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Les Contes de la Canine #7 : Histoire d'Elisabeth Poussin
#1
Roll_fast

Gronico's Productions... :LeLudwig:

Roll_fast

et la Metro Garfield Garfield2 Mayer

Roll_fast



présentent...




Virus

21 juin 2000. Le solstice d'été.

Le soleil se levait sur la mer pâle, réchauffant la brume humide qui enveloppait les falaises et les côtes. Frédéric tapa du pied dans un caillou, qui tomba du haut de la falaise : il prit le temps de le voir disparaître dans les flots agités.
Le grondement incessant, l’aspiration et le souffle des flots berçaient la matinée du jeune homme depuis plusieurs heures déjà. Emmitouflé dans un manteau chaud, assis dans une niche de rocher, il contemplait à loisir la danse inlassable des vagues. Il soufflait sur ses doigts, allumait une autre cigarette, consultait sa montre. Décidément, elle ne viendrait pas !
Frédéric se releva, fit les cent pas, scruta les terres noyées dans le brouillard, repensa à l’heure du rendez-vous, au lieu. Oui, c’était bien ici et maintenant. Ou plutôt il y a une demi-heure. Peut-être le décalage horaire ? Est-ce qu’il n’y avait pas une heure de différence entre la France et les îles anglo-normandes ?
Il se réchauffait grâce au jour qui se levait. Pourtant, il était trempé, à cause de la bruine qui perlait partout sur ses vêtements. Il mâchouillait les doigts de ses gants, mouillés d’eau salée.
Une petite maison de pêcheur se dressait non loin de là, au bout du chemin. Frédéric consulta encore sa montre. Il sortit son téléphone et appela Elisabeth. Il arriva sur le répondeur. Il laissa un message d’impatience.

smile

- A tous les coups, elle a oublié ! elle m’a posé un lapin !… je le vois venir gros comme une maison !
Frédéric ne se privait pas de parler à voix haute : seules les profondeurs marines auraient pu lui répondre.
- Tiens ! si j’étais voyant comme un personnage hugolien !… je saurais demander aux éléments : « où est donc Elisabeth ? combien de temps sera t-elle en retard ? aime t-elle tant se faire désirer ? répondez-moi, nobles serviteurs de Neptune !… » tu parles… de quoi j’ai l’air, allons.
Il se rassit dans la niche rocheuse. Il s’y trouvait à l’abri du vent. Il dut couvrir son briquet de ses mains et appuyer avec insistance pour obtenir enfin une flamme. La fumée de sa cigarette s’envola dans le grand air marin.
- Du vent, de la brume et une mer agitée… je veux bien qu’Elisabeth soit romantique, mais là ! elle pousse le bouchon trop loin ! moi je me suis encore laissé prendre à l’hameçon… Lamartine avec moi.
Il se releva, tapa dans un plus gros cailloux, qui finit sa chute englouti dans les flots tumultueux.
- Abîmes, orages, nuées, répondez-moi !… ah oui, si elle m’observe à la jumelle, elle aura de quoi faire un beau film de vacances…
Il reprit son téléphone, laissa ce message sur le répondeur :
- Elisabeth ! je suis trempé et frigorifié, au bord d’une falaise normande ! le mystère de l’océan ne daigne me dire quand viendra mon aimé !… Rappelle-moi pour me dire que tu as oublié notre rendez-vous, ou qu’il se trouvait en réalité sur l’île de Guernesey, ça me fera plaisir…

smile

Le soleil était plus haut dans le ciel. Sa chaleur bienvenue perçait dans l’épaisse cotte de brouillard.
- Ca suffit, je rentre. Elle me retrouvera au pub !
Frédéric quitta le bord des falaises. Coupant à travers les grasses herbes humides, il retrouva une petite route de campagne. Il se dirigea vers le village, à quelques kilomètres de là. Il entendit le bruit d’une voiture qui arrivait derrière lui. Il s’arrêta et tendit le pouce. La voiture s’arrêta, Frédéric y courut et s’approcha de la vitre passager. C’était une Anglaise d’une quarantaine d’années, le teint frais, qui sourit au jeune homme.
- Excuse-me Madam, I’m French and…
- Well, young man, that is not a disease ! rit-elle.
- Wells, actually not, I guess. (Puisqu’elle semblait d’humeur à plaisanter, Frédéric embraya sur ce registre). My girlfriend has not come to our romantic rendezvous near the cliffs, so I’ve decided to go the nearest pub to drink and forget her !
- Ah, indeed, that’s a pity for so young and pleasant a man ! Come on in, I’ll drive you to the village !
Frédéric la remercia et monta à côté d’elle, à sa gauche (« Ah ! cette conduite inversée ! quel anti-napoléonisme primaire » pensa t-il). La conductrice était l’institutrice du village.
Elle emmena le Français boire un verre au pub du village. Elle lui offrit un bon grog. Frédéric éternuait. Il avait attrapé un rhume à rêvasser dans les courants d’air de la falaise.
- Are you feeling better, now young man ?
- Yes, thank you, sourit Frédéric. It’s very kind of you to drive me here. It would have taken me a long time to go back to the village.
- But you’re welcome… You said you wanted to go back here, anyway ?
- Well, yes I did… What’s so surprising ?
Elle but une gorgée, attendit un peu avant de répondre.
- Excuse-me, but… would it be indiscreet to ask you what you were expecting at the top of the cliffs ?
Le pub était désert à cette heure-ci. Le patron essuyait les verres. Il écoutait en fait attentivement ce qui se disait.
- What I was doing ? répéta Frédéric. Well, I was just waiting for my girlfriend. Actually, she had given me an appointment here, but she didn’t come !

smile

- Ok… I see. Excuse-me again, but… you didn’t intend to commit suicide ?
- Commit suicide ? Frédéric fut étonné. Of course not ! Why should I commit suicide ?
L’institutrice rit et vida son verre. Elle en commanda un autre au patron, qui la servit en souriant. Il resservit également Frédéric : c’était pour la maison.
- Ok, no more secrets, déclara l’institutrice. Probably you ignore it, but some young men have already committed suicides from the top of those cliffs. That’s why when you told me you were there…
Frédéric rit de cette méprise. Il assura qu’il n’entrait pas du tout dans ses intentions de se jeter dans la mer. Il vida son verre (le rouge lui montait au joue… sacré whisky du matin !wink, rassura encore l’institutrice.
- What’s your name ?
- Frédéric. Fré-dé-ric.
- Well, my name is Susan Cornwell. I’m glad to meet you.
- Well, that was very nice to have a drink with you. But now I think that, since she won’t come, I will go back to France.
- Where in France ?
- In Paris. By the train it’s very fast.
- You’re lucky to live in Paris. That’s a city I really like, but I have so few time to travel.
- Well, if you should tour there, feel free to contact me. I’ll be your guide ! I’ll write you me phone number.
- Thank you.
Susan demanda au serveur l’heure du prochain train pour Paris. Le patron alla vérifier dans l’arrière-boutique : l’Eurostar paraît à 11h13. Susan avait le temps de conduire Frédéric pour qu’il attrape celui-là.
Sur le quai, il remercia encore l’institutrice, qui lui souhaita un bon retour.
En début d’après-midi, Frédéric était de retour à Paris, encore amusé de son aventure du matin.
Il avait essayé de contacter Elisabeth. Elle ne répondait toujours pas. Frédéric alla s’asseoir à la terrasse d’un café du quartier latin. Il patienterait fermement jusqu’à ce qu’elle rappelle. Il s’en souviendrait de ce lapin. Qu'est-ce qui avait bien pu l'empêcher de se rendre à ce rendez-vous amoureux ?...

:?



...LES CONTES DE LA CANINE

Virus SEPTIEME ET DERNIER CONTE
Virus

HISTOIRE D'ELISABETH POUSSIN


Au jour le plus long succède la plus sanglante des nuits... twisted
Reply
#2
Quote:Ah ! cette conduite inversée ! quel anti-napoléonisme primaire

Non c'est Napoléon qui a fait rouler à droite pour emmerder les Anglais pas le contraire
Reply
#3
Quote:
Quote:Ah ! cette conduite inversée ! quel anti-napoléonisme primaire

Non c'est Napoléon qui a fait rouler à droite pour emmerder les Anglais pas le contraire

Si on peut plus être chauvin et anti-anglais primaire... :P

Whistle
Reply
#4
AFTERNOON IN JUNE

- C’est à peine concevable... Comment a t-elle pu oublier ce rendez-vous ?
Assis à la terrasse d'un café du quartier latin, Frédéric tournait en tous sens l'idée qu'Elisabeth ne soit pas venue à Guernesey. Il sirotait une bière ; il savourait sa fraîcheur par ce temps chaud qui pesait sur la capitale.
- Et moi qui jouais le bel amoureux impatient... j'en suis pour mes frais. Belle matinée pourtant…
Et la journée lui paraissait d'autant plus monotone que le soleil qui avait dissipé la brume du matin était porteur de promesses...
- J'étais beau à jouer le contemplateur hugolien... Vagues qui grondent, clameurs de l'océan... l'emphase étendue à l'infinie, la grandiloquence des flots. Beaucoup de vent, beaucoup d'eau, et tout ça pour le grandiose, l'enflé... A l'eau ! à l'eau ! Ah les abîmes de l'impatience... Et l'inquiétude me ronge.

Hum

Il se fit servir une autre bière. Il avait appelé à nouveau sur le portable d'Elisabeth : répondeur encore une fois.
L'agacement laissait peu à peu la place à l'inquiétude. Tout ce temps qui filait, tout ce bon temps, précieux comme l'or, qui coulait entre ses doigts... Frédéric ne savait plus du tout quoi faire de sa journée. Ses idées tournaient en rond dans sa tête. S'il avait essayé de trouver une occupation, il aurait aussi tourné en rond.
Qui penserait à fonder l'association des gens désoeuvrés ? Et l'oisiveté commençait à lui coûter cher.
Est-ce que le mot oisiveté avait un quelconque rapport avec le mot oiseau ?
En latin, oisiveté est otium... Et l'oiseau ? Pajaro en espagnol... Et en latin ?
Oiseau ? Oisiveté ? Oiseau tombé du nid ?…

Hum

Belle journée parisienne. Les rues colorées par la foule, la chaleur mécanique des voitures, les promeneurs le long de la Seine, la foule au pied de Notre-Dame, la Seine qui coule, toute froissée.
Frédéric tourna en rond dans le quartier : il rentrait chez les disquaires, écoutait la musique, rap, reggae, metal, des tempos souvent trop ordinaires… Il ressortait pour aller regarder les affiches des cinémas ou les vitrines des magasins. Il mangea une crêpe ici, but un thé là. Il passa dans de petites rues désertes : leurs restaurants, leurs maisons d’éditions, leurs hôtels particuliers, leurs boutiques d’artisanat…
Il y avait eu dans le lever de soleil sur les îles de la Manche une vitesse sereine qui réjouit son homme. Mais la lenteur de l’après-midi reléguait dans un passé lointain cette mâtinée. Et quand le temps s’échappe, indifférent, il nous laisse emprisonnés dans une lenteur… avant de nous laisser comprendre que tout a passé trop vite.
Tuer le temps, s’y user, comme pour le rocher continuellement léché par la mer…

Hum

Frédéric ne savait plus quoi inventer pour se distraire cette après-midi là. Son attente était pendue à son téléphone. Allait-il finir par sonner, oui ou non ?… Il enrageait.
- Allô, oui c’est encore moi. Alors ? Qu’est-ce que tu fais ? Je m’inquiète ! Je tourne en rond depuis des heures. A cette heure-ci, on devrait être ensemble en Angleterre. Et je perds mon temps à Paris. Qu’est-ce qui a bien pu t’empêcher de venir ? Tu ne me feras plus un coup pareil !… Bon, rappelle-moi vite, ça me fera le plus grand bien.
Frédéric savait qu’il ne retrouverait la fraîcheur qu’à la tombée de la nuit. Quel gâchis… Le soleil était plus bas dans le ciel. Il rasait le haut des arbres du jardin des Tuileries.
Des enfants couraient en tout sens. Au loin, au bout de l’axe, l’arche de la Défense. Des Noirs vendaient leurs bibelots (tours Eiffels, montres, cartes postales, bijoux…) remballant leur tapis et leurs montres tombées de camion dès l’approche d’une patrouille de police.
L’orangé brillait dans le verre de la pyramide du Louvre, et sur toutes les statues qui contemplaient les touristes. Frédéric passa aux pieds de la statue de Le Bernin, hocha la tête de désapprobation. Il photographia à leur demande un couple de Japonais.
Il était bientôt 18 heures. Il décida qu’il avait assez tourné en rond. Il s’en lassait plus vite que la grande roue des Tuileries… Il rentra en métro chez lui, dans le 13e arrondissement. Les rues se remplissaient de monde : la fête de la musique avait lieu le soir même.
Il se disait qu’Elisabeth allait bien finir par le rappeler : il l’inviterait au restaurant chinois pour rattraper cette journée ratée. Ou plutôt non : il se ferait inviter pour dédommagement du voyage à Guernesey !

Hum

Arrivé chez lui, il appela au manoir de la comtesse Bathory, à côté de l’Eglise de la Madeleine. Il n’y avait personne. Généralement Constance Bathory n’était pas joignable en journée. D’ailleurs (Frédéric le remarqua soudain), elle n’était jamais joignable en journée. Paraît-il qu’elle avait un agenda de ministre… C’est ce qu’Elisabeth disait.
Frédéric s’était assis à son bureau. Il consulta sa boîte aux lettres sur Internet.
Il avait reçu un message. Expéditeur inconnu. Ce n’était pas de la publicité apparemment.
Le titre du message était : « Urgent pour F. Lorrain : au sujet d’Elisabeth ! ! ! »
Le sang de Frédéric fit un tour. Il ouvrit le message…
Il ne contenait qu’un numéro de téléphone portable, et ce post-scriptum : « Elisabeth Poussin est en danger de mort. Si vous voulez la sauver… appelez-moi. »
En d’autres temps, Frédéric aurait accueilli avec colère une blague de si mauvais goût.
Il se précipita sur son téléphone, le cœur battant, alors qu’une froide peur lui montait dans tout le corps.

[i]A suivre... surpris
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#5
Pas mal du tout ce dernier opus! 8) Un grand souffle romantique souffle sur les contes de la canines Loloth . Ca contraste avec le précédent, plus noir et violent :demoniaque: Boxe2
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#6
L'HOMME DU SOUS-SOL

Le téléphone sonna plusieurs fois. Des sonneries longues, bien espacées. Frédéric attendait avec une impatience mortelle que son interlocuteur décroche.
- Allô ?...
Frédéric haletait.
- Vous n'avez pas tardé à m'appeler, Frédéric... Vous auriez pu appeler la police.
- Qui vous dit que je ne l'ai pas fait ?
Frédéric avait prononcé cette phrase sans y réflechir. Dans quoi s'engageait-il ? La voix de l'homme au téléphone était chaude, lourde, mais pas menaçante.
- J'ai mis votre ligne sur écoute.
- Qui êtes-vous ?
Frédéric n'entendait pas la respiration de son interlocuteur. Juste des mots, dits séchement.
- Appelez-moi Mathias si vous voulez.
- Mais encore ?...
Frédéric transpirait. Il se payait une vraie suée ! Il avait agrippé de sa main libre une liasse de papiers, sur son bureau, qu'il chiffonnait nerveusement. Tout le décor autour de lui devenait obsédant : cette lampe de bureau à l'éclairage trop fort, les arbres par la fenêtre, ce pigeon sur le rebord de la fenêtre, cette canette de Coca, toute cette paperasse accumulée.
- Je vous connais un peu, Frédéric. Depuis quelques années je vous observe. A distance prudente.
Là encore, aucune menace. Plutôt le ton de l'information. L'information bien anxiogène.
- C'est vous qui avez enlevé Elisabeth ?...
Frédéric sentait qu'il plongeait dans une mare très profonde, attiré par la voix de l'homme au téléphone. Il perdait rapidement pied, à chaque mot de l'autre.
- Non. Moi, je voudrais vous aider à la retrouver... Je suis détective à mon compte.
- Qui vous a demandé de m'aider ?
- Personne. C'est une affaire personnelle. Il n'y a pas d'argent en jeu.
- Il y a la vie d'Elisabeth, à vous croire...
- Oui, Frédéric. Je voudrais éviter cela. Lui éviter le pire.
- Comment la connaissez-vous ?
Frédéric se sentait prêt à découvrir qu'il s'agissait de l'amant d'Elisabeth. Si au moins il pouvait l'aider à la retrouver.
- J'ai fréquenté -un peu plus que je n'aurais voulu- la comtesse Bathory. Je ne suis pas en très bons termes avec elle depuis quelques années.
Frédéric ne dit rien. Il s'assit à son bureau.
- C'est elle qui a enlevé Elisabeth. Elle est dangereuse. Derrière ses airs de grande mondaine, c'est une femme sans pitié.
- Attendez. Bathory est la marraine d'Elisabeth. Je crois que vous faites erreur. Elle n'a aucune raison de l'enlever. Et d'abord de l'enlever à qui ? Bathory est sa seule famille !
Comme Frédéric aurait voulu percer à jour un mauvais plaisantin ! Comme il aurait voulu jeter à la figure de ce sale farceur ses contradictions !
- Ce n'est pas si simple, Frédéric.

Roll_fast

Il avait hésité.
- Ah non ? Dans ce cas, expliquez-moi donc ce qui se passe... Je serais curieux d'en apprendre sur cet évènement.
- Je comprends que vous soyez sceptique. Vous préféreriez que ce soit un sale canular. Comme je vous comprends, Frédéric...
Pourquoi ce dernier avait-il l'impression qu'à chaque fois que l'autre prononçait son nom, il prenait un peu possession de lui ?
- Vous voulez des preuves de ce que je vous raconte ?
- Ce ne sera pas de trop...
- Très bien. Il va vous falloir du cran, jeune homme.
- Allez-y.
Frédéric s'assit. L'autre ne marquait aucun affolement, aucune inquiétude. C'était plus qu'étrange, une telle assurance...
- Il va falloir faire vite. Alors je vais être assez abrupte.
- Je vous écoute.
Et Frédéric souhaitait de tout son coeur que cet individu soit salement dérangé.
- La Comtesse admire beaucoup les talents d'Elisabeth. A tel point qu'il a décidé de la garder avec elle... pour toujours. Il y a à Paris un groupe de gens très influents qui surveillent les habitants, repèrent les plus talentueux, surtout en matière d'art. Ils en font leur créature.
- Vous voulez dire une secte ?
- En quelque sorte.
Frédéric était presque rassuré : l'autre était manifestement bien atteint. Mais il était sans doute dangereux. Il avait pu enlever Elisabeth. Ou peut-être la suivait-il depuis longtemps...
- Et que font-ils aux gens après les avoir enlevés ?
- C'est un peu long à expliquer, Frédéric. Ils les intégrent dans leur groupe. Et les artistes choisis sont prisonniers... pour l'éternité.
- Et personne ne sort de cette secte ?
- Pas à ma connaissance.
- Et vous me dites que cette secte a enlevé...
- Oui. Vous connaissez le mécène Jérôme Saint-Luc ?
- J'en ai entendu parler. Il fait partie de ce groupe ?
- Oui. C'est un rival de la Bathory. Il en a après vous. Il veut aussi que vous rentriez dans la secte.
- Je ne crois pas être talentueux dans un domaine, comme Elisabeth pour la danse.
- Saint-Luc va se servir d'un musicien appelé Tropovitch. Un ami de Bathory aussi, vous le connaissez ?
Frédéric fouilla ses souvenirs.
- Non, ça ne me dit rien.
- Vous êtes autant en danger qu'Elisabeth.
- Et que voulez-vous que je fasse pour la sauver ? Je vais appeler la police !
- Inutile. Ils ne vous aideront pas. Ils ont reçu des consignes à propos de cette affaire. Ils ne feront rien.
- Alors, allons voir les flics ensemble ! Puisque vous êtes tellement sûr de votre histoire !... Où êtes-vous en ce moment ?
- Pas très loin de vous. Je suis au sous-sol de votre immeuble, près de votre local. Le local numéro 112.
Frédéric trembla. C'était bien son local. Ce type dangereux pouvait être chez lui en moins de deux minutes. Frédéric prit ses clefs. Il fallait décamper d'ici. Et vite. Avant que l'autre ne remonte au rez-de-chaussée et ne lui coupe la route.

Roll_fast

Frédéric raccrocha brusquement, le coeur battant. Il avait coupé la parole à son interlocuteur. Il tremblait. Il prit son manteau, l'enfila... Le téléphone sonna à nouveau.
Ne pas décrocher. Encore une sonnerie. Ne pas décrocher. Le cri sinistre de la sonnerie du téléphone, qui hurle dans le silence. Ne pas décrocher, s'enfuir. Advienne que pourra de l'appartement. Fuir ce taré. Troisième, quatrième sonneries... Il va s'acharner pendant encore longtemps, j'ai le temps de mettre les voiles. Sonnerie, sonnerie, sonnerie. Ne pas décrocher.
Frédéric fouilla dans sa poche pour trouver ses clefs, inspecta tout l'appartement, pendant que les sonneries se succédaient avec régularité. Ne rien oublier d'important. Etre prêt à ne pas revenir ici avant longtemps. Prendre l'essentiel avec soi : de l'argent, des papiers d'identité. Quoi d'autre ? Sonnerie, sonnerie. Trouver un hotel discret... Ou appeler un ami. Sonnerie. Ne pas décrocher.
- Allô...
Frédéric avait décroché.
- Ce n'est pas le moment de partir, Frédéric. Restez avec moi.
- Qui êtes-vous !
Frédéric criait. Il avait la gorge nouée par les pleurs.
- Qui êtes-vous ! qui êtes-vous ! espèce de salopard !... ordure ! ordure...
- Asseyez-vous et cessez de geindre. Vous n'êtes plus un môme... Si vous voulez aider Lisbeth, arrêtez de vous comporter comme un gamin de six ans.
- Taisez-vous ! Sa voix était étranglée par les larmes, et la morve. Taisez-vous ! je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous ! Vous êtes une ordure ! un monstre ! vous n'éprouvez pas la moindre émotion !
- J'en ai fini avec les émotions depuis quelques années...
- Je rêverais de vous arracher les couilles au fer rouge ! vous entendez ! au fer chauffé à blanc !
- Taisez-vous !
Pour la première fois, la voix avait eu une intonation d'agacement.
- J'en ai assez de vous entendre gémir, maintenant ! je n'ai pas la patience avec les gamins dans votre genre ! J'appelais pour vous aider ! mais j'imagine que vous ne voulez pas aider Lisbeth !...
- Très bien, qu'est-ce que vous voulez ?
- Vous allez posément raccrocher ce téléphone, et descendre me rejoindre à la cave.
- Et pourquoi vous ne montez pas ?
Frédéric haletait. Il ne pouvait plus maîtriser sa colère et sa peur.
- Pourquoi vous ne montez pas ! je vous attends de pied ferme !
- Ne dites pas de bêtise. Vous voulez m'accueillir avec votre couteau de cuisine ?... Vous allez raccrocher ce téléphone et me rejoindre devant votre local à la cave.

Roll_fast

Frédéric raccrocha.
Ne pas y aller. S'enfuir. Profiter de cette dernière opportunité. A moins qu'il ne m'attende devant l'immeuble. Il me connait, forcément. Il est capable de tout. Il peut être là dans la minute. S'enfuir.
Frédéric jeta un coup d'oeil par la fenêtre. Personne de louche dans la rue, ni dans une voiture.
S'enfuir. Oui, je vais partir comme je le dis. Partir à toutes jambes. Jusqu'à la Défense s'il le faut, ou plus loin. Dans un hôtel, n'importe où, en Normandie, en Belgique même pourquoi pas. Par le train, c'est rapide.
S'enfuir.

Frédéric sortit dans le couloir. Il referma la porte à clef, appela l'ascenseur. Il appuya sur le bouton et descendit.

[i]A suivre... :shock:
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#7
(pas encore eu le temps de relire ce post ni celui d'avant)

FIGHT LIKE A CAT, DIE LIKE A DOG

- Il était trop tard pour fuir, de toute façon...
- Vous avez bien fait de descendre, Frédéric.
Le ronronnement de la chaudière de l'immeuble. La veilleuse orange sur l'interrupteur, qui brille dans la pénombre fraîche sous-sol. Et ce magnétisme animal qui se dégage du dénommé Mathias.
Le souvenir d'une après-midi au zoo, quand Frédéric était enfant : ce félin qu'il excitait avec un bout de bois, à travers les barreaux de la cage, qui griffait, de plus en plus énervé, l'objet. Les agathes folles, le coup de patte de plus en plus précis, et Frédéric qui s'approche. Il a échappé à la vigilance de ses parents.
Du félin excité à l'enfant passe un souffle animal, et le félin bondit de plus en plus rapidement. Frédéric s'est trop approché : un coup de patte passe la grille, et lui griffe le visage. Un moment de flottement, de stupeur, puis les cris, la douleur, les pleurs, l'angoisse mortelle des parents. L'infirmerie, la plaie est rapidement soigné. Il n'en restera pas de trace.
Le coup de patte a été superficiel.

Et maintenant, c'est ce même félin à peau d'homme qui se tient devant Frédéric. Il doit savoir porter des coups précis, et viser juste. Du premier coup. Son visage n'exprime pas d'émotions. Il est mince, alerte. Il paraît souple comme un chat.
- Vous auriez pu choisir la police, Frédéric. Choisir de vous enfuir vers le commissariat le plus proche. Vous avez préféré cette cave. J'y suis enfermé depuis la nuit dernière. Je vous y ai attendu. Je ne savais pas si vous appelleriez.
Frédéric renifle, comme un môme qui a trop pleuré. Il a les yeux irrités. Il tremble encore.
- Vous êtes prêt à suivre ce que je vous dirai ?
- J'ai choisi la cave et son rat...
- Je ne suis pas un rat, Frédéric. Je suis un félin.
- Où est Elisabeth ?
- Au musée Grévin. Ou du moins, elle ne tardera pas à y être.
- Alors allons-y.
- Non. Vous, vous irez. Moi j'ai d'autres comptes à régler. Vous connaissez Jérôme Saint-Luc ?
- Vous avez dit qu'il en a après moi.
- Ecoutez-moi, maintenant que vous là. Vous voulez une cigarette.
- Non, merci.
"J'aurais pu fuir, très loin, très vite, se répétait Frédéric. Mais j'ai choisi la cage et le félin. Maintenant, son magnétisme me possède ; sa voix tremble pour moi, ses gestes seront les miens.

Roll_fast

Frédéric écouta ce que ce Mathias avait à lui dire. Ce félin aux mots de cendres, aux gestes de cougar aux aguets finissait par le subjuguer. D'où lui venait cette voix ? D'où venaient ces gestes graciles et légers ?...
- Le musée Grévin, c'est ça ?... A 22h30 ?
- C'est ça. Après le coucher du soleil. Avant, vous ne trouverez rien. Tout sera fermé.
- C'est la fête de la musique ce soir...
- Mêlez-vous la fête jusqu'à 22h...
- Et vous, ce soir ? Vous ne serez pas de la partie ?
- Non. J'aurais voulu sauver un collègue, il y a quelques temps. Hélas, je l'ai prévenu trop tard. En fait, je ne l'ai pas prévenu du tout. Maintenant, il y a une sale bête qui rôde au zoo de Vincennes, et à qui j'aimerais régler son compte.
- Le zoo de Vincennes ? Je n'y suis pas allé depuis que j'étais gamin...
- La journée, c'est très fréquentable...
Frédéric voulait lui aussi apprendre à se mouvoir avec ces gestes lents et graciles. Des gestes qui paraissent fragiles comme le temps où ils s'exécutent. Fragiles, mais lents aussi. Mais des gestes qui laissent pressentir une force soudaine, comme un coup de patte, ou le bond du félin sur sa proie.
- Et ce collègue que vous vouliez aider... il est mort ?
- Pas tout à fait. Mathias eut un mauvais sourire. D'ailleurs, si vous avez des problèmes dans les années à venir, contactez-le. Je pense que c'est un très bon détective. A cause de moi, il file un mauvais coton. Mais entre gens comme nous, on a pas le temps l'habitude de s'excuser... J'ignore ce que vous pouvez faire pour aider Elisabeth. Mais croyez-moi, elle aura besoin de vous, ce soir.
Frédéric ne dit rien. Il ignorait absolument ce qui allait lui arriver.
- J'ai eut l'occasion d'observer Elisabeth. Je pense que c'est une fille bien. Mais Bathory et ses complices en ont décidé autrement. Les salopards...
Frédéric transpirait. Il transpirait abondamment.
- Vous ne vous sentez pas bien.
- J'ignore ce que je vais faire...
Il était à nouveau secoué de sanglots. Il s'assit par terre, plié en deux par la douleur.
- Debout, Frédéric ! Débout. Ce n'est plus temps de reculer. Allez, debout.
Mathias l'empoigna par l'avant-bras, essaya de le relever. Frédéric résistait, s'enroulait dans sa coquille. Il tremblait, se mordait les doigts, une lame de folie lui passait dans les yeux.
- Debout ! debout !... Vous avez juste le temps de vous préparer ! Debout ! La nuit sera bientôt là.
- Laissez-moi !... laissez-moi...
- Ne m'obligez pas à en venir à des extrêmités...
Mathias releva de force Frédéric, le plaqua contre le mur, l'obligea à se tenir droit.
- Du courage, des tripes !... ça suffit !... relève-toi, allez ! tiens-toi droit. Elisabeth a besoin d'un homme, pas d'une lopette...
- Laissez-moi, laissez-moi...
Il se débattait, s'agitait. Mathias le maitrisait solidement.
- Très bien, Frédéric. Je sens que vous ne vous en sortirez pas avec le jus de navet qui vous coule dans les veines.

Roll_fast

Mathias s'était approché. Frédéric ne sentait pas son haleine. Rien que la fraîcheur de la cave. Mais il était fasciné par ses yeux magnétiques, forts comme des aimants, étranges comme de gros calots.
Mathias plaque fermement la tête de Frédéric contre le mur, en plaquant sa paume sur sa gorge.
- Ne bouge plus, garçon. Ca va faire un peu mal, mais c'est plus efficace que des vitamines.
A moitié étranglé, Frédéric ne respirait plus. Mathias arracha le haut de son pull et de sa chemise, découvrant sa gorge. Frédéric gigotait. Mais la main de l'autre, forte comme un étau, le paralysait.
- Arrête de gesticuler, gamin.
Il avait bien la voix feulante de ce félin de l'enfance. Il découvrit deux canines pointues. Frédéric retint sa respiration. Mathias mordit à pleines dents dans sa gorge. Une intense douleur envahit Frédéric, lui vrillant les tympans, lui contractant tous les muscles, du crâne jusqu'aux pieds.
Mathias retira ses dents. Il regarda, la bouche ensanglantée, sa victime. Mais il ne souriait d'un contentement sadique. Il desserra son étreinte. Il soutint Frédéric, qui serait tombé sous le coup de l'atroce douleur.
- Allez, tiens bon. C'est douloureux, mais ça ne fait que s'apaiser à chaque seconde... C'est pour ton bien... tiens bon...
Frédéric haletait. Il avait soudain très chaud. Le sang lui montait à la tête, il étouffait, envahi par une vigueur inconnue. Le sang affluait dans toutes ses veines...
Mathias eut un petit rire satisfait :
- Allez mon gars, t'as autant de vigueur qu'un pendu maintenant. T'es déjà moins mollasson, tu te raidis.
Il rit à belles dents, pendant que Frédéric voyait tout tourner autour de lui.
- Debout, allez. C'est un électrochoc nécessaire. Maintenant, tu as autre chose que du navet dans les artères. T'inquiète pas pour les palpitations, ça va passer.

Roll_fast

Frédéric respirait à fond. De minces filets de sang coulèrent une seconde, par ses narines, ses oreilles, ses yeux, sa bouche. De courts spasmes le secouaient.
Après avoir lentement respiré, il sentit une agressivité nouvelle courir en lui. Ses mains, son visage se crispèrent. Il voulait griffer ce mur. Il voulait mordre à son tour.
- Allez, petit félin... J'ignore comment tu vas faire, mais je sens que tu es doué !...
Mathias riait de bon coeur. Ca ne lui était jamais arrivé. Il remit en ordre les vêtements de Frédéric, encore stupide du choc qu'il subissait.
Il tapa dans le dos du jeune homme, lui serra la main franchement. Frédéric sourit, à moitié inconscient de ce qui lui arrivait.
- Allez, file maintenant. Musée Grévin, 22h30. File et ne te retourne pas.
Frédéric partit en titubant vers l'ascenseur. Il y entra, appuya pour son étage. Les portes se refermèrent.
Mathias, resté seul, regarda sa montre : encore quelques heures à attendre avant la nuit. Le boulevard Max Elskamp, Houlgate, la banlieue sud, le métro, le zoo de Vincennes...
Le Gangrel prit son briquet dans sa main, et essaya, avec une nervosité croissante, d'en tirer une flamme...

A suivre... Frime
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#8
Eh bien! Mathias a la goulification facile twisted
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#9
Quote:Eh bien! Mathias a la goulification facile twisted

Les circonstances l'exigent : fallait donner une pinte de bon sang à notre jeunot ! lol
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#10
Une pinte, comment qu'il cause! lol
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