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Récit : Au pays des gaijins
#91
Bon, je voulais continuer ce récit ajd, mais je n'arrive pas à m'y mettre. :?

Vous pouvez noter que, hier, j'ai refait tout le 1er msg. wink
Le récit commence maintenant au 2e post.
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#92
Spa grave, c'est comme la page de tintin, c'est meilleur parce qu'on l'attend un peu... smile

J'ai bien dit un peu :spank:
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#93
XII : Le prince du hasard

Une grande nuit étoilée couvrait maintenant tout le désert, comme un voile satiné, soyeux, bleuté et glacial.
Le merveilleux palais de l'immense cité de Medinat Al'Salaam profitait de la fraîcheur du soir. Le ciel était aussi immense que les habitants du palais étaient insouciants, eux qui goûtaient au luxe et au repos de ces lieux.
Les jardins paisibles s'endormaient, tandis que les ruisseaux continuaient à couler tranquillement.

Dans les couloirs du palais, deux hommes, précédés de deux serviteurs portant des lanternes en papier, avançaient en conversant. Shinjo Tchen-Qin et Shinjo Zenzabûro avaient quitté, après le repas, les trois fils de ce dernier, puis s'étaient rendus dans l'une des bibliothèques du palais du Sultan.

- Quel dommage que le Commandeur des Croyants n'ait pas encore daigné vous recevoir, Zenzabûro-sama.
- Nous attendrons jusqu'à ce qu'il daigne nous laisser nous présenter à lui. Le maître de la Cité a sans doute mieux à faire qu'à s'intéresser à des gaijins comme nous...
- Ne croyez pas que le sultan ait un mépris infini pour les étrangers. Car dans la Cité aux Mille Histoires, il y en a de tous les horizons des gaijins ; pas seulement de Rokugan mais de nombreuses autres contrées lointaines, inconnues de nous pour la plupart. Rokugan est un proche voisin de la Cité, en comparaison d'autres peuples qui ont traversé pendant des années les Sables Brûlants avant d'arriver dans le Glorieux Sultanat. Et songez que l'un des plus puissants peuples qui soit, l'Empire Senpet, ne voit Medinat Al'Salaam que comme une petite cité de plus à annexer. Je pense qu'il verrait Rokugan tout au plus comme une grande province...
A ces mots, Zenzabûro-sama grinça des dents :
- Une "province", comme vous dites, qui a ceci de spécial qu'elle est la terre d'un empereur qui est aussi le Fils du Ciel, du Soleil et de la Lune. Aucun autre kami que Hantei n'a jamais régné sur les créatures mortelles que nous sommes. Par conséquent, qui n'est pas Rokugani ne vaut, aux yeux des serviteurs des Hantei, pas beaucoup plus qu'un animal.
- Savez-vous pourtant que les Senpet vénèrent leur Pharaon comme un dieu ?
- Qu'avons à nous à faire, répliqua durement Zenzabûro, de quelques barbares qui admirent des divinités grossières ?
- Ne vous méprenez pas sur ce que je dis, je vous en prie, dit doucement Tchen-Qin. Je partage entièrement votre point de vue : ces Senpet sont des barbares parmi d'autres, mais ce ne sont pas les plus proches d'être des brutes sans âme. Du reste, les Senpet, si fiers en place publique de leur Empire, omettent de dire qu'il tombe en ruine. Leur Pharaon sait très bien que ses immenses pyramides, ses temples gigantesques s'effritent, retournent en poussière. Son empire est lentement rongé par le désert. L'eau manque, et bientôt, à moins que le Pharaon ne conquière un nouvel Empire, les Senpet deviendront une peuplade dispersée, de misérables va-nu-pieds, des mendiants, des moins que rien...
- Des eta, c'est ce qu'ils seraient chez nous. Que leur empire tombe en poussière, c'est bien la preuve que leur Pharaon, loin d'être un fils du ciel, n'est qu'un vulgaire imposteur, un charlatan, un comédien...
- Oui, par Otaku, le Pharaon et toute sa noblesse ne seraient pas dignes de brosser les chevaux de nos écuries.
- Peut-être que parce que je vis ici depuis de nombreuses années, Zenzabûro-san, j'ai appris à me montrer plus conciliant...
- En tout cas, il ne ferait pas beau pour vous afficher vos opinions, une fois passées les montagnes. On ne s'expliquerait pas une telle déférence envers les gaijins. Un décret impérial les a interdits il y a plus de six siècles chez nous. Nous serons toujours prêts à les recevoir, le katana à la main !
- Pourtant, le clan de la Licorne a noué des relations avec eux... Avec certains d'entre eux au moins. Et notre clan a bâti sa puissance là-dessus : par le contact avec d'autres peuples.
- Notre clan sert l'Empereur, Tchen-Qin-san, voilà tout. Ces gaijins nous sont parfois utiles, comme il est utile d'avoir un serviteur qui lave vos vêtements et brosse votre parquet. Pour autant, on a aucune dette envers lui.
- Naturellement, et c'est bien ainsi que je l'entends.
- Votre aide m'est précieuse, Tchen-Qin-san, dit Zenzabûro sentencieusement, et je ne manquerai pas de rappeler à mon daimyo combien vous vous acquittez honorablement de votre charge.
- Vous surestimeriez ma valeur en disant cela, Zenzabûro-san, dit finement Tchen-Qin ; je ne fais que servir mon clan... et l'Empereur, à ma manière... Nous arrivons à l'observatoire.

Samurai

Les deux Licornes venaient de tourner dans le couloir, et d'arriver à l'extrêmité d'une aile du palais.
Deux gardes étaient postés là, pantalon bouffant, hallebardes, et livrée aux couleurs du sultanat, devant une porte en bois décoré de glyphes ésotériques. Tchen-Qin échangea avec eux quelques mots en langue gaijin.

- Nous ne serons pas seuls là haut, Zenzabûro-san. Je pensais que personne n'utilisait l'observatoire ce soir. Mais un important dignitaire de la cour du sultan s'y trouve déjà. Il s'agit du prince Al-Hazaar, un grand guerrier, érudit, qu'on dit assez sorcier également. Il a étudié l'astronomie de l'empire Senpet, ainsi que d'autres aspects de leurs arts.
- Je serais curieux de le rencontrer, affirma Zenzabûro-san, sans que sa voix marquât la moindre nuance d'intérêt.
- Après vous, dit le maître du caravansérail.
Les deux Licornes passèrent la porte, et, précédés d'un serviteur qui les éclairaient, ils s'engagèrent dans un étroit escalier de pierre, en colimaçon.
- Savez-vous, mon honorable invité, expliqua Tchen-Qin pendant la montée, que nous montons dans ce qui fut un minaret, autrement dit une tour d'où un muezzin appelait les fidèles à la prière. Mais c'était le muezzin d'une secte que le Sultan a réduit en esclavage, à la suite de leur usage de magies interdites. Cependant, pour ne pas fâcher les divinités qu'adorait cette secte, le Sultan a ordonné qu'on garde debout ce minaret. Depuis, j'en ai obtenu la garde. J'ai fait détruire plusieurs idoles barbares qui surveillaient cet escalier, j'ai gardé ce qui s'accordait avec la religion du Commandeur des Croyants, et j'ai fait installé un observatoire. Grâce à mes relations à la cour, j'ai reçu en cadeau une magnifique lunette astronomique. C'est un instrument prodigieux, semblable à une longue-vue, mais en bien plus grand. Il permet d'observer les étoiles comme si elles étaient grosses comme une orange !
- Par le puissant Hantei, je me demande s'il ne serait pas dangereux de braver la colère de dame Amaterasu en l'observant de trop près !
- N'ayez crainte, Zenzabûro-san, je n'observe ni dame Soleil, ni seigneur Lune. Je ne pointe ma lunette que vers les étoiles, pas sur ces puissantes divinités. C'est la colère de dame Amaterasu qui a brûlé impitoyablement ces vastes étendues qu'on appelle les Sables Brûlants. Il serait imprudent de pointer une lunette d'observation sur la plus puissante déesse qui soit...

Les deux Licornes arrivèrent en haut du minaret. Un soldat du sultanat gardait la porte, impassible. Il salua les deux arrivants. Reconnaissant le maître du caravansérail, le soldat s'écarta en ouvrant la porte.
Les deux Licornes pénétrèrent dans une très petite pièce. Un tapis au sol, quelques rayonnages remplis de rouleaux de parchemins, une table basse pour écrire, et, passant au travers d'un trou dans la coupule du minaret, la lunette astronomique, dix fois plus grande que ces longue-vues dont se servent les armées pour repérer l'ennemi.
Un gaijin, richement vêtu, se trouvait là, l'oeil collé sur l'extrêmité de la lunette. Il avait posé son grand turban, orné d'une pierre précieuse et d'une plume de paon, sur la table à côté de lui. Il notait rapidement des informations sur un papier pendant qu'il observait, très concentré sur sa tâche.
Zenzabûro-san allait protester contre cet étranger qui ne se dérangeait même pas pour saluer des visiteurs. Tchen-Qin lui fit signe, poliment mais fermement, de garder le silence, et de ne pas bouger.
Le gaijin continua pendant plusieurs minutes à noter ses observations sur un carnet, sans aucunement prêter attention aux deux Licornes. Zenzabûro-san sentait le rouge lui montait aux joues.

Enfin, le gaijin cessa ses observations. Posément, il finit de noter des données sur son carnet, puis remit son turban, se tourna vers les deux Licornes et les considéra, sans mot dire.
- Salaam Aleikum, puissant prince Al-Hazaar, dit Tchen-Qin en langage gaijin, et en s'inclinant.
A contrecoeur, le fier Zenzabûro-san en fit autant.
- Alekum Salaam, dit le gaijin. Konnichi wa, dit-il en regardant Zenzabûro-san, et en lui souriant d'un air de défi.
Le prince Al-Hazaar portait des vêtements de tissus fins et souples, raffinés, mais lui-même était tout contraire à cet aspect souple : la dureté, la maîtrise absolue de soi, une méchanceté indéniable dans le regard, un menton pointu terminé par une barbiche presque aiguisée, des gestes autant denuées de grâce que pourvus de force contenu -tout cela, Zenzabûro-san put le lire dès les premiers instants où il fut face au gaijin. Il en conçut une muette mais irrépressible hostilité.

Samurai

Shinjo Tchen-Qin fit rapidement les présentations, et, pour dérider un tant soit peu l'atmosphère, raconta l'anecdote suivante :
- Savez-vous, honorable Zenzabûro-san, que le prince Al-Hazaar passe pour l'introducteur à Medinat Al'Salaam, d'un jeu très distrayant, qui se joue avec de petits cubes de bois, que nous appelons des dés. Sur chaque face est inscrite une valeur de I à VI, et il s'agit de réaliser les plus hauts nombres. En l'honneur du noble prince, nous appelons cela un jeu de "hasard".
Mais les deux hommes ne prêtaient pas vraiment attention aux propos de Tchen-Qin. Ils se toisaient du regard, avec une fierté farouche pour le Licorne, et une ironie méchante pour le prince.
Shinjo Tchen-Qin s'en aperçut. Mais Al-Hazaar mit fin à la confrontation : il s'inclina légérement, salua dans sa langue, et partit, accompagné de son garde du corps.
Une fois qu'ils eurent descendu plusieurs marches, Zenzabûro-san ne put s'empêcher de jurer :
- La colère des Fortunes étouffe ce serpent venimeux !
- Par Ide, je vous en conjure, intervint Tchen-Qin, le prince Al-Hazaar est l'un des sujets les plus aimés du Sultan, un grand savant qui apporte beaucoup à Medinat Al'Salaam.
- Pardonnez mon mouvement d'humeur, Tchen-Qin-sama. Je reconnais que je me suis laissé emporter.
- N'en parlons plus, honorable invité. Voulez-vous que je vous explique le fonctionnement de cette lunette que nous appelons aussi "téléscope". Grâce au ciel clair comme du cristal, nous apercevrons nombre de constellations et je vous en expliquerai la signification astrologique ?
- Volontiers, dit Zenzabûro-san. Je crois que je préfère dans les Sables Brûlants leurs habitants célestes à leurs habitants terrestres...

Samurai

Shinjo Kenzan, seul dans les jardins assis près d'un bassin, sous les augustes palmiers, observait des poissons argentés qui s'agitaient dans l'eau. Des lanternes de papier éclairaient de loin en loin le chemin, tandis qu'un serviteur attendait patiemment, en retrait.
La jeune femme qu'il attendait depuis longtemps s'était enfin approchée. Elle était arrivée silencieusement par le jardin, suivi de sa duègne. Shinjo Megumi était la fille unique de Shinjo Tchen-Qin. Ravissante fille qui venait de passer son gempukku, à l'âge de 17 ans, elle était au printemps de sa vie. Elle portait de ravissants vêtements, finement décorés, qu'elle portait avec grâce.
Kenzan avait bien du mal à empêcher son coeur de tambouriner trop fort dans sa poitrine. A la faveur de l'obscurité, la jeune femme n'apercevrait peut-être pas trop que le rouge lui montait aux joues.
- Konnichi wa, honorable Shinjo Kenzan... dit-elle doucement. Vous désiriez me parler ?...
Kenzan, dos au bassin, dut s'appuyer discrêtement contre le rebord pour ne pas fondre de bonheur. Le pauvre Licorne ne savait plus où il se trouvait, où était le nord ni qui ni quoi !
En revanche, il aurait volontiers chassé à coups de pied la vieille duègne qui surveillait les deux jeunes gens.
- Honoré, honoré, je suis honoré, balbutia Kenzan.
Shinjo Megumi eut un petit rire caractéristique des femmes qui veulent plonger un homme encore plus loin dans l'embarras :
- Vous vous nommez O-Noré, honorable samuraï ? Je croyais que votre prénom est Kenzan.
La phrase du jeune homme sortit enfin d'un coup de sa bouche :
- Honoré de vous rencontrer, Shinjo Megumi, mon nom est Shinjo Kenzan, fils cadet du noble Shinjo Zenzabûro, daimyo du village aux rives blanches !
Megumi-chan étouffa un rire, qui mit Kenzan encore plus mal à l'aise, en même qu'il éprouvait une grande, et légitime, fierté à énoncer qui il était. Il se tenait bien droit, comme à la parade. Megumi le salua à nouveau. Kenzan cacha ses mains derrière son dos, pour dissimuler l'agitation nerveuse de tous ses doigts, et la moiteur de ses paumes.
- Savez-vous, honorable samuraï du village aux rives blanches, qu'il est de coutume qu'en arrivant à Medinat Al'Salaam, les nouveaux venus prononcent un voeu quand ils aperçoivent une étoile filante ?... Et par chance pour vous, la maison du Rat est en ce moment remplie de pluie de météores qui annoncent de bons présages...
- Ah bon, tiens donc, comme c'est favorable, comme c'est bien, alors dans ce cas je vais prononcer un voeu immédiatement, derechef et réfléchir à...
Megumi posa un doigt sur les lèvres bavardes de Kenzan et lui dit :
- Fermez les yeux, samuraï, respirez bien fort pour que les Fortunes de l'air vous favorisent, pensez à votre voeu, et cherchez une étoile filante.
Subjugué, Kenzan obéit. Il ferma les yeux. Il peina à se concentrer sur un voeu, car, les yeux fermés, il n'en respirait que mieux le parfum envoûtant de Megumi-chan. Ce parfum lui tournait la tête comme toutes les Fortunes. Le samuraï fit de son mieux pour penser à ce qu'il désirerait le plus.
Soudain, il rouvrit les yeux, tout souriant d'avoir trouvé idee et là, un spectacle éblouissant, stupéfiant, s'offrit, l'éclair d'un instant à lui :

Passant à la vitesse d'un cheval au galop, assis en tailleur sur un tapis qui volait silencieusement dans l'air, suivi d'une traînée de poudre lumineuse et merveilleuse, un gaijin, un turban sur la tête, fila dans le ciel, au-dessus des jardins, au-dessus des palmiers et rejoignit en un instant les grands vents et la grande mer d'étoile qui scintillaient au-dessus de Medinat Al'Salaam, la Cité aux Mille Histoires !

A suivre... Light
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#94
XIII : Le portail du lac aux rives blanches

Les deux amis, qu'un brusque déluge de pluie venait de surprendre, coururent se mettre à l'abri sous l'imposant portail de la divinité Ki-Rin, alors que déjà, les chemins étaient gavés d'eau, que de grosses flaques se formaient, que les ruisseaux, rendus comme fous par ce torrent du ciel, débordaient de leur lit naturel et coulaient de plus en plus vite. La terre se gorgeait d'eau, tremblait à l'approche de l'orage.
Le ciel devenait lourd comme un troupeau de buffles, et les nuages épais cachaient si bien dame Amaterasu qu'il faisait maintenant presque nuit en plein jour. Il semblait que toute l'eau du ciel se versait à grandes rasades dans le lac aux rives blanches, et sur ses rives herrissées de joncs.

- Teyandee, dit Shinjo Saranku, en tordant son manteau en poil d'ours, trempé, nos shugenja n'avaient une fois de plus pas prévu cette colère des fortunes de l'eau !... Nous ne pouvons pas allumer le moindre feu. Une telle pluie pourrait emporter sans mal le pont de la rivière.
- Teyandee, dans ce cas, dit son ami Shinjo Kohei, nous devrons dormir à l'auberge du lac, le temps que les heimin reconstruisent le pont.

Les deux amis s'assirent sur une natte, à l'abri du portail, pendant que les trombes d'eau s'abattaient sur le bois au-dessus de leur tête, que le brouillard envahissait le chemin, une froide brume, poisseuse, pleine de fantômes.
- Teyandee, dit Saranku, le brouillard. Pas bon cela... Les yorei s'y cachent facilement. Et les esprits de la rivière pourraient se fâcher si les yorei passent à proximité d'eux. Voilà qui ne présage rien de bon. Mon séjour sur les terres du clan du Faucon m'a appris à reconnaître l'arrivée des mauvais esprits...
- Ne t'inquiète pas, dit Kohei, nous sommes à l'abri, sous la protection de la Ki-Rin. Il ne peut rien nous arriver tant que nous ne mettons pas un pied dehors.
- Et je n'ai rien pour allumer ma pipe. Nous n'aurions pas plus froid si nous étions en train de nous baigner dans le lac en plein hiver !
- Sais-tu, Saranku-san, que dans les hautes montagnes du Dragon, certains hommes sages appelés Ize Zumi se baignent dans des trous d'eau presque glacés, et ce dès avant le lever du soleil, en toutes saisons !
- Par les Fortunes du Feu, tu te moques de moi, Kohei-san ! Ou alors tu me parles de leur cérémonie du seppuku ?
- Pas du tout, rit Kohei, il s'agit pour eux d'un rituel de méditation et de purification !
- Tu ne me feras pas croire qu'on médite à l'aise dans de l'eau glacée !
Kohei repartit de ce rire franc et costaus que se permettent les Licornes quand aucun étranger à leur clan ne peut les voir :
- Et toi, Saranku-san, tu médites bien mieux devant un bon repas, quand le feu brûle en abondance dans la cheminée, et que ta femme te prépare du porc rôti !... lol
- Ah tais-toi, rien que d'y penser, j'ai l'estomac qui crie famine. Ce plat est un tel délice... bave
- Qu'est-ce qu'on disait, avant d'être surpris par la pluie ?
- Tu me racontais ton voyage dans les Sables Brûlants, Kohei-san, comme déjà tu nous avais raconté ton voyage sur les terres des Grues et des Dragons. Décidément, tu es un infatigable voyageur, mon vieux copain ! Moi je suis très casanier, même pour un Licorne. Je répugne toujours à quitter la tiédeur du logis, et ma petite femme qui me mitonne des plats tous les jours...
Kohei donna du coude sur Saranku :
- Entre nous, tu es un gros ours qui ronchonne quand il doit quitter sa grotte !
- Allez, cesse de te moquer de ton vieil ami, espèce de courtisan !
- Moi, un courtisan ?! lol
- Pfff... Kohei-san est allé chez les Grue, et Kohei-san a des amis chez les Grue, et a de belles manières pour aller à la cour. Kohei-san se moque bien de son ami Saranku qui profite de la vie comme un vrai Licorne ! Kohei-san fait partie de la haute société.
- Quoi ? moi un courtisan ? dis, tu plaisantes, Saranku ! Sur les rives du grand océan, je passe pour un barbare, un rustre, comme tous nos frères Licorne !
- Allez, va, je te taquine ! Raconte la suite de ton histoire !
- Où en étais-je resté ?
- A cette nuit, au palais du Sultan, quand ton frère a vu ce sorcier s'enfuir sur son tapis ! Tu es sûr qu'il n'avait pas abusé du narguileh. Il paraît qu'il peut donner des visions... Mais Kohei est trop raisonnable pour goûter aux drogues gaijins. Kohei-san a suffisamment une vie trépidante pour ne pas en rajouter !
- Teyandee, ce n'était pas du narguileh donc Kenzan-san avait abusé ce soir-là... Je crois bien qu'il s'était perdu dans les yeux de la belle Shinjo Megumi.
- Ah oui. Il devait formuler un voeu. Et au lieu d'une étoile filante, il voit alors passer ce prince gaijin !
- Si tu avais vu l'émoi que cela provoquait ! Car en s'envolant ainsi, le prince Al-Hazaar partait pour ne plus revenir ! Il s'enfuyait du palais, parce qu'on venait de découvrir qu'il faisait partie d'un complot des marchands contre le Sultan !
- Ces gaijins sont bien tous les mêmes !...
- Attends, laisse-moi t'expliquer. Al-Hazaar avait comploté contre la suprématie du Sultan, avec l'aide de plusieurs maisons marchandes, dirigées par de cupides princes qui voulaient établir leur domination sur la ville. Tu ne sais pas la puissance que représentent ces princes-marchands !
- Teyandee ! En tous cas, ils n'avaient pas froid aux yeux !
- Qu'Al-Hazaar fût affilié à eux, ni mon père ni Tchen-Qin-sama ne le savaient quand il croisèrent le prince dans l'observatoire. Mais à ce moment-là, le prince se savait en danger. En observant les étoiles, il calculait en réalité des données astronomiques, de manière à se repérer aux étoiles pendant sa fuite à travers le désert !
- Il s'enfuyait à travers le désert ?
- Oui, la vitesse de son tapis surpassait celle de nos plus rapides montures. On eut dit qu'il défiait le vent, à la vitesse où il allait !
- Ca alors !
- Après la fuite du prince, le palais a été reveillé par la garde du Sultan, qui a fouillé tous les appartements, toutes les pièces, tous les recoins, pour débusquer ses complices. Nous n'avons pas fermé l'oeil de la nuit. Ce n'est qu'à l'aube qu'un des janissaires du Sultan nous a présentés des excuses, et nous a autorisés à regagner nos appartements. Dans la journée, plusieurs suspects ont été arrêtés et pendus rapidement ; plusieurs comptoirs marchands ont été brûlés par la garde du Sultan, et nombre de marchands envoyés dans les geôles du palais, ou dans les mines de cuivre. Mon père, mes frères et moi nous sommes tenus à carreau, tout comme Shinjo Tchen-Qin et sa fille. Le surlendemain, nous avons été emmenés devant le Sultan en personne, assisté du Calife, autrement dit le chef de sa garde.
- Teyandee ! Et que s'est-il passé ?
- Nous étions une quinzaine de témoins à être entendus. Parmi ceux-là, des dignitaires et des seigneurs d'autres peuples, qui étaient dans la même aile du palais que nous, quand Al-Hazaar a pris la fuite.
- La pluie continue de tomber. Le brouillard est toujours à nos pieds. Raconte-moi donc ce qui s'est dit devant le Sultan et le Calife.
- A ta guise, Saranku-san, je vais essayer de me souvenir du témoignage de chacun.

Et pendant que Shinjo Kohei plongeait dans sa mémoire, la forte pluie qui chutait du ciel noir continuait d'arroser le lac aux rives blanches et toute la campagne alentour, la remplissant d'eau comme une fontaine remplit une jarre.
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#95
Encore des pépipéties... mais l'arrivée des égyptiens me gène un peu. Même si je sais que le monde est totalement imaginaire ça fait un peu anachronique avec les milles et unes nuits :(

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#96
Wé, le Senpet, c'est juste en arrière-plan à vrai dire.
Le centre, c'est la confrontation Rokugan et les 1001 nuits. wink
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#97
XIV : Le procès Al-Hazaar

Shinjo Zenzabûro, daimyo du Village aux Rives Blanches

Vénérable Sultan, je ne suis qu'un humble gaijin, autorisé par ta sublime générosité à fouler les rues de ta ville. Je suis venu du lointain empire de Rokugan, afin de rapporter à mon clan les merveilles inventées par les peuples qui se rencontrent dans la glorieuse Medinat Al'Salaam.
Ce soir-là, j'étais au palais, avec mon honorable hôte Shinjo Tchen-Qin, et dans le minaret, nous avons rencontré Al-Hazaar, qui se servait du téléscope. Il m'avait été présenté comme un honorable courtisan de ton palais, et de ce fait, je ne l'ai salué qu'avec le plus grand respect, celui qui lui était dû.
Hélas, je ne sais rien te dire de plus, car c'est bien par la volonté des Fortunes que je dois d'avoir croisé, avec mon honorable hôte, ce traître d'entre les traîtres. Sache que moi et mes fils sommes à ta disposition pour t'aider à retrouver et châtier ce misérable.

Shinjo Tchen-Qin, maître du caravansérail Licorne de Medinat Al'Salaam

Vénérable Sultan, je ne saurais rien dire de mieux que mon honorable hôte, qui a su parfaitement exprimé tout ce qu'il y avait à dire sur notre rencontre avec cette vermine d'Al-Hazaar. Jamais je n'aurais soupçonné ce noble dignitaire, que comme tous tes courtisans je fréquentais avec plaisir, d'avoir participé à un complot contre ta noble personne.
En dehors de la cour, j'ai rencontré plusieurs fois Al-Hazaar car il me faisait l'honneur d'admirer mes chevaux, et de requérir les services de mes caravanes, toujours pour transporter des biens honorables. Et mes caravanesi ont, à leur bien humble manière, contribué à entretenir l'apparat resplendissant de Medinat Al'Salaam. Al-Hazaar a toujours fait preuve avec moi de la politesse la plus exquise. Quelques fois, il ne venait pas lui-même, mais envoyait son plus proche serviteur, son garde du corps Al-Rashid.
Depuis maintenant dix ans que je réside dans ta sublime Cité, j'ai eu à me réjouir chaque jour des merveilles que j'y découvre. Chaque matin m'apporte une nouvelle surprise, une nouvelle raison de croire que Medinat Al'Salaam est la plus belle cité du monde. Ebloui, jamais je n'ai soupçonné que le cobra le plus vénimeux ait pu se lover dans le coeur d'Al-Hazaar. Ordonne, et je quitterai tout pour t'aider à châtier ce traitre d'entre les traîtres.

Shinjo Megumi, fille de Shinjo Tchen-Qin

Vénérable Sultan, tu sais que je suis la fille unique de mon père bien-aimé, et j'ai l'honneur de le servir et de le respecter comme le doit toute fille. Je le seconde dans le commandement du caravansérail de mon clan. Je tiens les comptes et j'administre l'approvisionnement des lieux. De plus, je m'occupe des transferts de marchandises les plus importants. J'ai donc eu à m'occuper de caravanes que nous confiait le puissant prince Al-Hazaar.
Oui, vénérable Calife, oui j'ai eu à parler avec son lieutenant, Al-Rashid, car c'est lui qui veillait à ce que les caravanes partent avec tout le matériel désiré.
Vers l'Empire du Senpet. Oui c'était leur destination la plupart du temps, vénérable Calife. Ce fut le cas peut-être une dizaine de fois ces trois dernières années. Parfois aussi avec des marchands des Royaumes d'Ivoire, dont la puissance et l'opulence se placent derrière toi. J'ignorais absolument qu'Al-Hazaar pût être lié à ces marchands qui ont comploté contre toi. J'admets que les maisons de Dahab sont de rudes marchands, intraitables en négociations, mais le prestige de nos montures, de nos éclaireurs, de notre connaisseur du désert nous a toujours valu la confiance du prince Al-Hazaar, qui a toujours semblé nous préférer aux maisons de Dahab.
C'est pourquoi je suis si frappée d'apprendre qu'il était affilié avec elles.

Moto Kubilaï, lieutenant de Kagatai Khan

Vénérable Sultan, puisqu'il a plu à ta sublime grandeur d'interdire l'accès de ta ville à mon daimyo, l'honorable Moto Kagatai, j'ai l'insigne honneur de venir témoigner en son nom.
Permets-toi de te dire que nous l'avons peu fréquenté, cet Al-Hazaar, quoique nous connaissions sa réputation. Prince, courtisan, guerrier, sorcier, astrologue... il était beaucoup de choses, et par souci de te complaire, vénérable Sultan, mon maître le Khan a plusieurs fois accepté qu'Al-Hazaar chevauche à nos côtés et rencontre avec nous les chefs de village du peuple Moto.
Oui, puissante Calife, Al-Hazaar entretenait de bonnes relations avec les chefs Moto et avaient conclu avec eux des accords de passage pour ses caravanes. Oui, il était toujours accompagné de son lieutenant, Al-Rashid. Un noble guerrier, si tu veux m'en croire, et un habile cavalier.
Comment ? Ah je l'ignorais. Alors que les rayons de Dame Soleil frappent à mort ce traître d'Al-Rashid ! Qu'il périsse aux côtés de son maître. Que leurs os blanchissent dans le désert ! Nous les premiers, guerriers de Kagataï Khan, seront à tes ordres pour frapper ces conspirateurs.

Muhammad Abd-El-Krim, chef de la garde du palais

Vénérable Sultan, tu sais que ma vie entière est dévouée à la garde de ton incomparable palais. Vénérable Calife, vous savez que je ne respire que pour m'assurer qu'aucune vermine ne se terre entre ces murs sublimes, et pour que vos puissants Khadi n'aient pas à se soucier de surveiller le coeur même de la glorieuse Medinat Al'Salaam.
Vénérable Sultan, laisse moi te dire ce que mon enquête m'a appris. Le soir où nos hotes Rokugani ont rencontré Al-Hazaar dans la tour de l'observatoire, je puis t'assurer que ce misérable préparait déjà sa fuite. Car au téléscope, il calculait, selon des procédés connus de lui seul, la route qu'il devrait suivre, en se fiant aux étoiles, pour quitter ton Sultanat. J'ai acquis la preuve qu'Al-Hazaar avait bénéficié de complicités de la part de maisons marchandes en ville. Mais je sais que notre vénérable Calife, à la tête de ses imbattables Khadi, a procédé à l'exécution impitoyable des coupables. Seul Al-Rashid nous a échappés, et j'ignore où il se cache à l'heure actuelle. Sans doute avait-il quitté la ville avant son maître, en prévision de leur exil commun.
Sur son tapis magique, Al-Hazaar est bien plus rapide que n'importe lequel de nos cavaliers. Nous ignorons absolument où il peut se trouver à l'heure actuelle. Peut-être est-il déjà hors des frontières du monde ! Mais qui ira le chercher, car on dit que là-bas ne règnent que les monstres !

Nouriya, servante du Sultan

Vénérable Sultan, tu daignes accorder quelques-uns de tes instants à écouter une vieille et misérable femme comme moi. J'ignore si mes paroles peuvent avoir quelque importance à tes yeux, et je serai mille fois comblée si je peux t'aider à mettre la main sur celui qui a usé de ruse pour comploter contre toi.
Que les 999 djinns me brûlent vive si un seul de mes mots porte le mensonge. Sache que ce soir-là, comme tous les soirs, j'ai parcouru toute l'aile de tes hôtes pour m'assurer qu'ils n'avaient besoin de rien, et j'ai trouvé la chambre de l'ignoble Al-Hazaar vide. Même Al-Rashid n'était pas là pour garder la porte. J'ai pensé qu'il logeait ailleurs pour ce soir-là, mais j'ai trouvé des bougies allumées dans ses appartements, ainsi que plusieurs vêtements, comme si Al-Hazaar logeait bien là ce soir. Mais j'ai été frappée par l'absence du magnifique tapis qui orne généralement le sol de sa demeure.
Le narguileh, les coussins, tout était là, mais pas le tapis.
Je ne suis qu'une vieille servante, mais depuis trente ans, jour et nuit, je ne vis que pour ton magnifique palais, et je suis la plus comblée des servantes quand je te sais fier d'en être le maître, car je sais que j'y suis pour une part, fût-elle infime.
Mais je ne serais pas digne de porter le poignard qui tranchera la gorge du traître le jour prochain où tu le feras attaché dans la grande cour du palais. Oh, que ce jour arrive vite, et qu'il saigne de toutes ses veines, cet abominable comploteur ! Les gens comme lui ne versent jamais assez de sang pour réparer leurs crimes !
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#98
Il semblerait que le cas du prince et de son homme de main soit clair, mais jusqu'où les autres protagonistes sont-ils impliqués Clever et si les Motos ou les marchand Shinjo étaient eux aussi impliqué dans le complot... comment réagiraient alors nos 4 héros :baton:
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#99
Je n'ai pas encore fini avec les témoignages. Je pense que j'en rajouterai plus tard en éditant le msg. wink
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Bon boulot en tous cas
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