6e épisode (I) : Les deux Phénix dans l'automne couchant
Isawa Akitoki, daïmyo ambitieux
Laissant derrière eux le village maintenant apaisé, les deux Phénix passèrent la frontière des territoires de leur clan deux jours plus tard. Elles saluèrent leur guide qui s'en retourna à travers monts et vallées à Kyuden Tonbo.
Nos deux samuraï-ko quittait les sentiers étroits, l'air vif des montagnes pour profiter de la douceur de l'automne et de la vie des Isawa. Bois rougis par la saison, lacs de vapeur, montagnes sereines, villages paisibles, campagne harmonieuse. Tout incitait ici au repos et à la méditation, entre la plaine du chêne pâle et Shiro Asako, le château du matin radieux.
Rien n'était plus différent des grandes plaines surprenantes de la Licorne que ces paysages traditionnels et immuables, éternels comme l'Ordre Céleste. Un silence propice à la contemplation recouvrait tous ces lieux, ainsi que la beauté simple et élégante des jardins et des palais magiques.
Nos deux samuraï-ko humèrent le parfum de leur terre natale avec contentement. Enfin elles arrivaient au pied de Michita Yasumi, la Cité du repos confiant. Elles retrouvèrent leur demeure respective, où les attendaient leurs domestiques, heureuses de retrouver leur maîtresse. Il semblait qu'en ces lieux, le temps, les tracas, le fracas des batailles et les soucis du monde n'osaient pénétrer. Fébrile et fatiguée de son voyage, Ayame se laissa glisser ce soir-là dans les volutes épaisses et opiacées qui calmait sa douleur. Si ce n'était pas l'illumination du Tao, c'était au moins la cessation de la souffrance de son corps et du passé.
Le lendemain matin, nos deux samuraï-ko se réveillèrent avant Dame Soleil pour se préparer. De l'heure du Soleil à la moitié de l'heure de Hanteï
[soit 3 heures], elles se lavèrent, s'habillèrent cérémonieusement et se maquillèrent avec soin pour se rendre à la convocation de leur daïmyo. Quand elles marchèrent sur le sentier qui menait au palais, elles mirent de la joie au coeur du peuple qui put les admirer, fraîches et pimpantes comme une source d'eau claire.
Elles furent bientôt reçues par le maître de la cité le daïmyo Isawa Akitoki, shugenja du vent du 3e rang. Autoritaire, peu enclin à la plaisanterie et au laisser-aller, celui-ci accueillit les deux samuraï-ko dans sa salle de réception, délicatement décorée, près des jardins du palais.
Isawa Ayame lui remit cérémonieusement pluseurs rouleaux de correspondance confiés par Iuchi Kumanosuke à son intention. Le daïmyo les reçut et les parcourut rapidement.* Il remercia sa shugenja, puis demanda aux deux femmes un récit de leurs pérégrinations depuis leur départ d'Heibetsu, après les fêtes des vendanges.
Ayame-san évoqua la colère des kami kaze qu'elle avait invoqués en omettant de les remercier suffisamment. Elle dit que ses compagnons de voyage l'avait aidée, comme à Heibetsu, à combattre les créatures envoyées par les esprits, pendant qu'elle parvenait à les apaiser. Puis elle raconta comment les parchemins envoyés à Iuchi Kumanosuke n'avaient guère contenté ce dernier. Pour se faire pardonner, les deux Phénix s'étaient mis au service du clan de Licorne pour un temps indéfini. On les avait chargés de faire la lumière sur des évènements graves dans la vallée d'Inchu, après quoi on avait estimé que leur dette était payée. De là, retour chez les Phénix.
Isawa Akitoki avait écouté en silence. Il fit remarquer à Ayame son erreur quant à l'invocation des esprits de l'air. Il était inadmissible de les avoir fâchés. Si elle en avait payé le prix, c'était tant mieux. De plus, elle ne devait pas oublier la dette contractée à Heibetsu auprès de tous ceux qui avaient mis leur honneur en jeu pour la défendre. Ayame promit de ne pas l'oublier.
Sur l'enquête à Inchu, Akitoki-sama se montra en revanche, et de façon assez inhabituelle, satisfait de sa shugenja. Dans sa correspondance, Kumanosuke-sama mentionnait combien il était content de l'aide apportée par Ayame-san. Voilà bien une chose que le daïmyo Phénix lisait rarement à propos de sa shugenja. Il connaissait bien ses divergences théoriques, et son isolement par rapport aux autres membres de l'académie Isawa. Il avait donc fallu qu'elle aille chez les Licornes -autant dire chez les gaijins- pour prouver sa valeur... Sans parler des parchemins fantaisistes qu'elle avait ramenés de la bibliothèque de Kyuden Tonbo. Décidément, elle n'en faisait bien qu'à sa tête. Mais pour le coup, Akitoki ne voulut pas perdre une occasion d'être content. Ayame avait aidé des alliés du clan.
Les samuraï burent leur thé qui finissait d'infuser. C'est alors que le daïmyo annonça une nouvelle d'une importance capitale :
le Fils du Ciel, l'Empereur de Rokugan, avait choisi les terres du Phénix pour sa cour d'hiver !
Des messagers impériaux répandaient la nouvelle dans tout le pays. Kyuden Isawa se préparait fébrilement à recevoir le 39e Hanteï dignement, ainsi que toute l'immense et somptueuse cour des familles impériales. C'était dire que l'hiver verrait une intense activité envahir les paisibles terres du Phénix.
Et avec la tenue de l'académie Isawa, des concours de shugenja allaient être organisés. Qui plus est devant l'Empereur !
Isawa Akitoki insista alors avec la dernière fermeté sur la responsabilité qui allait échoir au clan : comme chaque année, il était impensable qu'un autre clan remporte le concours de magie. A aucun prix les Phénix ne devaient perdre leur trophée, car la pureté de son enseignement était inégalable. La magie des Ancêtres Kitsu ne valait pas la puissance de celles des kami ; les Licornes rusaient plus qu'ils ne lançaient des sorts avec leur savoir sorti des pays barbares ; la magie Crabe n'était que grossiéreté ; les Grues étaient certes d'habiles artistes, mais leur magie n'avait pas la pureté de celle des Isawa. Quant aux enseignements du Tao proposés par Tonbo Toryu, que Ayame semblait tant apprécier, Akitoki lui conseillait de les oublier.
Enseigner le changement et l'adaptation était certes distrayant, mais dans son château isolé, Toryu-sama n'avait pas toujours idée du poids de ses mots. Pendant tout l'hiver, les shugenja Phénix auraient à se montrer impeccables,, absolument impeccables, irréprochables ; tant leurs ennemis n'attendaient qu'un signe de faiblesse pour en tirer avantage.
Isawa Ayame mettrait donc de côté ses opinions pour ne faire qu'un avec le clan.
Isawa Akitoki avait prononcé des paroles qui, comme souvent, n'admettaient pas la réplique. La shugenja s'inclina, et jura de faire honneur au clan. Son daïmyo annonça enfin que des inquisiteurs de la famille Asako parcouraient les terres du clan pour mettre à l'épreuve la vertu et l'orthodoxie des shugenja. Avant peu, Ayame-san recevrait la visite de ces gens. Elle serait soumise à des questions déterminantes. Ceux des Phénix qui seraient invités à l'une ou l'autre cour d'hiver y gagneraient gloire et honneur ; les autres seraient honteux et mis à l'écart de ne pas franchir le seuil des palais où entreraient les plus grands seigneurs de Rokugan.
Les deux samuraI-ko s'inclinèrent devant toutes ces paroles. Isawa Akitoki souhaita qu'elles se reposent de leurs voyages dans les jours à venir. Elles en auraient besoin pour affronter l'hiver.
A suivre : Shiba Rosanjin, maître calligraphe
*Isawa Akitoki retint une moue de mécontentement : ce vieux renard de Kumanosuke lui envoyait encore du spam et des mails collectifs inutiles. ![[Image: icon2.gif]](http://sdm-jdr.homelinux.com/forum/style_images/set_Invi-516/icon2.gif)
- "Lastminute.com : -30% sur les croisières dans les îles de la Mante."
- "Venez découvrir les plaines gaijins. Excursions et frissons garantie. S'adresser à l'agence de voyage Moto-Tsume & frères."
- "Des réductions, des remises, des promotions, des prix de gros : tout ça jusqu'à la fin du mois du Sanglier chez Yasuki Taka, le meilleur marchand des Crabes."
- "Coca-Kolat, çaybon buvézan."
- "Une shugenja se rendit au mémorial de la Ki-Rin et guérit d'une maladie grave. Envoyez ce mail à 15 personnes avant 15 jours, dans 5 clans différents, et vous aurez du bonheur pour trois mois. Envoyez-le à 30 personnes et vous aurez etc."
- "Filatures, assassinats, empoisonnements, chantage, enlèvement : agence "Chez Bayushi". Discrétion assurée."
- "C'est l'histoire d'un moine Licorne et d'un Matsu qui boivent un coup au comptoir. Et là, t'as un Grue qui rentre et qui leur dit..."
Déjà que sa boîte était saturée de pigeons, Akitoki en avait marre de jeter à la poubelle tous ces papiers et tous ces oiseaux. Il allait écrire à Kumanosuke, qu'il le retire de sa liste de diffusion !