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17e Episode : L'ennemi de mon ennemi
#51
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Kokamoru connaissait Mamoru seulement sous le masque de Geki ; Mamoru se faufila, écarta d’autorité plusieurs gêneurs. Le Scorpion, qui discutait avec un marchand, vit venir à lui le grand rônin ; il le désigna du doigt au marchand et disparut dans une ruelle. Le marchand s’enfuit de son côté, Mamoru prit en chasse le Scorpion. Il entra dans une ruelle, où il le vit disparaître au coin en courant ; il tourna et le vit monter à l’échelle sur un toit où des femmes décrochaient leur linge. Mamoru allait prendre l’échelle, mais le Scorpion la décrocha. Elle se fendit à moitié par terre ; Kokamoru s’échappait en sautant sur le toit voisin.

Deux hommes accouraient vers Mamoru, armés de fines lames courbées. Le rônin fit craquer sa nuque et fit des mouvements de jambe. Il se lança comme un buffle sur ses deux assaillants et les envoya à terre la tête la première. Ils reçurent ensuite son poing dur comme la pierre en pleine figure. Il en arrivait un autre, qui hurlait à son dieu en accourant sabre au clair. Mamoru évita deux fois ses coups, recula pour décrocher son tetsubo accroché dans le dos et lui écrasa la tête contre un mur.

Il cracha par terre.
Kokamoru avait pris de l’avance. Mamoru trouva deux maisons plus loin une échelle et atteignit le toit. Kokamoru s’était retourné. Il avait un toit d’avance. Il était en train de calculer son élan. Mamoru se lança sans attendre, passa au-dessus du vide et arriva à quelques pas du Scorpion. A ce moment, ce dernier sautait sur le toit suivant, puis montait sur une terrasse et courait sur une échelle à l’horizontale, qu’il jetait derrière lui dans la rue. Il en fallait plus pour arrêter le grand rônin, lancé à pleine vitesse, qui s’élança encore au-dessus du vide. Deux assassins surgissaient alors d’une trappe et s’interposèrent.
Pas pour longtemps : Mamoru ne leur laissa pas le temps de respirer. Il en assomma un d’un coup de tetsubo et jeta l’autre par-dessus le toit comme un vieux paquet de linge sale. Il y eut un cri, puis un bruit d’os qui craquent. Kokamoru s’était engagé sur une corniche étroite ; la peur donnant des ailes, il franchit ensuite à la force des bras un grand fil à linge qui pendait entre deux bâtiments. Mamoru s’y pendit à son tour, mais le Scorpion le trancha d’un coup de wakisashi. Le rônin partit à travers la fenêtre d’une maison, s’écrasant dans une chambre. Il se releva, courut dans l’escalier et arriva dans la rue. Le Scorpion courait sur le toit.

Arrivaient encore deux assassins. Mamoru commençait à perdre patience ! Il se mit en garde avec sa masse ; il cassa le bras du premier qui allait le frapper, évita un coup qui allait lui percer l’aine et envoya un bon coup de son arme dans le ventre de l’autre, qui mordit la poussière, les viscères écrasés.
Kokamoru allait encore sauter un toit : il était bas et au moment où il bondissait, Mamoru l’attrapa par les chevilles et le plaqua à terre. Il essaya de se débattre, mais il avait Mamoru sur le dos, autant dire qu’il était écrasé sous une presse à métaux !
Il cessa de se débattre. Mamoru le releva et l’attrapa par le col :
- Où est votre planque ?...
Il n’eut pas besoin de menacer davantage. C’était comme ça les Scorpions : pour les rendre plus docile, il suffisait de les soumettre à une pression suffisante !
- Aïe, par là… par là !...
Mamoru le fit passer devant lui en lui tenant le bras dans le dos, prêt à le casser si l’autre essayait un de ces ruses coutumières de son clan.


Samurai


Ils entrèrent dans une petite pièce, dans une maison en pierre blanche. Mamoru ligota son prisonnier et s’assit face à lui, le tetsubo à portée de main. Il n’y avait plus qu’à attendre Sasuke !

Ce ne fut pas très long… Le shugenja arriva avec Petite Vérité devant lui. Il la tenait en respect avec son poing chauffé au rouge près de son dos.
- Allez, rentre, la vieille… Tiens, il y a déjà du monde ! Excellent ! La réunion peut commencer… Pas eu trop de mal, Mamoru ?
- Il sait courir, mais il ne saute pas assez bien.
- Les bushis ne savent pas sauter…

Sasuke attrapa une chaise et s’y assit à califourchon (comme les chaises n’existaient pas à Rokugan, il l’avait prise à l’envers sans le savoir) :
- Bon, on doit parler, vous deux…
Ils n’avaient pas fier allure, les deux serviteurs des ombres… Assis ligotés, ils tremblaient. On ne savait pas si c’était de peur ou d’accablement nerveux.
- Donc, nous avons le conseiller Kokamoru avec nous… Et à côté d’elle, un esprit échappé des Limbes…
- C’est ce démon, glapit-elle, qui m’a chassé de chez moi !
- Akuma, oui, dit Sasuke. Mais son sort est réglé.
- N’en soyez pas si sûr ! Ils ont la peau dure, les monstres de l’Outremonde !
- Il n’a pas l’air de vous effrayer plus que cela.
- J’en ai vu de bien pires, mon jeune ami… Tu oublies de qui j’ai été la servante…
- Petite Vérité, la confidente de Yogo, hein… Au fait, qui parmi vous deux s’est amusé à m’espionner dans la bibliothèque ?
Ils ne répondirent rien. Au sourire ironique de Kokamoru, que celui-ci ne parvenait pas à masquer, Sasuke sut que c’était lui.
- Vous aimez la plaisanterie, hein, conseiller…
- Ce n’est pas une plaisanterie… Vous n’êtes pas différent des autres samuraï, Sasuke. Vous avez des choses à cacher. C’est ça, votre bel honneur, au fond à tous, c’est d’arriver à cacher ce qui est déshonorable. Ca vous suffit à vous croire propres…
Sasuke ne répondit rien. La fragilité et la vilénie de ces deux personnages était palpable. Ils étaient lâches. On sentait des adversaires sans grandeur ; Sasuke aimait encore mieux affronter un démon sur la Muraille, il avait au moins affaire à un ennemi franc et massif. Eux n’étaient que des lâches.

- Quelle est cette malédiction que vous avez lancée sur le château de la pointe qui touche la lune ? De la magie de la famille Yogo ?
Kokamoru ricana.
- Un sort d’illusion provoquant la terreur, non ? continua Sasuke. Très puissant, j’ai l’impression. Qu’aviez-vous à cacher dans ce château ?... Vous y faisiez seulement des « répétitions » ?
Sasuke ne comprenait pas en fait ce qu’ils voulaient. Semer la terreur dans la cour d’hiver ? Pour le compte de qui ?...
- J’ai senti que c’était ce Asahina Jotemon qui menait votre groupe. Lui a l’air moins peureux que vous, on sent que c’est un chef. Que lui est-il arrivé ?
On pouvait se demander si c’était les ravages provoqués par Akuma qui avaient rendu Jotemon fou. Il avait pu trouver une alliée en la personne de Petite Vérité, elle aussi enragée par Akuma. Mais que venait faire le conseiller Kokamoru avec eux ?
- Vous cherchez quoi ? lui demanda Sasuke. A vous venger de quelqu’un ?
- Oui… dit le Scorpion.
Ce n’était pas original, mais cela pouvait amener un homme aux pires extrémités.
- Vous avez conclu un pacte avec ces deux réprouvés échappés des Limbes ? Ils vous ont accordé leur aide… En échange de quoi ?
Sasuke savait qu’il était sur la bonne voie. Seulement, plus il avançait, et moins il comprenait.
Mamoru attendait à la fenêtre. Il guettait au-dehors. De temps en temps, Sasuke lui jetait un œil et le rônin confirmait qu’il n’y avait pas de danger.

- Vous devriez partir, dit Kokamoru. Retourner à Rokugan tant qu’il en est temps…
- Je vous ai suivi pour mettre fin à la menace que vous représentez. Pour le moment, je pourrais vous considérer comme des serviteurs de l’Outremonde et vous brûler vifs. L’Inquisiteur Tadao me féliciterait.
- Vous vous trompez…
- Où est Asahina Jotemon ? C’est bien lui qui vous a entraînés ici. Que cherchez-vous dans les Sables Brûlants ? Vous fuyez Rokugan ? Je ne crois pas…
Petite Vérité ricana à son tour et cracha par terre. Kokamoru réprimait mal des mouvements de peur. Incapable de se contenir, il se mit à parler –ce qui surprit Sasuke, qui s’attendait à plus de résistance :
- Jotemon venait ici pour retrouver la tombe de Yogo… Il voulait capter le pouvoir de ce dernier…
- Ah oui, évidemment… Petite Vérité vous a dit où chercher son ancien maître… Et que compte-t-il faire avec ce pouvoir ?
- Il n’y a pas que Yogo, souffla Kokamoru. C’est bien pire… Vous devriez vous en aller !
- Mais tais-toi ! glapit la vieille femme. Tais-toi, donc !

Il baissait la tête, comme un enfant très intimidé par sa grand-mère. Des trois, il était vraiment le plus intimidé. Il faisait partie de ces êtres qui ne peuvent regarder les gens dans les yeux, qui n’arrivent à leurs fins que par la ruse. Le genre de personnage à qui on enverrait bien son poing dans la figure pour lui apprendre à être un homme.
- Je vais bien finir, dit Sasuke en s’approchant du Scorpion, par trouver ce que vous manigancez… Nous avons perdu beaucoup de temps à cause de vous. Si ce que cachent Jotemon et Yogo est si dangereux que cela, vous devriez me le dire…
- Tais-toi, tais-toi, tais-toi ! se met à hurler Petite Vérité.
- Bon, toi, tu nous fatigues, décide Sasuke.

Il la prend, ligotée qu’elle est, et la flanque carrément dans un coffre !
- Laissez-moi, laissez-moi !
Sasuke referme, met une malle au-dessus. On entend pendant un temps la vieille mégère qui tape du pied, puis elle se calme.
Le shugenja est pressé de reprendre sa discussion avec Kokamoru, qui est mieux disposé à parler.


Samurai


On entendit alors grincer à l’étage au-dessus, où cela devait être un grenier. Le soleil disparaissait rapidement, le froid arrivait vite. Kokamoru se recroquevillait de plus en plus.
Mamoru regarda Sasuke ; prit son tetsubo et gravit l’échelle qui menait en haut. Il ouvrit la trappe et passa la tête.

En bas, Sasuke et son prisonnier se turent et levèrent le nez. Mamoru avançait doucement, en garde. Le grenier était fort petit. Il n’y tenait que courbé en deux.
De vieilles malles, et surtout, le bois chaud et des repaires de rats. Le soleil, sanguin, touchait terre.

Mamoru allait redescendre quand il sentit quelqu’un juste derrière lui, littéralement collé !
Il fit volte-face, évita un coup de poignard qui siffla dans l’air ! Une haute silhouette, celle de Jotemon ! Mamoru savait qu’il n’était pas là la seconde d’avant !
- Mamoru ! cria Sasuke.

Un gros remue-ménage au grenier, des coups, des craquements affreux ; le tetsubo de Mamoru qui fracasse le sol, plusieurs coups de poings. Et soudain, le plafond éventré, et les deux grands hommes qui chutent ! C’est Jotemon qui atterrit sur le dos et qui amortit la chute de Mamoru. Ce dernier s’assoit sur lui et l’assomme d’un direct bien senti.
Il crache par terre et reprend son tetsubo. Si l’autre bouge, il va en recevoir une volée !
- Il a son compte, dit Sasuke… Bon, à nous deux, monsieur le conseiller… Parlez sans crainte, je pense que le seigneur Jotemon va devoir renoncer à ses espoirs de trouver Yogo. Du moins, de le trouver sans nous…



A suivre...Samurai
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#52
Bon je vanne je vanne mais j'ai oublié le plus important.
Nico : bravo pour tes textes, ils sont tout bonnement énormes!
Un jour faudrait songer à en faire quelque chose....


Reply
#53
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Yatsume marchait dans les rues de Medhin, la tête vide. Il lui fallait rentrer à Rokugan, c’était des semaines de voyage. Elle savait qu’il était dangereux de s’aventurer dans les montagnes à l’est du désert, car on les disait habitées de créatures gigantesques. Restait à faire le détour par les Royaumes d’Ivoire, par le chemin des marchands, vers le sud-est. Puis repasser dans la région dont Avishnar avait été prince, avec tous les risques que cela comportait –sans mentionner qu’ensuite, ce serait une incursion d’au moins trois jours dans l’Outremonde, en espérant ne pas être abattu à vue en arrivant en vue de la Muraille !

C’était à se demander si elle reverrait jamais Rokugan, sa fille… Tout cela pour ça !... Pour savoir qu’elle devait revenir d’où elle était partie ! C’était à cela que se résumait donc son périple : elle avait remué du sable !

Elle avait tout donné, comme ses acteurs qui finissent en nage à la fin de la pièce, comme ces généraux qui lancent leurs troupes pour un dernier assaut désespéré ! Elle n’avait à aucun moment économisé ses forces ; pendant le trajet entre la tour et Medhin, ils avaient enduré la fournaise, vu défiler des armées de samurai de la Ki-Rin avec la fière devise qui claquait au vent, « la chevauchée ou la mort » ; ils avaient passé un gouffre, franchi une falaise, trouvé mille moyens pour avancer encore, fait des détours à n’en plus finir… Et Yatsume avait choisi au ciel une étoile qui représentait sa fille, elle l’avait suivie. Elle n’avait cessé d’y croire, et elle n’avait vu que ces ruines, ces immortels déchus, un fou, des peuples braillards, la poussière et l’ennui…
Pourquoi les Ancêtres la mettaient-elle à si rude épreuve ?... Pour expier la mort de son mari, serait-elle condamnée à une errance infinie, dans les profondeurs inimaginables du désert ? L’avait-elle vraiment tué ?...

Elle végétait ainsi, comme si elle commençait à se pétrifier… Elle était à la sortie du bourg, avec face à elle ces montagnes majestueuses, sculptées par les dieux, la chaîne des sommets tâchés de neige… Elle recula devant une silhouette, eut un cri muet, étouffé par le vent ; elle recula encore d’un pas, à mesure que la forme se précisait. Elle ne voulait pas y croire. La dernière personne qu’elle s’attendait à rencontrer, sûrement un mirage de plus. Le début d’une seconde plongée dans la folie… (C’était ça, elle n’avait jamais quitté l’asile où elle avait mis sa fille au monde –fille qui n’avait jamais existé ! Jamais !... Pas de sable, rien que la neige, l’hiver de six années, l’enfer intérieur ; la pureté de la neige et des visages chéris.)

Elle tomba à genoux, vit le ciel nocturne basculer, les étoiles filer…
- Debout !
Elle gémissait…
- Debout !
Une forte poigne la tira, la remit debout. Elle vacilla, ferma les yeux. Montagnes sculptées, dessinées, mondes penchés…
- Yatsume ! Réponds !


Samurai


Mitsurugi.
C’était lui ! Et il était bien la preuve qu’elle n’avait pas quitté Rokugan. Elle n’avait pas bougé, pas bougé…
- Je t’ordonne de me répondre ! Sasuke et Mamoru sont là…

Oui, là, dans les souterrains du palais d’Ivoire de la Cité de la Pieuvre. Pas de désert, de tour, de nomades. Rien qu’une lente mort, les limbes du cœur qui n’ont pas de témoin.

- Les as-tu vus ?... Ils sont venus, il y a trois jours peut-être.

Elle renonça. Elle s’assit, elle dit que non, machinalement.

« Mille fois les tendres époux du jardin des rêves traversèrent la vallée des morts affamés ; harcelés, battus, humiliés, séparés… La mille et unième fois, ils moururent et devinrent des dieux, deux esprits au ciel entrelacés… » La prophétie d’Avishnar !

- Debout, suis-moi !

Mitsurugi l’avait à peine reconnue. Il la tenait par le bras, d’une poigne ferme. Elle n’était pas ivre mais c’est comme si elle flottait.


Samurai


Sasuke attendait que Kokamoru parle. Il était prêt à passer à d’autres méthodes, celles de ses salles d’interrogatoire.
On sentit alors le parquet craquer, certaines lattes se tordre sous l’effet d’une pression venue d’en-dessous, comme si des cafards grouillaient. Une main liquide noire sortit du bois, crispée, puis tout un bras. Le même liquide débordait du coffre où Petite Vérité avait été enfermée. Une autre main sortit du mur et agrippa Mamoru à la gorge ; une étreinte glaciale ; le rônin, suffoquant, s’en dégagea, tomba à genoux sur le sol mouvant, alors que d’autres mains surgissaient.

Sasuke invoquait mentalement les esprits du feu ; deux mains s’appuyaient sur le bois et Petite Vérité, difforme, enflée, étirée, apparaissait. Des ombres liquides coulaient, terrifiantes.
- Je vous avais dit de fuir, murmura Kokamoru.

Jotemon se redressait d’un coup, possédé. Mamoru le frappa ; la tête partit en arrière, sur un coup qui s’agrandit démesurément, et tout le corps de Jotemon craqua, se désarticula, ses bras touchaient terre ; il avança vers le rônin. Il reçut une boule de feu et partit à terre en hurlant. Sasuke hurla à son compagnon de s’enfuir par la fenêtre. Kokamoru sauta avant lui, les mains toujours attachées.
La chambre devenait un cloaque grouillant d’une vie ignoble. Des mains, des têtes se formaient dans les murs, Petite Vérité se distordaient et son visage se mettait à couler comme de la cire !
Des rires déments partaient de partout, venant d'ailleurs que de la bouche de Petite Vérité, qui riait en silence.

Sasuke, horrifié, mit le feu à la pièce et s’échappa le dernier. Lui et Mamoru tombèrent dans une ruelle. Kokamoru s’enfuyait ; ils lui coururent après. Une créature liquéfiée se forma devant eux, en silence, son énorme bouche pleine de dents et des griffes longues comme le bras.
Terrifiés, les deux hommes reculèrent. Mamoru vit alors un autre être difforme lui tomber dessus en sifflant. Sasuke se reprit, devint fou de rage et invoqua la puissance d’Osano-Wo en personne ! Un éclair blanc fracassa la créature, qui se mit à brûler de flammes blafardes, tandis que la première reculait.
Kokamoru était déjà loin. La poursuite reprit. En tirant sur ses poignets jusqu’au sang, le conseiller Scorpion parvint à se libérer en retenant un cri. Les larmes lui montaient aux yeux. Il vit une écurie avec des poneys et se jeta sur l’un d’eux. Sasuke et Mamoru arrivèrent juste derrière lui et sautèrent sur deux autres montures. Kokamoru partait à l’aveugle vers le désert. Ils galopèrent un moment ; Mamoru fut le premier à rattraper Kokamoru ; il prit son tetsubo et lui en balança un coup dans les côtes. Le cavalier se retourna en hurlant et sauta sur le rônin avec l’agilité d’un fauve. Le rônin roula par terre, saisi par une affreuse caricature d’homme, qui tremblait frénétiquement, et, détail horrifiant, n’avait plus de visage mais une surface parfaitement lisse ! Le poney de Mamoru et l’autre s’enfuirent, la bave aux lèvres. Celui de Sasuke se cabra. Le shugenja sauta à terre, se concentra à nouveau, tandis que Mamoru et son adversaire ectoplasmique luttaient et roulaient. Le rônin, qui avait le poing dur comme la pierre, assénait des coups propres à assommer un buffle, qui ne faisait que déformer la créature et la faire hurler, mais elle ne lâchait pas prise.

Sasuke abaissa violemment la main et un second éclair descendit des étoiles, qui éclata en plein sur l’horreur sans face. Mamoru, assourdi pour de bon, roula de côté et se tint les oreilles. Un vacarme insupportable y retentissait. Il recula, courbé en deux par la douleur, sans voir que le monstre derrière lui, se relevait, le corps liquéfié, semblable à une mare visqueuse soulevée par de grosses bulles.

Déliquescente, elle leva une sorte de pseudopode qui aurait pu être une main et envoya sur le rônin un éclair noir crépitant ; Mamoru partit au tapis. Il sentit son cœur s’arrêter, tous son corps devenir rigide ; il tressauta plusieurs fois, puis retomba, et les palpitations reprirent dans sa poitrine.
Une troupe de cavaliers, au moins dix, arrivaient ; les mêmes êtres qui hurlaient, et qui ressemblaient à des caricatures de Kokamoru. Sasuke fit se lever une barrière de feu autour de cette troupe. Les monstres reculèrent, terrifiés. L’un d’eux ne s’arrêta pas et alla s’immoler.
Puis le shugenja aida son compagnon à se relever ; ils partirent en courant vers Medhin. Le feu prenait aux cavaliers, qui périrent embrasés en fondant en un amas commun de matière poisseuse.



Samurai


Yatsume et Mitsurugi avaient entendu des cris et le bruit de la chevauchée. Ils virent passer un cavalier devant, à brides abattues. Yatsume reconnut Kokamoru et lui courut après. Mitsurugi suivit, la main sur le sabre. Ils arrivèrent au pied d’un petit temple entouré de colonnes torsadées.
Kokamoru se retrouva dos au mur.
- Rends-toi ! lui cria Mitsurugi, grondant de colère.

Le Scorpion fixait Yatsume. Mitsurugi s’approchait doucement, le sabre légèrement sorti du fourreau.
- Yatsume, lança le conseiller, j’ai voulu t’aider… J’ai invoqué le pouvoir de Yogo pour t’aider…
Yatsume s’arrêta, trébucha.
- Tais-toi…
Maintenant qu’elle était au bord de savoir, elle avait peur. Elle voulait pourtant aller au bout. Le Scorpion ne devait pas s’enfuir. Elle courut sur lui et le plaqua contre le mur ; Kokamoru eut une inspiration profonde, comme un souffle qui n’était pas le sien, et ils disparurent d’un coup dans les ombres !
Mitsurugi, dans l’obscurité, avait à peine vu ce qui s’était passé. Ahuri, il courut et ne trouva personne !

Il vit alors deux hommes accourir, épuisés. Il reconnut Sasuke et lui cria de venir. Le shugenja arriva, portant sur une épaule le massif Mamoru, qui s’écroula au sol.
- Il est en vie… mais il…
Sasuke ne savait pas comment expliquer !


Samurai


Un rayon de lune éclairait les colonnes torturées d’une salle immense, qui continuait à perte de vue. Yatsume lâcha Kokamoru, elle ne comprenait rien.
- Ecoute-moi…

Des coups sourds étaient frappés à la porte. Ils semblaient si lointains.
- J’avais peur, Yatsume… J’ai toujours eu peur. Peur du noir et des spectres… Peur pour moi et les autres… Quand j’étais au dojo, tu ne faisais pas attention à moi…
Il haletait. C’était trop tard pour le faire taire.
Yatsume s’adossa, saisie de vertige et de dégoût. Dégoût pour tous les êtres, dégoût incarné par Kokamoru.
- Je t’aimais… puis, ton mari…
Elle ne se souvenait même pas que Kokamoru avait fait le même dojo qu’elle.
- J’étais destinée à mon mari dès la naissance ! Tu n’avais aucune chance !
- Je l’ai haï, Yatsume… Profondément… J’aurais retourné la terre pour trouver un moyen de le tuer. Et j’ai su qu’il avait été corrompu…
- Pourquoi m’as-tu dit que c’était ce « Yaagoth » ?... C’est toi qui es un serviteur de ce démon ! De l’ancêtre maudit Yogo !...
- Je voulais… je devais trouver un moyen de le combattre… Je savais sa corruption. J’ai su presque en même temps que toi…
- Tu nous espionnais !
- Je ne pensais qu’à toi… Je n’avais que ce vice, obsessionnel. Non, même pas un vice. Défaire cette alliance monstrueuse pour toi. Je savais qu’il versait son sang pour les démons… Moi, je me suis enfui devant ce spectacle. J’étais terrifié par ce serviteur…
- Le pennagolan…
Tout s’éclairait… C’était si simple !
- Je suis parti dans les Sables Brûlants, je suis allé chercher le pouvoir de Yaagoth… Son nom m’a été soufflé par un membre de la famille Yogo qui avait déjà invoqué son nom. Une puissance capable seule de combattre l’Outremonde. Je suis allée la chercher pour toi. Je suis revenu, ne craignant plus rien. La peur avait disparu, j’étais libéré.
« Je l’ai tué, Yatsume. Je l’ai tué, j’ai frappé dix fois, vingt fois, il a agonisé alors que je l’étranglais car il ne voulait pas arrêter de respirer. La souillure giclait de partout, il était une éponge gorgée de mal… Le pennagolan était le seul témoin. Il a vu. Il est parti en courant parce qu’il avait vu que je pouvais tuer. Tuer…
« Toi, tu as cru avoir tué ton mari. Le clan te l’a laissé croire et t’a enfermée. Je suis venue te rendre visite. J’étais là quand un autre a voulu porter la main sur toi… Celui à qui tu as arraché le nez. Si tu n’avais pas attaquée la première, je l’aurais étranglé. Yogo me donnait la force d’arracher la tête d’un homme aussi facilement qu’on étrangle une poule !
« Et quand tu as accouché, j’ai veillé sur ta fille. Elle allait être emmenée par deux paysans qui l’auraient trucidée et enterrée dans le bois.

Yatsume faillit vomir. Elle s’assit, ses jambes ne la portaient plus. Kokamoru s’approcha en pleurant. Il était secoué par les sanglots et une haine dure, profonde, sûre d’elle-même.
- Ils allaient lui fracasser le crâne à coups de pioches. Ils l’avaient fait pour plein d’autres enfants. Ils ne les amenaient pas au temple de la Fortune des Sources, qui ne pouvait plus les accueillir et ils touchaient ensuite une récompense. Ils avaient trouvé un bois pour cela. Les enfants sont enterrés là-bas, sous la belle neige…
Il serrait Yatsume contre sa poitrine et lui caressait doucement les cheveux.
- Je suis arrivé à temps et je leur ai brisé la nuque. J’ai emmené l’enfant emmailloté. Si fragile, elle pleurait. Je l’ai laissée au temple où elle devait aller, avec une bonne somme pour la mère supérieure.
« Je suis venue la voir souvent, pour savoir si elle allait bien. Et j’ai appris que tu t’étais enfuie… Je suis malgré tout retourné voir ta fille…
Yatsume pleurait à chaudes larmes, défigurée par six années de chagrins et ces mois d’errance folle.
- Ta fille, Yatsume… Ou plutôt : notre fille.
Notre héroïne sursauta et Kokamoru la serra encore plus fort, lui caressait toujours les cheveux.
- Le soir où j’ai tué ton mari, j’ai demandé à Yogo de me prêter son apparence. Sous la lune, j’ai pris son visage, et je t’ai rejoint dans votre lit. J’ai passé la nuit avec toi… Et le lendemain, tu as trouvé ton mari , mort…

Yatsume eut un cri du plus profond désespoir. Elle revit tout défiler, elle revit la dernière nuit, l’homme qui était venu dans sa chambre… Elle releva les yeux vers Kokamoru, pour oser voir son tortionnaire, et, dans la lumière crue, elle vit qu’il n’avait plus de visage !
Asphyxiée, elle voulait se réveiller, que la danse du rêve cesse, mais rien ! Rien ! Le père de sa fille approchait d’elle, pitoyable, quémandant, d’une main qui tremblait… Elle fut prise d’une terreur qui aurait fendu le monde en deux et s’enfuit, hurlant pour devenir folle à jamais !
La porte du temple céda : Mitsurugi et Sasuke entrèrent, alors que Yatsume allait dans le sable, et hurlait et se débattait toute seule ! Mamoru, affaibli, se leva et la plaqua par terre en lui tenant les bras. Bientôt vaincue, Yatsume s’immobilisa. Elle n’eut pas la force de souffler à Mamoru de l’achever. Elle tendit la main quand elle se souvint que les deux Lions allaient retrouver Kokamoru, mais elle ne pouvait se dégager.


Samurai


Mitsurugi passait le premier, le sabre en main. Ils avancèrent vers le milieu du temple, qui était éclairé par la lune. Ils virent Asahina Jotemon qui leur faisait face, pendant que Kokamoru finissait d’accéder au toit par l’ouverture.
- Ecarte-toi !
- Attention à lui, fit Sasuke.
Jotemon ricana. Il leva les yeux vers Kokamoru, qui était debout sur le toit. Il tendit une main vers Sasuke, qui cria à Mitsurugi de s’écarter ; le shugenja poussa son ami derrière une colonne, et allait invoquer un pouvoir de protection. C’est alors qu’une lance vint transpercer de part en part Jotemon !
C’était un naginata, dont la lame de katana, étincelante, dégouttait des viscères et du sang blanchâtre du Réprouvé des Limbes. Jotemon s’effondra à terre, alors que Kokamoru poussait un cri de triomphe.
- Délivré ! Je suis délivré !...
Le Scorpion avait pris le naginata de Yatsume et venait de le lancer, rageur. Il partit en courant. Les deux Lions, furieux, agrippèrent une des colonnes torsadées et arrivèrent en quelques instants sur le toit.
Ils virent Kokamoru s’enfuir. Sasuke passa le doigt sur la lame de Mitsurugi, ce qui la rendit encore plus acérée, et invoqua son propre sabre de feu. Ils se jetèrent ensemble sur le conseiller et le transpercèrent deux fois chacun. Le Scorpion tomba ; ils le retournèrent et virent la tête de Petite Vérité !

Kokamoru était en bas. Yatsume était maintenue par Mamoru ; elle vit juste le Scorpion faire quelques pas, hors du temple, secoué d’un ricanement malsain et disparaître dans le sable.

Sur le toit, les deux Lions reprenaient leur souffle. Deux des Réprouvés échappés ne hanteraient plus le monde des vivants !
Le tour de Kokamoru viendrait vite !

Un attroupement avait commencé à se former autour du temple. Nos héros se réunirent devant les colonnades et firent face à la foule. S’il fallait se défendre contre la foule… Un miaulement… C’était le bakeneko qui arrivait. Il était suivi par Avishnar, qu’il était allé chercher à son auberge. La milice de la cité arrivait au pas de course.
Le chat fit une rapide danse devant nos héros et les cercles entrelacés s’illuminèrent. Ils sautèrent dans le passage et arrivèrent, la tête la première, couverts de sable, dans la neige.

Une épaisse couche qui amortit leur chute. Ils se relevèrent ; ils étaient au pied de la capitale des Crabes. On donnait une grande fête au palais. Des feux d’artifice partaient.

- L’ambassadeur Mitsurugi !
- Silence et ouvrez-nous !
Sasuke regarda les gardes dans les yeux, pour leur faire bien comprendre qu’ils ne devraient rien dire de cette arrivée nocturne.
- Yatsume, nous avons des choses à nous dire !
Mitsurugi la fit entrer la première dans le palais des Lions. Ils allèrent dormir et le lendemain, Yatsume était déjà repartie ! Elle n’avait rien dit à Mitsurugi.
Dans sa chambre, Doji Ikue avait pris son petit chat adoré dans ses bras et le faisait tourner.
- Oh le vilain minou qui s’était enfui ! Comment peux-tu être si vilain !
De sa fenêtre, la douce jeune fille aurait pu voir des pas qui allaient vers la porte nord. Les pas de Yatsume, équipée pour le froid, son naginata dans le dos, qui avançait face à la brume neigeuse. Elle irait au temple de la Fortune des Sources, elle en sortirait sa fille, et alors tout serait bien, oui, tout serait bien qui finirait bien.




SamuraiFORCE ET HONNEUR, SAMURAI !Samurai
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#54
Haha t'as pas menti, c'te monument:shock:bravo

Je vais me savourer ça quand mon alcolémie résiduelle aura disparubiggrin
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#55
Rhooo mais.... mais.... mais .....
pffff.... rhoooo .... gniiiiii .....
Beuhhhhh ....
JE KIFFFFFFEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE LA SUITE LA SUITE LA SUITE!!!
trop bon!

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#56
Olala c'est trop bon, trop gros, chapeau basYaisse
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#57
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Bonus : scène coupée au montage<!--sizec--><!--/sizec-->

Yatsume et Avishnar ont quitté la tour de Yogo. Ils doivent maintenant traverser le désert du nord au sud, pour arriver à Medhin...



Samurai


Yatsume et Avishnar avaient trouvé une caravane qui les emmenait directement à Medinat’Al Salaam, capitale des Sables Brûlants, la plus grande Cité du monde.

Dans une auberge d’un quartier populaire, ils faisaient des plans pour la suite du voyage :
- Bon, alors attends, Avish’… Pour aller à Medhin depuis ici, on a un départ demain à l’heure de Shinjo, qui nous met à Medhin le lendemain pour l’heure d’Akodo, avec une escale à la Cité du Python Rouge… Sinon : départ dans deux jours, c’est direct pour Medhin, mais il faut aller dans une autre ville au sud.
- C’est comme tu veux, dit Avishnar distrait, accoudé au balcon, pendant que des danseuses du ventre, plus qu’à moitié nues, défilaient dans la rue.
- Attends, j’ai mieux ! Dépêche-toi ! Un aller direct pour Medhin, de nuit, mais il part dans une heure ! On a le temps de l’attraper !
- Quoi, tu es sûre ?
- Oui, oui !
Ils prirent leurs bagages à toute vitesse, dévalèrent l’escalier ; Yatsume lança une poignée de dinars au patron derrière son comptoir ; dans le hall, ils bousculèrent plusieurs personnes avec leurs sacs pleins à craquer. Dans la rue, c’était un véritable embouteillage de chameaux et de dromadaires. Des cris de marchands, des beuglements, c’était le raffût, le tintarmarre !
- Taksih ! Taksih ! criait Avishnar.
- Laisse, il est déjà complet !
Un chameau passait en effet, chargé de trois grosses matrones qui portaient des cages pleines de poules.
- Hé, là, taksih ! cria Yatsume.
C’était un petit indigène à barbiche, monté sur un âne.
- Il avance votre bourricot, là ? il faut qu’on soit à R’Wa-Ssih dans moins d’une heure !
- Hééééé… y a pas de problème, ma jolie ! Mon âne, sur la TÊTE DU CALIFE, il se faufile partout dans le trafic ! Montez !

Ils enfourchèrent l’animal, leurs paquets coincés sous les bras. Le chauffeur n’avait pas menti : le brave quadrupède passait entre les files de chameaux, les étals et dans les petites ruelles désertes. Il ne craignait pas non plus les dos de dromadaires qui servaient de ralentisseur sur la piste. Dans la dernière ligne droite, il piqua même une jolie course, titillant plusieurs magnifiques bêtes dont les cavaliers furent vexés !
- Yalaahh ! Yalaahhh !... Hahaha, champion du monde !...

Les grands bâtiments de R’Wa-Ssih étaient aussi encombrés que la ville.
- Et voilà ma princesse !...
Nos deux héros descendirent en vitesse, payèrent et entamèrent leur course folle à travers les couloirs du grand palais :
- Les départs pour Medhin ?
- Couloir vert, porte de l’Anaconda !
- Merci !
Les boutiques, les tavernes, les marchands à la sauvette, il fallait tout traverser sans se prendre les pieds. Du haut de grands minarets, plusieurs muezzins lançaient des annonces :
- Yalaaah !... Tous les passagers, j’t’il dit, tous les passagers pour Medhin, c’est départ immédiat, nardin’amok, ou bien tu restes ici jusqu’à demain ! Yalaaahh !
En sueur, les genoux tremblants, les paquets prêts à craquer, nos deux héros arrivèrent à la porte indiquée. Yatsume posa ses dinars sur le comptoir de la compagnie « Crotale Express » :
- Deux… places !... s’il vous plait !
- Narguileh ou non-narguileh ?
- Non-naerguileh.
- Combien de bagages ? dit l’hôtesse en remettant bien son voile doré devant sa bouche. Il faut les étiqueter, et vous les déposez ici… L’arme, là, il faut la déclarez à la douane, et vous la faites emballer.
Elle frappa deux coups secs dans ses mains et un gros porteur Noir, aussi large que haut, vint prendre leurs bagages sur ses épaules.
Elle continua ensuite à se repeindre les ongles et à regarder son catalogue de vente de babouches.
Le douanier, un obèse à la peau marron, regardait le naginata, soupçonneux :
- C’est de l’article d’importation, ça… Il va y avoir une taxe, ma p’tite dame… Vous venez d’où ?
- Rokugan.
- Et lui ?
- Royaumes d’Ivoire.
- Mouais, pas en règle tout ça…
Yatsume laissa négligemment tomber quelques pièces sur le bureau :
- Oh, pardon, mes pièces…
Le douanier jeta un œil à gauche, un œil à droite, fit disparaitre les pièces dans sa poche et maugréa :
- Bon, vous avez de la chance de tomber sur moi, parce que j’ai des collègues qui, hein… Allez, vous êtes bons !

Il fallut faire la queue pour passer au contrôle et attendre pour l’embarquement, dans une salle bondée de monde.
- Bon, c’est la zone hors-taxe, Avish’… Je vais faire les boutiques ! Le shao-ping !
En moins d’une demi-heure, Avishnar était déjà encombré de quatre gros paquets.
- Il est bien ce parfum, sens moi ça… C’est un peu le même qu’Ikue…
Avishnar fit la grimace.
- Et ce sac, là, je suis sûr que ça plairait à Sasuke… Pour ranger ses parchemins.
Il y avait une table de massage, où officiait le frère aîné du porteur de bagages : il était encore plus gros. Avec ses énormes pattes, il claquait le dos des gens et les malaxait comme de la pâte à pain. Avishnar regrettait déjà d’avoir essayé... De sa grosse voix, le masseur le rassurait :
- Ya beaucoup de tensions, là, monsieur ! On va faire disparaître tout ça ! Hooouu, pas d’inquiétude !
Yatsume essayait quelques modèles de cimeterre ; elle faisait des grands moulinets et venait de couper en deux le turban de deux hommes qui fumaient le narguileh dans l’échoppe d’à côté. Ils hurlaient des injures qu’on devinait aussi imagées qu’ordurières :
- Mais oui mais désolé, messieurs, répondait Yatsume, mais vous êtes dans la zone d’entraînement !... Que voulez-vous que j’y fasse !... Vous êtes commerçants, je le conçois bien, mais c’est grâce à des gens comme moi, qui savent se battre, que vos marchandises arrivent à bon port, alors bon, hein…
Elle laissa là ces deux grincheux.
- Pardon, les départs pour Medhin, c’est où ?
- Là-bas, dit un garde, la grande terrasse… Porte Anaconda.
- Merci !
Il fallut encore se presser pour aller sur la terrasse d’embarquement. Il y avait des familles. On bavardait, on échangeait des nouvelles, on regardait le ciel, un peu inquiets :
- Ils annoncent une tempête de sable sur la route sud…
- Mon astrologue affirme que rien ne nous arrivera… Et il se trompe rarement.
- Rarement ! Mais ça peut arriver !

Deux personnages richement vêtus arrivaient, avec des costumes bleu et blanc, ainsi que de beaux turbans ornés d’une émeraude. Ils avaient l’air dégagé, souriant ; ils étaient suivis par trois femmes voilées, qui riaient en se racontant leurs histoires.
- Attention !... cria le muezzin… Pour Medhin !... L’embarquement, il est immédiat !... Sinon, tu dors ici ! Pas de pot, ta belle-mère a une chambre d’amis !
Quatre serviteurs arrivaient en sifflotant.
Ils portaient sur leurs épaules un énorme tapis roulé. Ils le déplièrent sur la terrasse et on en vit apparaître les somptueux motifs multicolores et complexes. Les passagers commencèrent à monter dessus et à s’installer sur les coussins roses.
- Je veux être près du bord, criait un gamin.
- D’accord, mais tu te tiens à moi ! disait sa mère.
- Rangée 15, c’est au fond, les deux sièges près du bord, expliquait l’hôtesse à nos deux héros.
- Tu as déjà pris ce genre d’engins, Avish’ ?
- Evidemment, fit l’ancien raja en haussant les épaules. Toi jamais ?
Il regardait Yatsume comme une arriérée.
- Nous, on n’utilise pas que éléphants, hein… Vous si ?
Ils devaient être vraiment misérables à Rokugan de ne pas avoir de tapis volants !
On se serrait, on s’installait. Un groupe de jeunes étudiants de la fac de théologie installaient leur narguileh ; ils riaient en se racontant des histoires qui devaient être très drôles :
- Héhé, et alors, tu as le cheik qui va voir le grand ayatollah…
- Hahahaha !...
L’hôtesse prenait la parole avec une corne en cuivre pour amplifier sa voix :
- Bienvenue à bord de ce tapis de la compagnie « Crotale Express » à destination de Medhin. Notre vol sera sans escale ; la durée du vol sera d’environ dix-huit heures. Notre altitude sera d’environ 100 mètres… Veuillez penser à bien sangler vos bagages sur le tapis et à attacher vos ceintures. Je vous rappelle que seul l’avant de l’appareil est en zone fumeur.
"Pour ceux qui désirent abandonner leur religion impie tant qu’il est encore tant, notre mollah va passer parmi vous avant le décollage, pour convertir les infidèles à la Parole Sacrée du Grand Calife.
"Dans tous les cas, avant le décollage, n’oubliez pas de faire vos prières à votre divinité tutélaire. Incluez dans vos prières l’ensemble des passagers ainsi que le personnel de bord, au cas où votre dieu serait effectivement meilleur que celui des autres…
"Crotale Express est membre du groupe « Air-Désert » et sera heureuse de vous offrir vos points-bonus à notre arrivée à Medhin. Ces points sont valables sur tous les trajets du groupe. Jouez également avec nous à notre grand concours « Pacha » en grattant le numéro mystère sur votre billet. Il vous permet de participer à la prochaine tombola de Mahudin, où le gros lot sera un harem complet d'une quarantaine de femmes. Merci et bon vol.

Avishnar grattait avec frénésie son ticket : il vit qu’il n’avait gagné qu’une boîte de loukhoums. Il ronchonna sur son siège, pendant que, depuis le minaret de contrôle, le muezzin criait l’autorisation de décollage.
Le tapis racla le sol de la terrasse du palais, tressauta et s’envola d’un coup.
Les passagers découvraient le plus merveilleux spectacle de l’univers : une vue sur la Cité magnifique de Medinat Al’Salaam, la perle du désert.
On prit encore de l’altitude, pour rejoindre le grand ciel tout bleu. Il y eut quelques tressautements ; les gens poussaient des petits rires nerveux. Quand la vitesse de croisière fut atteinte, les hôtesses de l’air passèrent dans les rangs avec le chariot de boissons :
- Et pour vous, monsieur ?
- Un khâfé, avec deux sucres, dit Avishnar.
- Un thé pour moi, dit Yatsume.
Elle renifla le liquide noir de la tasse de son ami :
- Beuh, c’est quoi ça ?
- Ben… du khafé…
Ils n’avaient donc pas ça non plus à Rokugan !
- A votre gauche, signala le capitaine, je vous signale le gouffre de la mort blanche. Et bientôt, nous survolerons la célèbre falaise d’où ceux que le Calife condamne à mort sont jetés.
Tout le monde fit « ooohhh » en chœur.
- Il faudra qu’on envoie un pigeon voyageur à Mitsurugi, songea Yatsume. Et il faut que je me renseigne sur les autorisations d’entrée sur le territoire de Rokugan, pour Avishnar…
L’hôtesse distribuait des parchemins à remplir pour la douane. Il s’agissait de cocher oui ou non à une suite de questions : Venez-vous à Medhin pour y perpétrer un attentat ? Avez-vous été en contact avec l’Outremonde durant votre vie ? Transportez-vous de la poudre explosive ? Avez-vous déjà fait usage de la magie de l’ombre, ou été confrontée à ses effets ?
Yatsume hésita pour la dernière question et cocha « non » en regardant autour d’elle d’un air coupable.

Pendant le vol, un des passagers se révéla être un dangereux terroriste qui voulait détourner le tapis pour aller le faire s’écraser contre un palais à Mahudin. Les passagers, morts de peur, réussirent à s’échapper du tapis, juste au moment où on passait au-dessus d’un des rares lacs du trajet. Ce fut un beau plongeon collectif !
Le terroriste continua seul et on le vit, dans l’aube naissante, aller s’écraser la tête la première contre les murailles. Il poussa un cri pathétique et alla s’écrasa au pied des gardes qui somnolaient.
- Crétin, fit Yatsume en sortant de l’eau. Il nous a fait perdre du temps… Allez, en route Avi’ ! Faut qu’on soit à Medhin avant le lever du soleil ! On ne va pas y passer mille et une nuits !

On n’avait jamais le temps de s’ennuyer dans les Sables Brûlants !


Samurai
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#58
HAHAHAHA
[Image: 190387532285.gif]

Excellentissime!!! merveillissime!!!!

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#59
Terriblemdr, tu es vraiment fousmile
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#60
Franchement, les scènes coupées elles déchirent trop, ca me rappelle celle sur les commentateurs!!!ptdr
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