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Prologue : Les samuraï qui défièrent l'Empereur
#11
Hiruma-chan l'éta tu veux dire ?

Parfaitement, il est pleinement responsable de nos malheurs, moi je vais prendre droit pour lui faire un procesredaface2
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#12
Moi j'imagine la crise de rire des mecs dans le fort, quand Mitsurugi leur dit :
- Hé, toi, le Tortue, amène-moi à ton daimyo, j'ai deux mots à lui dire !

Samurai:ahah:
Mitsurugi
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#13
Je savais pas que c'était un tortue, pis je m'en fous d'abord ils étaient laidsOuimaisnon
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#14
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Le vieux senseï s'assit, pendant qu'un de ses disciples lui mettait un manteau sur les épaules et s'asseyait à son tour.
- Alors, Shiba-san, pourquoi as-tu fait ce si long chemin pour venir dans ce modeste temple ?...
- Je te remercie infiniment pour ton hospitalité. Je me nomme Shiba Satoru. Je viens de la Cité de la Forêt des Ombres, envoyé par mon maître, le gouverneur Shiba Otondo. J'ai fait ce chemin avec mes hommes pour découvrir votre sagesse.
- Notre sagesse ? sourit le vieux Togashi.
- Oui, pour découvrir votre savoir ancestral, dit le gunso, maladroit, empressé.
- Je peux déjà t'apprendre une chose, dit le senseï en buvant son thé.
- Je serai honoré de l'apprendre.
- C'est que la sagesse consiste d'abord à savoir que l'on ne sait pas. Car celui qui ne sait pas sait déjà une chose, tandis que le savant ignore son ignorance...
Le pauvre Shiba peina à se remémorer la phrase au-delà des sept premiers mots ! Elevé dans les principes de son clan, c'était un samuraï honorable, avec ses convictions.
Mais on l'avait prévenu que, s'il était prêt à se battre contre les Lions, il n'était pas prêt à comprendre la sagesse des mystérieux hommes tatoués !
- Certainement, senseï... Merci pour cette leçon... J'y penserai autant que...
- Allons, viens-en au fait.
- Ah, oui... Voilà. Je sais que nos deux clans sont amis depuis toujours. Et que récemment, des shugenja de la famille Isawa ont reçu une invitation de ta famille. Et depuis, s'est scellé un accord, qui disait que nous vous donnerions des parchemins et en échange, nous aurions accès à une partie de votre savoir.
Shiba Satoru eut conscience aussitôt de s'être exprimé grossièrement, surtout devant un sage, mais le vieil homme souriait de ses maladresses.
- Je suis au courant de cet accord, Satoru-san. Mon daimyo m'a prévenu. C'est donc bien volontiers que je vais te donner ce que tu es venu chercher.

Le Togashi se leva et se rendit avec le gunso au dojo, où les élèves continuaient leurs exercices. Tous avaient un tatouage de campanule à l'épaule, et certains, plus âgés, en avaient d'autres. Satoru savait que ces dessins étaient imprégnés de magie : ils donnaient des facultés exceptionnelles à celui qui en était marqué.

Le vieux senseï fit signe à ses disciples de s'arrêter.
- Mes amis, cessez un moment, je vous prie.
Tous obéirent comme un seul homme et s'agenouillèrent.
- Mes amis, voici le gunso Shiba Satoru, qui nous vient des terres du Phénix, pour découvrir notre art.
Le vieil homme observa les moines, comme un grand-père observe ses enfants, fier d'eux, satisfait d'être le chef de famille.
- Togashi Maya, approche.
Il parlait à une jeune femme, l'air sévère et d'une très grande beauté. Shiba Satoru le nota tout de suite et se dit que le vieux senseï n'avait pas perdu complétement le sens des réalités ! Que chez les Togashi, un canon restait un canon !
- Togashi Maya est l'une de mes meilleures élèves, dit le senseï. A seize ans, elle est l'une des plus douées d'entre nous. C'est une grande fierté pour moi.
Le gunso s'inclina devant la jeune femme, qui ne paraissait pas se rendre compte de l'effet qu'elle produisait déjà sur les samuraï Phénix. A peine vêtue, juste de quoi être décente, elle était encore plus attirante avec son tatouage.
- Viens avec nous, Maya-san, nous avons à parler.

Le vieil passa devant, les Phénix suivirent. Satoru échangea un regard avec ses hommes : en fait, ils n'étaient pas venus pour rien !

Samurai

- Qu'elle parte avec nous ?
- Oui, dit le vieil homme.
Shiba Satoru ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux. Il fit semblant d'être surpris à cause du grand honneur qui lui était fait. Et déjà il sentait ses rêves les plus fous, nés quelques instants avant dans le dojo, devenir réalité. Le vieil homme le savait-il ?
- Maya-san, dit-il gravement, je sais que tu es jeune. Mais la sagesse ne se trouve pas, loin de là, que dans notre temple. Shinsei a dit que chaque chose est porteuse de sagesse. Il faut avoir un grand nombre de choses pour comprendre le Tao. Alors je souhaite que tu partes avec ces samuraï. Que tu ailles dans leur pays, que tu observes, que tu apprennes. Que tu leur parles de notre sagesse, et que tu apprennes de la leur. Te sens-tu prète à cela, Maya-san ?
- Oui.

Elle n'avait pas seize ans, et elle était belle comme un coeur !
- Nous la protégerons, senseï ! dit Satoru-san, martial et viril comme jamais. Il ne lui arrivera rien !

Quatre jours plus tard, il eut à regretter ces paroles bravaches !

- Je te fais confiance, Phénix-san, lui avait dit le senseï. Maya est jeune et naïve. Je vous la confie, car je sais que vous êtes des hommes d'honneur. Que vous lui ferez découvrir votre culture, si différente de la nôtre.
- N'aie crainte, avait encore dit Satoru, je t'assure qu'elle passera de merveilleux jours dans nos terres. Et dès qu'elle le souhaitera, elle reviendra ici... et je l'escorterai moi-même.
- Je n'en doute pas.

Le voyage s'était bien passé. Les Phénix avaient rapidement découvert que Maya-san n'était pas bavarde. Même pas du tout. Elle ne devait pas prononcer quatre phrases par jour.
- Gunso, avait dit un soldat, un soir que Maya était déjà couchée, pensez-vous que ce soit cela la sagesse ?
- Par Isawa, je l'ignore, avait dit Satoru. Mais ce soir, je suis fatigué. Alors, comme a dit Shinseï, allons dormir !

En arrivant au bas des montagnes, les Phénix retrouvaient avec émotion leurs terres natales. Ils étaient euphoriques, de revenir dans ces terres harmonieuses, paisibles, de quitter ce monde aérien de pierres dénudées. Ils retrouvaient les jardins méditatifs et les ruisseaux chantants.
- Voici notre pays, dit Shiba Satoru.
- Très bien.
- Maya-san sait dire l'essentiel en peu de mots, nota le nikutaï.
Le gunso lui lança un regard noir :
- Sache que Shinseï a dit que le plus sage est parfois celui qui en dit le moins.
Le nikutaï baissa les yeux.
- Et s'il ne l'a pas dit, ajouta Satoru, il aurait très bien pu le dire !

La petite troupe reprit sa marche.
- Nous allons maintenant traverser une grande forêt, Maya-san, dit Satoru, un peu inquiet. Elle s'appelle la Forêt des Ombres. Mais que ce nom ne t'inquiète pas ! Il y a sans doute bien des esprits qui y vivent, mais ils ne s'en prendraient jamais à des samuraï du clan du Phénix... ni à leurs invités !
- Entendu.

C'était quand même rageant. Même Satoru devait en convenir. Une femme comme elle, qui ne faisait aucun effort pour être charmante, c'était à s'arracher les cheveux ! Elle passait, indifférente, comme si elle planait dans une réalité supérieure, ne consentant à fouler le sol de ce monde changeant que le moins possible. Satoru fut donc le premier à vivre ce que, presque huit cent ans après, vécurent ceux qui croisèrent le chemin de la réincarnation de Maya, alias Mirumoto Ryu !:baton:

Satoru ne s'en faisait pas. Ces légendes sur la Forêt des Ombres, ses démons, esprits malfaisants et autres mauvaises rencontres, ce ne devait être que racontars de paysans trouillards...
Finalement, les Phénix n'étaient pas fâchés d'être de retour. Revenir avec cette jeune Togashi était une fausse bonne nouvelle. Après la forêt, on arriverait au sanctuaire de Shinsei. Puis, par la grande route, on filerait plein est vers la côte.

Par cette belle après-midi, où le soleil coulait entre les arbres, la troupe traversa la Forêt, remplie de bruits charmants ou inquiétants. Maya avait-elle jamais vu un endroit pareil, plein d'arbres et de végétation ? Etait-elle jamais sorti de son temple perdu dans les sommets ?
- Hmmm...
Maya s'était arrêtée, et avait marmonné quelque chose.
- Qui y-a-t-il ? demanda Satoru.
- J'ai entendu du bruit dans les fourrées.
- Du bruit ?
- Là ! cria le nikutaï.
Il prit son arc, encocha et visa. On vit passer une silhouette trapue. Un grognement sourd, des branches qui cassent.
- Arrêtez-vous ! dit le nikutaï.
- Attends, dit le gunso en abaissant l'arc. Vous deux, alle voir par là !
Les deux samuraï obéirent et enjambèrent des arbustes.
C'était bien la guigne ! Une présence hostile, au beau milieu de Morikage !

Satoru vit passer à quelques mètres de lui un être velu, poilu comme un singe. Un barbare yobanjin ! Ils sévissaient depuis des semaines ! Il vit rouge et tira son sabre.
Maya se retrouva un moment seul. Elle se mit en position de défense, comme lui avait appris son maître. Elle ne vit pas venir un des barbares, caché derrière un tronc. Pendant ce temps, on se battait dans la forêt. Le barbare surgit, son gourdin à la main et en asséna un fort coup sur le crâne de la Togashi !
Satoru avait abattu son arme sur le crâne d'un barbare et se retourna. Il vit Maya tomber, la tête en sang. Et le sang de Satoru ne fit qu'un tour ! Il imagina déjà le pire ! "Seigneur, j'accompagnais une Ize-Zumi et les yobanjin l'ont tuée... Oui, elle était sous ma garde..."
Il se rua sur le barbare et lui fracassa le crâne de son katana !
Pendant que les hommes, commandés par le nikutai en terminaient avec les autres créatures velus.
- Maya-san, Maya-san !

La blessure était plus impressionnante que profonde. La Togashi avait du sang plein le visage. Appuyée contre un arbre, elle voyait mille étoiles et les choses vibrer. Satoru lui essuya le visage. On était presque à la sortie du bois. Le sanctuaire de Shinsei n'était plus loin. Là-bas, on trouverait de quoi remettre d'aplomb la malheureuse Ize-Zumi.

Samurai

Pendant que ces évènements dramatiques se déroulaient dans Morikage, non loin de là, deux autres groupes étaient toujours à la recherche des barbares. Le groupe de yorikis emmené par Isawa Sasuke, ainsi que les bushis de Shiba Mitsurugi avaient, chacun de leur côté, passé une journée à traquer les yobanjin, sans succès. C'est dans le bois appelé La clairière d'argent que les deux groupes entrèrent, chacun de leur côté, en cette chaude fin d'après-midi.
L'ardeur première des bushis venus de la Cité de l'Or Bleu commençait sérieusement à s'émousser. Mitsurugi en prenait un coup dans sa fierté d'être tenu en échec par ces barbares assimilés à des animaux enragés. Des pisteurs avaient orienté les recherches vers ce bois et, à l'heure qu'il était, les samuraï cherchaient sur les rives de l'étang du bois.
- Ils sont partis par là-bas ! Ils ont trouvé refuge dans la clairière d'argent.
Voilà ce qu'on leur avait dit.

Mais Shiba Mitsurugi commençait à desespérer. On entendit alors du bruit, venu de l'autre côté de l'étang. Les samuraï, à l'affût du moindre indice, en firent le tour en vitesse. Et on vit sortir du bois un groupe de paysans armés, avec, à leur tête, un shugenja Isawa.
Mitsurugi, surpris, s'avança. Il se présenta et reçut les présentations du jeune shugenja.
- Konnichi-wa. Mon nom est Isawa... Sasuke.
- Enchanté de te connaître.

Les deux hommes apprirent qu'ils étaient ici pour la même raison.
- Très bien, alors maintenant, nous avons deux fois plus de chance de les retrouver !
Mitsurugi n'osait dire que s'ils échouaient, deux fois plus cuisant serait l'échec...

Samurai

La journée se terminait, quand les bushis et les yorikis ressortirent du bois.
Toujours personne !
Les yobanjin avaient dû passer par là, mais en repartir avant l'arrivée de leurs poursuivants.
- Nous jouons de malchance depuis deux jours, dit le soir Mitsurugi.
- Ils sont très forts, ces barbares, concéda Isawa Sasuke.
Les deux samuraï eurent le temps de mieux faire connaissance. Le gunso expliqua qu'il était envoyé par le gouverneur de sa Cité. Le shugenja dit qu'il avait été envoyé par son temple, sur la demande du gouverneur de Morikage Toshi.
Il se faisait déjà tard, et il fallait reprendre le lendemain, à la première heure, les recherches.

Le soleil perçait à peine à l'horizon quand les samuraï prirent leur collation du matin. Isawa Sasuke ordonna aux yorikis de rentrer dans leur village. Ils ne pourraient maintenant que gêner les samuraï.
Alors qu'on arrivait au prochain village, aux abords de Morikage, un autre yoriki vint avertir les deux samuraï qu'un drame s'était produit : un groupe de Phénix avait été attaqué par les barbares !
- Où sont-ils maintenant ?
- Ils se sont arrêtés au sanctuaire de Shinsei, car ils ont des blessés !
- C'en est trop, dit Mitsurugi. Allons-y en vitesse et finissons-en avec ces chiens de yobanjin !

Le groupe partit à marche forcé jusqu'au lieu de pélerinage, où Shinseï avait séjourné voici bientôt quatre siècles. En arrivant, ils se rendirent aux bâtiments pour les malades, où ils rencontrèrent un gunso, visiblement pas fier de lui.
- Konnichi-wa, samuraï. Mon nom est Shiba Satoru, de la Cité de la Forêt des Ombres.
Il expliqua de quel périple dans les montagnes Togashi il revenait.
- J'escortais une Ize-Zumi et elle a été blessée par un des barbares qui nous ont attaqué ! Les Ancêtre ne me le pardonneront jamais ! Sans parler du Gouverneur Otondo !
- Rien n'est perdu, affirma Mitsurugi. Je vais aller parler à cette Ize-Zumi.

La première impression du gunso fut la même que celle de Satoru. D'où venait une pareille beauté ?... Comment Satoru avait-il pu être assez béni par les Ancêtres pour escorter une telle créature de rêve ?... Et qu'avait-il fait, lui, dans ses vies antérieures, pour la rencontrer à son tour ? L'Illumination était proche !...
- Konnichi-wa, Togashi-san...
Malgré le coup qu'elle avait reçu à la tête, elle ne perdait rien de sa beauté. Et même, la voir dans cet état de fragilité, lui donnait encore plus d'attrait. Elle avait besoin d'un homme, d'un vrai, pour la protéger !
Mitsurugi ressortit, circonspect.
- Elle n'est pas bavarde, dit-il à son corréligionnaire.
- Par Shiba, non !
- Je propose que tu laisses deux hommes ici pour veiller sur elle. Pendant que nous réunirons nos hommes pour organiser une chasse à courre !
- Entendu ! Tout cela n'a qu'assez duré !

Maintenant, on se battait pour l'honneur ! Et il y avait une femme en danger !
Comme des coqs qui se dressent sur leurs ergots, Mitsurugi et Satoru revinrent, le torse bombé et annoncèrent la décision qu'ils venaient de prendre.
- En avant, samuraï !
Encouragés, les soldats poussèrent un cri de guerre collectif et en milieu de journée, les samuraï quittaient le sanctuaire de Shinseï.

A suivre...Samurai

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#15
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Après quatre jours de grande chaleur, l'orage grondait. Les nuages avaient l'air à peine plus haut que les toits des maisons et pesaient lourd sur les épaules. De grandes rafales de vent passaient dans l'air gris ; on attendait pour bientôt de lourdes gouttes et une pluie diluvienne. Les paysans guettés le ciel, anxieux. Ils espéraient que "ça" éclaterait bientôt : car à ce moment, ils n'auraient plus qu'à cesser le travail et se reposer en attendant que les fortunes de l'Eau arrosent leurs champs.
Le groupe de samuraï, lui, avançait contre le vent, les kimonos frappés par les bourrasques. En pleine après-midi, il commençait à faire nuit, tant les nuages noircissaient.

Au bout d'un chemin boueux, on apercevait un hameau. Une fumée noire s'en dégageait. Des flammes.
Les samuraï observèrent attentivement :
- Une tannerie qui brûle... Il y a des chevaux...
- Ce sont les pillards ! cria Satoru.
Seul Isawa Sasuke était à cheval. Il partit au galop, pendant que les bushis partaient en courant. Le shugenja arriva dans le village au moment où les barbares s'en allaient. Il n'en restait, qui fermait la marche. Une ferme brûlait. Une famille avait été égorgée : elle gisait dans la rue. Les voisins s'étaient enfuis au loin.
Le barbare, de son regard fou, toisa le shugenja. Il tenait une grande massue recouverte de pointes sanglantes. Ces grandes mains avaient dû démembrer les deux fillettes de la maison.
Révulsé par son aspect, Sasuke descendit de cheval et voulut dégainer, mais le barbare partit au galop en poussant un cri de défi.
Les bushi Phénix arrivèrent sans tarder, essoufflés.
- Quelle horreur, dit Satoru, en contemplant les victimes. Nous savons que ces barbares ont l'habitude, avant de tuer, de torturer leurs victimes, rien que pour le plaisir, en leur brisant les os les uns après les autres. Ce sont des monstres, on dirait qu'ils se nourrissent de la douleur de leurs victimes.
- Ils ne sont pas loin maintenant, dit Shiba Mitsurugi. Nous allons les rattraper !

Laissant derrière eux cette scène de carnage, les samuraï reprirent leur marche. Ils furent ralentis par le chemin qui virait au marécage. L'orage continuait de gronder, de plus en plus menaçant, mais il n'éclatait pas. Il s'était mis à tomber une vilaine pluie fine, qui vous trempe insidieusement jusqu'aux os. Ils suivaient les traces des chevaux.
- Je connais la région, dit Satoru, s'ils continuent par là, ils passeront forcément par le bois du chant oublié ; c'est le seul endroit par où on peut franchir la rivière Nangsi.
- Alors, c'est là-bas qu'il faudra les trouver. Espérons qu'ils n'y arrivent pas trop vite !
- Je pense qu'ils vont se "heurter" à la rivière. Ils vont ensuite chercher un passage. Leurs chevaux ne passeront pas le courant, eux non plus. Fatalement, ils vont remonter vers le bois. Et ils ne l'auront pas trouvé immédiatement, parce qu'il n'est pas sur le chemin. S'ils font le détour, même avec leurs chevaux, ils arriveront après nous.
- Bien, alors ne perdons pas de temps, dit Mitsurugi.

Samurai

Alors que les samuraï arrivaient devant le bois, un nuage se creva comme un abcès et l'eau se mit à dégringoler, tandis qu'une lame de feu, brièvement contenu dans un sombre nuage, éclater et fendre le ciel.
Les samuraï se postèrent sur le chemin principal, relativement abrités du déluge qui noyait la campagne. Ce fut long et le chant de l'eau du ciel devint vite monotone. Le bois s'alourdit de tout le poids de la pluie et les arbres se déversèrent sur la tête des samuraï.
- Ils ne peuvent que passer par là, répétait Satoru.
D'autres éclairs illuminaient les cieux. Le roulement du tonnerre était effrayant. C'est comme si un char de guerre roulait sur la tête des samuraï.

L'orage faiblit enfin. Il s'éloignait vers l'intérieur des terres, poursuivant un voyage commencé au-dessus du grand Océan.
Dans le calme relatif qui suivait cette colère de la nature, on entendait des hennissements de chevaux, et des cris barbares.
- Ils arrivent...
Les samuraï se mirent en position de combat, armes à la main. Satoru leur ordonna de se mettre en marche.
Des fourrées craquèrent, les hennissements se rapprochèrent : deux montures affolées surgirent, se cabrèrent devant les samuraï et d'autres arrivèrent au galop. Les samuraï s'écartèrent au dernier moment.
Les chevaux sautèrent, se rentrèrent les uns dans les autres... Une monture, puis deux, puis cinq, le mors aux lèvres, hurlant, la crinière folle, qui bondirent et s'écrasèrent dans la boue !
Sasuke n'avait pas réagi à temps et faillit avoir l'épaule démise d'un coup de sabot. L'animal ne fit que le frôler mais il le blessa quand même. Le shugenja roula à terre, tandis que la chevauchée infernale se terminait, lamentable. Les autres samuraï s'étaient remis debout.
Pas le temps de venir au secours des animaux !
- Ils ont osé nous envoyer leurs montures sur nous !
Furieux, les bushi crièrent en choeur : Sasuke se releva. Aux côtés de Mitsurugi et du caporal, il monta au-devant du groupe. On se sépara pour ratisser tout le bois.
C'est le groupe de Mitsurugi qui débusqua les barbares, au moment où ceux-ci franchissaient le pont. On ne venait pas pour les arrêter, mais pour la curée. Mitsurugi en taillada un, qui tentait de passer le pont ; le caporal fit de même, tranchant le visage poilu de son adversaire. Sasuke invoqua rapidement les esprits du Feu : dans la pluie noire, il se mit à luire d'une aura de feu et un katana ardent se forma dans sa main. Il en asséna un coup à un troisième combattant, qui fut brûlé vif par cette torche !
Mitsurugi en tua un autre, qui partit rougir l'eau de la rivière.
Les samuraï n'attendirent pas le groupe de Satoru et franchirent le pont sur la rivière Nangsi. Après une course éprouvante, ils ressortirent du bois.

On apercevait la côte. L'océan, houleux, gris, se gonflait, enflait, s'agitait et ronflait. Dans le vent pluvieux, plein de mugissements, les barbares détalaient comme des lapins. L'épaule douloureuse, Sasuke continuait sa course, le long de la pente qui menait vers la plage. Fatigué par le combat, il se prit les pieds dans le sable et roula par terre, de même que le caporal.
Au large mouillait un navire aux formes barbares. Et les yobanjin, qui atteignaient l'eau, avaient mis une barque à la mer. De l'eau jusqu'aux genoux, ils la poussaient et montaient dedans.
C'était sans compter sur la fureur de Mitsurugi, qui n'avait pas chuté et qui rentra dans l'eau, sabre au clair, au moment où les barbares donnaient leurs premiers coups de rame. Le gunso lança un coup rageur dans la barque, qui fit craquer le bois à l'avant et, au passage, entailla le mollet d'un des occupants !
Celui-ci recula, fou de douleur, tandis que la barque s'éloignait. Mitsurugi voulut avancer encore, mais il allait perdre pied. Face aux flots dangereux, il recula sur la plage, épuisé. Il s'allongea sur le sable dur. Le shugenja et le caporal arrivaient. Les barbares atteignaient leur navire, avant que leur barque ne coule et parvenaient à y monter. On levait les voiles et, malgré le vent contraire, le navire parvint à prendre le large.

Samurai

Deux jours plus tard, trempés comme des soupes, les samuraï étaient de retour à Morikage Toshi.
Ils étaient retournés au sanctuaire de Shinseï, y chercher Togashi Maya. Grâce aux soins des moines, elle était remise du coup reçu.
Tous furent félicités par Shiba Otondo pour leur bravoure. Shiba Satoru et ses hommes avaient tué six autres yobanjin dans le bois. Cette victoire faisait oublier la blessure de l'Ize-Zumi.
Le soir, celle-ci acceptait une invitation dans le meilleur restaurant de la ville. Elle prit même un petit verre de saké, encouragée puis félicitée par les samuraï.
D'un oeil narquois, Isawa Sasuke observait le manège des deux gunso, qui rivalisaient d'attitude pour séduire la belle Togashi. Ils racontaient leurs exploits passés, plus ou moins romancés.
On reprenait un verre, mais cette fois, Maya-san refusa poliment. L'ambiance était montée, à mesure que le saké arrivait. On avait aussi décidé la Togashi à manger un peu plus qu'un bol de riz, son alimentation habituelle dans les montagnes. Elle découvrait à vitesse accélérée la culture Shiba !
Les samuraï plaisantaient, et les têtes s'échauffaient. Alors qu'on terminait le repas, Satoru proposa discrétement qu'on se rende ailleurs en ville, continuer la soirée.
C'est ainsi que, pour la première fois de son histoire, les dames du quartier réservé virent arriver une Ize-Zumi chez elles ! Les lieux ne manquaient habituellement pas de femmes tatouées, ni de moines du reste, mais pas les deux à la fois !
- Entrez, messieurs, entrez, dit la patronne du Dragon rutilant, l'adresse préférée de Satoru.

Cette fois, en compagnie d'accortes geishas, on commença au soshu. Maya-san y trempa les lèvres, effarée de ce qu'elle découvrait. Les deux gunso riaient, dans les bras des filles, chantaient, dansaient, pendant que, stoïque, elle observait. Même le shugenja était de belle humeur et ne rechignait pas sur la boisson !
La nuit avançait joyeusement, et tout le monde s'enivrait gaiement. Le shugenja finit par s'éloigner derrière un panneau, en compagnie de deux filles dénudées, et l'heure était venu de l'affrontement direct entre les deux gunso.
- Si Maya-san est lassée de cet endroit, je peux l'emmener ailleurs, proposa Mitsurugi.
Il ouvrait les hostilités.
- Par Shiba, dit Satoru, je peux l'emmener ailleurs, je connais un coin très bien...
Il voulut se lever, mais n'y parvint pas. Vaincu, il retomba dans les bras d'une fille hilare. C'était la fin pour lui. Triomphant, Mitsurugi se leva, jeta un dernier regard à son compagnon, qui finirait la nuit là.
Il partit en compagnie de la belle Togashi.
- Je connais une autre maison très agréable, dit-il.
- J'aimerais mieux aller me promener au bord de la mer, répliqua Maya.
Surpris, Mitsurugi hoqueta et accepta la proposition.

Le ciel était dégagé et on voyait toutes les constellations. Le gunso s'en voulut d'avoir oublié ce que lui racontait sa grand-mère, car l'occasion aurait été trop belle de s'approcher de Maya pour lui montrer les étoiles et lui expliquer leurs significations...
- Vos yeux sont aussi beaux que ces étoiles, dit-il, timidement.
Un grand souffle montait de l'océan noir ; les étoiles scintillaient, froides, innombrables.
- Vous savez, dit la Togashi, vos intentions à mon sujet ne m'ont pas échappé...
Dégrisé, Mitsurugi se tut. La veille encore, il s'était excusé d'avoir été négligent envers elle : s'il avait débusquer plus tôt les yobanjin, elle n'aurait pas été attaquée. Poliment, l'Ize-Zumi avait affirmé que ce n'était pas grave.
- Je m'excuse envers vous si j'ai été grossier...
- Je dis juste que je vois bien où vous voulez en venir, Mitsurugi-san...
- Veuillez me pardonner...
- Je me demande juste si vous feriez un homme bien. Mais je ne crois pas que vous seriez un bon père pour mes enfants.Tacle
Cette fois, tout l'effet des nombreux saké avait disparu !
Rarement Mitsurugi avait pris une telle douche froide, même de la part de son gouverneur, un matin qu'il revenait d'avoir festoyé bruyamment dans la Cité de l'Or Bleu !
- Bien, n'en parlons plus, fit-il, rouge de honte.
- Je pense qu'il est l'heure de rentrer.

Vaincu, piteux, le pauvre samuraï reconduisit la Togashi jusque chez elle. Il aurait voulu à ce moment se transformer en scarabée et se terrer au plus profond des trous de l'univers, car il lui semblait que le monde entier et toutes les étoiles étaient avertis du rateau monumental qu'il venait de prendre !
Il pensa à Satoru et Mitsurugi qui devaient bien s'amuser à cette heure-là ! A Satoru surtout ! Il avait perdu une bataille mais gagné la guerre ! Bien au chaud avec les filles, tandis que lui, Mitsurugi, était seul dans la nuit noire et terrible !

Samurai

Alors qu'il repartait vers ses quartiers, Mitsurugi distingua, sur l'océan, une grande lueur rouge. Un incendie au loin ? Il n'y avait pourtant pas d'île. Intrigué, il redescendit vers le port. Des soldats de garde avaient aussi aperçu ce phénomène.
- Un bateau qui brûle, dit l'un d'eux.
- Je vais aller voir le capitaine du port, dit le gunso.
Mitsurugi remonta à la capitainerie. Il se fit conduire dans la salle des registres et consulta le livre de navigation. Le dernier bateau qui avait pris la mer, la veille, était la Muraille, dont le capitaine était l'ingénieur Crabe Hiruma Yojiro.
Il était trop tard pour aller dormir.
A l'horizon, le ciel, par degrés, commençait à bleuir. Mitsurugi se frotta le visage et descendit sur la plage.
On voyait maintenant un bateau approcher. Le feu avait pris à la poupe.
- On met une barque à l'eau, dit un soldat. Je n'aperçois pas de couleur de clan...
- Ce ne sont quand même pas ces barbares qui reviendraient ?
- Malheur au Crabe s'il a croisé les yobanjin en mer ! Il a pu rencontrer ceux que nous avons mis en fuite ! dit Mitsurugi.
- Je crois qu'il n'avait qu'un équipage restreint à bord, dit un soldat.

La barque approchait du rivage.
- Quatre hommes à bord.
On souquait ferme.
Derrière, le soleil perçait la ligne d'horizon. L'éclat doré envahit le ciel, obscurcissant la barque et ses occupants. Ce furent des minutes mortelles. Les soldats se tenaient prêts, leurs armes à la main, si c'était les yobanjin qui revenaient. Puis l'embarcation se détacha du doré éblouissant, et un fort personnage descendit dans l'eau, puis sortit sur le sable. Il portait un grand kimono aux couleurs du Crabe. Robuste, les traits durs, fatigué, c'était bien l'ingénieur Hiruma Yojiro.
- Tout va bien, dit un sous-officier de la ville.
Le Crabe s'approcha des Phénix et les salua.
- Nous avons croisé des barbares, expliqua-t-il d'une voix rocailleuse. Ils ont tenté de nous aborder, et qui ont mis le feu à mon navire. Nous avons pu leur échapper.
- Par Shiba, recevez mille excuses, Hiruma-san ! Nous allons immédiatement avertir le gouverneur !

Le soleil était maintenant complétement sorti de derrière l'horizon.
Pour Mitsurugi, il était l'heure de rentrer se coucher.

A suivre...Samurai
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#16
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Mitsurugi se réveilla tard, de même que les autres samuraï qui avaient festoyé la nuit d'avant.
Seule Togashi Maya était fraîche comme un campanule... Sasuke et Satoru avaient passé la nuit au Dragon rutilant, ne revenant qu'à l'aube chez eux, une barre de fer grosse comme un tetsubo en travers du front. Ils ne s'étaient jamais tant amusés, et ne s'étaient jamais endormis si vite en rentrant !
Quelques courtes heures après, le gouverneur Shiba Otondo recevait Isawa Sasuke officiellement, puisque c'était lui qui avait demandé à son école de lui envoyer quelqu'un, pour lutter contre les barbares.
Les autres notables de la ville étaient là :
- Que l'école des tensaï soit remerciée, dit chaleureusement le gouverneur, car maintenant, je suis sûr que tous ces barbares vont décamper ou finir rôtis !
Sasuke s'inclinait à chaque phrase.
Il y eut ensuite un repas où siégèrent bonne place les invités de Otondo-sama, au centre de l'attention.
- J'ignorais, souffla Satoru à Mitsurugi, que Sasuke-san appartenait à l'école des tensaï. Je pensais que c'était un shugenja "classique".
- Moi aussi...
L'école des tensaï : les shugenja rejoignant cette confrérie particulière se concentraient sur un élément particulier.Ils développaient presque uniquement leur relations aux fortunes de cet élément, et perdaient peu à peu contact avec les autres. Sasuke lui avait choisi le feu, l'élément le plus dangereux. Maintenant on le regardait différemment. Ce jeune homme sûr de lui était plus dangereux qu'un dragon ! Pas les samuraï, l'animal fabuleux !
Togashi Maya était aussi au centre des regards. Maintenant, on allait s'imaginer que tous les Ize-Zumi étaient des créatures enchanteresses comme elle. Satoru aurait pu témoigner du contraire, mais lui-même était auréolé de prestige pour avoir atteint les terres inacessibles des Togashi. Il n'était pas, en général, bien vu de voyager, de quitter ses terres, mais aller chez les Togashi, cela ressemblait à une véritable quête initiatique !
Pour le moment, Satoru n'aurait su dire ce qu'il rapportait de là-bas, sinon de la fatigue et des ennuis... mais il avait encore du chemin à faire sur le chemin de l'Illumination !
Pour ses voisins, Mitsurugi dut rejouer la bataille : la lutte contre les barbares dans les bois et la folle poursuite jusqu'à la mer.

Autour de la table, il y avait un autre personnage, qu'on laissait davantage dans son coin, tant son allure n'incitait pas à la conversation. C'était l'ingénieur du clan du Crabe, Hiruma Yojiro. Bien que n'ayant pas atteint ses trente ans, il en paraissait dix de plus ; il avait un air sinistre, rebutant, de ceux qui ont vécu sur la Muraille et ont gâché les plus belles années de leur vie. Même sa façon de respirer, de regarder les gens, inspirait au mieux l'indifférence, au pire l'inquiétude. Il n'était pourtant assis pas loin du Gouverneur, qui expliqua, en fin de repas, que Yojiro-san était envoyé par son clan, pour renforcer les murailles de la Cité.
- Nos amis de la famille Hiruma nous ont fait l'honneur d'envoyer cet homme, grâce à qui notre Cité sera solide et pérenne. Nos remparts effraieront les barbares venus de l'Océan ! On tremblera avant d'entrer dans Morikage Toshi.
Mal à l'aise, l'ingénieur approuvait docilement et replongeait le nez dans son bol.

- Je sais que ton navire a été endommagé la nuit dernière, Yojiro-san...
- C'est exact. Nous avons été attaqués par les yobanjin, au large des îles vertes. Nous y cherchions des essences de bois à ramener pour les protections de la ville. Ils ont réussi à provoquer un incendie à l'avant, et nous avons réussi à l'éteindre, après les avoir semés.
- En ce moment-même, dit le gouverneur, nos marins réparent le navire de Yojiro-san, car il ne sera pas dit qu'un invité du clan du Phénix soient en danger sur notre territoire !
Satoru et Mitsurugi baissèrent à ce moment la tête, évitant soigneusement de croiser le regard de Maya.
- Et maintenant que ces sous-hommes ont été rejetés à la mer, déclara Otondo-sama, je propose de ne pas nous arrêter là. Car s'ils sont venus jusque chez nous, mugissant, égorger nos paysans et nos soldats, ensanglanter nos campagnes, il ne sera pas dit que nous ne ferons que nous défendre ! Nous devons au contraire porter l'attaque sur leur territoire, c'est à dire sur mer !... Nous avons une petite flotte, mais solidement équipée. Aussi, nous allons monter une expédition maritime pour les châtier une bonne fois pour toute ! Considérons que les îles vertes appartiennent à notre Cité, puisque nul ne les revendique, sinon l'Empereur, qui veut que ses samuraï défendent l'Ordre Céleste. Alors, pas d'hésitation et allons chercher chez eux les crânes de ces envahisseurs !

Tout le monde s'inclina devant ces fortes paroles et on but à la victoire prochaine.
Après le repas, le gouverneur fit venir à lui Shiba Mitsurugi :
- Je sais que vous n'êtes pas rattaché à notre Cité, gunso, mais puisque vous êtes en mission pour châtier ces barbares, vous pourrez vous joindre à nous. J'ai fait le nécessaire pour prévenir le gouverneur Kantaro, je suis certain qu'il ne refusera pas.
- J'en suis certain aussi, dit Mitsurugi, car il voudra bien sûr que j'extermine jusqu'au dernier les yobanjin !

Un peu étourdi par l'alcool, sa courte nuit et ces paroles, Mitsurugi retrouva Satoru dehors :
- Tu te joins à nous, camarade ?
- Je n'ai jamais mis le pied sur le pont d'un navire ! Je ne parle même pas de m'y battre.
- Ne t'inquiète pas, nous te soutiendrons, dit-il. Et nous avons des potions contre le mal de mer...

Samurai

Le surlendemain, deux navires de Morikage Toshi étaient en état de prendre la mer, pendant que l'on finissait de réparer celui de l'ingénieur Yojiro. Embarquèrent donc le gouverneur, la garde de la ville, c'est à dire le guntaï de Shiba Satoru et un autre guntaï, ainsi que les invités de la Cité : le shugenja Sasuke, le gunso Mitsurugi et l'Ize-Zumi Maya, qui découvrait chaque jour de nouvelles choses. Il y a trois jours l'alcool et la lubricité, maintenant la navigation !

Les navires prirent la mer en se dirigeant vers le soleil levant. Ce spectacle magnifique réjouit le coeur de tout l'équipage et l'on salua par une prière collective l'apparition de dame Soleil sur le monde des vivants.
- Quand nous aurons franchi la limite du monde, dit Yojiro, nous serons en vue des îles vertes.
Et en effet, alors que les terres de Rokugan disparaissaient presque à l'horizon, on voyait apparaître un chapelet de petites îles. Certains à bord étaient angoissés de voir ainsi disparaître la terre qu'ils connaissaient.
- Nous allons tomber à la fin du monde, disait l'un d'eux, dans le royaume des monstres !
- N'aie crainte, dit le Crabe, nous nous sommes aventurés jusqu'ici la fois dernière, et à l'évidence, ce n'est pas encore le royaume des monstres du bout de la carte.

En revanche, les deux navires Phénix n'étaient pas seuls sur la mer. La vigie cria qu'il y avait un autre bateau, dans la direction du nord-est.
- Le nord-est, alors ils sont maudits, dit Yojiro..
Le nord-est était en effet considéré unanimement comme la direction portant malheur, au point qu'on évitait généralement de voyager dans cette direction, en pratiquant des détours s'il le fallait.
- C'est bien un bâtiment yobanjin, dit le Crabe. Je reconnais celui qui nous a incendié avant-hier !

Le gouverneur ordonna l'assaut. Il y eut un cri de guerre général, qui retentit sur chacun des deux navires. Les barbares devaient s'attendre à cette attaque, car on vit monter les hommes hirsutes dans les cordages, prêts à se lancer à l'abordage, le couteau entre les dents !
- Malheur à vous, fit Satoru en préparant son guntaï.
Alors qu'on était plus qu'à quelques brasses du navire ennemi, Sasuke déroula devant lui un grand parchemin, tendu à bout de bras. Il venait d'apercevoir, juché sur un mât, le yobanjin qui l'avait défié au village, celui qui avait démembré la fillette. Criant pour couvrir le bruit de la mer et des hommes, le shugenja lança son incantation aux fortunes du feu. Il tendit la main devant lui et à mesure qu'il récitait, son bras entier s'enflamma. Il jeta un dernier regard aux yobanjin, sur le point de se lancer à l'attaque, et dit les dernières paroles.
Alors, jaillissant de sa main, cinq météores partirent fulgurants. Il y eut un instant de silence, de part et d'autre, une stupéfaction générale, alors qu'on entendait les boules de feu siffler dans l'air.
Et soudain, elles atteignirent leur but ! Cinq yobanjin s'enflammèrent comme des draps, d'un coup ; ils tombèrent de leur perchoir en hurlant atrocement, en ayant mis au passage le feu au mât, aux voiles, aux cordages et au plancher !
En quelques instants, le navire barbare se transforma en berceau ardent ! Les yobanjin fuyaient, éperdus, alors que le feu se répandait à vive allure, comme une nuée de dragons. Il s'étalait partout et remontait jusqu'à la vigie, qu'il brûla vif, se répandait dans les soutes.
Certains barbares sautèrent à l'eau ; plusieurs se noyèrent en peu de temps, alors que les autres recevaient une volée de flèches du guntaï de Satoru. Le pilote éloigna le navire du brasier flottant, et, à bonne distance, on regarda les barbares périr par le feu ou par l'eau, et on s'inclina bien bas devant Isawa Sasuke.
- Merveilleux, dit le gouverneur, merveilleux ! Je savais que je ne me trompais pas en demandant quelqu'un de ton école.
Sasuke rangeait son parchemin et s'inclinait devant le gouverneur.
- Par Shiba, il me semble que nous pouvons rentrer ! dit Otondo-sama, nous autres Phénix seront à présent la terreur des sept mers !

C'est ainsi qu'en fin d'après-midi, les deux navires rentrèrent au port de Morikage Toshi, toute la population s'étant massé sur la plage.
On rentra au palais, où le gouverneur annonça de grandes festivités pour fêter cette victoire.
- Nous inviterons Shiba Kantaro de la Cité de l'Or Bleu, dit-il, et les gouverneurs des Cités voisines. Que l'on sache que nos terres, à l'avenir, resteront pures de toute invasion !... Et dans trois jours, Hiruma Yojiro-san, ton navire sera réparé. Tu pourras trouver alors les essences de bois que tu voulais, pour bâtir d'impénétrables murailles autour de notre Cité !

A suivre...Samurai
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#17
C'est trop bonaime
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#18
le jour où des yobandjins feront la loi n'est pas encore arrivéredaface2

Et il n'est pas pret d'arriverbiggrin
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#19
Et quand Hiruya va arriver, ils n'auront pas fini d'en prendre !biggrin
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#20
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

La Muraille fendait les vagues hautes, qui allaient ensuite déferler sur les côtes de Rokugan. Le solide navire ne craignait pas le gros temps. A la barre, Hiruma Yojiro surveillait l’horizon, de plus en plus noir.
- Heureusement, dit-il à Shiba Mitsurugi, les îles sous le vent ne sont guère loin. Nous n’aurons pas à affronter la très haute mer.

A bord se trouvaient également Isawa Sasuke et Togashi Maya, sans compter les rameurs et les hommes de peine de la Cité de la Forêt des Ombres, encadrés par quelques soldats.
Deux jours avant, le Gouverneur avait réuni les dignitaires de la Cité dans son palais, pour organiser cette nouvelle traversée. C’était une petite semaine après la fuite des derniers yobanjin.
- Ton bateau est réparé, avait-il dit à Hiruma Yojiro. Et je souhaite donc que tu poursuives la mission pour laquelle ton clan t’a envoyé.
- Ce sera un honneur pour moi.
- Tu vas donc pouvoir prendre le large dès demain. Puisque je t’avais envoyé dans les îles sous le vent chercher du bois pour nos fortifications, je t’y renvois à présent, avec un plus grand équipage. Tu me disais que le bois que l’on trouve là-bas est d’excellente qualité, parfaitement robuste ?
- Oui, seigneur.
- Bien alors tu iras là-bas, en faire abattre autant qu’il pourra en rentrer dans les cales de ton navire et une fois ici, tu dirigeras les opérations de fortifications de nos murailles.
- J’en serai honoré.
- Tu n’iras pas seul.
Le Gouverneur avait agité son éventail. Il faisait encore chaud à cette saison de l’année.
- Togashi Maya, toi qui es descendue des montagnes pour voir le monde, quelle meilleure occasion qu’un séjour en mer pour apprendre ?
- Oui, seigneur.
- Tu te joindras donc à l’expédition. Et toi, Isawa Sasuke ? Puisque ton dojo me fait l’honneur de t’envoyer ici, pourquoi n’accompagnerais-tu pas l’expédition ? Sait-on jamais, ajouta le daimyo, si jamais vous croisiez encore un navire yobanjin…
- Il subirait, dit le shugenja, le même sort que l’autre.
- Bien.

Il y avait encore dans la pièce les deux gunso, Shiba Mitsurugi et Shiba Satoru. Le daimyo hésita. Les deux hommes, à sa connaissance, se valaient. Contre les yobanjin, ils avaient fait preuve d’une bravoure comparable.
Les deux samuraï baissèrent la tête.
- Il me faut un bushi pour accompagner l’expédition, dit le Gouverneur. Shiba Satoru ?
Celui-ci releva la tête.
- Puisque tu es le chef de la garde de la Cité, j’ai besoin que tu restes ici. Donc, c’est toi, Shiba Mitsurugi qui partiras.
- Bien, seigneur.
- Je suis certain que mon ami le Gouverneur de la Cité de l’Or Bleu n’y verra pas d’inconvénient.
- Non, il sera honoré que j’accompagne cette expédition.
- Bien, samuraï, alors faites vos bagages !

Tout en repensant à cette scène, Shiba Mitsurugi observait l’océan gris qui dansait.
Les vagues continuèrent à grossir pendant la journée, tandis que la pluie battait continuellement le navire. Enfin, alors que le soir tombait et dévorait la grisaille de la journée, on aperçut les îles.
De grands palmiers se balançaient dans le vent ; dans le dos des samuraï, les nuages refluaient vers le couchant.
Hiruma Yojiro fit mettre les barques à la mer, tandis que des hommes à bord allaient manœuvrer lentement le navire, pour l’approcher de la côte en évitant les récifs.
- Il faudra l’approcher au mieux, dit le Crabe, car nous aurons à y transporter les troncs. Mais veillez à toute déchirure sur la coque. Comme nous serons chargés à plein au retour, toute entaille serait désastreuse.
- A tes ordres, seigneur Crabe !

La nuit était bel et bien tombée quand les samuraï mirent le pied sur le sable fin. Un peu plus haut se dressaient des cabanes.
- Nous pourrons loger là-dedans, dit Yojiro, il y a de quoi faire du feu et dormir.
- Cela ira très bien, dit Sasuke.

Les samuraï s’installèrent dans ces bicoques qui grinçaient dans le vent. Enivrés et épuisés par l’air du grand large, ils ne tardèrent pas à s’endormir, sans que les réveillent les bourrasques violentes qui déferlèrent ce soir-là.

Samurai

Le lendemain, les vents puissants avaient chassé les nuages, comme s’il les avait lavés à grandes eaux. Le soleil radieux rendait la mer et le ciel éblouissant, la végétation de l’île scintillait comme une émeraude et le sable comme de l’or.
- Magnifique, dit Yojiro en inspectant l’île, pendant que les hommes se mettaient au travail. Ces essences de bois servent dans nos villages fortifiés. Nous en recevons de la part du clan de la Mante, et cela contribue aux bonnes relations entre mon clan et celui-ci.
- Il y en aura assez pour la Cité ? demanda Mitsurugi.
- Oui, largement assez.
- Et combien de temps faudra-t-il pour abattre ces arbres ?
- Ma foi, si les hommes travaillent bien, nous pourrons avoir terminé demain soir.

D’ici là, les samuraï n’auraient qu’à profiter du beau temps !
En fin de mâtinée, avant les grosses chaleurs, ils laissèrent les hommes à leur abattage, suant torse nu en buvant de la bière, et ils montèrent vers les hauteurs de l’île.
Ils s’enfoncèrent dans la forêt humide où bruissaient feuillages, oiseaux, sources… C’était un étrange monde, composé à la limite seulement de lumières, bleus, vertes, et aussi rouges, avec ces volatiles dans les arbres, aussi colorés que des arc-en-ciel.
Après une heure de marche, ils ressortirent de la forêt au sommet d’une petite colline, d’où l’on dominait toute l’île.
- Impressionnant, dit Yojiro, non ? en allumant une lourde pipe Crabe.
Au loin, on apercevait les côtes de Rokugan, nimbées d’une poussière dorée, et de grandes lignes d’écume mouvant à la surface des flots. Sur la plage, l’abattage continuait ; on entendait le craquement des arbres et leur chute, et les cris des hommes.
Les samuraï prirent leur temps pour redescendre, fascinés à nouveau par ces images inconnues, d’oiseau presque irréels, perchés dans leurs arbres épais, tortueux.
- Nous vous avons ramené du poisson, seigneurs, dit l’un des marins.
- Excellent, qu’on le fasse griller !

Les samuraï profitèrent de ce repas en l’accompagnant de riz épicé. Le soleil avait dépassé son zénith et descendait doucement vers Rokugan.
Une fois le repas fini, les samuraï s’accordèrent une délicieuse sieste à l’ombre des cabanes, pendant que les arbres continuaient de s’abattre dehors.
En se réveillant, Yojiro, toujours aussi content, s’alluma une autre pipe.
- Nous pourrions aller visiter l’île d’à côté, proposa-t-il.
- Pourquoi pas ? dit Shiba Mitsurugi.
On fit mettre une barque à la mer. Isawa Sasuke, en sa qualité de shugenja, et Togashi Maya, invitée du clan du Phénix, furent dispensés de ramer : c’est Yojiro qui s’y mit, jouant de sa musculature robuste, aguerrie sur le Mur, pour faire avancer la barque.
Il n’y avait pas loin de cette île-ci à sa voisine.
- La dernière fois que nous sommes venus, nous n’avons pas eu le temps de visiter cette île.

Mitsurugi fixait le rivage en face ; on devinait l’amorce d’une crique, à l’ombre des grands feuillages.
- Etrange, dit soudain le bushi.
- Qui y a-t-il, demanda Sasuke.
- J’ai cru voir une barque disparaître derrière ces rochers.
- Une barque, demanda Yojiro, mais il n’y a personne d’autre que nous ici…
- J’en jurerais… Regardez, ce sillage d’écume là-bas, semblable au nôtre.
Le Crabe se retourna : on voyait en effet une trace s’effacer sur la mer.
- Cela vaut que nous allions vérifier, dit Sasuke.
- De toute façon, nous allions là-bas, dit le Crabe.

Yojiro souqua ferme et l’on atteignit le rivage en un rien de temps. La barque fut hissée sur la plage.
- Aucune trace d’autres habitants, dit le Crabe.
- Je suis sûr d’avoir vu une barque, juste au moment où elle disparaissait.
- Il pourrait y avoir des yobanjin ici ? demanda Sasuke.
- Je ne crois pas, dit Yojiro. A ma connaissance, ces barbares vivent dans les terres, tout au nord. Pas en mer ; mais qui sait ?
L’île était sensiblement plus petite que l’autre.
- Montons au point culminant, proposa Sasuke. Nous verrons bien s’il y a des habitations par ici.

Samurai

Nos samuraï, après cette journée déjà bien sportive, commençaient à fatiguer. Ils traversèrent une végétation aussi épaisse, parfois si épaisse d’entre deux arbres deux hommes n’auraient pu passer. Ils se hissèrent sur un grand pierrier, au pied d’une petite montagne impossible à escalader.
- Pas de construction visible, dit Mitsurugi. Pas de feu. Pourtant, je suis certain de ne pas m’être trompé.
- S’il n’y avait qu’une barque, dit Sasuke, ses occupants ont facilement pu se cacher dans la forêt qui couvre l’île. Et il y a plusieurs bonnes caches naturelles, par exemple ces criques tout le long de la côte.
- C’est vrai, dit Mitsurugi. C’est là qu’il faudrait aller chercher.
- Il y a trois criques au moins, dit Maya.
- Séparons-nous en deux, dit Sasuke. Que chaque groupe aille explorer une des criques. Et retrouvons-nous dans celle du centre.
- Entendu.

Shiba Mitsurugi partit avec Togashi Maya, tandis qu’Isawa Sasuke partit avec Hiruma Yojiro.

Samurai

C’était le devoir de Mitsurugi de protéger Maya, mais, par Shiba, que c’était pénible ! Depuis qu’elle avait grossièrement repoussé ses avances, il sentait qu’il la détestait ! Et maintenant, c’était à lui de rester avec elle. Si elle avait un peu plus réceptive à son charme naturel de beau mâle Phénix, cette sympathique excursion dans les bois, seuls, aurait pu devenir bien plus agréable. Au lieu de cela, c’était une corvée ! Maudite soit cette étrange race de moines tatouées venu des montagnes ! Là-bas, les plus belles filles de la terre devaient être plus froides qu’un glaçon !
Mitsurugi s’efforçait donc d’imaginer que la Togashi était vilaine comme une femelle yobanjin. Il aurait bien voulu d’ailleurs qu’elle devienne velue comme une bête, pour lui apprendre à l’avoir rejeté si rudement !

Le Phénix ne songeait guère qu’à ses malheurs et plus tellement aux possibles autres occupants de l’île. Pourtant, en arrivant dans la crique, il fut ramené à la réalité. Ils découvrirent une grotte dans laquelle la mer avait formé un bassin. Et au fond de cette grotte, où le jour pénétrait largement se trouvaient entassés plusieurs grosses caisses en bois. Devant cet empilement, dans l’eau, on avait amarré une barqué.
Mitsurugi et Maya s’approchèrent prudemment. Il n’y avait personne.
- Il faut ouvrir ces caisses, déclara l’Ize-Zumi.
- Si vous voulez…

La Togashi se concentra : campée face à la caisse, elle tendit tous ses muscles, laissant sa respiration vitale, le chi, irriguer tous son corps et soudain elle frappa le haut de la caisse du tranchant de sa main. Le bois craqua.
Mitsurugi aurait juré qu’elle s’était quand même fait mal : bien fait pour elle !

Par curiosité, il observa avec elle : c’était plein de paille.
Maya plongea les mains dedans et commença à l’enlever, à pleines mains.
- Quel monstre de finesse, pensa le bushi.
Sous la paille se trouvaient entassées de gros sacs.
Maya en sortit un et l’ouvrit. Il était plein de poudre noir qui se répandit à terre.
- Ce n’est que de la poussière, dit Mitsurugi.
La Togashi se penchait pour examiner cette matière. Elle n’avait jamais rien vu de tel.
Elle abandonna ses recherches.
- Qui peut bien vouloir entasser de la poudre noire ici, dit Mitsurugi.
- Je ne sais pas, mais c’est étrange…

Le Phénix haussa les épaules et proposa de partir vers la crique où ils avaient rendez-vous avec l’autre groupe.

Samurai

Yojiro et Sasuke étaient descendus par l’autre versant de la montagne. Leur marche fut silencieuse. Il était difficile de réunir deux samuraï aussi différents l’un de l’autre : un jeune et ardent shugenja de la noble école Isawa, et un robuste ingénieur élevé dans les combats incessants sur le Mur.
Ils arrivaient en vue de la plage quand un craquement se produisit à côté d’eux. Ils eurent juste le temps de se jeter sur le côté, avant d’être pris dans les rets d’un filet qu’on venait de leur jeter !
Sasuke se releva et, invoquant en un clin d’œil les kamis du Feu, il forma dans sa main un magnifique katana en feu ! Dans le même temps, Yojiro dégaina l’antique sabre Kaiu légué par ses Ancêtres, lame incassable qui tranchait les plus solides démons !
Les deux hommes se relevèrent, au moment où leurs agresseurs leur sautaient dessus. Les coups volèrent bas, et le sang éclaboussa la forêt. Lorsque les deux hommes purent respirer, ils observèrent les corps devant eux : c’était des humains, des Rokugani. Pas des démons ni des yobanjin. Ils étaient vêtus de grossiers habits de toile et se battaient avec de longs couteaux de truands.
Sasuke laissa son arme disparaître et Yojiro rangea la sienne.
- Cela ne me dit rien qui vaille, dit le Crabe. Si nous avions dérangé des esprits de ces îles, je comprendrais mieux… Mais des hommes, c’est bien la chose la plus surprenante…
Il ne finit pas sa phrase.
- Hâtons-nous, dit Sasuke, de rejoindre la plage, et de retrouver nos amis.

Si les deux tueurs avaient des complices, ils avaient maintenant disparu dans les taillis. Sasuke et Yojiro arrivèrent sur la plage, tandis que le soleil se couchait sur la mer, lui donnant son incomparable teinte écarlate.
- Si nous ne nous dépêchons pas, nous allons devoir passer la nuit sur cette île, dit Sasuke, que l’idée n’enchantait guère.

Les deux samuraï longèrent la plage, prenant le chemin le plus simple et le plus long jusqu’à la crique où ils avaient rendez-vous. Elle était toute rougie par le crépuscule lorsqu’ils y arrivèrent, après avoir contourné un pan de falaise ; les animaux se mettaient à crisser alors que le jour disparaissait et la chaleur de la journée s’envolait peu à peu, abandonnant la luxuriante forêt pour s’évanouir dans le ciel violet. Par l’autre bout de la crique arrivaient Mitsurugi et Maya.
Les deux groupes se retrouvèrent sur la plage.
- Nous avons trouvé quelques caisses, remplies d’une poudre que nous n’avons pu identifier, dit le Phénix.
- Et nous, nous avons été attaqués sur le chemin. Par des bandits.
Yojiro cracha par terre.
- C’est grave cela, dit Mitsurugi, très grave… On a voulu vous faire disparaître… On a voulu s’en prendre à des samuraï.
- Qu’est-ce qui peut se cacher sur cette île, demanda Yojiro, pour qu’on ose nous attaquer ?
- Je l’ignore, mais tout est possible, dit Sasuke.
Pendant que les hommes faisaient le point, Maya découvrit, sous des branchages, une grande barque, à moitié ensablée. Elle était juste à l’entrée d’un petit canal qui perçait la plage et entrait dans la forêt.
- Nous n’avons plus le temps de retourner sur l’autre île avant la nuit, dit Mitsurugi.
- Nous pouvons tenter de trouver un abri, ici-même, dit Sasuke.
- Nous n’avons pas le choix, dit Yojiro. S’il le faut, je saurai monter un abri d’un soir.
- Si cette barque est ici, dit Mitsurugi, c’est qu’elle a été utilisée pour ressortir par ce canal. Remontons cette piste.

Les samuraï aidèrent Maya à déterrer la barque et à la mettre à l’eau. Mitsurugi et Yojiro prirent chacun une rame, tournés cette fois dans le sens de la marche, et les samuraï pénétrèrent dans la forêt.

Samurai

Le canal d’eau venu de la plage mena à l’entrée d’un petit labyrinthe aquatique ; les canaux découpaient des îlots gras et humides, envahis de hautes herbes, sur lesquels poussaient des arbres tortueux. Il n’y avait presque plus de terre ferme, dans ces marécages d’eau épaisse et de terrains bourbeux. Les lentilles d’eau envahissaient les canaux, de même que les épaves de branches. Des nuages de moustiques vibraient dans l’air, juste à hauteur des rives. Outre les crissements d’insectes, on entendait en permanence le clapotis de l’eau et les coups de rames donnés en cadence par les deux hommes.

- Là-bas, une cabane...
C’était Sasuke qui l’avait aperçue. Elle se trouvait sur un grand îlot qui paraissait plus ferme que les autres, à l’ombre d’un palmier plié en deux par les intempéries. Les samuraï accostèrent et Yojiro attacha la barque. On pataugeait sur le sol boueux et la cabane menaçait ruine. Mais à l’intérieur, il y avait des pierres à feu et du bois, conservé au sec dans un coffre.
- On est donc venu ici il y a peu de temps, dit Maya.

L’endroit était juste assez grand pour abriter les quatre voyageurs égarés.
- Allons, il faudra nous en contenter, dit Sasuke.
- Je pense que l’équipage ne viendra pas nous chercher avant demain, dit Mitsurugi. Ils doivent continuer d’abattre les arbres et nous n’avons pas donné d’autres ordres avant de partir.
- C’est juste, dit Yojiro, reposons-nous et demain nous aviserons.

C’est Maya qui prit le premier tour de garde, pendant l’heure de Shinjo, puis elle réveilla Yojiro pour Hida, qui passa le relais à Sasuke pour Togashi ; enfin, Mitusurugi prit la dernière veille, à l’heure du 9e Kami.
Le samuraï s’assoupissait doucement, bercé par l’incessant mouvement de l’eau qu’il devinait près de lui, la liquidité des sons du marais et le chant des oiseaux de nuit.
Il entendit soudain un craquement, ce qui l’éveilla parfaitement, alors qu’il faisait encore grand noir. La main sur le katana, il scruta la rive et la rive opposée. Il aurait juré avoir vu bouger de l’autre côté, sur l’îlot d’en face.
Il entra dans la cabane et réveilla Sasuke et Yojiro.
- Debout, nous avons de la visite.
On éveilla poliment Maya (Mitsurugi ne voulait même plus la toucher !wink.
Les samuraï se disposèrent autour de leur bâtisse, et observèrent, accroupis, prêts à l’attaque. Ils tournaient lentement ; Maya allait disparaître à un coin et Sasuke prendre sa place, quand il vit une silhouette noire, derrière elle, se dresser hors de l’eau lentement, dégouttante, brandissant un poignard. Effrayé, Sasuke en fit aussitôt appel aux esprits du Feu, et propulsa sur l’assassin une boule crépitante, qui l’embrasa aussitôt. Sans un cri, la silhouette retomba dans l’eau, mais dans une grosse et bruyante éclaboussure. Les autres samuraï se précipitèrent : Maya l’avait échappé de peu !
On entendait encore du monde, sur l’autre rive.
- Il faut sortir de ces marécages et vite, dit Yojiro. Nous sommes trop vulnérables !

Les samuraï retournèrent à la barque, mais une mauvaise surprise, quoique qu’assez prévisible, les attendait : les tueurs nocturnes s’étaient chargés d’y percer un trou et maintenant, elle s’enfonçait lentement dans l’eau. Il était impossible de la réparer sans matériel.
- Misère, gémit Yojiro. Nous allons devoir traverser tout à pied pour revenir sur la plage !
On entrait dans l’heure du dernier Kami, et ce n’est qu’au lever du soleil que nos héros atteignirent la crique. Entre temps, ils avaient dû marcher d’un ilôt sur l’autre, en jetant à chaque fois des planches par-dessus les canaux, car il aurait été trop dangereux de les traverser à la nage.
Il était temps que dame Amaterasu surgisse de derrière les abîmes de l’horizon, pour réchauffer le monde, car nos héros étaient transis. Ils s’assirent sur le sable, fatigués par cette marche pesante. Les arbres frissonnaient dans le jour naissant, dans le vent qui venait des confins du grand océan.
- Nous connaissons deux autres barques sur cette île, dit Sasuke. D’abord, la nôtre, sur la plage de l’autre côté de l’île ; ensuite, celle de ces bandits, dans la caverne visitée par Mitsurugi et Maya.
- La caverne est plus proche, dit Maya.
- Allons-y, dit Mitsurugi, car il devient urgent de revenir auprès de nos hommes. Il ne faut pas laisser ces tueurs s’échapper.

Les saumuraï partirent par la pente d’herbe, au pied des falaises, pour éviter une marche fatigante dans le sable. Silencieusement, le soleil montait dans le ciel, et blanchissait peu à peu les falaises. Nos héros mirent la main sur le saya lorsqu’ils arrivèrent près de la grotte. Ils entrèrent ensemble. Les caisses étaient encore là, ainsi que la barque.
- Parfait, ne traînons pas, dit Sasuke.

Mitsurugi et Yojiro se mirent encore aux rames et les samuraï ressortirent en plein jour. Il fallait maintenant faire le tour du quart de l’île, au moins, puis repasser sur l’autre île. Indifférents à la fatigue, le Crabe et le Phénix ramèrent avec vigueur, la barque poussée par la brise marine. Venus du grand ouest, de grands nuages blancs n’en finissaient plus de s’étirer paresseusement dans le ciel.
- Allons, hardi ! se répétait Yojiro, qui avait des crampes partout.

On traversa l’étendue d’eau qui séparait les deux îles, et le spectacle qui s’offrit alors fut tragique. Sur la plage, étendus près des troncs de bois abattus, se trouvaient les marins. Les cabanes avaient été brûlées. Les quelques samuraï de rang qui encadraient les travailleurs avaient disparu. Pire que tout, le feu avait pris à l’avant du navire de Yojiro ! La proue de la Muraille flambait !
- Zakennayo, s’écria le Crabe, effrayé et meurtri comme si on assassinait sa famille sous ses yeux !
- Au navire, en vitesse, cria Mitsurugi, sans lui nous ne pourrons repartir !
Et même si on pouvait compter, au bout de quelques jours, sur l’aide de la Cité de la Forêt des Ombres, il ne faisait plus bon languir sur ces îles.
Hors de lui, Yojiro rama avec une ardeur folle, tandis que les flammes se répandaient sur son navire. La barque tapa contre la coque du navire et le Crabe, furieux, monta à l’échelle comme un possédé. Insouciant de savoir s’il y avait des ennemis à bord ou des blessés, il s’empara d’un seau, le remplit d’une flaque et s’attaqua au feu. Les autres samuraï arrivaient à bord et en faisaient le tour rapidement. Personne.
On organisa alors la chaîne. Ce ne fut pas simple. Depuis la barque, Mitsurugui prenait de l’eau avec un seau, le passait à Maya qui le hissait avec une corde, tandis que Yojiro jetait l’eau ; de son côté, Sasuke invoquait les esprits du feu pour repousser l’incendie. Peu à peu, les flammes perdirent en vigueur. Epuisé, les larmes aux yeux, Yojiro se laissa tomber sur le pont.
- Reste ici pour veiller sur le navire, proposa Mitsurugi. Nous, nous allons sur l’île chercher les survivants.
- Entendu, dit le Crabe.
Il était de toute façon essentiel que quelqu’un restât à bord pour garder le navire.
Les deux samuraï et l’Ize-Zumi arrivèrent sur la plage. On avait tué les hommes avec des flèches. Cela supposait des ennemis embusqués, tuant leurs cibles à couvert ; ce qui était bien la manière la plus déshonorable de se battre qui soit !
Il n’y avait pas le compte de travailleurs. Les autres s’étaient-ils enfui dans l’île ? Et où étaient passés les soldats ? De même, il y avait à bord de la Muraille, quand nos héros étaient partis, deux hommes ; eux aussi avaient disparu.
Mitsurugi observa le navire : le feu était définitivement circonscrit : les dégâts n’étaient pas trop importants. Le bas de certaines voiles était noirci, mais l’humidité de cette région avait empêché le navire de s’embraser comme une torche.
- Allons, il faut partir, dit Sasuke.
Mitsurugi cracha par terre.
- Il faut au moins ensabler les corps de ces malheureux.
C’était tout de même des travailleurs de son clan. On n’allait pas les laisser moisir en plein soleil. Les samuraï prirent une pelle et recouvrir les corps de sable. C’était bien le moins, à défaut de prendre le temps de les brûler.
Les samuraï rejoignirent le navire. Alors qu’ils approchaient, ils virent Yojiro leur hurler de se dépêcher. Craignant un danger, Mitsurugi et Sasuke ramèrent de plus belle et grimpèrent en vitesse à bord, aidés par le Crabe qui les accueillit avec sa poigne ferme.
- Par Hida, je viens d’apercevoir un navire, qui passait de l’autre côté de l’île d’à côté !
- Quoi, tu es sûr ?
- Certain ! Et ce n’était pas un navire yobanjin ! Il était de construction rokugani mais n’avait aucune marque de clan !
- Alors des pirates !
- Des pirates assez fous pour s’attaquer à des samuraï au lieu de prendre la poudre d’escampette, rugit le Crabe. Il faut les attraper !
- Tu penses pouvoir les rattraper avec ton navire ? dit Mitsurugi, sans équipage ?
- Il y a vous au moins, dit le Crabe. Je ne vaux sans doute pas un capitaine du clan de la Mante, mais je sais tenir la barre. Si vous suivez mes instructions, nous pouvons nous lancer sur leurs traces !
- Mais ce bateau n’est pas fait pour la haute mer, si ?
- Non, mais le bateau de ces pirates non plus. Donc nous ne devrions pas trop nous éloigner des côtes.
- Qu’en pensez-vous ? demanda Mitsurugi.
Maya et Sasuke firent signe qu’ils étaient d’accord.
- Excellent, dit Yojiro, alors hissez les voiles, moussaillons !


A suivre...Samurai
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