dans la gl?be humide, et ne s'arr?ta qu'une fois arriv? ? l'?glise.
L?, il faillit mourir de frayeur : car soudain, les cloches se mirent ? sonner, ? toutes vol?es ! Elles retentirent dans tout le pays, comme si le Diable lui-m?me ?tait venu tirer sur les cordes !...
Le sacristain fut un moment paralys? par la peur, et vit soudain tomber du clocher des pichets de vin de messe !...
Quel envoy? des Enfers jetait ainsi le sang du Christ ?!!!
Le sacristain eut sa soutane ?clabouss?e par le liquide vineux, et se pr?cipita dans l'?glise, le coeur haletant, ouvrant ? toute vol?e les portes, qui firent entendre la plainte de leurs battants grin?ants.
On entendait des cris d'affolement qui sortaient des chaumi?res voisines.
La peur prenait dans son ?treinte tout le petit village.
Dans l'?glise, au coeur d'une obscurit? parfaite, notre sacristain buta alors contre un gros objet pos? ? terre.
Le sacristain recula d'un pas, et se signa.
Les cloches s'arr?t?rent de sonner.
Le sacristain alluma une lanterne, et, ? cette faible lumi?re se pencha, et d?couvrit un b?b? emmaillot? ? la diable (c'est le lieu de le dire !), dans de vieilles fripes.
Le sacristain prit l'enfant dans ses bras, et avan?a dans l'?glise. Il vit alors le cur?, pr?s de l'autel. Le bon p?re se tenait dissimul? derri?re un pilier, et fit signe ? son sacristain de venir le rejoindre.
On entendait un grand meue-m?nage dans le village. Affol?, le cur? souffla quelques mots ? son sacristain, puis les deux hommes all?rent dissimuler l'enfant.
Puis, ils se mirent ? genoux devant l'autel, et implor?rent longuement l'assistance de la bonne Vierge.
En d?pit de la chaleur rassurante des tisons, nos deux hommes de foi peinaient ? retrouver leur calme. Le sacristain grelottait de froid. Le cur? l'adjura de rester ? prier.
C'est ? ce moment que les paysans, effray?s par le chant sauvage du bouc, vinrent frapper ? la lourde porte del'?glise. Le cur? les accueillit tous, en prenant l'air le plus aimable et le plus paisible possible.
Il ?couta les histoires des pauvres familles affol?es, et fit mine de ne pas bien comprendre leur histoire de cri terrifiant.
Il fit asseoir toute la communaut? villageoise, puis leur demanda de prier pour implorer l'aide du Seigneur, alors que dans la nuit immense, le silence retombait...
Les lourds nuages se dissip?rent, et les rayons de la lune, tendres comme le visage de la Vierge, purent ?clairer l'assembl?e des fid?les en pri?re.
[size=15]L'ENFANT BLAFARD
Apr?s cette nuit d'effroi, la vie reprit un cours normal dans le village.
Normal du moins pour la communaut? des familles de paysans, attach?s ? leur labeur. Mais pour le cur? et son sacristain, rien n'?tait plus comme avant : le chant du bouc avait ?t? le signal de l'effondrement de leur monde de vertu.
Car les deux hommes avaient recueilli l'enfant trouv? dans l'?glise. Et ils avaient aper?u une cr?ature fantastique dans le beffroi : cette cr?ature qui avait sonn? ? toute vol?e les cloches apr?s le cri de la b?te !
Et ils avaient enfin vu l'horrible vieillard en haillon, les yeux luisants, qui disparaissaient dans le chemin creux, en direction de la for?t ?paisse, au loin... La cr?ature du beffroi devait ?tre un d?mon : elle s'?tait transform?e en chauve-souris, et s'?tait envol?e par la fen?tre, en hululant comme un chat-huant. Puis, dans le frisson du vol, elle avait disparu, sans doute pour rejoindre le vieillard, son ma?tre !...
L'enfant que le cur? et son sacristain avaient cach? aux paysans ?tait laid. La peau rugueuse, s?che ; une maigreur qui tranchait singuli?rement avec l'id?e que l'on se fait d'un enfant joufflu, d'un poupon ; des yeux tr?s clairs. Certainement un rejeton du diable !
Malheureuse petite cr?ature, d?j? p?cheresse, et en plus damn?e par avance. Surmontant leur effroi, les deux hommes se promirent d'aider l'enfant de leur mieux : puisqu'il se retrouvait l?, c'est que la providence l'avait voulue. Et tant pis si le diable avait mis sa patte de bouc dans ce drame !
Ils ?lev?rent donc l'enfant, gr?ce aux soins d'une ribaude repentie, qui l'allaita, en jurant de garder le secret. Cette ancienne d?bauch?e accomplissait des travaux pour l'?glise. Elle passait pour folle aupr?s du village : on ne lui posait pas de question.
Autour du cou, l'enfant portait un m?daillon avec ce nom : Hieronymus.
Le cur? le baptisa en secret, et lui donna le nom du saint du jour : Lucien.
Et ainsi, Hi?ronymus Lucien passa ses premi?res ann?es allait? par une ancienne prostitu?e, qui le cachait, avec l'aide du cur?, dans un cabanon au fond du cimeti?re. Il fallut recourir ? toutes sortes de ruses pour le nourrir, et pour que les doutes ne circulent pas.
Au bout d'un an et demi, le cur? finit par annoncer qu'il venait de trouver un enfant, sur le parvis de l'?glise : les paysans, cr?dules, ne firent pas le lien avec la nuit terrifiante. Ainsi, Hieronymus Lucien ne fut plus cach?.
D?s qu'il eut l'?ge, le cur? entreprit son ?ducation, puis, vers l'?ge de douze ans, il commenca ? le faire travailler ? l'?glise, au cimeti?re, et pour garder les terres alentours.
Il devenait un jeune homme robuste, mais toujours l'air h?ve, inqui?tant. Le cur? l'?loignait quand on donnait la messe... La femme repentie qui l'avait nourrie au sein mourut bient?t, emport?e par une ?pid?mie, tout comme le sacristain, puis ce fut le tour du cur?. Ce dernier, rempli d'angoisse, sur son lit de mort, implora le Tr?s-Haut de veiller au destin du malheureux Hieronymus Lucien.
L'?pid?mie passa comme un vent mauvais, emportant sur son passage nombre de membres du village.
LES SORTIL?GES DE L'HIVER
L'hiver 1344 fut particuli?rement rude. Lucien venait d'avoir vingt-et-un-ans. Le nouveau cur? du village venait d'arriver, et il n'?tait pas au courant de l'histoire de ce jeune homme au teint p?le. M?fiant, il accepta n?anmoins de le garder pour lui donner des t?ches de terrassement et de d?blaiement des chemins ? accomplir.
Pour son soulagement, le nouveau cur? n'eut pas ? supporter longtemps ce personnage.
Ce fut au coeur d'une temp?te de neige rude, o? les flocons glac?s, innombrables, dansaient follement dans le paysage gris, emport?s par le vent carnassier.
Le cur? avait r?uni ses ouailles dans la plus importante grange du village : on se serrait, on se r?chauffait mutuellement, et on implorait l'aide de Dieu pour que passe ces calamit?s. La maladie, puis le froid maintenant, et des bandes de loups, blancs et f?roces comme la temp?te, qui r?daient ? l'or?e des bois sombres.
Ce fut en fin d'apr?s-midi, alors que derri?re l'?pais brouillard se couchait un faible soleil, que retentit ? nouveau l'affreux, l'innommable, l'inhumain cri du bouc !...
Oui, encore ce b?lement affreux !...
A vingt et un ans d'?cart, la b?te dionysiaque poussait son cri !... Entre-temps, nombre de paysans ?taient morts, mais les plus vieux se souvenaient de cette nuit d'alors, et en avaient parl? ! Bien s?r, on avait cru ? une l?gende !
Mais non ! La l?gende ?tait bien r?elle : elle avait des sabots, des cornes, et un poil noir comme l'enfer !
Et comble de terreur, on frappa ? la porte de la grange. Des coups sourds, frapp?s r?guli?rement. Les villageois, apeur?s, se tass?rent comme un seul homme dans le fond de la grange.
Le cur?, entour? de deux solides gaillards, alla ouvrir. Le vent enneig? s'engouffra dans la grange, et le vieillard aux yeux de hibou entra dans la grange. Dehors, la neige semblait brillait comme des lucioles, et le vent ?tait tomb?.
Le vieillard ?tait v?tu de fourrures, et portait comme b?ton une grosse racine, noueuse, tortueuse. Il ?tait suivi de sa b?te ? lui, de son bouc, aux yeux comme des lunes phosphorescentes.
Parmi les villageois se trouvait Hieronymus Lucien. Il sortit du groupe, et alla vers le vieillard. Le cur? voulut protester : le vieillard interposa son b?ton. Il regarda Lucien, le toisa des pieds ? la t?te : puis il sortit une bourse de ses fourrures, et jeta sur le sol une poign?e de belles pi?ces d'or, qui tint?rent et tr?buch?rent gaiement.
Une grande inspiration de stupeur partit de l'assembl?e des paysans, tandis que le vieillard les regardait d'un air ironique. ALors que toute l'assembl?e n'avait plus d'yeux que pour ce tr?sor, Hieronymus Lucien, le vieillard et le bouc disparurent dans la neige, qui perdit son ?clat, et fut ? nouveau ballot?e au gr? du vent violent.
Or donc, ils partirent pour les bois profonds, recouverts d'?paisse neige, et ne furent inqui?t?s ni par les loups, qui les observaient depuis leurs taillis en grondant, ni par les autres pr?dateurs, qui semblaient ?nerv?s de peur alors que les deux hommes et le bouc avan?aient, comme port?s sur les ailes blanches de l'hiver.
Ils march?rent sans s'arr?ter, toute la nuit durant. D?s que le jour se levait, le vieillard s'allongeait ? terre, et Hieronymus le recouvrait de neige. Et durant le jour, il restait avec le bouc, ?trange monstre, et il allait chercher de la nourriture : ? la vue du bouc, les animaux se couchaient en signe de soumission ; et d?s qu'un gibier se montrait, Hieronymus n'avait qu'? s'approcher de lui et ? l'?gorger : l'animal restait sans d?fense. Apr?s quoi, le souffle br?lant du bouc aidait ? allumer le feu.A la nuit tomb?e, Hieronymus retournait ? l'endroit o? reposait le vieillard, et il le voyait sortir peu ? peu de sous la neige, avant qu'ils ne reprennent leur route.
Ils ?vitaient les bourgs, mais trouv?rent parfois refuge chez des nobles mis?reux qui les accueillaient pour la nuit.
Au cours de ces mois d'hiver, Hieronymus fut initi? aux myst?res des Ca?nites. Et quand vint l'heure pour lui de rejoindre le peuple des buveurs de sang, le vieillard, le bouc et lui venaient d'arriver en la for?t enchant?e de Broceliande.
LA F?ERIE DE BROCELIANDE
Oui, cette for?t l?gendaire ?tait bien le but du voyage de ces trois sombres voyageurs.
Et quand ils eurent pass? par de sinueux chemins perdus, boueux, enneig?s, par des sentiers entrelac?s, qu'ils eurent travers? ? gu? des rivi?res glac?es, des buissons de ronces, nos voyageurs p?n?tr?rent dans la clairi?re d'hiver de Broc?liande.
L? s'?tait assembl? le peuple des f?es, qui dansaient sur les feuilles des sapins, comme des gouttes de cristal. Ces lucioles luisaient dans la verdeur froide du coeur de la for?t. Les sangliers, les renards, les loups r?daient dans les sous-bois proches ; des biches s'approchaient des fontaines enchant?es, et des lutins jouaient pr?s de la margelle d'un puits qui pouvait d?clencher les plus foudroyants orages.
Vinrent ensuite des processions de trolls, de cyclopes, des chim?res, puis des p?gases, des licornes, des centaures, des hippogriffes qui compos?rent un man?ge bizarre, avant de s'agenouiller au pied du vieillard, que l'on respectait comme un arbre v?n?rable.
Puis, dans une imposante fum?e color?e, apparurent des pantins d?sarticul?s, des marionettes ?tranges, des clowns grima?ants, des nains joyeux
, des bossus en bois et des matriochkas anim?es.
Puis arriv?rent trois vilaines sorci?res, celles-l? m?me qui parl?rent ? Macbeth, trois hideuses femmes, aussi hideuses que les yeux de tritons, racines de mandragores et biles de serpent qu'elles cuisaient dans leur marmite bouillonnante. Elles pr?c?daient de peu le ventripotent Falstaff, bandit temp?tueux, ivrogne lucide, roulant avec son tonneau, et poussant des injures ? faire rougir un faune !
Enfin, majestueux, shakespearien, le ma?tre de la nuit, le puissant Ob?ron, sorti du songe d'une nuit d'?t?, suivi de Puck et du grotesque Bottom. Et toute l'assembl?e f?erique salua ce noble personnage.
Et Oberon s'inclina respectueusement devant le vieillard :
- Salut ? toi, noble Merlin. Nous tous ici pr?sents nous r?jouissons de ton retour en cette for?t.
- Je te rends ton salue, Oberon, fit le vieillard, Merlin, de son air bourru. J'ai pu ?chapper en effet aux sortil?ges de l'amour avec lequel Viviane m'a emprisonn?. J'ai pu fuir, mais maintenant, je suis un Vampire ; j'ai pour compagnon le bouc et la nuit, et les hommes me prennent pour un d?mon ! Et m?me pour le Diable mon p?re ! Je suis maintenant un errant, un nomade. Je me nourris de sang clair, et je suis le d?nuement m?me. Je suis ?tranger en mon propre domaine, et je suis seul, maintenant qu'Arthur et ses chevaliers ont rejoint leur dernier s?jour... Et quand je marche au bord du lac, je n'aper?ois plus jamais le bras d?licat de la dame qui nous offrit Excalibur.
- Allons, Merlin... r?pondit Oberon. Quelqu'un qui a l'?ternit? devant lui a t-il le droit ? l'amertume ?... Pr?sente nous plut?t ton jeune ?l?ve...
- Oui, tu as raison. Regardons vers l'avenir. Cet homme a pour nous Hieronymus Lucien. Il est instruit des ?critures humaines. Il lui reste maintenant ? percer les myst?res de la for?t. Tes myst?res, grand Oberon. Je l'ai choisi pour prendre la suite de mon ancien disciple, mort sur le b?cher pour diablerie. Il prendra ma suite, et moi je demeurerai prisonnier du r?ve de Broceliande, sans consolation face au monde qui s'enfuit. Je donnerai donc ? Hieronymus les yeux des hiboux, pour qu'il scrute les t?n?bres ; je lui donnerai le flair de mon bouc, et il p?n?trera les desseins secrets des hommes, enfouis dans leur esprit ; enfin, il volera des ailes de ma chauve-souris, et ma sorcellerie ?largira superbement le champ de ses horizons. Il conna?tra donc comme nous des passions inconnues du commun des mortels, et il aura pouvoir pour dispenser charmes et mal?dictions, grands hasards et surprises fantastiques !...
Merlin ayant achev? sa phrase, surgirent des bosquets un groupe de satyres, qui entam?rent une musique enchanteresse ? la fl?te de Pan.
Et toute la nuit, une c?r?monie extraordinaire eut lieu, de danses, de folies, d'ivresses... Et avant que la pointe de l'aube ne pique le ciel, Hieronymus Lucien quitta le r?gne des humains, et entra dans la famille des Ca?nites.
[i]
A suivre...

pr?sentent :


[i]Tremblez Mortels !...

Ce soir :


Ami lecteur, si tu es de caract?re timor?, peureux, si ton esprit se remplit de terreur au moindre r?cit comptant les noirceurs de l'?me humaine, alors ne lis pas ce conte !
Oui, tu m'as bien entendu ! Ne lis pas ce conte !...
Va t-en vite !... Laisse-l? ce r?cit !
Retourne lire Harry Potter et consorts !
Fuis vers des ailleurs plus tendres et plus sereins, ou tu ne risques pas de tomber raide de frayeur, esp?ce de poule mouill?e !
En revanche, cher lecteur, si ton ?me endurcie se plait aux r?cits pleins de frissons et de fantastiques ?vocations, alors sans nul doute, tu liras ce texte, et tu aimeras l'histoire du sinistrement c?l?bre

Voici donc.
1ERE PARTIE : NUIT, FOR?TS ET F?ERIES
Quote:Vois, je t'ai donn? des ailes pour planer incroyablement au-dessus de la terre enti?re et du grand d?sert de la mer, sans contrainte (Th?ognis de M?gare).
[b]LE CHANT DU BOUC PAR LA NUIT SANS LUNE
Par une nuit terrible, o? l'astre lunaire, parfois si splendide et si pur, ?tait comme d?vor? par d'?normes nuages couleur de tombe, vint au monde un individu proprement affreux !
Je crois pouvoir dire que m?me le c?l?bre Emile Zola, qui pourtant n'a jamais l?sin? sur la tourbe et la salet?, aurait h?sit? ? d?crire pareil personnage !
Car c'est une chose que de d?crire la mis?re de la soci?t? humaine... c'en est une autre de conter le destin d'une cr?ature ? la naissance de laquelle ont pr?sid? les forces de l'Enfer !...
Da-oui ! La cr?ature qui vint au monde par cette nuit sans lune de f?vrier 1323 ?tait un rejeton du Diable en personne !...
Cette nuit-l?, dans un petit village du centre de la doulce France, le chant du bouc se fit entendre !...
Oui, le chant du bouc, brutal et primal !
Terreur dans le village !
Et qu'on imagine qu'en ce Haut-Moyen ?ge, la nuit, la peur, les brigands, les maladies ?taient monnaie courante !...
Mais le cri du bouc !
C'?tait une peur encore plus plus affreuse ! Inhumaine !
Par trois fois, retentit le cri de l'animal des myst?res dionysiaques.
Lanterne ? la main, ? pied sur le chemin boueux, transi de froid, le sacristain du village aper?ut l'animal ?norme, poussant son cri pr?s du cimeti?re de l'?glise, accompagn? d'un vieillard d?charn?, qui jouait de la cornemuse !...
Vision horrible entre toutes !
Ils venaient sans doute de surgir de sous la terre ; et les yeux du vieillard luisaient, glauques comme ceux d'un hibou tapi dans le trou de son arbre !
Le malheureux sacristain s'enfuit en courant, pataugeant dans la gl?be humide, et ne s'arr?ta qu'une fois arriv? ? l'?glise.
L?, il faillit mourir de frayeur : car soudain, les cloches se mirent ? sonner, ? toutes vol?es ! Elles retentirent dans tout le pays, comme si le Diable lui-m?me ?tait venu tirer sur les cordes !...
Le sacristain fut un moment paralys? par la peur, et vit soudain tomber du clocher des pichets de vin de messe !...
Quel envoy? des Enfers jetait ainsi le sang du Christ ?!!!
Le sacristain eut sa soutane ?clabouss?e par le liquide vineux, et se pr?cipita dans l'?glise, le coeur haletant, ouvrant ? toute vol?e les portes, qui firent entendre la plainte de leurs battants grin?ants.
On entendait des cris d'affolement qui sortaient des chaumi?res voisines.
La peur prenait dans son ?treinte tout le petit village.
Dans l'?glise, au coeur d'une obscurit? parfaite, notre sacristain buta alors contre un gros objet pos? ? terre.
Le sacristain recula d'un pas, et se signa.
Les cloches s'arr?t?rent de sonner.
Le sacristain alluma une lanterne, et, ? cette faible lumi?re se pencha, et d?couvrit un b?b? emmaillot? ? la diable (c'est le lieu de le dire !), dans de vieilles fripes.
Le sacristain prit l'enfant dans ses bras, et avan?a dans l'?glise. Il vit alors le cur?, pr?s de l'autel. Le bon p?re se tenait dissimul? derri?re un pilier, et fit signe ? son sacristain de venir le rejoindre.
On entendait un grand meue-m?nage dans le village. Affol?, le cur? souffla quelques mots ? son sacristain, puis les deux hommes all?rent dissimuler l'enfant.
Puis, ils se mirent ? genoux devant l'autel, et implor?rent longuement l'assistance de la bonne Vierge.
En d?pit de la chaleur rassurante des tisons, nos deux hommes de foi peinaient ? retrouver leur calme. Le sacristain grelottait de froid. Le cur? l'adjura de rester ? prier.
C'est ? ce moment que les paysans, effray?s par le chant sauvage du bouc, vinrent frapper ? la lourde porte del'?glise. Le cur? les accueillit tous, en prenant l'air le plus aimable et le plus paisible possible.
Il ?couta les histoires des pauvres familles affol?es, et fit mine de ne pas bien comprendre leur histoire de cri terrifiant.
Il fit asseoir toute la communaut? villageoise, puis leur demanda de prier pour implorer l'aide du Seigneur, alors que dans la nuit immense, le silence retombait...
Les lourds nuages se dissip?rent, et les rayons de la lune, tendres comme le visage de la Vierge, purent ?clairer l'assembl?e des fid?les en pri?re.
[size=15]L'ENFANT BLAFARD
Apr?s cette nuit d'effroi, la vie reprit un cours normal dans le village.
Normal du moins pour la communaut? des familles de paysans, attach?s ? leur labeur. Mais pour le cur? et son sacristain, rien n'?tait plus comme avant : le chant du bouc avait ?t? le signal de l'effondrement de leur monde de vertu.
Car les deux hommes avaient recueilli l'enfant trouv? dans l'?glise. Et ils avaient aper?u une cr?ature fantastique dans le beffroi : cette cr?ature qui avait sonn? ? toute vol?e les cloches apr?s le cri de la b?te !
Et ils avaient enfin vu l'horrible vieillard en haillon, les yeux luisants, qui disparaissaient dans le chemin creux, en direction de la for?t ?paisse, au loin... La cr?ature du beffroi devait ?tre un d?mon : elle s'?tait transform?e en chauve-souris, et s'?tait envol?e par la fen?tre, en hululant comme un chat-huant. Puis, dans le frisson du vol, elle avait disparu, sans doute pour rejoindre le vieillard, son ma?tre !...
L'enfant que le cur? et son sacristain avaient cach? aux paysans ?tait laid. La peau rugueuse, s?che ; une maigreur qui tranchait singuli?rement avec l'id?e que l'on se fait d'un enfant joufflu, d'un poupon ; des yeux tr?s clairs. Certainement un rejeton du diable !
Malheureuse petite cr?ature, d?j? p?cheresse, et en plus damn?e par avance. Surmontant leur effroi, les deux hommes se promirent d'aider l'enfant de leur mieux : puisqu'il se retrouvait l?, c'est que la providence l'avait voulue. Et tant pis si le diable avait mis sa patte de bouc dans ce drame !
Ils ?lev?rent donc l'enfant, gr?ce aux soins d'une ribaude repentie, qui l'allaita, en jurant de garder le secret. Cette ancienne d?bauch?e accomplissait des travaux pour l'?glise. Elle passait pour folle aupr?s du village : on ne lui posait pas de question.
Autour du cou, l'enfant portait un m?daillon avec ce nom : Hieronymus.
Le cur? le baptisa en secret, et lui donna le nom du saint du jour : Lucien.
Et ainsi, Hi?ronymus Lucien passa ses premi?res ann?es allait? par une ancienne prostitu?e, qui le cachait, avec l'aide du cur?, dans un cabanon au fond du cimeti?re. Il fallut recourir ? toutes sortes de ruses pour le nourrir, et pour que les doutes ne circulent pas.
Au bout d'un an et demi, le cur? finit par annoncer qu'il venait de trouver un enfant, sur le parvis de l'?glise : les paysans, cr?dules, ne firent pas le lien avec la nuit terrifiante. Ainsi, Hieronymus Lucien ne fut plus cach?.
D?s qu'il eut l'?ge, le cur? entreprit son ?ducation, puis, vers l'?ge de douze ans, il commenca ? le faire travailler ? l'?glise, au cimeti?re, et pour garder les terres alentours.
Il devenait un jeune homme robuste, mais toujours l'air h?ve, inqui?tant. Le cur? l'?loignait quand on donnait la messe... La femme repentie qui l'avait nourrie au sein mourut bient?t, emport?e par une ?pid?mie, tout comme le sacristain, puis ce fut le tour du cur?. Ce dernier, rempli d'angoisse, sur son lit de mort, implora le Tr?s-Haut de veiller au destin du malheureux Hieronymus Lucien.
L'?pid?mie passa comme un vent mauvais, emportant sur son passage nombre de membres du village.
LES SORTIL?GES DE L'HIVER
Quote:La vie est une histoire, pleine de bruits et de fureurs, racont?e par un idiot, et qui ne signifie rien. (Shakespeare)
L'hiver 1344 fut particuli?rement rude. Lucien venait d'avoir vingt-et-un-ans. Le nouveau cur? du village venait d'arriver, et il n'?tait pas au courant de l'histoire de ce jeune homme au teint p?le. M?fiant, il accepta n?anmoins de le garder pour lui donner des t?ches de terrassement et de d?blaiement des chemins ? accomplir.
Pour son soulagement, le nouveau cur? n'eut pas ? supporter longtemps ce personnage.
Ce fut au coeur d'une temp?te de neige rude, o? les flocons glac?s, innombrables, dansaient follement dans le paysage gris, emport?s par le vent carnassier.
Le cur? avait r?uni ses ouailles dans la plus importante grange du village : on se serrait, on se r?chauffait mutuellement, et on implorait l'aide de Dieu pour que passe ces calamit?s. La maladie, puis le froid maintenant, et des bandes de loups, blancs et f?roces comme la temp?te, qui r?daient ? l'or?e des bois sombres.
Ce fut en fin d'apr?s-midi, alors que derri?re l'?pais brouillard se couchait un faible soleil, que retentit ? nouveau l'affreux, l'innommable, l'inhumain cri du bouc !...
Oui, encore ce b?lement affreux !...
A vingt et un ans d'?cart, la b?te dionysiaque poussait son cri !... Entre-temps, nombre de paysans ?taient morts, mais les plus vieux se souvenaient de cette nuit d'alors, et en avaient parl? ! Bien s?r, on avait cru ? une l?gende !
Mais non ! La l?gende ?tait bien r?elle : elle avait des sabots, des cornes, et un poil noir comme l'enfer !
Et comble de terreur, on frappa ? la porte de la grange. Des coups sourds, frapp?s r?guli?rement. Les villageois, apeur?s, se tass?rent comme un seul homme dans le fond de la grange.
Le cur?, entour? de deux solides gaillards, alla ouvrir. Le vent enneig? s'engouffra dans la grange, et le vieillard aux yeux de hibou entra dans la grange. Dehors, la neige semblait brillait comme des lucioles, et le vent ?tait tomb?.
Le vieillard ?tait v?tu de fourrures, et portait comme b?ton une grosse racine, noueuse, tortueuse. Il ?tait suivi de sa b?te ? lui, de son bouc, aux yeux comme des lunes phosphorescentes.
Parmi les villageois se trouvait Hieronymus Lucien. Il sortit du groupe, et alla vers le vieillard. Le cur? voulut protester : le vieillard interposa son b?ton. Il regarda Lucien, le toisa des pieds ? la t?te : puis il sortit une bourse de ses fourrures, et jeta sur le sol une poign?e de belles pi?ces d'or, qui tint?rent et tr?buch?rent gaiement.
Une grande inspiration de stupeur partit de l'assembl?e des paysans, tandis que le vieillard les regardait d'un air ironique. ALors que toute l'assembl?e n'avait plus d'yeux que pour ce tr?sor, Hieronymus Lucien, le vieillard et le bouc disparurent dans la neige, qui perdit son ?clat, et fut ? nouveau ballot?e au gr? du vent violent.
Or donc, ils partirent pour les bois profonds, recouverts d'?paisse neige, et ne furent inqui?t?s ni par les loups, qui les observaient depuis leurs taillis en grondant, ni par les autres pr?dateurs, qui semblaient ?nerv?s de peur alors que les deux hommes et le bouc avan?aient, comme port?s sur les ailes blanches de l'hiver.
Ils march?rent sans s'arr?ter, toute la nuit durant. D?s que le jour se levait, le vieillard s'allongeait ? terre, et Hieronymus le recouvrait de neige. Et durant le jour, il restait avec le bouc, ?trange monstre, et il allait chercher de la nourriture : ? la vue du bouc, les animaux se couchaient en signe de soumission ; et d?s qu'un gibier se montrait, Hieronymus n'avait qu'? s'approcher de lui et ? l'?gorger : l'animal restait sans d?fense. Apr?s quoi, le souffle br?lant du bouc aidait ? allumer le feu.A la nuit tomb?e, Hieronymus retournait ? l'endroit o? reposait le vieillard, et il le voyait sortir peu ? peu de sous la neige, avant qu'ils ne reprennent leur route.
Ils ?vitaient les bourgs, mais trouv?rent parfois refuge chez des nobles mis?reux qui les accueillaient pour la nuit.
Au cours de ces mois d'hiver, Hieronymus fut initi? aux myst?res des Ca?nites. Et quand vint l'heure pour lui de rejoindre le peuple des buveurs de sang, le vieillard, le bouc et lui venaient d'arriver en la for?t enchant?e de Broceliande.
LA F?ERIE DE BROCELIANDE
Quote:La vie est un r?ve. (Calderon)
Oui, cette for?t l?gendaire ?tait bien le but du voyage de ces trois sombres voyageurs.
Et quand ils eurent pass? par de sinueux chemins perdus, boueux, enneig?s, par des sentiers entrelac?s, qu'ils eurent travers? ? gu? des rivi?res glac?es, des buissons de ronces, nos voyageurs p?n?tr?rent dans la clairi?re d'hiver de Broc?liande.
L? s'?tait assembl? le peuple des f?es, qui dansaient sur les feuilles des sapins, comme des gouttes de cristal. Ces lucioles luisaient dans la verdeur froide du coeur de la for?t. Les sangliers, les renards, les loups r?daient dans les sous-bois proches ; des biches s'approchaient des fontaines enchant?es, et des lutins jouaient pr?s de la margelle d'un puits qui pouvait d?clencher les plus foudroyants orages.
Vinrent ensuite des processions de trolls, de cyclopes, des chim?res, puis des p?gases, des licornes, des centaures, des hippogriffes qui compos?rent un man?ge bizarre, avant de s'agenouiller au pied du vieillard, que l'on respectait comme un arbre v?n?rable.
Puis, dans une imposante fum?e color?e, apparurent des pantins d?sarticul?s, des marionettes ?tranges, des clowns grima?ants, des nains joyeux

Puis arriv?rent trois vilaines sorci?res, celles-l? m?me qui parl?rent ? Macbeth, trois hideuses femmes, aussi hideuses que les yeux de tritons, racines de mandragores et biles de serpent qu'elles cuisaient dans leur marmite bouillonnante. Elles pr?c?daient de peu le ventripotent Falstaff, bandit temp?tueux, ivrogne lucide, roulant avec son tonneau, et poussant des injures ? faire rougir un faune !
Enfin, majestueux, shakespearien, le ma?tre de la nuit, le puissant Ob?ron, sorti du songe d'une nuit d'?t?, suivi de Puck et du grotesque Bottom. Et toute l'assembl?e f?erique salua ce noble personnage.
Et Oberon s'inclina respectueusement devant le vieillard :
- Salut ? toi, noble Merlin. Nous tous ici pr?sents nous r?jouissons de ton retour en cette for?t.
- Je te rends ton salue, Oberon, fit le vieillard, Merlin, de son air bourru. J'ai pu ?chapper en effet aux sortil?ges de l'amour avec lequel Viviane m'a emprisonn?. J'ai pu fuir, mais maintenant, je suis un Vampire ; j'ai pour compagnon le bouc et la nuit, et les hommes me prennent pour un d?mon ! Et m?me pour le Diable mon p?re ! Je suis maintenant un errant, un nomade. Je me nourris de sang clair, et je suis le d?nuement m?me. Je suis ?tranger en mon propre domaine, et je suis seul, maintenant qu'Arthur et ses chevaliers ont rejoint leur dernier s?jour... Et quand je marche au bord du lac, je n'aper?ois plus jamais le bras d?licat de la dame qui nous offrit Excalibur.
- Allons, Merlin... r?pondit Oberon. Quelqu'un qui a l'?ternit? devant lui a t-il le droit ? l'amertume ?... Pr?sente nous plut?t ton jeune ?l?ve...
- Oui, tu as raison. Regardons vers l'avenir. Cet homme a pour nous Hieronymus Lucien. Il est instruit des ?critures humaines. Il lui reste maintenant ? percer les myst?res de la for?t. Tes myst?res, grand Oberon. Je l'ai choisi pour prendre la suite de mon ancien disciple, mort sur le b?cher pour diablerie. Il prendra ma suite, et moi je demeurerai prisonnier du r?ve de Broceliande, sans consolation face au monde qui s'enfuit. Je donnerai donc ? Hieronymus les yeux des hiboux, pour qu'il scrute les t?n?bres ; je lui donnerai le flair de mon bouc, et il p?n?trera les desseins secrets des hommes, enfouis dans leur esprit ; enfin, il volera des ailes de ma chauve-souris, et ma sorcellerie ?largira superbement le champ de ses horizons. Il conna?tra donc comme nous des passions inconnues du commun des mortels, et il aura pouvoir pour dispenser charmes et mal?dictions, grands hasards et surprises fantastiques !...
Merlin ayant achev? sa phrase, surgirent des bosquets un groupe de satyres, qui entam?rent une musique enchanteresse ? la fl?te de Pan.
Et toute la nuit, une c?r?monie extraordinaire eut lieu, de danses, de folies, d'ivresses... Et avant que la pointe de l'aube ne pique le ciel, Hieronymus Lucien quitta le r?gne des humains, et entra dans la famille des Ca?nites.
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