21-07-2010, 08:08 AM
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Kokamoru connaissait Mamoru seulement sous le masque de Geki ; Mamoru se faufila, écarta d’autorité plusieurs gêneurs. Le Scorpion, qui discutait avec un marchand, vit venir à lui le grand rônin ; il le désigna du doigt au marchand et disparut dans une ruelle. Le marchand s’enfuit de son côté, Mamoru prit en chasse le Scorpion. Il entra dans une ruelle, où il le vit disparaître au coin en courant ; il tourna et le vit monter à l’échelle sur un toit où des femmes décrochaient leur linge. Mamoru allait prendre l’échelle, mais le Scorpion la décrocha. Elle se fendit à moitié par terre ; Kokamoru s’échappait en sautant sur le toit voisin.
Deux hommes accouraient vers Mamoru, armés de fines lames courbées. Le rônin fit craquer sa nuque et fit des mouvements de jambe. Il se lança comme un buffle sur ses deux assaillants et les envoya à terre la tête la première. Ils reçurent ensuite son poing dur comme la pierre en pleine figure. Il en arrivait un autre, qui hurlait à son dieu en accourant sabre au clair. Mamoru évita deux fois ses coups, recula pour décrocher son tetsubo accroché dans le dos et lui écrasa la tête contre un mur.
Il cracha par terre.
Kokamoru avait pris de l’avance. Mamoru trouva deux maisons plus loin une échelle et atteignit le toit. Kokamoru s’était retourné. Il avait un toit d’avance. Il était en train de calculer son élan. Mamoru se lança sans attendre, passa au-dessus du vide et arriva à quelques pas du Scorpion. A ce moment, ce dernier sautait sur le toit suivant, puis montait sur une terrasse et courait sur une échelle à l’horizontale, qu’il jetait derrière lui dans la rue. Il en fallait plus pour arrêter le grand rônin, lancé à pleine vitesse, qui s’élança encore au-dessus du vide. Deux assassins surgissaient alors d’une trappe et s’interposèrent.
Pas pour longtemps : Mamoru ne leur laissa pas le temps de respirer. Il en assomma un d’un coup de tetsubo et jeta l’autre par-dessus le toit comme un vieux paquet de linge sale. Il y eut un cri, puis un bruit d’os qui craquent. Kokamoru s’était engagé sur une corniche étroite ; la peur donnant des ailes, il franchit ensuite à la force des bras un grand fil à linge qui pendait entre deux bâtiments. Mamoru s’y pendit à son tour, mais le Scorpion le trancha d’un coup de wakisashi. Le rônin partit à travers la fenêtre d’une maison, s’écrasant dans une chambre. Il se releva, courut dans l’escalier et arriva dans la rue. Le Scorpion courait sur le toit.
Arrivaient encore deux assassins. Mamoru commençait à perdre patience ! Il se mit en garde avec sa masse ; il cassa le bras du premier qui allait le frapper, évita un coup qui allait lui percer l’aine et envoya un bon coup de son arme dans le ventre de l’autre, qui mordit la poussière, les viscères écrasés.
Kokamoru allait encore sauter un toit : il était bas et au moment où il bondissait, Mamoru l’attrapa par les chevilles et le plaqua à terre. Il essaya de se débattre, mais il avait Mamoru sur le dos, autant dire qu’il était écrasé sous une presse à métaux !
Il cessa de se débattre. Mamoru le releva et l’attrapa par le col :
- Où est votre planque ?...
Il n’eut pas besoin de menacer davantage. C’était comme ça les Scorpions : pour les rendre plus docile, il suffisait de les soumettre à une pression suffisante !
- Aïe, par là… par là !...
Mamoru le fit passer devant lui en lui tenant le bras dans le dos, prêt à le casser si l’autre essayait un de ces ruses coutumières de son clan.

Ils entrèrent dans une petite pièce, dans une maison en pierre blanche. Mamoru ligota son prisonnier et s’assit face à lui, le tetsubo à portée de main. Il n’y avait plus qu’à attendre Sasuke !
Ce ne fut pas très long… Le shugenja arriva avec Petite Vérité devant lui. Il la tenait en respect avec son poing chauffé au rouge près de son dos.
- Allez, rentre, la vieille… Tiens, il y a déjà du monde ! Excellent ! La réunion peut commencer… Pas eu trop de mal, Mamoru ?
- Il sait courir, mais il ne saute pas assez bien.
- Les bushis ne savent pas sauter…
Sasuke attrapa une chaise et s’y assit à califourchon (comme les chaises n’existaient pas à Rokugan, il l’avait prise à l’envers sans le savoir) :
- Bon, on doit parler, vous deux…
Ils n’avaient pas fier allure, les deux serviteurs des ombres… Assis ligotés, ils tremblaient. On ne savait pas si c’était de peur ou d’accablement nerveux.
- Donc, nous avons le conseiller Kokamoru avec nous… Et à côté d’elle, un esprit échappé des Limbes…
- C’est ce démon, glapit-elle, qui m’a chassé de chez moi !
- Akuma, oui, dit Sasuke. Mais son sort est réglé.
- N’en soyez pas si sûr ! Ils ont la peau dure, les monstres de l’Outremonde !
- Il n’a pas l’air de vous effrayer plus que cela.
- J’en ai vu de bien pires, mon jeune ami… Tu oublies de qui j’ai été la servante…
- Petite Vérité, la confidente de Yogo, hein… Au fait, qui parmi vous deux s’est amusé à m’espionner dans la bibliothèque ?
Ils ne répondirent rien. Au sourire ironique de Kokamoru, que celui-ci ne parvenait pas à masquer, Sasuke sut que c’était lui.
- Vous aimez la plaisanterie, hein, conseiller…
- Ce n’est pas une plaisanterie… Vous n’êtes pas différent des autres samuraï, Sasuke. Vous avez des choses à cacher. C’est ça, votre bel honneur, au fond à tous, c’est d’arriver à cacher ce qui est déshonorable. Ca vous suffit à vous croire propres…
Sasuke ne répondit rien. La fragilité et la vilénie de ces deux personnages était palpable. Ils étaient lâches. On sentait des adversaires sans grandeur ; Sasuke aimait encore mieux affronter un démon sur la Muraille, il avait au moins affaire à un ennemi franc et massif. Eux n’étaient que des lâches.
- Quelle est cette malédiction que vous avez lancée sur le château de la pointe qui touche la lune ? De la magie de la famille Yogo ?
Kokamoru ricana.
- Un sort d’illusion provoquant la terreur, non ? continua Sasuke. Très puissant, j’ai l’impression. Qu’aviez-vous à cacher dans ce château ?... Vous y faisiez seulement des « répétitions » ?
Sasuke ne comprenait pas en fait ce qu’ils voulaient. Semer la terreur dans la cour d’hiver ? Pour le compte de qui ?...
- J’ai senti que c’était ce Asahina Jotemon qui menait votre groupe. Lui a l’air moins peureux que vous, on sent que c’est un chef. Que lui est-il arrivé ?
On pouvait se demander si c’était les ravages provoqués par Akuma qui avaient rendu Jotemon fou. Il avait pu trouver une alliée en la personne de Petite Vérité, elle aussi enragée par Akuma. Mais que venait faire le conseiller Kokamoru avec eux ?
- Vous cherchez quoi ? lui demanda Sasuke. A vous venger de quelqu’un ?
- Oui… dit le Scorpion.
Ce n’était pas original, mais cela pouvait amener un homme aux pires extrémités.
- Vous avez conclu un pacte avec ces deux réprouvés échappés des Limbes ? Ils vous ont accordé leur aide… En échange de quoi ?
Sasuke savait qu’il était sur la bonne voie. Seulement, plus il avançait, et moins il comprenait.
Mamoru attendait à la fenêtre. Il guettait au-dehors. De temps en temps, Sasuke lui jetait un œil et le rônin confirmait qu’il n’y avait pas de danger.
- Vous devriez partir, dit Kokamoru. Retourner à Rokugan tant qu’il en est temps…
- Je vous ai suivi pour mettre fin à la menace que vous représentez. Pour le moment, je pourrais vous considérer comme des serviteurs de l’Outremonde et vous brûler vifs. L’Inquisiteur Tadao me féliciterait.
- Vous vous trompez…
- Où est Asahina Jotemon ? C’est bien lui qui vous a entraînés ici. Que cherchez-vous dans les Sables Brûlants ? Vous fuyez Rokugan ? Je ne crois pas…
Petite Vérité ricana à son tour et cracha par terre. Kokamoru réprimait mal des mouvements de peur. Incapable de se contenir, il se mit à parler –ce qui surprit Sasuke, qui s’attendait à plus de résistance :
- Jotemon venait ici pour retrouver la tombe de Yogo… Il voulait capter le pouvoir de ce dernier…
- Ah oui, évidemment… Petite Vérité vous a dit où chercher son ancien maître… Et que compte-t-il faire avec ce pouvoir ?
- Il n’y a pas que Yogo, souffla Kokamoru. C’est bien pire… Vous devriez vous en aller !
- Mais tais-toi ! glapit la vieille femme. Tais-toi, donc !
Il baissait la tête, comme un enfant très intimidé par sa grand-mère. Des trois, il était vraiment le plus intimidé. Il faisait partie de ces êtres qui ne peuvent regarder les gens dans les yeux, qui n’arrivent à leurs fins que par la ruse. Le genre de personnage à qui on enverrait bien son poing dans la figure pour lui apprendre à être un homme.
- Je vais bien finir, dit Sasuke en s’approchant du Scorpion, par trouver ce que vous manigancez… Nous avons perdu beaucoup de temps à cause de vous. Si ce que cachent Jotemon et Yogo est si dangereux que cela, vous devriez me le dire…
- Tais-toi, tais-toi, tais-toi ! se met à hurler Petite Vérité.
- Bon, toi, tu nous fatigues, décide Sasuke.
Il la prend, ligotée qu’elle est, et la flanque carrément dans un coffre !
- Laissez-moi, laissez-moi !
Sasuke referme, met une malle au-dessus. On entend pendant un temps la vieille mégère qui tape du pied, puis elle se calme.
Le shugenja est pressé de reprendre sa discussion avec Kokamoru, qui est mieux disposé à parler.

On entendit alors grincer à l’étage au-dessus, où cela devait être un grenier. Le soleil disparaissait rapidement, le froid arrivait vite. Kokamoru se recroquevillait de plus en plus.
Mamoru regarda Sasuke ; prit son tetsubo et gravit l’échelle qui menait en haut. Il ouvrit la trappe et passa la tête.
En bas, Sasuke et son prisonnier se turent et levèrent le nez. Mamoru avançait doucement, en garde. Le grenier était fort petit. Il n’y tenait que courbé en deux.
De vieilles malles, et surtout, le bois chaud et des repaires de rats. Le soleil, sanguin, touchait terre.
Mamoru allait redescendre quand il sentit quelqu’un juste derrière lui, littéralement collé !
Il fit volte-face, évita un coup de poignard qui siffla dans l’air ! Une haute silhouette, celle de Jotemon ! Mamoru savait qu’il n’était pas là la seconde d’avant !
- Mamoru ! cria Sasuke.
Un gros remue-ménage au grenier, des coups, des craquements affreux ; le tetsubo de Mamoru qui fracasse le sol, plusieurs coups de poings. Et soudain, le plafond éventré, et les deux grands hommes qui chutent ! C’est Jotemon qui atterrit sur le dos et qui amortit la chute de Mamoru. Ce dernier s’assoit sur lui et l’assomme d’un direct bien senti.
Il crache par terre et reprend son tetsubo. Si l’autre bouge, il va en recevoir une volée !
- Il a son compte, dit Sasuke… Bon, à nous deux, monsieur le conseiller… Parlez sans crainte, je pense que le seigneur Jotemon va devoir renoncer à ses espoirs de trouver Yogo. Du moins, de le trouver sans nous…
A suivre...
