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14e Episode : Kharmic Blues
#51
Lisez la fin du ch. précédent d'abord. wink

CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
La 5e Réincarnation : 14e Episode


Chapitre VIII : Taka-sama

Notre groupe de magistrat au grand complet, suivi d'Ozaki, retourna dans la plaine du soleil levant, pour parler sérieusement à Taka-sama. Sur le chemin, plusieurs d'entre eux sentirent la terre trembler sous leurs pieds. C'était diffus, mais nettement perceptible. Les tremblements de terre n'étaient pas rare dans la région. A mesure que nos héros avançaient, les esprits de la terre grondaient de plus en plus.
Il y eut une secousse brusque quand ils mirent le pied dans le village du daimyo Yasuki.
A l'horizon, sur la mer, apparaissait non pas une vague, mais un mur liquide qui avançait comme une armée de cavaliers Licornes !
La plus puissante manifestation des kami de l'Eau : un tsunami ! Kopikol Flood

Déjà, les cloches sonnaient l'alerte dans tout le village. La puissante déferlante broyait sur son passage les embarcations des pêcheurs, ainsi qu'un bateau qui passait par là ! Sa gueule, impitoyable, avalait tout, et recrachait des morceaux dérisoires. L'énorme gonflement allait bientôt s'écraser de toutes ses forces sur la plage ! Terreur

[Image: vague1.jpg]


Affolés, mais néanmoins organisés, les heimin couraient se réfugier vers les hauteurs du village, encadrés par les soldats de Taka-sama. Ce n'était visiblement pas la première que cette colère de l'océan se produisait. Nos héros emboîtèrent le pas à la colonie du peuple, et bientôt, dans un invraisemblable fracas, la vague gigantesque s'abattit de tout son long sur le village. Plusieurs bâtiments furent aussitôt emportés, d'autres fracassés. La jetée, tout le petit en bois, furent réduits à néant en un clin d'oeil. La vague repartit aussi vite qu'elle était venue, à la vitesse de l'éclair. L'eau envahissait tout. Les paysans allèrent à l'eau, jusqu'à hauteur de genoux, pour commencer à écoper leurs habitations, qui ressemblaient toutes maintenant à des navires échouées ; Taka-sama dirigeait les manoeuvres de secours. Des bâtiments menaçaient de s'écrouler de partout, il fallait sortir des décombres les plus vieux du villages. Il semblait que le marchand avait quatre têtes et huit bras, pour aller et venir en tous sens, et insuffler courage à tous !
- Ecopez ! attention aux éboulis ! attachez-moi ces planches ensembles, faites un radeau, et allez me chercher les anciens ! vous, courez sauver ce que vous pouvez des entrepôts de sake ! Que les moines préparent des lits pour les noyés !

Nos héros ne purent que rester à l'écart, pour ne pas gêner le village sinistré. Quand l'eau se fut quelque peu retirée, nos héros purent aller sur la plage. Un bateau s'était échoué là. C'était le bateau qui avait pris dans la vague.
Un noyé était allongé au bord de l'eau. Le navire était éventré de part en part. Une grosse cloche en bronze était sur le fond, non loin du rivage. Et le noyé portait un mon du clan du Renard.
Mirumoto Ryu regardait fixement la mer, très concentrée et inquiète.
- Les Fortunes de l'eau sont fâchées, dit-elle, absolument certaine de son propos, et elles ont envoyé ce tsunami pour fracasser ce bateau, et l'empêcher de prendre le large.

C'était comme si les Fortunes elles-mêmes avaient parlé par la bouche de Ryu. Quoi d'étonnant pour un membre du clan du Dragon, après tout ?
Le noyé était en piteux état, mais il vivait encore.
- Comment te nommes-tu, lui dit vivement Hiruya, encore qu'il connaissait déjà la réponse.
- Kitsune... Hamato...
Près d'eux, Yasuki Taka était venu s'enquérir de cette épave. Il fit une grimace en entendant le nom de l'homme, témoin du procès. Et il fixa la cloche, hocha la tête, réfléchit, maugréa quelques mots, puis lança des ordres pour dégager le navire.
On traîna Kitsune Hamato hors de l'eau.

Décidément, il était grand temps d'avoir une conversation avec le daimyo des marchands !

Crotale

Taka-sama était un hôte qui ne traitait pas ses invités à la légère. Il leur offrit de très beaux kimonos, et une délicieuse bouteille de sake, l'une de celle qu'il vendait des fortunes dans tout Rokugan et qui avait fait sa réputation.
Il finit sa coupelle, devant tous nos samuraï.
Avec un air parfaitement détaché, il dit :
- Vous désiriez donc me parler du procès Usagi plus en détails, samuraï ?
- Oui, dit Hiruya. Nous pensons que vous en savez beaucoup sur cette affaire.
- Hmm... quand j'ai vu ce Renard noyé, que vous m'avez dit que c'était le témoin du procès, et quand j'ai vu cette cloche, j'ai fini par comprendre...
"Avant toutes choses samuraï, je voudrais vous dire que ce que je vais vous raconter pourrait mettre en cause mon honneur et celui de ma famille. Je dois donc vous demander de garder le secret sur cet entretien. Me le jurez-vous samuraï ? sur vos Ancêtres ?..."
L'un après l'autre, nos héros jurèrent de ne rien révéler.
Ryu jeta un regard suspicieux à Bokkai, mais ce dernier était parfaitement sérieux.
- Bien, si j'ai votre parole d'honneur, alors je n'ai plus qu'à vous révéler ce que je sais.
"Il y a bien longtemps de cela, quand j'étais encore jeune -plus jeune que vous-, je savais que j'allais devenir, par ma naissance, le daimyo de la famille Yasuki. Toutefois, plutôt que de simplement hériter, je voulais mériter ma place. Je voulais rendre mon clan riche, faire honneur à Daikoku, la Fortune de la Richesse.
"Un jour, alors que j'étais en voyage dans la Chaîne du Toit du Monde, j'aperçus un samuraï allongé à terre, tremblant. Il portait un beau kimono rouge. Son mon et le tatouage sur ses paumes de mains m'indiquèrent qu'il s'agissait d'un des redoutables inquisiteurs de la famille Asako.
"Samuraï, je suis Crabe. Je sais reconnaître un tsukaï quand j'en vois un. Je suis Yasuki. Je sais reconnaître une opportunité quand j'en vois une. J'ai fait charger cet Asako dans ma caravane, et je lui ai fait passer la frontière discrêtement. Ensuite, j'ai interrogé cet homme, qui se nommait Nakiro. Swann J'avais besoin d'argent. J'ai fait chanter sa famille. Des kokus, ou je jetai l'oppobre sur eux car un des leurs avait pactisé avec l'Outremonde. J'ai fait cela car le clan du Phénix est riche. Je leur ai extorqué une Fortune, mais tout valait mieux pour eux que de perdre la face. Avec cette cagnotte, j'ai bâti mes distilleries de sake, et j'ai commencé à fabriquer le meilleur sake de notre Empire. J'ai enrichi mon clan, je lui ai fourni des milliers de kokus pour lutter contre l'Outremonde.
"Il y a peu, j'ai entendu parler de ce procès du clan du Lièvre. Je sais qu'ils avaient mauvaise réputation, mais enfin... Je ne les croyais pas coupables. Je savais que l'Inquisiteur Nakiro était mêlé à l'affaire. Je savais qu'il tramait depuis plus de vingt ans des choses insidieuses, qu'il complotait... Quand je me suis proposé comme témoin, le sort en était déjà jeté pour les Usagi. Mon témoignage n'a fait que confirmer ce qui était déjà décidé : la destruction des Lièvres.
"Mais je voulais me rappeler au bon souvenir de Nakiro et ses complices. Leur montrer que je n'oublie pas, et que j'allais bientôt découvrir leurs manigances. A la cour d'hiver, je voulais approcher Matsu Bashô, mais il a préféré mourir plutôt que de se livrer à la justice pour ses crimes.
"C'est aussi pour cela que j'ai aidé Ozaki à s'enfuir à Ryoko Owari Toshi. Je voulais lui laisser une chance, qu'il me conduise, malgré lui, à ses persécuteurs. En tant que marchand, vous savez que je fréquente les basses castes. Le demi-peuple, et même le non-peuple. La lie de la société, ceux que les samuraï n'écoutent jamais. Mais s'il faut dix heimin pour attirer l'attention d'un seul samuraï, soyez bien certains que ce que dit un seul samuraï tombe dans l'oreille de dix heimin. Le peuple sait des choses que les samuraï ignorent. En particulier, sur ces conspirateurs... le Kolat. Depuis plus de vingt ans, ils sont une plaie dans notre empire. On m'a dit qu'ils ont fomenté des révoltes populaires. Qu'ils veulent monter les heimin contre les samuraï, armer la paysannerie... Qu'ils usent des méthodes les plus cruelles pour cela. C'est une menace qui doit être éradiquée, et je veux vous y aider.
"Depuis longtemps, je soupçonne le Kolat d'avoir une forteresse cachée. J'ignorais où elle se trouve jusqu'à peu. Mais maintenant, avec cette cloche, je viens de comprendre. Ils sont tout près d'ici, dans la Vallée des Cloches de la Mort. Jadis, douze shugenja emprisonnèrent leur âme dans des cloches en bronze, afin de repousser un puissant démon qui avait servi Iuchiban. Si les douze cloches ne sont pas sonnées chaque soir, le démon s'échappera. Si elles sont sonnées pour produire une certaine mélodie, le démon s'échappera, avec ses semblables, du Jigoku, le royaume des démons.
"Moi je suis trop vieux pour vous accompagner. Mais je vous donnerai une armée, des bushis, des shugenja, des armures... Mais attention, le Kolat est sur ses gardes, ils vous attend de pied ferme.

Nos samuraï avaient écouté attentivement. Taka-sama avait le ton de la plus authentique sincérité. Il voulait la destruction du Kolat, il voulait faire tout son possible pour aider nos magistrats.
Dès le lendemain, nos héros commençaient à réunir une armée pour ramener au plus vite la cloche manquante, et prendre d'assaut la forteresse des conspirateurs.

A suivre... Troll3
Reply
#52
Bon c'était pas mal Ouimaisnon












...
Troll3
Ca valait le meilleur sake de Taka-sama bravo2
Reply
#53
C'est avec le raÿsumaÿ que l'on prend mieux la mesure de la complexité du scénario Samurai que de belles scènes il y a eu ce soir là... aime

+1 pour l'estampe de la vague Chinese
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#54
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
La 5e Réincarnation : 14e Episode<!--/sizec-->


Chapitre IX : Pour qui sonne le glas<!--/sizec-->

Pendant qu’ils avançaient à la manière de ces tortues géantes des îles de la Mante, la centaine de puissants samuraï de la famille Hida entonnaient à pleins poumons un vieil air martial :
Nous sommes !... les Crabes sur la Muraille ! On tanne le jour ! on tanne la nuit !… Et on aime pas trop les Doji !

Progressant dans une épaisse forêt, la troupe piétinait lourdement le sol, comme si les Fortunes de la terre en personne venaient marcher dans ces lieux.
Au sortir de la forêt, après une longue marche sous un ciel incertain, les samuraï aperçurent l’armée ennemie, devant eux, en haut d’une colline. Aucun d’entre eux ne pouvait s’y tromper : ils avaient déjà tous combattu sur la Muraille. Les êtres qui composaient cette groupe désorganisée n’était plus vraiment humains. C’était des loques, des pantins décérébrés, des créatures de l’immortel dieu sombre et d’un de ses serviteurs, le Shimushi-Gaki, jadis banni de ce monde par la puissance spirituelle conjuguée de douze shugenja.
A l’avant, avec des rônins qu’il avait rencontrés et convaincus de combattre, Riobe se tenait prêt, sentant monter en lui l’excitation terrible de la bataille. En lui, le Lion apprenait à nouveau à rugir, comme lorsque c’était le général Toturi qui menait l’attaque.
Derrière, engoncé dans une lourde armure Crabe, Shinjo Kohei menait un guntai de solides combattants, de même que Hida Shigeru. Mirumoto Ryu était à leur hauteur. Au troisième rang, Bayushi Bokkai et Kakita Hiruya étaient proches l’un de l’autre.
Puis, dans les lignes de défense, avec les autres shugenja, Isawa Ayame réunissait ses parchemins, épaulée par l’indéfectible Shiba Ikky.

La troupe d’en face était plus nombreuse, mais braillarde, infecte, repoussante et suicidaire. Il soufflaient des trompes de mort dans les bois lugubres. Dans l’armée des samuraï, plus petite mais resserrée comme les écailles d’un Dragon, chacun savait quel poste il devait tenir, quel était sa place dans l’Ordre Céleste.
A l’arrière, le chui des shugenja passait à cheval, et transmit ses ordres au gunso :
- A mon signal, déchaîne les enfers !
Déjà, les rituels pour se concilier les Fortunes de la Terre avaient commencé.
L’armée du Gaki hurla dans un même cri d’outre-tombe, puis commença à dévaler la pente à l’allure d’un chariot tiré par des chevaux qui aurait pris le mors aux dents.
C’était, là aussi, la marche impitoyable d’un tsunami, d’immondice celui-ci, une vague de souillure qui roulait au bas de la pente !

Le choc fut effroyable, et la bataille rapide comme quelques passes de katana.
Au premier rang, les rônins reçurent de plein fouet l’attaque. Ils étaient une douzaine, et la moitié d’entre eux fut tuée dès le début. L’onde se propagea en profondeur dans l’armée ; au deuxième rang, Kohei, Shigeru et Ryu firent face à la masse grimaçante et hurlante des créatures.
Au troisième rang, les samuraï finirent d’amortir le choc, et fracassèrent bientôt les crânes de ceux qui étaient venus jusque là. Plusieurs fois, Bokkai tomba. Etait-il mort ? non, il se relevait bientôt, dans le dos de l’ennemi, tranchant les jarrets, les chevilles, transperçant les omoplates, tandis que les tetsubo des Crabes, dans un bel ensemble, s’abattaient de tout leur poids sur les gobelins et autres créatures grouillantes. Emmenés par Hida Shigeru, un guntai lança une violente contre-attaque qui les mena au premier rang de la bataille.
A l’avant, Riobe tenait bon, et encourageait ses hommes à déployer toute leur énergie, et à aller jusqu’au sacrifice pour tenir leur position.

Dès la descente des morts-vivants, une pluie de feu et de jade s’était abattue sur les créatures, une pluie de grêlons chauffés à blanc. Dans des déchirements insoutenables, les séides de Fu-Leng cramaient, se déformant ignoblement. Les os craquaient, et il se répandait une odeur de chair grillée écoeurante. Ayame faisait sa part d’invocation. Quelques sorts de maho furent projetés par les impurs créatures, mais ils furent dissipés par les shugenja. Soudain, alors qu’Ikky avait repoussé plusieurs adversaires, l’un d’eux, un samuraï corrompu, plus puissant que les autres, perça tous les rangs, se jeta en hurlant sur Ikky : celle-ci put l’abattre, mais le sabre ennemi lui porta un coup très profond. Elle s’écroula à terre.

Bokkai, malgré ses ruses, finit par être pris à partie par quelques revenants bien vivaces, qui lui infligèrent plusieurs coups violents. Hiruya reçut lui aussi son lot de coups ; il défendit chèrement l’honneur de la famille Kakita, jusqu’à se voir défier en duel par un bushi corrompu. Aussitôt, il se précipita vers lui, et l'abattit net. Il le regarda tomber, coupé en deux dans la longueur, aussi facilement qu’un roseau.
A l’avant, on avait pas fini d’en découdre. Alors que deux gunso étaient tombés, et qu’une faille béante menaçait de s’ouvrir dans la défense, Kohei s’empara d’un étendard, et, emmenant trois guntai avec lui, il brisa une troupe compacte de l’ennemi, prit position en plein parmi eux, et parvint à motiver ses hommes pour qu’ils tiennent jusqu’au bout.
Ryu perça elle aussi un flanc, emmenant, plus grâce à un charisme inné que par ses paroles guerrières, plusieurs hommes pour une attaque décisive contre des shugenja ennemis. Ceux-ci virent leurs sorts maléfiques leur rester dans la gorge, par où coula juste ensuite leur sang verdâtre.
Enfin, Riobe, voyant déferler vers lui et ses hommes une attaque désespérée de l’ennemi, décida qu’il fallait aller au bout du combat, et tenir. Galvanisés jusqu’au bout par son don inné de meneur, les rônins, et plusieurs Crabes, se constituèrent en une petite muraille, qui permit à un grand nombre de leurs frères de se retirer du combat. Ce n’est qu’à la toute-fin, quand derrière la riposte était prête, que la troupe de Riobe céda sous le nombre.
Mais déjà, c’était la fin pour les serviteurs du Gaki. Réorganisés, la poitrine gonflée à bloc par le courage, les samuraï lancèrent ensemble la dernière offensive qui brisa pour de bon les forces ennemies.

Samurai

L’herbe n’avait pas eu beaucoup le temps de pousser, pendant cette fulgurante bataille. Alors qu’on achevait les ennemis et les mourants, tout le monde tomba épuisé, comme par une décision collective. Kohei sentit tout d’un coup le poids de sa lourde armure lui tomber sur les épaules, comme après la bataille de la Cité des Apparences, une fois passée l'excitation du combat. C’était à ce moment que les biens les plus précieux que puissent offrir les dieux aux guerriers étaient une gorgée d’air frais, et une gorgée d’eau. Les heimin venaient assister les samuraï, pour leur distribuer à boire, les aider à se relever, à enlever leurs armures quand ils étaient blessés. Les shugenja rangèrent les sorts d’attaque, et commencèrent à lancer, par larges brassées, des sorts de bénédiction pour refermer les blessures. Bokkai, durement frappé à la jambe, était resté près de Hiruya, blessé à l’épaule. Riobe enleva son casque, aspira l'air comme s'il sortait de sous l'eau, et regarda ses frères d’armes morts.
N'avait-il pas mieux valu leur donner une occasion de mourir noblement ? Ryu rengaina posément ses sabres, en essayant de ne pas montrer sa douleur. Ayame s’occupa de faire soigner Ikky. Shigeru buvait du sake à la gourde, et faisait passer les rations miraculeuses de Taka à tout le monde.
Les eta venaient dégager les cadavres, les empilaient pour y mettre le feu. La terre buvait le sang, jusqu’à en faire une indigestion, et commençait déjà, lentement, à ronger les cadavres putrescents des serviteurs du Dieu Sombre.

Alors qu’un soigneur finissait d’appliquer ses mains sur ses plaies, les refermant bien vite, Hiruya se releva, encore étourdi par le tourbillon de violence où il venait d’être emporté. Quel dojo pouvait préparer à cela ? Il avait exécuté sur place le sinistre guerrier qui l’avait défié. Il tremblait encore, d’une terrible joie, face à cet exploit. Il avait montré aux Crabes ce que cela signifiait d’être un Grue.
Kohei sympathisait déjà avec ses compagnons d’armes, autour d’un verre de sake. On riait, on plaisantait, et on lançait dans de grandes embrassades. Mais les chui ne tardèrent pas à passer parmi les rangs, en leur ordonnant de reprendre leurs positions rapidement :
- La bataille n’est pas finie, samuraï ! A présent, marche forcée jusqu’au Cloches des Morts ! Nous devons y ramener la cloche manquante ! En avant !
Le silence se fit.
Bientôt, Kohei et Shigeru reformaient les guntai. Riobe vint se joindre à celui du Licorne. Les shugenja s’alignaient de nouveau à l’arrière, et l’armée se mit en marche, gravissant la colline au pas de charge. Au passage, elle piétinait les restes de ses ennemis.

Hiruya vit soudain au sommet de la colline, sur son poney, Kakita Yobe, qui le hélait, et le pressait de le rejoindre. Hiruya demanda aussitôt qu’on lui amène une monture.
- Une monture pour le magistrat ! une monture pour le magistrat !
- Désirez-vous qu’une garde vous accompagne, demanda le taisa.
- Non, taisa. Continuez selon les ordres reçus. Je pars seul.
- Haï ! En avant vous autres ! L’Outremonde nous attend là-haut !

Tout le monde se remit en marche, douloureusement.
- Bravo pour votre exploit, Chui ! dit Riobe à Kohei.
En effet, ce dernier, en menant tous ces hommes, avait mérité le grade supérieur à gunso.
Le Licorne rit, et tapa dans le dos de son ami rônin :
- Bravo à toi aussi, mon vieux Riobe. Tu leur as montré comment se battre ! tu as accompli l’impossible ! Allez viens ! maintenant, nous allons infliger le même traitement au Gaki lui-même !

Samurai

Daidoji Dajan Wrote:The weak find solace in the words of others. The strong make their own wisdom.

Les deux Grues galopaient ensemble, sous un petit bois, non loin d’un torrent qui chantait sa mélodie éternelle en dévalant la pente. La pente montait très dur à cet endroit, et même les solides poneys commençaient à peiner.
- Dajan ! il a osé nous lancer un défi !...
Yobe devait crier pour se faire entendre.
- Il m’a écrit un message, et m’a indiqué le village où il se trouve ! C’est non loin d’ici.
Les deux hommes, le maître et l’élève, relancèrent de plus belle leurs chevaux. Soudain, une flèche siffla dans l’air. Elle perça la poitrine de Yobe, qui tomba de sa monture. Il roula à terre, dans la pente. Hiruya s’arrêta aussitôt, et courut vers son senseï. La pointe s’était enfoncée juste en dessous du cœur. Hiruya ignorait si la retirait aller sauver son maître ou le tuer.
Le souffle coupé, Yobe fit à Hiruya un geste indiquant le chemin. Il luttait de toutes ses forces pour respirer. Il n’arrivait pas à parler, et il allait tourner de l’œil. Hiruya se hâta de le charger sur sa monture, remonta sur la sienne, et redescendit la pente aussi vite qu’il pouvait. Il rejoignit l’arrière de la troupe, et confia son maître aux heimin.
Puis, la rage au ventre, il repartit d’où il venait, à brides abattues.
Et pendant que Hiruya galopait, la haine au cœur contre Dajan, l’armée des Crabes commençait à gravir le sinueux sentier en lacet où se trouvait alignés les portails des Cloches de la Mort. On fit monter la douzième cloche, celle volée par Hamato. Elle avait été fêlée pendant le voyage. Il y avait déjà quatre nuits que les cloches n’avaient pas été sonnées, et dans toute la vallée, on avait entendu des hurlements inhumains venus des sommets. Le Gaki se réveillait...
Le son de cette cloche abîmée n’allait-il pas briser l’harmonie des onze autres ?
En rangs serrés sur les marches qui ne permettaient pas à plus de quatre hommes de faire front, l’armée commença à sécuriser comme elle pouvait sa position.

Samurai

Une grande cascade dégringolait la falaise, en chantant la chanson du précipice. C’était un petit village, paisible dans le soleil couchant. Le crépuscule daignait dorer une dernière fois pour aujourd’hui les forêts, de vals en vals, et rendait plus sensible, par contraste, l’intensité de l’obscurité qui tombait. Pendant que dame Amaterasu fuyait vers l’ouest, son obscur époux se levait sur l'Empire d'Emeraude. Une fine pluie se mit à tomber.
Hiruya avançait dans le village. Tout paraissait calme. Il n’y avait personne dans les rues. Notre magistrat, la main près de sa garde, entendit des paroles venant d’un temple non loin.
Le bon peuple était réuni là, assis à écouter les paroles d’un moine de forte stature. Hiruya s’assit en silence, et ferma les yeux.
- Celui qui pendant trois réincarnations successives, énonçait le moine, n’a pas laissé par sa bouche passer un seul mensonge, celui-là sera pur. Son karma sera si brillant qu’il échappera à la grande roue du samsara, et il ne se réincarnera plus.
Le peuple s’inclina, fit quelques offrandes, puis commença à se disperser, découvrant là ce samuraï d’Emeraude qui méditait. Personne n’osa faire un geste, ni s'approcher de lui, de peur de le perturber.
Hiruya resta les yeux fermés quelque temps, agenouillé. Quand il rouvrit les yeux, le moine était devant lui, assis en tailleur. Un katana dans son saya était posé devant lui.
- Alors, tu es enfin venu jusqu’à moi, fils de Takaaki ?… Vingt-cinq après, je vais finir de me venger de la famille qui a causé ma perte…
Hiruya respira et regarda fixement l’homme devant lui : Dajan, l’assassin de son père. C’était lui, cet homme rasé, aux yeux profonds, aux traits accusés, une carrure de yojimbo.

Lentement, les deux hommes commencèrent à se lever. Dajan prit son saya, noua un obi autour de sa ceinture et plaça le saya dedans. Même au bout de son ignominie, il voulait encore se battre comme un samuraï...
Hiruya approcha la main de sa garde. Il cligna alors des yeux. Troublé, très troublé, il venait de ressentir quelque chose. C’était intuitif, mais absolument certain, comme une illumination.
L’homme qui était devant lui n’était pas celui qu’il avait combattu à Heibetsu.
- Qui es-tu ?
- Je suis Daidoji Dajan, tu le sais parfaitement, Kakita Hiruya…

C’est alors qu’arriva un autre samuraï. Il portait un mempo au visage. Il avait les cheveux décolorés comme les Grues. Il portait un kimono sans signe de clan. C’était lui, l’homme de Heibetsu, l’ennemi éternel de Hiruya. Oui, c’était lui qui était à Heibetsu, et pas Dajan !eek2

Samurai

L’armée était maintenant stationnée, en position de défense sur les marches. On fixa la cloche, puis on les fit sonner toutes ensemble. Douze samurai eurent l’honneur de pouvoir tirer de toutes leurs forces sur les cordes, jusqu’à se pendre à elles, pour faire retentir à toute volée le glas de toutes les cloches. Ce soir-là, on les entendit à des lieues et des lieues à la ronde. Tout le pays sut que, de nouveau, les cloches retentissaient.
Seule la cloche fêlée rendit un son légèrement faussée. Et ce soir-là, alors que le crépuscule s’effaçait, un cri hideux, plutôt des dizaines de cris, glapissant, vagissant, hurlant, tombèrent du sommet de la montagne.
Un indescriptible démon, de près de cinq mètres de haut, dévala la pente et se précipita sur l’armée, prêt à la dévorer toute entière. Il était composé d’une multitude de fragments de corps enchevêtrés grotesquement. Des centaines de visage le composait. Il y avait le visage de Nakiro à plusieurs endroits, des membres en tous sens, une puanteur abominable, et à foison des griffes, des crocs, de serres…
Le Gaki rentra à toute vitesse dans les samuraï. Riobe se jeta de côté et lui sectionna au passage un de ses nombreux bras. Kohei dévia l’attaque qui allait lui emporter la tête, Bokkai se jeta à terre, Shigeru hurla quand une griffe se planta dans son bras, Ryu frappa habilement un autre membre. Des samuraï étaient expulsés par paquets dans le vide, par ce tourbillon démoniaque de Gaki. D’autres, morts de peur, s’y précipitaient, préférant le suicide à l’affrontement avec cette chose. Le Gaki descendit tous les rangs de ses ennemis, dévorant, mordant, frappant, pareil à une tornade de souillure. Il avait passé tous les bushis, et allait précipiter toute sa colère sur les shugenja. Ceux-ci avaient fini de dessiner leurs cercles de pouvoir. Allaient-ils suffire à l’arrêter ?

Samurai

Hiruya fit un pas en arrière et mit la main sur son sabre. Il regarda Dajan, puis l’autre, la Grue Noire, qui approchaient de lui.
- Toi ? toi !… rugit Dajan. Il regardait le nouveau venu.
- Oui, c’est moi. Je suis venu mettre fin à tes agissements ! Il est temps d’en finir avec le passé, « maître Condor » !
- Hiruya, fit Dajan, c’est la Grue Noire ! le criminel qui déshonore ton clan. Tuons-le, et nous réglerons notre duel ensuite.
- Hiruya, lança l’autre. Dajan a assassiné ton père. Lui et Nakiro ont invoqué le Gaki pour le tuer. Moi aussi je suis là pour le tuer. Nous en finirons avec notre différend ensuite.
Décontenancé un moment, notre samuraï eut tout de même rapidement fait son choix.
Les trois hommes avancèrent chacun vers les deux autres. Ils formèrent un triangle parfait.
Chacun approcha lentement sa main de son arme, surveillant les deux autres. Chacun savait qui il allait frapper, et tentait de bluffer les deux autres.

Dajan allait dégainer contre Hiruya, et ce dernier ne s’y trompa pas. La Grue Noire cachait bien son jeu : impossible de deviner ses intentions. Hiruya comptait frapper Dajan : c’était le maître d’une conspiration contre l’Ordre Céleste et l’assassin de son père. C'est lui devait mourir le premier. Qui plus est, il ignorait même qui était l’autre personnage, et pourquoi il était lié ainsi à lui.
Hiruya savait que Dajan allait le frapper : mais si la Grue Noire avait aussi décidé de le frapper lui, et qu’il dégainait le premier, Hiruya était perdu.
Qui allait donc se retrouver contre les deux autres ? Il était aussi possible qu’ils s’entre-tuent, si chacun frappait par exemple celui à sa droite.
Jamais un duelliste n’avait dû connaître pareille situation : un duel à trois !

Samurai

Le brillant de l’extrême bout de la lame de Dajan apparut dans la pénombre du soir.
Hiruya allait réagir pour le devancer. Trop tard. Dajan frappa le premier, entaillant l’épaule de notre héros. Le coup de Hiruya se perdit dans le vide, et celui de la Grue Noire alla frapper Dajan en pleine poitrine. Un deuxième coup vint aussitôt après, qui tailla Dajan de part en part. Son sang gicla abondamment en tous sens. Il s’écroula à terre, frappé à mort.
Blessé, Hiruya recula d’un pas. Haletant, "Tsuru Makkuro" regarda longuement notre héros, le katana à la main. Hiruya reprit sa garde en défense, le sabre brandi devant lui. Et son adversaire n’avait pas une égratignure. A terre, Dajan se vidait de son sang à gros flots. Hiruya, tressaillant de douleur, sut qu’il n’avait que peu de chance de l’emporter cette fois. De la manche de Dajan, roula une petite poupée.

Samurai

Le Gaki se lança sur les shugenja. A peine un de ses pattes, semblable au sabot d’un onikage, avait-elle touché le cercle mystique d’un des shugenjas qu’une grande colonne lumineuse sortit du sol, amenant un tourbillon éblouissant de jade, de cristal et de feu. Les autres cercles se déclenchèrent eux aussi, et soudain, c’était pour le Gaki l’exposition directe à la surface de milles soleils. Vaincu par la force dévorante de tous les kami du Feu, il se consuma, ses hurlements étouffés par la danse furieuse des flammes. Les shugenja lancèrent encore tout ce qu’ils purent de tombeaux de jade et de météores de feu. La radieuse puissance des kami annihilait sur place l’énorme et difforme vampire.
Les samuraï durent se protéger les yeux pour ne pas être aveuglés par cette incroyable féerie. En peu de temps, le Shimushigaki fut transformé en un gros tas de cendres et de charbons rougeoyants.
Il était banni à jamais dans le Jigoku ; jamais plus le Ningen-Do, le monde des vivants, n’aurait à redouter sa corruption !

Samurai

La Grue Noire baissa son sabre, découragé. La pluie tombait sur les deux hommes. Un an avait passé depuis leur première rencontre, dans le temple des oiseaux.
- Pourquoi devons-nous nous battre, dit l’adversaire de Hiruya. Qui sommes-nous ? Qui es-tu ? Qui suis-je pour ça ?... pourquoi savons-nous que notre destin est de nous affronter ?...
Il rengaina son katana posément. Hiruya resta en garde un moment, puis rengaina aussi, et se mit à genoux sous la pluie.
La Grue Noire lui tourna le dos, puis partit, portant sur ses épaules toute la fatalité du monde.
- Attend, lui lança notre héros. Je m’appelle Kakita Hiruya. Et toi, qui es-tu ?
- Je suis la Grue Noire, "Tsuru Makkuro". Et c’est déjà bien assez…
- Ce soir, nous étions là pour Daidoji Dajan. La prochaine fois, ce sera nous.
- Oui. Nous en découdrons pour de bon. Mais je ne veux pas me battre contre un adversaire affaibli.
Une femme arriva, qui amenait deux montures. La Grue Noire monta sur l’une d’elle, et la femme sur l’autre. A lueur mourante du jour, Hiruya la reconnut : c’était Nahoko, la traîtresse.
Tous les deux partirent vers les bois. Hiruya se releva. Il se hâta de retrouver sa monture, écarta les hemin qui voulaient l’aider, et redescendit la pente, sa blessure secouée à chaque pas.

Hiruya ramassa la poupée de Dajan, la plus petite, qui avait pour nom : Orgueil. Elle s'ouvrait encore. A l'intérieur, pas d'autre poupée, mais un petit parchemin enroulé.

Bientôt, alors que le dernier rayon de soleil quittait le monde, sous l’immense tapis d’étoiles, Hiruya domina le sinueux chemin des Cloches de la Mort. L’armée des Crabes avait vaincu ; les compagnons de voyage de Hiruya étaient encore en vie, et tous savaient qu’ils avaient remporté une immense victoire sur l’Outremonde, mais qu’il faudrait longtemps avant que la fureur absolue du Gaki ne retombe sur la vallée, et soit remplacée dans les cœurs par le repos de la nuit.
Dans sa manche, Hiruya avait glissé le parchemin de la poupée :

« Ma jolie poupée, j’ai enfermé en toi ma pensée de ce soir.
La ronde des lucioles sur l’eau
Danse, danse, danse
Danse toute la nuit
La lune veille sur nous
Tandis que le soleil dort »


Samurai

EPILOGUE<!--/sizec-->

Toute l’armée s’en retourna dans la plaine du Soleil Levant. Hiruya put affirmer à nos héros que Maître Condor était bel et bien mort.
Yasuki Taka réunit nos héros à part, le lendemain, pour conclure sur cette histoire.
- Sur mon honneur, j’ai commis une injustice envers le clan du Lièvre. Je dois aujourd’hui réparer cette injustice. Kitsune Hamato et Toritaka Bonugi étant morts, je pense qu’avec l’appui des autres témoins, Bayushi Tomaru et Daidoji Unoko, nous pourrons aider les Usagi à retrouver leur nom. Je vais immédiatement faire lancer des recherches pour retrouver Tomoe. Et ensuite, j’aiderai Ozaki à reconstruire son clan : je suis riche, et je veux que des hommes honorables profitent de mon argent, avant que je ne parte pour ma prochaine vie.
« Quant à vous, samuraï, il semble que vous ayez mis fin à une horrible conspiration. Nous seuls savons ce qui se cachait derrière le Gaki. Mais maintenant, Dajan et son Kolat son bel et bien détruits, et nous n’aurons plus rien à craindre d’eux. Belle victoire pour notre Empire ! On retiendra cette victoire des Cloches de la Mort, mais personne, heureusement, ne se souviendra du sinistre destin qui était réservé à Dajan et son complice Nakiro !
« Profitons donc de cette victoire pour ouvrir ma meilleure bouteille de sake. Vous n’avez pas volé de goûter à ce breuvage délicieux ! C’est Daikoku en culotte de velours, si je puis m’exprimer ainsi ! A votre santé, samuraï ! Kanpaï !boire




Samurai<span style="color:green">FORCE ET HONNEUR, SAMURAI !<!--/sizec--></span>Samurai
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#55
Crotale La fabrication du sake Drunk
©Bells of the Dead

Li_Finnec
[Image: sake1.jpg] [Image: sake2.jpg]



[Image: taka.jpg]
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#56
Encore un texte aussi long qu'épique Applause j'aime beaucoup le parallèle à la fin entre le duel et le combat contre le monstre... et la bataille où l'on voit les différents personnages combattre chacun à leur façon et faire leur coup d'éclat est bien sympa Samurai2

attention, j'ai cependant repéré quelques petites fautes d'orthographe et quelques mots manquant... Teach
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#57
Riobe,30/05/2005 à 16:36 Wrote:attention, j'ai cependant repéré quelques petites fautes d'orthographe et quelques mots manquant... Teach
J'ai écrit ça tard hier soir, alors je vais relire. wink Merci. smile
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#58
lol et bien, c'est toute une industrie

Crotale Ah, Kohei mon cher ami! Quel plaisir de te revoir. Figure toi que j'ai une affaire exceptionnelle à te proposer... Figure toi que suite à la destruction de notre entrepot de sake, nous ne savons plus où l'entreposer et...
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#59
Kohei, il te commande toutes les caravanes de sake que tu veux !
A 20 kokus la bouteille... :baton: Drunk
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#60
Clever il va falloir qu'Hiruya sama surveille tes notes de frais wink
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