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Dossier #10 : Penthésilée 64-300 Exécution
#11
DOSSIER #10
La plateforme circulaire descendait dans le grand tube d’acier.
Les niveaux défilaient, poutrelles après poutrelles. Par la verrière, les deux policiers voyaient la Cité-Machine se rapprocher avec ses énormes roues dentelées et ses gros blocs aux lumières scintillantes, parcourus d’innombrables araignées métalliques veillant sans arrêt aux circuits.

Maréchal retrouvait peu à peu le chemin qu’il avait suivi il y a douze ans. Des plans trouvés dans le chromatographe de Weid et décodés par Linus, avaient permis de compléter les souvenirs de l’ancien gamin des rues. Le reste était une promenade de santé...

Ils descendirent sous les machines et arrivèrent au lieu-dit du « chemin souterrain des tombeaux ». L’endroit ne devait être connu de personne à la surface. Portzamparc devait bien être le premier Forgien de naissance à voir ce paysage, fantomatique et sublime, de catafalques verticaux grands comme des immeubles, avec des inscriptions indéchiffrables et de motifs effrayants. Dans la section où nos héros avançaient, se dressaient dix de ces monstruosités architecturales. Des tombeaux d’entités ayant lentement agonisé sur Exil, il y a de cela des siècles ou des millénaires.

Dans l’air, pas un bruit, pas un son ni une respiration. Le bruit de la Cité au-dessus était comme étouffé. Des mausolées de taille humaine, dérisoires par rapport aux cercueils gigantesques, abritaient d’autres créatures pas plus identifiables, et il y avait au moins quinze de ces petites bâtisses pour chacun des grands tombeaux. Un courant souterrain d’eau noire circulait au-dessus du chemin, qui se situait bien plus bas que le niveau de l’océan. Ce que nul ne pouvait manquer de ressentir était l’abominable, l’impénétrable solitude des lieux. Un silence de mort, la solitude de dieux déchus.

Le ciel était entièrement masqué par la masse tentaculaire de la Cité d’Acier, dont les lointaines lumières formaient des sortes d’étoiles ; lueurs électriques qui semblaient froides et menaçantes depuis ces profondeurs. Marcher sur ce chemin était comme marcher sur une planète inconnue, hostile à la vie humaine. A l’instinct, Maréchal pistait ce qui avait été l'entrée du Halo.

- Je ne comprends pas que l’endroit soit si bas. Je ne me souviens pas qu’il était en-dessous de la Cité Machine. C’est comme si le repaire avait été descendu de plusieurs étages. Sans doute la conséquence d’un remodelage qui a eu lieu depuis… Je me disais que même pour chercher un Scientiste, nous étions bien bas…

C’est entre l’entrée d’une sorte de crypte et le pied d’un des monuments colossaux que Maréchal retrouva l’entrée du repaire. Le chemin sinueux descendait en pente douce puis entrait dans un bâtiment abandonné. Nos héros durent s’en remettre à la lumière de leurs casques et de leur lampe-tempête. Ils étaient venus équipés comme des égoutiers.

Ils entraient dans ce qui ressemblait à un conduit de tramway souterrain, avec des rails et des murs entièrement nus. Plusieurs intersections, qui se finissaient vite en cul-de-sac. Ils explorèrent méthodiquement les différents chemins et finirent par trouver, au bout d’un tunnel courbe, une rame abandonnée, sur un rail qui se poursuivait en passant sous un mur. La voie s’arrêtait là, brusquement.
- C’est absurde, dit Portzamparc, personne ne prend le tram ici !... Personne ne vit ici !

Nos héros promenèrent leurs lampes sur la rame vide. Personne à l’intérieur. La porte était restée ouverte, ils montèrent. Ils virent sur le siège des sacs à main, une poupée, une chaussure, un mouchoir… Une réclame pour de l'eau de toilette était encore collée au mur, en partie déchirée. Une vitre était étoilée. Des griffures sur le dossier d’un siège.
- On s’est battu ici, murmura Maréchal.

Portzamparc redescendit de la rame. Même pour des hommes ayant le cœur bien accroché comme nos héros, l’endroit devenait vraiment trop malsain. Les deux policiers frissonnèrent en apercevant au bout du rail un levier d’aiguillage. D’une part, ils n’étaient pas sûrs qu’il était là lorsqu’ils étaient montés dans la rame. D’autre part, ils ne savaient pas s’ils devaient l’activer.
- Nous perdons notre temps ici, trancha Portzamparc. Remontons…
- Oui, trop de choses ont changé depuis mon dernier passage…

*

Ils ressortirent du tunnel courbé et virent que les intersections avaient changé. Ils étaient certains que les murs avaient bougé !...
Ils mirent la main sur leurs armes et prirent le premier couloir à droie. Il y eut un bruit sourd, comme une masse qui s’abat, et ils virent derrière eux que le mur venait de se boucher !

Ils n’avaient plus le choix que d’avancer. Pour ne rien arranger, Maréchal commençait à voir des tâches lumineuses devant les yeux. Il n’en dit rien à son collègue et fit de son mieux pour le suivre en regardant le sol. Seulement il faisait de plus en plus sombre et les lumières ne suffisaient plus. Maréchal ferma les yeux pour tenter de chasser les tâches importunes, mais elles se multipliaient comme des monocellulaires dans un bain nutritif. Il commençait à pleurer du fait de l’irritation. Portzamparc, qui n’y voyait plus goutte, ne se doutait de rien.

Maréchal se frotta encore les yeux et quand il les rouvrit, le cœur battant, il voyait tout blanc ! Il se retint de crier quand il vit Portzamparc devant lui, sous une lumière effrayante. Maréchal se souvint alors des tirages de chromatographe en couleurs inversées. C’était cela, il voyait en négatif ! Et comme ils étaient dans l’obscurité, il faisait soudain grand jour ! Il ferma les yeux, ébloui.

Et au bout du couloir, Maréchal vit soudain des silhouettes blanches qui avançaient vers eux. Portzamparc ne pouvait rien en deviner. L’inspecteur vit à sa droite un couloir perpendiculaire : il fit signe à son collègue de se dépêcher de le suivre dedans.
Les deux hommes pressèrent le pas, Porzamparc voyant seulement que Maréchal semblait se repérer à l’aise dans cette obscurité. Ils prirent plusieurs embranchements, les pas gagnant sur eux. Le détective les entendait aussi bien mais ne pouvait savoir de quoi il s’agissait.
Maréchal avançait de plus en plus vite. Il se retrouva d’un coup plongé dans le noir, alors que Portzamparc était ébloui. Des lumières venaient de s’allumer ! Jeff sortit son arme et vit, qui tournaient au coin, des humanoïdes à la peau laiteuse, en manteaux de cuir noir, qui avançaient ensemble. Ils étaient jumeaux ; ils n’avaient aucune vie dans le regard.

Maréchal, le crâne vrillé par la douleur, avait la vue qui redevenait normal. Il s'habituait à la lumière électrique. Plusieurs coups de feu partirent sur les créatures. Les deux policiers avaient tiré trois balles chacun. Elles frappèrent dans la poitrine les quatre hommes, qui partirent en arrière et se changèrent en épaisses toiles noires sans un cri. Celles-ci tombèrent en un tas flasque et humide.

Terrifiés, les deux policiers prirent leurs jambes à leur cou, montèrent une échelle, traversèrent un couloir et retrouvèrent les rails. D’autres créatures étaient déjà sur leurs pas. Portzamparc aperçut les lueurs sinistres du dehors et entraîna Maréchal qui tira plusieurs coups en arrière. Les balles résonnèrent fantastiquement et se perdirent.

Arrivés dehors, les deux policiers coururent encore pendant plusieurs minutes. Maréchal s’assit, à bout de forces, la tête entre les mains. Portzamparc l’aida à se relever.

L’inspecteur avait cru qu’ils finiraient bloqués avant de revenir aux rails. Mais à ce moment, d’un simple geste, Maréchal avait fait se lever le mur. La clef des champs, tout simplement ! Ne pas oublier ses rêves d’évasion ! Par la force de la volonté, il avait fait se lever le mur !

*

Les deux hommes marchèrent jusqu’à l’ascenseur. Pendant que la cage descendait comme un oiseau de mauvais augure, les policiers fumèrent une cigarette.
- Je croyais que vous aviez arrêté, dit Portzamparc.
- J’ai diminué, le temps de ma convalescence, ce n’est pas pareil.
Ils s’assirent sur une poutrelle laissée par terre.
- C’était quoi à l’intérieur ?...
- Je ne sais pas, dit Maréchal. Je n’avais jamais vu ces choses…
- Que gardent-ils, si Heindrich est mort ?
- Nous ne savons pas si Heindrich est mort…
- Il faut aller demander au Somnambule.
- Dès que vous l’aurez mis sous les verrous, fit Maréchal, qui trouvait encore la force de plaisanter.
Leur coeur commenaçait seulement à reprendre un rythme normal.

La porte de l’ascenseur s’ouvrit. Portzamparc appuya sur le bouton du milieu.
- Nous allons tout en haut, détective…
- Je voudrais faire une halte… Un allié précieux à retrouver.
- S’il est si précieux, il aurait pu nous accompagner là-bas…

Ils sortirent à l’étage intermédiaire.
Ils ne mirent pas longtemps à voir l’androïde féminin, perché dans un poste d’aiguillage, qui se réveillait à leur approche.
- Penthésilée !... Tu t’es associé à cette voleuse !... C’est comme ça que vous faites à la brigade des rues quand vous ne pouvez pas attraper un pickpocket ? Vous l’engagez !...
- Bonsoir, Penthésilée, dit Portzamparc. Si j’avais osé, je vous aurais proposé de descendre avec nous.
- Pour-quoi pas…
- Trop tard, nous en revenons.

Maréchal se sentait étranger à cette conversation. Il n’allait pas déranger. Il prit son briquet, dut le frotter plusieurs fois pour obtenir une vraie flamme et s’alluma une cigarette.
- Non, dit Penthésilée, vous ne de-vriez pas…
- Quoi ? ma clope ? Je rêve ou vous êtes en plus programmée pour faire nounou ?
- Non, ce n’est pas…
L’androïde ne finit pas sa phrase. Un coup de feu partit, et résonna comme le tonnerre.
Maréchal, frappé à la tête, fut jeté au sol. S’il avait pu, à ce moment, il aurait lâché, rageur : « Ah non merde ! Pas encore !... »
Au lieu de cela, il tomba, et sa cigarette roula par terre. Portzamparc tira son arme. Il avait vu le tireur, appuyé sur un genou, fusil encore à la main. Le détective tira plusieurs fois, mais ses balles ricochèrent sur le métal de la cage du local ferroviaire où il se cachait.
Penthésilée poussa un cri de désespoir et courut de toute la vitesse de ses circuits vers le tueur. Celui-ci tira plusieurs fois. Le gros calibre frappa l’armure grise de la voleuse, endommageant les circuits. Penthésilée avançait encore, de l’huile et des décharges jaillissaient de ses articulations.
Le tueur jeta son fusil et sortit un révolver. Il vida encore son chargeur sur son ennemie, qui était ralentie mais pas arrêtée. Les balles enfonçaient l’armure, et les membres de Penthésilée remuaient de moins en moins. Presque paralysée des jambes, elle arracha la grille de métal du local dans un grondement métallisé. Il tomba sur le derrière, dos au mur, et visa la tête du robot qui allait lui écraser la tête dans sa poigne.

Un tir partit et l’œil du tueur éclata. Un second et il fut collé pour de bon sur le mur, la mâchoire déchirée.
Portzamparc avait rechargé, et visé juste.

Penthésilée fit un effort pour tourner son thorax et regarder Maréchal, qui ne bougeait plus, un filet de sang coulant du crâne.
Elle cria encore et avança en trébuchant vers lui. Elle boîtait, ses circuits grillaient, des morceaux de plaque tombaient, s'écaillaient... Elle put le prendre dans ses bras, lentement. Elle le soutint d’un bras, et prit sa propre tête d’acier, dont elle enleva des verrous aux cous, et souleva…
Et sous le visage anonyme de l’androide Penthésilée apparut… Nelly !
Nelly en pleurs, qui embrassa Maréchal et le secoua, folle de douleur. L’inspecteur gémit alors et ouvrit les yeux. Grands les yeux !

- Nelly !...
Portzamparc, qui ne cherchait plus à comprendre, s’approcha et tâta le crâne de Maréchal.
- Décidément, inspecteur, vous êtes protégé par les dieux ! La balle vous a juste éraflé le cuir chevelu !

Nelly pleurait de bonheur et serra Antonin contre sa poitrine d’acier.
- Tu m’étouffes…
- Tais-toi ! Tais-toi, salaud !... Il a fallu que je te sauve !... Alors que tu es devenu un flic !
Elle fondit en larmes. Elle fut longtemps secouée de sanglots. Portzamparc tourna le dos, alluma une cigarette et alla voir le tueur. Il avait fait un joli carton…
- C’est ce type qui s’appelle l’Aiguille, n’est-ce pas ?
- Oui, c’est lui, fit Nelly. Celui qui a tiré la première fois sur Maréchal.
- Il ne menacera plus personne…
Son visage était recouvert d'un sang qui commençait à sécher.

Portzamparc écrasa sa cigarette.
- Bon, Penthésilée, je ne veux pas vous presser mais vous feriez mieux de disparaître avant l’arrivée de nos collègues… Merci pour votre aide.
Il ajouta, pour Maréchal :
- Après m’avoir aidé à arrêter ces types de la bande du Somnambule, elle a encore accepté de traquer l’Aiguille et de l’attirer à nous. A ce moment, je ne comprenais pourquoi elle tenait tant à m’aider…
- Bien joué, dit Maréchal en se relevant, mais il être l’heure pour moi de disparaître aussi. Je n’ai rien à faire là… Nous allons vous laisser avec votre gibier, Jeff. Vous direz comment vous l’avez traqué et brillamment abattu.
- Ne vous en faites pas pour ça… dit le détective en regardant le tueur mort.

Nelly avait sorti une trousse à outils de son dos et procédait à quelques réparations d’urgence.
- Ça tiendra le temps de rentrer… Je t’accompagne un bout de chemin, Antonin…
- On ne se quitte plus !... On vous laisse, détective. Vous êtes en bonne compagnie !

Nelly prit Maréchal dans ses bras et lança son grappin. Ils partirent dans les airs, et disparurent en un rien de temps dans la trame infinie de la Cité.
Portzamparc, épuisé, alla à la cabine de parlophone sur les rails et appela le quai des Oiseleurs.
- Prenez votre temps, les gars, le suspect ne va pas s’enfuir… Et si vous me trouvez par terre quand vous arrivez, c’est juste que je dors.
Portzamparc alluma une autre cigarette et s’allongea près de la voie, adossé au talus.

Il regarda le tueur défiguré dans la cage et ajouta pour lui-même, à voix basse : « Et toi, mon ami, tu pourrais bien être l’assassin de l’amiral de Villers-Leclos, qu’en penses-tu ?... »






FIN DU DOSSIER


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#12


Adieu gueule d'amour
Viens pas boire dans mon verre
Tu peux pleurer des rivières
Pleurer des rivieres
J'en ai pleuré pour toi naguère

Tu te rappelles je me rappelle quand tu disais
L'amour cet imbécile l'amour c'était pas pour toi et
Adieu gueule d'amour
J'ai besoin de changer d'air
Alors va pleurer des rivières
Pleurer des rivières

J'ai besoin de changer d'air
Alors va pleurer des rivières
Pleurer des rivières
J'en ai pleuré à quoi ça sert

Pleurer des rivières à quoi ça sert
...

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<!--/sizec-->
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#13
Oh oui il a la bonne têtebiggrin

Saleté de Somnambule et ses visionsredaface2, il aurait pas pu regarder ailleurs ce soir làOuimaisnon
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#14
Même le Somnambule ne peut s'empêcher de regarder le charismatique et puissant Jeff de Portzamparcbiggrin
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#15
Je note que tu rentabilises ton nouveau portablebiggrin

Tu écris tout ça pendant les trajets ?bravo2

Pour ta question sur le procès... honnêtement je ne me souviens plus qu'il y en ait eu unbiggrinDans mes souvenirs la circulaire rouge même signée par un mort avait suffit à le tirer d'affaire. Après tout administration ne peut pas se tromper, une circulaire rouge est une circulaire rougebiggrin
Mais ça remonte à loin maintenant je peux me trompersmileDans tous les cas j'aime bien l'idée de que les gens d'obsidienne se soient fait humiliés dans un procèswink
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#16
Oui, c'est surement ca : ADMINISTRATION ne peut pas se tromper.smile

Ouais je profite des trajetsbiggrin

A venir : .....SamuraiMateeeeee...
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