12-01-2005, 06:16 PM
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La 5e Réincarnation : 10e Episode (II)
L'ENQUÊTE DES LICORNES<!--sizec--><!--/sizec-->
Ses serviteurs avec les bras chargés de cadeaux, les oreilles lui sifflant encore du babil du marchand, rapide comme les ailes du colibri, Shinjo Kohei ressortit de l'échoppe, après y avoir laissé une véritable fortune, de quoi honorer pour longtemps Daikoku.
- Mon nom est Hida Shigeru, lui avait dit ce grand Crabe, dépassant tout le monde d'une tête, et Yasuki Taka de deux. Je suis envoyé par mon clan me mettre sous vos ordres, Kohei-san.
Notre Licorne considéra un instant le personnage en se grattant la barbe. Un vrai colosse, digne guerrier du Grand Ours, déjà âgé (il pouvait approcher la quarantaine) mais on l'imaginait mal tonsuré dans quelques années. Sourcils broussailleux, maintien solide, regard qui a plongé profondément dans les antres des monstres de l'Outremonde, grosses mains... une force de la nature, des Fortunes de la Terre.
- Je suis content de te rencontrer, Shigeru-san. Avec toi et d'autres sous mes ordres, nous irons nous mettre au service de la famille Daidoji, dès la fin de la cour d'hiver. D'ici là, tu pourras loger au palais. Présente-toi à la porte bientôt, et je t'introduirai parmi les invités.
- Très bien, Kohei-san, fit Shigeru.
Les deux hommes se quittèrent après s'être ainsi rapidement jaugés.
Quelques jours après, Shinjo Kohei réunit ses compagnons de voyage dans les appartements de la Licorne. Il y avait là Kakita Hiruya, Isawa Ayame et son yojimbo Shiba Ikky, Mirumoto Ryu et Hida Shigeru.
- Je suis content que vous ayez accepté mon invitation, dit Kohei-san. Permettez-moi de vous faire servir cet excellent, qui vient de mon village natal. C'est l'un des meilleurs que l'on distille dans notre clan. J'espère qu'il sera à votre convenance.
Quand tout le monde fut servi, et qu'on eut bu quelques coupes pour goûter et apprécier l'alcool, le Licorne prit la parole :
- Je me suis permis de vous inviter car je désire parler d'un sujet important, sur lequel l'honorable magistrat Ide Soshu désirerait faire la lumière. Il s'agit de ce blessé anonyme, arrivé au palais, au moment même où Matsu Bashô-sama, le poète, aurait dû se présenter à la cour d'hiver.
Le matin même, Kohei-san était allé s'informer auprès de Riobe et Sotan de ce qui s'était passé l'autre soir, dans les quartiers ignobles de la ville. A demi-mots, et sans mettre en cause l'honneur de qui que ce soit, Riobe avait dit que des réglements de compte entre yakuzas avaient eu lieu... Parmi les attaquants, on avait vu deux rônins, et un samuraï portant l'armure du clan du Dragon...
- Bien sûr, bien sûr, avait dit Kohei en se grattant la barbe, et comme nous savons qu'il n'y a pas de légions en ville, les choses sont claires...
Mais Ryu-san refusait de parler. Elle respectait en fait le serment fait au chef des criminels avec qui elle s'était alliée... Indirectement, elle protégeait l'honneur de son clan, à commencer par celui du docteur Munetaka.
- Soshu-sama désirerait parler à Bashô-sama d'affaires importantes. Il pense que le poète pourrait l'aider à arrêter d'importants criminels, qui agissent en plusieurs lieux de l'Empire. Non pas qu'un noble seigneur comme Matsu Bashô soit mêlé à la pègre en aucune façon, mais son témoignage pourrait être précieux...
- Je comprends votre demande, dit Ayame-san, mais je vois mal comment nous pourrions vous aider. Si Soshu-sama désire rencontrer Bashô-sama, pourquoi n'en fait-il pas la demande auprès à Masanaga-sama ?
- Non, impossible, trancha Kohei. Soshu-sama a déjà tenté de parler à notre hôte du poète Bashô, mais Masanaga-sama lui a vite fait comprendre qu'il n'était pas envisageable d'aborder un tel sujet. D'ailleurs, selon les ordres de notre hôte, le blessé et Bashô n'ont rien à voir...
- Ah non ! ils n'ont rien à voir ! rien de rien ! s'exclama Ryu-san, d'un ton qui suggérait tout le contraire.
- Pourquoi ne pas directement aller voir ce Bashô et s'expliquer avec lui ?
Hida Shigeru avait parlé.
- Non, non, impossible. Ce serait contre la volonté d'Isawa Masanaga-sama... Je voudrais juste savoir si vous pouviez me dire ce que vous avez appris sur Bashô-sama pendant cette cour d'hiver. Les rumeurs disent beaucoup de choses.
Il y eut un petit moment de silence.
- Eh bien, Kohei, dit Hiruya, tu sais comme nous qu'on dit Bashô mêlé à la pègre...
- Oui, en effet... Et c'est quand Asahina Masumi-sama a commencé à suggérer de telles choses que la discussion avec Kitsu Kameko-sama s'est envenimée, et que cela a fini par le duel... Je sais bien que l'affaire est délicate. Je ne cherche qu'à aider la justice de mon clan, et celle de l'Empire, en aidant à l'arrestation d'odieux criminels.
- Nous comprenons votre volonté, dit Ayame-san, et nous espérons que nous pourrons vous aider, Kohei-san.
- Oui, dit Hiruya, si nous apprenons quelque chose, nous t'en parlerons.
- Très bien, je vous remercie.

La réunion se poursuivit paisiblement, sans que Kohei n'aborde ce sujet. On bavarda de choses et d'autres, à l'écart des manigances des courtisans.
Quelques jours après, Kohei-san donnait rendez-vous à Sotan et Riobe dans une auberge à la sortie de la ville. Les deux rônins avaient décidé, sur conseil de Kohei-san, d'aller prendre respirer l'air de la campagne. Depuis l'affrontement sanglant entre yakuzas, les magistrats Shiba avaient effectué plusieurs descentes dans les mauvais quartiers, et il commençait à y avoir trop de kimonos écarlates dans les rues pour que nos deux rônins se sentent en sécurité. On pouvait à tout moment les arrêter et les pendre, pour l'exemple.
Shinjo Kohei, monté sur son imposante monture, était suivi de Hida Shigeru et Mirumoto Ryu. Les trois samuraï retrouvèrent donc Sotan et Riobe à la sortie de la Cité du Chêne Pâle, à l'orée de la campagne enneigée. Il faisait bon entrer dans ces auberges chauffées par les buveurs de sake, et d'en boire également, alors que l'hiver plongeait l'Empire dans la torpeur.
Shinjo Kohei prit ainsi la parole :
- Je vous ai réunis ici, tous, car vous vous trouvez à présent sous mon commandement jusqu'à ce que nous ayons accompli notre obligation envers la famille Daidoji. En attendant l'arrivée du printemps, je désirerais que vous aidiez le magistrat Ide Soshu à se remettre sur la piste des dangereux complices de Hiro. On pense qu'ils ne sont pas tous morts dans l'attaque des yakuzas, et qu'ils se sont éparpillés à travers la campagne. Il y a un grand nombre de petits villages, dans la région, isolés pendant l'hiver. Autant de caches providentielles pour ces canailles. Aidez-nous à les retrouver et vous aiderez grandement la justice du clan de la Licorne, et par conséquent de l'Empire.
"Vous voyagerez sur les terres du clan du Phénix, mais sans doute, vous rencontrerez peu de samuraï dans ces campagnes. Il vous suffira de poser les bonnes questions, et le moment venu, nous nous permettrons d'avertir l'honorable famille Shiba, qui agira en conséquence si elle apprend où se cachent ces bandits.
Kohei-san resservit les coupes pour conclure ses ordres, et passa avec Shigeru-san, Ryu-san, Riobe et Sotan la fin de la journée, à discuter, à boire et à jouer au go. Ils parlèrent et se moquèrent abondamment de Matsu Bashô, de sa réputation d'effeminé, et reparlèrent de leurs voyages.
Alors que Riobe terminait une deuxième partie de go contre Sotan, en l'ayant chaque fois vaincu sans difficulté, on entendit approcher un boîteux qui dit :
- Doshi ! viens donc te mesurer à un adversaire de ton niveau !
C'était Kakashi le rônin, qui salua tout le monde, et vint s'asseoir et participer à la bonne humeur chaleureuse de l'auberge. Le patron était content : il faisait des affaires exceptionnelles pour un hiver, et avec tous ces samuraï présents, les bandits passeraient au large.
Pendant que Kakashi affrontait Riobe au go, Ryu-san réfléchissait aux implications et complicités de Hiro et sa bande. Quel rapport avec Matsu Bashô ? Qui avait ce dernier, juste avant son arrivée à la cour d'hiver ? Etait-ce un réglement de compte criminel ? Ca y ressemblait fort...
Shigeru, qui avait depuis la première rencontre reconnu en Sotan un ancien membre de son clan, partagea ses souvenirs avec ce dernier. Sotan était trop heureux de pouvoir parler avec celui qui aurait pu être un frère d'armes. Mais dans le même temps, la honte le retenait de parler d'égal à égal.
- Avec moi, oubliez les grands mots et les belles conventions, déclara Shigeru.
Rassuré, Sotan évoqua son passé, et pourquoi il avait déchu.
- Je fus envoyé par mon clan dans les lointaines montagnes du Dragon, avec plusieurs de mes hommes, pour y combattre des bandes de pillards gaijin. J'ignore pourquoi les Dragons ont fait appel à nous. Même le clan du Blaireau aurait pu attaquer ces barbares, mais enfin... Il y avait aussi plusieurs Licorne de la famille Moto, venus pour les mêmes raisons. Nous avons compris que nous devions obéir à un homme appelé Tsuru Makkuro - la Grue Noire -, vraisemblablement un ancien duelliste, très dangereux. Il commandait avec une autorité absolue, et dirigea nos attaques. Il était sombre, inquiétant, mais nous obéissions à nos clans respectifs. J'ai fini par comprendre que c'était un homme sans honneur, qu'il ne valait pas mieux que les gaijins que nous combattions. J'ignore pourquoi mon clan m'a envoyé sous ses ordres. Toujours est-il que j'ai fini par comprendre qu'il avait manipulé une bande de rônins souillés par l'Outremonde, pour les forcer à attaquer un village du clan de la Libellule, où l'on élevait des poissons dont les oeufs permettent de combattre la Souillure. Quand j'ai compris que je servais un tel personnage, mes hommes et moi sommes allés lui parler, face à face... A quatre contre un, nous pensions l'intimider. Hélas, il n'eut aucune peur face à nous. Il se mit en garde, comme pour un duel. Nous l'avons attaqué ensemble... Son katana a jailli, et j'ai vu mes trois hommes s'effondrer comme des fêtus de paille, coupés net. Moi-même, je reçu un coup que la Grue Noire crut sans doute fatal. Il me laissa pour mort. Mais les Fortunes ont voulu me garder en vie. A mon réveil, j'ai compris que j'étais indigne de continuer à servir mon clan. Depuis, je veux retourner me battre sur la Muraille ou obtenir l'autorisation de pratiquer le seppuku.
- Je comprends, dit Shigeru. Je pense que malgré tout, vous êtes quelqu'un d'honorable, car vous avez su voir le mal là où il était. Pour ma part, j'ai commis l'erreur de vouloir attaquer trop vite, au lieu d'avertir mon unité. J'ai affronté seul l'Outremonde, et les renforts ne sont arrivés qu'après. Mon clan a donc décidé que je devais m'éloigner de la Muraille. Je ne comprends pas ce châtiment, mais je le respecte. Chacun doit avoir sa place dans l'Ordre Céleste. A d'autres de réfléchir et de me dire ce que je dois faire...
Pour sa part, Kakashi avait choisi lui aussi de prendre de la distance par rapport à la Cité du Chêne Pale, le temps que les magistrats retrouvent leur calme. Il allait loger dans cette auberge paisible. Enfin, Kohei-san devait partir d'ici peu en pélerinage avec le diplomate Ide Tadaji et le magistrat Ide Soshu au mémorial de la Ki-Rin, pour y honorer leurs Ancêtres. C'est de ce lieu sacré que le clan du Phénix avait vu revenir les descendants de Shinjo, il y a deux cent ans de cela.
A son retour, d'ici une dizaine de jours, Kohei viendrait prendre des nouvelles des samuraï.
C'est ainsi que le lendemain, par un matin frisquet, Hida Shigeru, Mirumoto Ryu, Sotan et Riobe partirent dans la campagne du Phénix, endormie sous un épais manteau de neige.
A suivre...
L'ENQUÊTE DES LICORNES<!--sizec--><!--/sizec-->
Ses serviteurs avec les bras chargés de cadeaux, les oreilles lui sifflant encore du babil du marchand, rapide comme les ailes du colibri, Shinjo Kohei ressortit de l'échoppe, après y avoir laissé une véritable fortune, de quoi honorer pour longtemps Daikoku.
- Mon nom est Hida Shigeru, lui avait dit ce grand Crabe, dépassant tout le monde d'une tête, et Yasuki Taka de deux. Je suis envoyé par mon clan me mettre sous vos ordres, Kohei-san.
Notre Licorne considéra un instant le personnage en se grattant la barbe. Un vrai colosse, digne guerrier du Grand Ours, déjà âgé (il pouvait approcher la quarantaine) mais on l'imaginait mal tonsuré dans quelques années. Sourcils broussailleux, maintien solide, regard qui a plongé profondément dans les antres des monstres de l'Outremonde, grosses mains... une force de la nature, des Fortunes de la Terre.
- Je suis content de te rencontrer, Shigeru-san. Avec toi et d'autres sous mes ordres, nous irons nous mettre au service de la famille Daidoji, dès la fin de la cour d'hiver. D'ici là, tu pourras loger au palais. Présente-toi à la porte bientôt, et je t'introduirai parmi les invités.
- Très bien, Kohei-san, fit Shigeru.
Les deux hommes se quittèrent après s'être ainsi rapidement jaugés.
Quelques jours après, Shinjo Kohei réunit ses compagnons de voyage dans les appartements de la Licorne. Il y avait là Kakita Hiruya, Isawa Ayame et son yojimbo Shiba Ikky, Mirumoto Ryu et Hida Shigeru.
- Je suis content que vous ayez accepté mon invitation, dit Kohei-san. Permettez-moi de vous faire servir cet excellent, qui vient de mon village natal. C'est l'un des meilleurs que l'on distille dans notre clan. J'espère qu'il sera à votre convenance.
Quand tout le monde fut servi, et qu'on eut bu quelques coupes pour goûter et apprécier l'alcool, le Licorne prit la parole :
- Je me suis permis de vous inviter car je désire parler d'un sujet important, sur lequel l'honorable magistrat Ide Soshu désirerait faire la lumière. Il s'agit de ce blessé anonyme, arrivé au palais, au moment même où Matsu Bashô-sama, le poète, aurait dû se présenter à la cour d'hiver.
Le matin même, Kohei-san était allé s'informer auprès de Riobe et Sotan de ce qui s'était passé l'autre soir, dans les quartiers ignobles de la ville. A demi-mots, et sans mettre en cause l'honneur de qui que ce soit, Riobe avait dit que des réglements de compte entre yakuzas avaient eu lieu... Parmi les attaquants, on avait vu deux rônins, et un samuraï portant l'armure du clan du Dragon...
- Bien sûr, bien sûr, avait dit Kohei en se grattant la barbe, et comme nous savons qu'il n'y a pas de légions en ville, les choses sont claires...
Mais Ryu-san refusait de parler. Elle respectait en fait le serment fait au chef des criminels avec qui elle s'était alliée... Indirectement, elle protégeait l'honneur de son clan, à commencer par celui du docteur Munetaka.
- Soshu-sama désirerait parler à Bashô-sama d'affaires importantes. Il pense que le poète pourrait l'aider à arrêter d'importants criminels, qui agissent en plusieurs lieux de l'Empire. Non pas qu'un noble seigneur comme Matsu Bashô soit mêlé à la pègre en aucune façon, mais son témoignage pourrait être précieux...
- Je comprends votre demande, dit Ayame-san, mais je vois mal comment nous pourrions vous aider. Si Soshu-sama désire rencontrer Bashô-sama, pourquoi n'en fait-il pas la demande auprès à Masanaga-sama ?
- Non, impossible, trancha Kohei. Soshu-sama a déjà tenté de parler à notre hôte du poète Bashô, mais Masanaga-sama lui a vite fait comprendre qu'il n'était pas envisageable d'aborder un tel sujet. D'ailleurs, selon les ordres de notre hôte, le blessé et Bashô n'ont rien à voir...
- Ah non ! ils n'ont rien à voir ! rien de rien ! s'exclama Ryu-san, d'un ton qui suggérait tout le contraire.
- Pourquoi ne pas directement aller voir ce Bashô et s'expliquer avec lui ?
Hida Shigeru avait parlé.

- Non, non, impossible. Ce serait contre la volonté d'Isawa Masanaga-sama... Je voudrais juste savoir si vous pouviez me dire ce que vous avez appris sur Bashô-sama pendant cette cour d'hiver. Les rumeurs disent beaucoup de choses.
Il y eut un petit moment de silence.
- Eh bien, Kohei, dit Hiruya, tu sais comme nous qu'on dit Bashô mêlé à la pègre...
- Oui, en effet... Et c'est quand Asahina Masumi-sama a commencé à suggérer de telles choses que la discussion avec Kitsu Kameko-sama s'est envenimée, et que cela a fini par le duel... Je sais bien que l'affaire est délicate. Je ne cherche qu'à aider la justice de mon clan, et celle de l'Empire, en aidant à l'arrestation d'odieux criminels.
- Nous comprenons votre volonté, dit Ayame-san, et nous espérons que nous pourrons vous aider, Kohei-san.
- Oui, dit Hiruya, si nous apprenons quelque chose, nous t'en parlerons.
- Très bien, je vous remercie.

La réunion se poursuivit paisiblement, sans que Kohei n'aborde ce sujet. On bavarda de choses et d'autres, à l'écart des manigances des courtisans.
Quelques jours après, Kohei-san donnait rendez-vous à Sotan et Riobe dans une auberge à la sortie de la ville. Les deux rônins avaient décidé, sur conseil de Kohei-san, d'aller prendre respirer l'air de la campagne. Depuis l'affrontement sanglant entre yakuzas, les magistrats Shiba avaient effectué plusieurs descentes dans les mauvais quartiers, et il commençait à y avoir trop de kimonos écarlates dans les rues pour que nos deux rônins se sentent en sécurité. On pouvait à tout moment les arrêter et les pendre, pour l'exemple.
Shinjo Kohei, monté sur son imposante monture, était suivi de Hida Shigeru et Mirumoto Ryu. Les trois samuraï retrouvèrent donc Sotan et Riobe à la sortie de la Cité du Chêne Pâle, à l'orée de la campagne enneigée. Il faisait bon entrer dans ces auberges chauffées par les buveurs de sake, et d'en boire également, alors que l'hiver plongeait l'Empire dans la torpeur.
Shinjo Kohei prit ainsi la parole :
- Je vous ai réunis ici, tous, car vous vous trouvez à présent sous mon commandement jusqu'à ce que nous ayons accompli notre obligation envers la famille Daidoji. En attendant l'arrivée du printemps, je désirerais que vous aidiez le magistrat Ide Soshu à se remettre sur la piste des dangereux complices de Hiro. On pense qu'ils ne sont pas tous morts dans l'attaque des yakuzas, et qu'ils se sont éparpillés à travers la campagne. Il y a un grand nombre de petits villages, dans la région, isolés pendant l'hiver. Autant de caches providentielles pour ces canailles. Aidez-nous à les retrouver et vous aiderez grandement la justice du clan de la Licorne, et par conséquent de l'Empire.
"Vous voyagerez sur les terres du clan du Phénix, mais sans doute, vous rencontrerez peu de samuraï dans ces campagnes. Il vous suffira de poser les bonnes questions, et le moment venu, nous nous permettrons d'avertir l'honorable famille Shiba, qui agira en conséquence si elle apprend où se cachent ces bandits.
Kohei-san resservit les coupes pour conclure ses ordres, et passa avec Shigeru-san, Ryu-san, Riobe et Sotan la fin de la journée, à discuter, à boire et à jouer au go. Ils parlèrent et se moquèrent abondamment de Matsu Bashô, de sa réputation d'effeminé, et reparlèrent de leurs voyages.
Alors que Riobe terminait une deuxième partie de go contre Sotan, en l'ayant chaque fois vaincu sans difficulté, on entendit approcher un boîteux qui dit :
- Doshi ! viens donc te mesurer à un adversaire de ton niveau !
C'était Kakashi le rônin, qui salua tout le monde, et vint s'asseoir et participer à la bonne humeur chaleureuse de l'auberge. Le patron était content : il faisait des affaires exceptionnelles pour un hiver, et avec tous ces samuraï présents, les bandits passeraient au large.
Pendant que Kakashi affrontait Riobe au go, Ryu-san réfléchissait aux implications et complicités de Hiro et sa bande. Quel rapport avec Matsu Bashô ? Qui avait ce dernier, juste avant son arrivée à la cour d'hiver ? Etait-ce un réglement de compte criminel ? Ca y ressemblait fort...
Shigeru, qui avait depuis la première rencontre reconnu en Sotan un ancien membre de son clan, partagea ses souvenirs avec ce dernier. Sotan était trop heureux de pouvoir parler avec celui qui aurait pu être un frère d'armes. Mais dans le même temps, la honte le retenait de parler d'égal à égal.
- Avec moi, oubliez les grands mots et les belles conventions, déclara Shigeru.

Rassuré, Sotan évoqua son passé, et pourquoi il avait déchu.
- Je fus envoyé par mon clan dans les lointaines montagnes du Dragon, avec plusieurs de mes hommes, pour y combattre des bandes de pillards gaijin. J'ignore pourquoi les Dragons ont fait appel à nous. Même le clan du Blaireau aurait pu attaquer ces barbares, mais enfin... Il y avait aussi plusieurs Licorne de la famille Moto, venus pour les mêmes raisons. Nous avons compris que nous devions obéir à un homme appelé Tsuru Makkuro - la Grue Noire -, vraisemblablement un ancien duelliste, très dangereux. Il commandait avec une autorité absolue, et dirigea nos attaques. Il était sombre, inquiétant, mais nous obéissions à nos clans respectifs. J'ai fini par comprendre que c'était un homme sans honneur, qu'il ne valait pas mieux que les gaijins que nous combattions. J'ignore pourquoi mon clan m'a envoyé sous ses ordres. Toujours est-il que j'ai fini par comprendre qu'il avait manipulé une bande de rônins souillés par l'Outremonde, pour les forcer à attaquer un village du clan de la Libellule, où l'on élevait des poissons dont les oeufs permettent de combattre la Souillure. Quand j'ai compris que je servais un tel personnage, mes hommes et moi sommes allés lui parler, face à face... A quatre contre un, nous pensions l'intimider. Hélas, il n'eut aucune peur face à nous. Il se mit en garde, comme pour un duel. Nous l'avons attaqué ensemble... Son katana a jailli, et j'ai vu mes trois hommes s'effondrer comme des fêtus de paille, coupés net. Moi-même, je reçu un coup que la Grue Noire crut sans doute fatal. Il me laissa pour mort. Mais les Fortunes ont voulu me garder en vie. A mon réveil, j'ai compris que j'étais indigne de continuer à servir mon clan. Depuis, je veux retourner me battre sur la Muraille ou obtenir l'autorisation de pratiquer le seppuku.
- Je comprends, dit Shigeru. Je pense que malgré tout, vous êtes quelqu'un d'honorable, car vous avez su voir le mal là où il était. Pour ma part, j'ai commis l'erreur de vouloir attaquer trop vite, au lieu d'avertir mon unité. J'ai affronté seul l'Outremonde, et les renforts ne sont arrivés qu'après. Mon clan a donc décidé que je devais m'éloigner de la Muraille. Je ne comprends pas ce châtiment, mais je le respecte. Chacun doit avoir sa place dans l'Ordre Céleste. A d'autres de réfléchir et de me dire ce que je dois faire...
Pour sa part, Kakashi avait choisi lui aussi de prendre de la distance par rapport à la Cité du Chêne Pale, le temps que les magistrats retrouvent leur calme. Il allait loger dans cette auberge paisible. Enfin, Kohei-san devait partir d'ici peu en pélerinage avec le diplomate Ide Tadaji et le magistrat Ide Soshu au mémorial de la Ki-Rin, pour y honorer leurs Ancêtres. C'est de ce lieu sacré que le clan du Phénix avait vu revenir les descendants de Shinjo, il y a deux cent ans de cela.
A son retour, d'ici une dizaine de jours, Kohei viendrait prendre des nouvelles des samuraï.
C'est ainsi que le lendemain, par un matin frisquet, Hida Shigeru, Mirumoto Ryu, Sotan et Riobe partirent dans la campagne du Phénix, endormie sous un épais manteau de neige.
A suivre...
